Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens, en ce qu'ils font grief à l'arrêt de dire que Mme [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué à son devoir de loyauté à l'égard de M. [Ab] et de la condamner à payer à M. [V] une somme en réparation de son préjudice moral, et sur le quatrième moyen, ci-après annexés
5. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir tirée de ce que la société HEP n'est pas régulièrement représentée dans l'instance relative à l'action sociale exercée par M. [V], de dire que Mme [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué à son devoir de loyauté à l'égard de la société HEP et de la condamner à payer à la société HEP une somme à titre de dommages-intérêts
Enoncé du moyen
6. Mme [V] fait grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir présentée en défense, de dire qu'en dissimulant l'information selon laquelle l'immeuble exploité par la société HEP était à vendre et, en se portant elle-même acquéreur par le biais de la SCI des Collières, Mme [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué au devoir de loyauté à l'égard de la société HEP engageant sa responsabilité, et de condamner Mme [V] à verser à la société HEP une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, et ce, avec intérêts au taux légal, alors :
« 1° / qu'excède ses pouvoirs la cour d'appel qui se prononce sur les mérites de l'action ut singuli tant que la société n'est pas valablement représentée à l'instance ; qu'en cas de conflit d'intérêts entre la société et son représentant légal, la société n'est valablement représentée qu'après la désignation d'un mandataire ad hoc ; qu'en retenant pourtant que "l'absence de désignation d'un mandataire ad hoc ne constitue pas une condition de recevabilité de l'action" , la cour d'appel a violé l'
article R. 223-32 du code de commerce🏛, ensemble les principes qui régissent l'excès de pouvoir ;
2°/ qu'en cas de conflit d'intérêts entre la société et son représentant légal, la société n'est valablement représentée qu'après la désignation d'un mandataire ad hoc ; qu'il appartient à la juridiction saisie de désigner ce mandataire ad hoc ; qu'en retenant, par motifs propres et éventuellement adoptés, que M. [Ab] n'avait pas qualité pour solliciter la désignation d'un mandataire ad hoc et que Mme [V] n'avait elle-même pas formé une demande aux fins de désignation d'un tel mandataire ad hoc, quand il appartenait au juge lui-même de procéder à cette désignation, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'
article R. 223-32 du code de commerce🏛, ensemble les principes qui régissent l'excès de pouvoir ;
3°/ que le représentant légal de la société en exercice se trouve nécessairement en état de conflit d'intérêts lorsque l'action ut singuli est exercée à son encontre, et non contre l'un de ses prédécesseurs ; qu'en retenant pourtant qu'en l'absence de demande de Mme [Ab] contre la société HEP, il n'existerait pas de conflit d'intérêts, quand Mme [V], partie dont était sollicitée la condamnation au paiement de dommages et intérêts au profit de la société HEP, était représentant légal de la société HEP, la cour d'appel a violé l'
article R. 223-32 du code de commerce🏛. »
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour Mme [V].
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté la fin de non-recevoir présentée en défense, d'avoir dit qu'en dissimulant l'information selon laquelle l'immeuble exploité par la société HEP était à vendre et en se portant elle-même acquéreur par le biais de la SCI des Collières, Mme [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué au devoir de loyauté à l'égard de la société HEP engageant sa responsabilité, et d'avoir condamné Mme [Ab] à verser à la société HEP une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, et ce avec intérêts au taux légal, et d'avoir condamné Mme [Ab] à verser à M. [V] une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « sur la recevabilité des demandes : que la cour relève en premier lieu qu'aucune des parties n'a fait signifier ses écritures à la société HEP partie défaillante ; que pour autant les demandes de M. [Aa] [V] ne sont pas faites contre la société HEP mais à son profit, et Mme [R] [V] ne forme pas plus de demande à l'encontre de la société HEP ; que Mme [R] [V] conclut à l'irrecevabilité des demandes de M. [Aa] [V] faute de désignation d'un mandataire ad hoc appelé à représenter dans la présente procédure la société HEP ; qu'elle expose que ses intérêts sont divergents de ceux de la société HEP et que cette dernière n'est pas valablement représentée dans le cadre de la procédure ; qu'il résulte de l'
