Jurisprudence : CJCE, 21-03-2000, aff. C-110/98, Gabalfrisa SL e.a. c/ Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT), TVA : qualité d'assujetti ouvrant droit à déductibilité de la taxe, TVA : qualité d'assujetti ouvrant droit à déductibilité de la taxe

CJCE, 21-03-2000, aff. C-110/98, Gabalfrisa SL e.a. c/ Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT), TVA : qualité d'assujetti ouvrant droit à déductibilité de la taxe, TVA : qualité d'assujetti ouvrant droit à déductibilité de la taxe

A1997AIS

Référence

CJCE, 21-03-2000, aff. C-110/98, Gabalfrisa SL e.a. c/ Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT), TVA : qualité d'assujetti ouvrant droit à déductibilité de la taxe, TVA : qualité d'assujetti ouvrant droit à déductibilité de la taxe. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/897986-cjce-21032000-aff-c11098-gabalfrisa-sl-ea-c-agencia-estatal-de-administracion-tributaria-aeat-tva-qu
Copier
Cour de justice des Communautés européennes

21 mars 2000

Affaire n°C-110/98

Gabalfrisa SL e.a.
c/
Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT)



61998J0110

Arrêt de la Cour
du 21 mars 2000.

Gabalfrisa SL e.a. contre Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT).

Demande de décision préjudicielle: Tribunal Económico-Administrativo Regional de Cataluña - Espagne.

Notion de juridiction nationale au sens de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE) - Recevabilité - Taxe sur la valeur ajoutée - Interprétation de l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE - Déduction de la taxe payée en amont - Activités préalables à la réalisation régulière des opérations économiques.

Affaires jointes C-110/98 à C-147/98.

Recueil de Jurisprudence

Edition française 2000 page I-1577

1 Questions préjudicielles - Saisine de la Cour - Juridiction nationale au sens de l'article 177 du traité (devenu article 234 CE) - Notion - Tribunales Económico-Administrativos compétents pour connaître des réclamations fiscales - Inclusion

(Traité CE, art. 177 (devenu art. 234 CE))

2 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Déduction de la taxe payée en amont - Activités préalables à la réalisation habituelle des opérations taxées - Conditions - Non-respect - Sanction - Perte ou report d'exercice du droit à déduction - Inadmissibilité

(Directive 77/388, art. 17)

1 Pour apprécier si un organe de renvoi possède le caractère d'une juridiction au sens de l'article 177 du traité (devenu article 234 CE), il importe de tenir compte d'un ensemble d'éléments, tels l'origine légale de l'organe, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l'application, par l'organe, des règles de droit, ainsi que son indépendance. Satisfont à ces critères les Tribunales Económico-Administrativos en Espagne qui sont compétents pour connaître des réclamations fiscales.

(voir points 33, 41)

2 L'article 17 de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires s'oppose à une réglementation nationale qui subordonne l'exercice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par un assujetti avant le début de la réalisation habituelle des opérations taxées à certaines conditions, telles que la présentation d'une demande expresse en ce sens avant que la taxe ne soit devenue exigible et le respect d'un délai d'un an entre cette présentation et le début effectif des opérations taxées, et qui sanctionne le non-respect de ces conditions par la perte du droit à déduction ou par le report de l'exercice de ce droit jusqu'au début effectif de la réalisation habituelle des opérations taxées.

(voir point 55 et disp.)

Dans les affaires jointes C-110/98 à C-147/98,

ayant pour objet des demandes adressées à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Tribunal Económico-Administrativo Regional de Cataluña (Espagne) et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

Gabalfrisa SL e.a.

Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT),

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1),

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur), L. Sevón et R. Schintgen, présidents de chambre, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, J.-P. Puissochet, G. Hirsch, P. Jann, H. Ragnemalm et M. Wathelet, juges,

avocat général: M. A. Saggio,

greffier: M. R. Grass,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Tarragona 161 SA (C-112/98 et C-136/98), par Mes F. Alonso Fernández, E. Andres et M. A. Azpeitia Gamazo, avocats au barreau de Madrid,

- pour Gran Vía Zaragoza SA (C-116/98 et C-118/98 à C-120/98), par M. M. Laborda Aured, mandataire,

- pour Savigi 89 SA (C-123/98), par Me G. Galiano Quesada, avocat au barreau de Barcelone,

- pour Plácida Jiménez SL (C-125/98), par Mme J. Jiménez Cano, mandataire,

- pour Jesús Corral García (C-132/98), par lui-même,

- pour Gesba SA (C-137/98), par M. M. Casasus Camps, mandataire,

- pour Estació de Servei El Trevol SL (C-138/98), par Me J. Gibert Canet, avocat au barreau de Barcelone,

- pour Bungy Fun Germany GBDR (C-147/98), par Me F. Marcos, avocat au barreau de Tarragone,

- pour le gouvernement espagnol, par Mme M. López-Monís Gallego, abogado del Estado, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement hellénique, par M. M. Apessos, conseiller juridique adjoint auprès du Conseil juridique de l'État, et Mme A. Rokofyllou, auditrice au service juridique spécial - section de droit européen du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. M. Díaz-Llanos La Roche, conseiller juridique, et M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 7 octobre 1999,

rend le présent

Arrêt

1 Par ordonnances du 19 décembre 1997 (C-110/98 à C-115/98, C-117/98, C-120/98 et C-125/98 à C-146/98), du 30 janvier 1998 (C-121/98 à C-124/98 et C-147/98) et du 25 février 1998 (C-116/98, C-118/98 et C-119/98), parvenues à la Cour le 14 avril 1998, le Tribunal Económico-Administrativo Regional de Cataluña a posé, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la "sixième directive").

2 Cette question a été posée dans le cadre d'un litige opposant plusieurs entrepreneurs ou travailleurs indépendants à divers services de l'Agencia Estatal de Administración Tributaria (Agence d'État de l'administration fiscale, ci-après l'"AEAT") à propos de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la "TVA") acquittée pour des opérations réalisées avant le début de leur activité.

La sixième directive

3 L'article 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive, qui définit la notion d'assujettis, dispose:

"1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

2. Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence."

4 L'article 17 de la sixième directive, qui régit le droit à déduction, énonce:

"1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti.

..."

5 L'article 22 de la sixième directive, qui régit les obligations des redevables en régime intérieur, prévoit:

"1. Tout assujetti doit déclarer le commencement, le changement et la cessation de son activité en qualité d'assujetti.

...

8. Sans préjudice des dispositions à arrêter en vertu de l'article 17 paragraphe 4, les États membres ont la faculté de prévoir d'autres obligations qu'ils jugeraient nécessaires pour assurer l'exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude.

..."

La réglementation nationale en matière de TVA

6 L'article 100 de la loi n° 37/1992, du 28 décembre 1992, portant adoption de la taxe sur la valeur ajoutée (BOE n° 312, du 29 décembre 1992, rectificatif BOE n° 33, du 8 février 1993), prévoit la caducité du droit à déduction à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la naissance de ce droit.

7 L'article 111 de la loi n° 37/1992, tel que modifié par l'article 10, paragraphe 7, de la loi n° 13/1996, du 30 décembre 1996, portant mesures fiscales, administratives et d'ordre social (BOE n° 315, du 31 décembre 1996, ci-après la "loi n° 37/1992"), dispose:

"1. Les entrepreneurs ou travailleurs indépendants peuvent déduire la taxe acquittée avant le début de leurs activités d'entreprise ou professionnelles à partir du début effectif de ces activités ou, le cas échéant, d'une branche de ces dernières, pourvu et à condition que le droit à déduction ne soit pas devenu caduc par suite de l'expiration du délai établi à l'article 100 de cette loi.

...

5. Par exception aux dispositions du paragraphe 1 du présent article, les entrepreneurs ou travailleurs indépendants qui souhaitent déduire les taxes supportées avant le début de leurs activités, conformément aux dispositions de l'article 93, paragraphe 3, de la présente loi, doivent remplir les conditions suivantes:

1_ avoir présenté, suivant des modalités à déterminer par voie réglementaire, une déclaration préalable à l'engagement des activités d'entreprise ou professionnelles, ou d'une branche d'entre elles, avant d'avoir supporté lesdites taxes...

2_ engager les activités d'entreprise ou professionnelles dans le délai d'un an à compter de la présentation de la déclaration indiquée au point 1_ précédent. Néanmoins, l'administration peut, suivant des modalités à déterminer par voie réglementaire, proroger le délai précité d'un an lorsque la nature des activités à développer à l'avenir ou les circonstances qui entourent le lancement de l'activité le justifient.