article L223-22 du Code de commerce🏛 que le gérant d'une société est tenu à l'égard tant de la société que de ses associés à une obligation de loyauté et qu'il engage sa responsabilité si l'inexécution de cette obligation engendre un préjudice ; que selon l'article R223-32 du même code : "Lorsque l'action sociale est intentée par un ou plusieurs associés, agissant soit individuellement, soit dans les conditions prévues à l'article R. 223-31, le tribunal ne peut statuer que si la société a été régulièrement mise en cause par l'intermédiaire de ses représentants légaux. Le tribunal peut désigner un mandataire ad hoc pour représenter la société dans l'instance, lorsqu'il existe un conflit d'intérêt entre celle-ci et ses représentants légaux" ; qu'ainsi, la loi autorise l'exercice de l'action sociale par un associé agissant individuellement à l'effet d'obtenir, outre l'allocation de dommages et intérêts à son profit, l'allocation de dommages et intérêts au profit de la société ; qu'il s'agit donc d'un droit propre des associés de présenter des demandes en réparation au profit de la société ; qu'en conséquence, si l'action ut singuli exige, en raison de sa nature sociale, la mise en cause régulière de la société par l'intermédiaire de son représentant légal, l'absence de désignation d'un mandataire ad hoc ne constitue pas une condition de recevabilité de l'action ; que la fin de non-recevoir soulevée par l'action de Mme [R] [V], qui ne sollicite pas elle-même une telle désignation d'un mandataire ad hoc et qui au demeurant ne forme aucune demande à l'encontre de la société HEP, sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé de ce chef» ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « si elle estimait se trouver en conflit d'intérêts, il appartenait à la gérante de la personne morale, co-assignée de solliciter la désignation d'un mandataire distinct chargé de représenter cette société dans le cadre du présent procès, tandis que le demandeur, associé de la SARL et non pas son représentant, n'avait pas qualité à solliciter une telle désignation ; que l'absence de requête en telle désignation de la part de Mme [R] [D]-[V], première défenderesse, ne rend pas pour autant irrecevable l'action de M. [Aa] [Ab], étant aussi observé qu'aucune demande n'est d'ailleurs présentée au fond par la gérante envers la SARL, d'où l'absence de conflit d'intérêts en ce sens ; que la fin de non-recevoir sera donc écartée et qu'il sera statué par jugement réputé contradictoire, sachant quant au fond et au vu de l'
article 472 du CPC🏛, qu'envers la partie non comparante il ne peut être fait droit à la demande que dans la mesure où elle se trouve bien fondée » ;
1/ ALORS QU'excède ses pouvoirs la cour d'appel qui se prononce sur les mérites de l'action ut singuli tant que la société n'est pas valablement représentée à l'instance ; qu'en cas de conflit d'intérêts entre la société et son représentant légal, la société n'est valablement représentée qu'après la désignation d'un mandataire ad hoc ; qu'en retenant pourtant que « l'absence de désignation d'un mandataire ad hoc ne constitue pas une condition de recevabilité de l'action », la cour d'appel a violé l'
article R. 223-32 du code de commerce🏛, ensemble les principes qui régissent l'excès de pouvoir ;
2/ ALORS QU'en cas de conflit d'intérêts entre la société et son représentant légal, la société n'est valablement représentée qu'après la désignation d'un mandataire ad hoc ; qu'il appartient à la juridiction saisie de désigner ce mandataire ad hoc ; qu'en retenant, par motifs propres et éventuellement adoptés, que M. [Ab] n'avait pas qualité pour solliciter la désignation d'un mandataire ad hoc et que Mme [V] n'avait elle-même pas formé une demande aux fins de désignation d'un tel mandataire ad hoc, quand il appartenait au juge lui-même de procéder à cette désignation, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'
article R. 223-32 du code de commerce🏛, ensemble les principes qui régissent l'excès de pouvoir ;
3/ ALORS QUE le représentant légal de la société en exercice se trouve nécessairement en état de conflit d'intérêts lorsque l'action ut singuli est exercée à son encontre, et non contre l'un de ses prédécesseurs ; qu'en retenant pourtant qu'en l'absence de demande de Mme [Ab] contre la société HEP, il n'existerait pas de conflit d'intérêts, quand Mme [V], partie dont était sollicitée la condamnation au paiement de dommages et intérêts au profit de la société HEP, était représentant légal de la société HEP, la cour d'appel a violé l'
article R. 223-32 du code de commerce🏛.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'avoir dit qu'en dissimulant l'information selon laquelle l'immeuble exploité par la société HEP était à vendre et en se portant elle-même acquéreur par le biais de la SCI des Collières, Mme [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué au devoir de loyauté tant à l'égard de la société HEP que de M. [Ab], engageant sa responsabilité, d'avoir condamné Mme [Ab] à verser à la société HEP une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, et ce avec intérêts au taux légal, et d'avoir condamné Mme [Ab] à verser à M. [V] une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal ;
AUX MOTIFS QUE : « sur la faute de gestion reprochée à Mme [V] : que l'action ut singuli de M. [Aa] [V] est fondée sur le droit commun des sociétés en vertu duquel le gérant d'une société est tenu d'une obligation de loyauté et ne doit pas commettre de faute de gestion ; qu'il reproche à Mme [R] [V], gérante de la SARL HEP, d'avoir gardé le silence quant au projet de cession de l'immeuble d'exploitation de la société HEP et des garages associés, d'avoir acquis par l'intermédiaire de la SCI des Collières l'ensemble immobilier litigieux au détriment des intérêts de la société HEP et d'avoir ainsi commis des fautes de gestion qui ont causé un préjudice direct et certain tant à la société HEP qu'à lui-même en sa qualité d'associé minoritaire de ladite société ; que Mme [R] [V] fait valoir en substance qu'elle n'a réalisé aucune manoeuvre au préjudice de son frère ou de la société HEP, laquelle n'avait pas pour objet social l'acquisition de biens immobiliers et ne disposait d'aucune capacité financière à procéder à l'acquisition des locaux litigieux ; elle ajoute que le bailleur n'avait aucune obligation de notifier à l'un de ses locataires le projet de cession globale, raison pour laquelle le notaire du bailleur s'est contenté d'une présentation informelle et orale de la mise en vente d'un ensemble immobilier et qu'elle n'avait elle-même aucune raison de convoquer une assemblée générale des associés de la société HEP pour les informer de la mise en vente d'un ensemble immobilier comprenant notamment le bien constituant le local commercial au sein duquel le fonds de commerce était exploité ; qu'elle poursuit en indiquant que son frère, [Aa] [V], était informé de la vente de l'immeuble par les anciens propriétaires et se prévaut à l'appui de cette affirmation d'attestations dont celle de M. [D], ainsi que du courrier que lui a adressé M. [Ab] le 2 mars 2017 ; qu'il est constant que figure parmi les obligations du dirigeant social celle de veiller et d'agir en toute circonstance dans l'intérêt exclusif de la société et qu'à ce titre, son comportement ne doit pas affecter la situation ou le développement économique de la société ; que de façon plus générale, il est tenu d'agir en toutes circonstances de bonne foi dans l'intérêt de la société et de ses associés ; qu'il convient donc en l'espèce de rechercher si Mme [R] [V] a agi dans le respect de cette obligation ; que Mme [R] [V] a, en sa qualité de gérante de la société HEP, été avertie par le bailleur et/ou le notaire habituel des parties que le bailleur entendait céder une partie de son patrimoine immobilier, dont principalement l'immeuble exploité par la société HEP et les garages attachés, et M. [Aa] [V] démontre avoir eu connaissance de cette information par un tiers ; qu'à cet égard l'attestation de M. [D] selon laquelle les trois associés étaient informés de la décision de la fille des propriétaires de procéder à la vente de l'ensemble immobilier ne peut emporter la conviction de la cour dès lors que le témoin est le concubin de Mme [Ab], lui-même associé de la société HEP et par ailleurs cogérant avec Mme [V] de la SCI des Collières créée spécifiquement en vue de l'acquisition de l'immeuble situé [Adresse 3] ; que les autres attestations produites par Mme [R] [V] selon lesquelles M. [Aa] [V] était présent lors de l'annonce de la mise en vente de l'immeuble le 18 septembre 2016, sont tout aussi dénuées de portée, quel que soit l'endroit, le jour ou l'heure où M. [Ab] fêtait son anniversaire, dès lors que les témoins ne font état que d'une prétendue discussion informelle entre le notaire et Mme [V] à laquelle aurait assisté M. [Ab], ce d'autant qu'il résulte aussi d'un autre témoignage que Mme [Ab] a indiqué courant janvier 2017 que l'immeuble n'était pas