Lorsque les conditions indiquées ne sont pas remplies, les taxes acquittées ne pourront être déduites avant le début effectif des activités et l'assujetti sera tenu de rectifier toute déduction éventuelle.

Les dispositions du présent paragraphe 5 ne s'appliquent pas aux taxes supportées pour l'acquisition de terrains, qui ne pourront être déduites qu'à partir du début effectif des activités d'entreprise ou professionnelles ou, le cas échéant, de celles du secteur différencié. Dans ce cas, le droit à déduction sera réputé naître à la date marquant le début des activités en question."

8 La deuxième disposition transitoire de la loi n° 13/1996 ajoute:

"La procédure de déduction des taxes supportées avant le début des activités d'entreprise ou professionnelles, qui a été engagée avant l'entrée en vigueur de la présente loi, est réglée conformément aux dispositions de cette dernière.

La présente disposition transitoire s'applique exclusivement aux taxes supportées au cours des cinq années précédant l'entrée en vigueur de la présente loi".

9 L'article 28 du décret royal n° 1624/1992, du 29 décembre 1992, portant adoption du règlement sur la TVA (BOE n° 314, du 31 décembre 1992), précise:

"1. Les assujettis peuvent formuler les demandes et exercer l'option indiquée ci-après:

...

4_. demander la prorogation du délai prévu à l'article 111, paragraphe 1, de la loi pour engager les activités d'entreprise ou professionnelles.

2....

La présentation de la demande doit être effectuée dans les périodes suivantes:

...

4_. dans le cas visé au point 4_ du paragraphe précédent, deux mois avant l'expiration du délai prévu d'un an".

Les faits du litige au principal et la question préjudicielle

10 Divers services de l'AEAT ont refusé aux requérants au principal la déduction de la TVA acquittée pour des opérations réalisées avant le début de leur activité, souvent des travaux de construction, en raison du non-respect des conditions prévues à l'article 111 de la loi n° 37/1992 ou de celles visées à l'article 28 du décret royal n° 1624/1992.

11 Estimant que les conditions énoncées à l'article 111 de la loi n° 37/1992 étaient contraires à l'article 17, paragraphes 1 et 2, sous a), de la sixième directive, les requérants au principal ont introduit, contre les décisions des divers services de l'AEAT, une réclamation devant le Tribunal Económico-Administrativo Regional de Cataluña.

12 Il ressort des ordonnances de renvoi que, conformément à une ordonnance du Tribunal Económico-Administrativo Central du 29 mars 1990, un Tribunal Económico-Administrativo constituerait une juridiction au sens de l'article 177 du traité. Un tel organisme remplirait en effet les cinq conditions requises par la jurisprudence de la Cour relative à la notion de juridiction au sens de cette disposition, à savoir l'origine légale, la permanence, la juridiction obligatoire, la procédure contradictoire et l'application des règles de droit.

13 Ayant des doutes quant à la compatibilité de la loi n° 37/1992 avec l'article 17 de la sixième directive, le Tribunal Económico-Administrativo Regional de Cataluña a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour, dans chacune des affaires, la question préjudicielle suivante:

"En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par un assujetti avant le début de la réalisation habituelle des opérations taxées, la façon dont l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, a aménagé le droit à déduction permet-elle que, en raison de la nécessité d'éviter les fraudes, l'exercice de ce dernier soit subordonné à certaines conditions - comme la présentation d'une demande expresse avant que la taxe ne soit devenue exigible et le début de la réalisation habituelle des opérations taxées dans un délai déterminé à compter de la date de cette demande - dont le non-respect est sanctionné par la perte du droit à déduction ou, à tout le moins, par le report de l'applicabilité de ce droit jusqu'au début de ladite réalisation habituelle des opérations taxées?"

14 Par ordonnance du 8 mai 1998, le président de la Cour a décidé de joindre les affaires C-110/98 à C-147/98 aux fins de la procédure écrite et orale et de l'arrêt.

Sur la recevabilité

15 À titre liminaire, il convient de vérifier que le Tribunal Económico-Administrativo Regional de Cataluña est une juridiction au sens de l'article 177 du traité.

Agir sur cette sélection :