à vendre et qu'en tout état de cause il n'était pas dans ses intentions de l'acheter ; qu'enfin le courrier de M. [Aa] [V] adressé à sa soeur Mme [V] le 2 mars 2017, soit 12 jours avant la signature de l'acte de vente du bien intervenue le 14 mars 2017, resté sans réponse, et aux termes duquel, ce dernier se fondant sur la croyance erronée de l'existence d'un droit de préemption au profit de la société HEP, sollicitait des informations "sur la vente de l'immeuble" n'est pas de nature à dispenser Mme [V], dirigeante de la société HEP, de sa propre obligation de loyauté et d'information en cette qualité ; qu'il résulte de ces éléments qu'en dissimulant l'information selon laquelle l'immeuble exploité par la société HEP était à vendre et en se portant elle-même acquéreur par le biais de la SCI des Collières constituée à cet effet le 23 décembre 2016 et immatriculée le 3 février 2017, et dont elle est cogérante avec son concubin M. [D], Mme [R] [V] s'est rendue coupable de réticence dolosive et a manqué au devoir de loyauté qui s'impose au dirigeant d'une société tant à l'égard de la société HEP en tant que personne morale qu'à l'égard de M. [Aa] [V] en tant qu'associé ; qu'elle a donc commis une faute engageant sa responsabilité et susceptible de causer un préjudice » ;
ALORS QUE ne manque pas à son devoir de loyauté le dirigeant social qui informe ses associés de son projet d'acquisition de l'immeuble dans lequel est exploité le fonds de commerce de la société ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté l'existence d'un « courrier de M. [Aa] [V] adressé à sa soeur Mme [V] le 2 mars 2012, soit 12 jours avant l'acte de vente du bien intervenu le 14 mars 2017, resté sans réponse, et aux termes duquel, ce dernier se fondant sur la croyance erronée de l'existence d'un droit de préemption au profit de la société HEP, sollicitait des informations « sur la vente de l'immeuble » » ; qu'il en résultait nécessairement que M. [Ab], avant même la vente, était informé de l'existence du projet d'acquisition de Mme [V], de sorte que cette dernière avait rempli ses obligations ; qu'en retenant pourtant que cette lettre ne serait « pas de nature à dispenser Mme [V], dirigeante de la société HEP, de sa propre obligation de loyauté et d'information en cette qualité » (arrêt, p. 5, dernier alinéa), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'
article L. 223-22 du code de commerce🏛.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné Mme [Ab] à verser à la société HEP une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, et ce avec intérêts au taux légal ;
AUX MOTIFS QUE : « sur le préjudice : que s'agissant de la société HEP, l'appelant invoque la perte de chance de préserver ses intérêts et limiter tout risque de contentieux lié à un bail commercial, de réaliser des économies quant au règlement des loyers commerciaux, de réaliser des profits sur l'exploitation de son patrimoine immobilier et d'accroître les actifs immobilisés et donc le gage de ses créanciers ; que M. [Aa] [Ab] fait ainsi valoir que la société HEP a perdu une chance certaine d'acquérir l'immeuble en cause et de réaliser de substantielles économies et de réels profits. Il indique que la société HEP aurait eu la capacité financière d'acquérir l'immeuble, notamment avec son intervention, et qu'elle avait d'ailleurs tout intérêt à l'acquérir, que le bail qui lui est consenti par la SCI Des Collières pour la location des locaux servant à l'exploitation de son fonds de commerce représente à lui seul un loyer mensuel de 1.950 euros et que l'ensemble des loyers perçus par la SCI des Collières s'élèverait a minima à la somme de 2.430 euros chaque mois, que le bénéfice mensuel minimal est donc de 2.880 euros une fois le crédit amorti sur 15 ans et verse aux débats en pièce n° 15 un "tableau de calcul du préjudice de la société HEP actualisé au vu de l'acte d'acquisition de l'immeuble" chiffrant le préjudice de la société HEP sur une durée de 30 ans à la somme de 645.073, 20 euros [
] ; que Mme [R] [V] réplique que la société HEP ne pouvait réaliser une opération immobilière, qu'elle n'a subi aucun préjudice ni n'a été écartée d'aucun profit potentiel faute pour elle de disposer des ressources qui lui auraient permis l'acquisition de ses locaux d'exploitation, que la société est titulaire d'un bail commercial notarié et bénéficie donc de la garantie accordée par le statut des baux commerciaux à tout locataire commercial, en ce compris le droit au renouvellement ; qu'elle ajoute que les réclamations personnelles de M. [Ab] font le cas échéant double emploi puisque celui-ci ne peut à la fois voir reconstituer par une action ut singuli un actif social dont il serait bénéficiaire au prorata de sa détention dans le capital social, et formuler par ailleurs la même demande à l'encontre de la même personne physique que celle qui aurait à restaurer l'actif social ; qu'il résulte des statuts de la société HEP que celle-ci avait notamment pour objet social d'acquérir l'immeuble litigieux dès lors qu'il permettait de sauvegarder directement ou indirectement ses intérêts commerciaux ou financiers ; que la société HEP a donc été privée de la possibilité de faire entrer dans son patrimoine un immeuble dont la valeur a été estimée à 345.000 euros en 2017 ; que par ailleurs, si la société HEP n'avait manifestement pas les capacités financières de procéder à l'acquisition de l'immeuble, M. [Aa] [Ab] se plaignant lui-même de difficultés dans un courrier adressé à Mme [R] [V] daté du 11 mars 2019 et faisant suite à une assemblée du 11 décembre 2018, il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas eu la faculté de recourir à un emprunt bancaire, la SCI des Collières, cogérée par Mme [R] [V] ayant elle-même acquis l'immeuble au moyen d'un prêt consenti par la Banque Populaire du Nord, remboursable en 15 ans par mensualités de 2.176,26 euros avec un taux d'intérêt de 1, 5 % selon l'acte de cession versé aux débats ; qu'enfin l'acquisition de l'immeuble rendait nécessairement le bail commercial dont bénéficie la société HEP sans objet et la demande de remboursement de son compte courant d'associé par M. [Aa] [Ab] n'a aucune incidence sur le préjudice subi par la société HEP ; que le loyer mensuel de la société HEP est à ce jour de 1.950 euros ; que le coût du crédit octroyé à la SCI des Collières pour l'acquisition de l'immeuble est de 2.176, 26 euros sur une durée de 15 ans et la SCI perçoit actuellement des revenus locatifs de 750 euros par mois qui seront portés à 810 euros mensuels lorsque le deuxième garage sera loué, et dont devront être déduites les charges foncières imputables au propriétaire ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la perte de chance de la société HEP doit être fixée à la somme de 50.000 euros » ;
1/ ALORS QUE le manquement du dirigeant qui omet d'informer la société et ses associés de son projet d'acquisition immobilière, dont il a eu connaissance à l'occasion de son mandat social, ne cause un dommage à la société que si elle était en mesure elle-même de mener à bien l'acquisition ; qu'il est donc nécessaire que l'acquisition immobilière ait été susceptible de s'inscrire dans l'objet social de la société ; qu'en l'espèce, Mme [V] soulignait dans ses conclusions qu'avait été mis en vente un ensemble immobilier comprenant non seulement le local au sein duquel était exploité le fonds de commerce, mais également des locaux à usage d'habitation et deux garages totalement étrangers à l'exploitation commerciale de la société HEP, de sorte que l'opération excédait son objet social (conclusions, p. 7) ; qu'en retenant pourtant qu' « il résulte des statuts de la société HEP que celle-ci avait notamment pour objet social d'acquérir l'immeuble litigieux dès lors qu'il permettait de sauvegarder directement ou indirectement ses intérêts commerciaux ou financiers » (arrêt, p. 7, alinéa 2), sans s'expliquer, comme elle était invitée à le faire, sur la circonstance que l'immeuble litigieux était un ensemble immobilier dont l'usage excédait sensiblement les nécessités de l'exploitation commerciale et financière du fonds de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article L. 223-22 du code de commerce🏛 ;
2/ ALORS QU'il appartient à celui qui se prétend victime d'un dommage d'en établir l'existence ; qu'en retenant pourtant qu' « il n'est pas établi qu'elle [la société HEP] n'aurait pas eu la faculté de recourir à un emprunt bancaire » pour financer l'acquisition d'un montant de 345 000 euros, quand il incombait à M. [Ab], agissant au bénéfice de la société HEP, d'établir l'existence du supposé dommage causé par la prétendue faute de Mme [V], la cour d'appel a violé l'
article 1315, devenu 1353, du code civil🏛 ;
3/ ALORS ET EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE le manquement du dirigeant qui omet d'informer la société et ses associés de son projet d'acquisition immobilière, dont il a eu connaissance à l'occasion de son mandat social, ne cause un dommage à la société que si elle était en mesure elle-même de mener à bien l'acquisition ; qu'il est donc nécessaire que la société ait été en mesure de financer l'acquisition litigieuse ; qu'en l'espèce, Mme [V] soulignait dans ses conclusions qu'il résultait du premier bilan de la société HEP, pour la période du 5 mai 2014 au 30 juin 2015, que la société était très endettée dès sa création puisqu'elle avait acquis à crédit un fonds de commerce d'une valeur nette de 112 000 euros, qu'elle restait devoir au titre de l'emprunt une somme de 93 601 €, et que son capital social n'était que de 5 000 euros ; qu'elle établissait encore que le deuxième exercice s'était soldé par une perte de 5 630 euros, et que le troisième exercice ne révélait un bénéfice comptable de la société HEP que de 14 595 euros ; que Mme [V] versait aux débats, au soutien de ce moyen, les trois premiers bilans comptables de la société HEP (pièces n° 1 à 3) ; qu'en retenant pourtant qu' « il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas eu la faculté de recourir à un emprunt bancaire » pour financer l'acquisition d'un montant de 345 000 euros sans s'expliquer, serait-ce sommairement, sur ces pièces, la cour d'appel a violé l'
article 455 du code de procédure civile🏛.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné Mme [Ab] à verser à M. [V] une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, et ce avec intérêts au taux légal ;
AUX MOTIFS QUE : « sur le préjudice [
] : s'agissant de son propre préjudice, M. [Aa] [V] invoque une perte de chance de tirer profit de l'investissement immobilier et notamment de toucher des dividendes et de revendre ultérieurement ses parts sociales avec valorisation ; que compte tenu du fait qu'il détient 30 % du capital de la société HEP, il évalue son préjudice personnel à la somme de 193.521, 96 euros selon "tableau de calcul du préjudice de M. [V] actualisé au vu de l'acte d'acquisition de l'immeuble" qu'il produit en pièce n° 16 ; qu'enfin il invoque un préjudice moral résultant du fait que la gérante de la société HEP est sa soeur en qui il avait pleine confiance, ajoutant que sans son intervention financière, la société HEP n'aurait pas pu exister ni prospérer et qu'il se retrouve désormais associé minoritaire dans une société au climat délétère, qu'il évalue à la somme de 15.000 euros [
] ; que s'agissant du préjudice personnel de M. [Aa] [V], celui-ci invoque une perte de chance de tirer profit de l'investissement immobilier et notamment de toucher des dividendes et de revendre à meilleur prix ses parts sociales ; que l'indemnisation de ce préjudice personnel ne fait pas double emploi avec celui subi par la société dès lors qu'il est expressément prévu par l'
article L223-22 du Code du commerce🏛 en sus de l'action sociale en responsabilité contre les gérants ; qu'il est rappelé que les dividendes n'ont pas d'existence juridique avant l'approbation de l'exercice par l'assemblée générale, la constatation par celle-ci de sommes distribuables et la détermination de la part qui est attribuée à chaque associé ; que ces conditions multiples, ajoutées au fait qu'en l'espèce Mme [R] [V] et M. [D] sont associés majoritaires de la SARL HEP rendent la perte de chance invoquée par M. [Aa] [V] totalement incertaine ; que par ailleurs, s'il est possible de considérer que l'acquisition des murs aurait augmenté la valeur de la société, encore aurait-il fallu que celle-ci ait pu supporter le remboursement total du prêt d'acquisition, ce qui n'est pas plus certain en l'espèce ; qu'il en résulte que M. [Aa] [V] qui ne démontre pas une perte de chance certaine, doit être débouté de ses demandes de dommages intérêts pour préjudice personnel ; qu'il a en revanche subi un préjudice moral de par la perte de confiance en son associée, qui est par ailleurs sa soeur, qui sera réparée par l'octroi de la somme de 3.000 euros » ;
ALORS QUE Mme [Ab] soulignait dans ses conclusions que la faute qui lui était imputée n'était pas à l'origine du dommage moral invoqué par son frère dès lors que leurs relations s'étaient dégradées de longue date, de sorte que si M. [Ab] avait perdu confiance en sa soeur, cette circonstance n'était en rien imputable à l'acquisition litigieuse (conclusions, p. 12) ; qu'en retenant pourtant que M. [Ab] aurait « subi un préjudice moral de par la perte de confiance en son associée, qui est par ailleurs sa soeur » (arrêt, p. 8, alinéa 1er), sans aucunement rechercher si ce préjudice était imputable à la faute supposée de Mme [Ab], ou s'il ne résultait pas d'une dégradation antérieure de leurs relations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article L. 223-22 du code de commerce🏛.