Jurisprudence : Décision n°96-384 DC du 19-12-1996

Décision n°96-384 DC du 19-12-1996

A8347AC7

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CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Décision n°96-384 DC du 19-12-1996


Publié au Journal officiel du 29 décembre 1996, p. 19380
Rec. p. 141

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1997


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 29 novembre 1996, par MM Laurent Fabius, Léo Andy, Gilbert Annette, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Balligand, Claude Bartolone, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Michel Berson, Jean-Claude Bois, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Didier Boulaud, Jean-Pierre Braine, Mme Frédérique Bredin, MM Laurent Cathala, Henri d'Attilio, Camille Darsières, Mme Martine David, MM Bernard Davoine, Jean-Pierre Defontaine, Maurice Depaix, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Pierre Ducout, Dominique Dupilet, Jean-Paul Durieux, Henri Emmanuelli, Jean-Jacques Filleul, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Fromet, Kamilo Gata, Pierre Garmendia, Jean Glavany, Jacques Guyard, Jean-Louis Idiart, Maurice Janetti, Serge Janquin, Charles Josselin, Jean-Pierre Kucheida, André Labarrère, Jean-Yves Le Déaut, Louis Le Pensec, Alain Le Vern, Martin Malvy, Marius Masse, Didier Mathus, Louis Mexandeau, Didier Migaud, Mme Véronique Neiertz, MM Michel Pajon, Paul Quilès, Alain Rodet, Mme Ségolène Royal, MM Jean-Marc Salinier, Roger-Gérard Schwartzenberg, Bernard Seux, Henri Sicre, Patrice Tirolien et Daniel Vaillant, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution dans sa rédaction résultant de la loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 12 décembre 1996 ;

Vu les observations en réplique présentées par les auteurs de la saisine enregistrées le 16 décembre 1996 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Considérant que les députés auteurs de la requête contestent la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 en faisant valoir que plusieurs dispositions de cette loi seraient étrangères à l'objet des lois de financement de la sécurité sociale défini par l'article 34 de la Constitution et par l'article 1er de la loi organique susvisée du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ;

Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution :
" Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique " ;
que le III de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi précitée du 22 juillet 1996, qui constitue la loi organique visée par l'article 34 de la Constitution, dispose en son premier alinéa :
" Outre celles prévues au I, les lois de financement de la sécurité sociale ne peuvent comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale " ;

Sur les dispositions résultant d'amendements présentés devant le Parlement :
Considérant que l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, qui définit l'objet des lois de financement de la sécurité sociale, dispose en son dernier alinéa :
" Les amendements non conformes aux dispositions du présent article sont irrecevables " ;
que, dans le cadre des prérogatives propres aux assemblées parlementaires, le règlement de l'Assemblée nationale, en son article 121-2, et le règlement du Sénat, en son article 45, ont prévu les modalités selon lesquelles s'exerce, notamment à la diligence de tout parlementaire, le contrôle de la recevabilité des amendements aux projets de loi de financement de la sécurité sociale ;
que, dans ces conditions, le Conseil constitutionnel ne peut être directement saisi de la conformité d'une disposition d'une loi de financement de la sécurité sociale à l'article LO 111-3 précité lorsque cette disposition est issue d'un amendement dont la question de la recevabilité n'a pas été préalablement soulevée devant le Parlement ;

Considérant qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi que les amendements dont résultent le I de l'article 33, l'article 34 et le III de l'article 41 critiqués n'ont pas fait l'objet, au cours de la procédure parlementaire, d'une contestation relative à leur recevabilité au regard de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale ;
que, dès lors, le grief tiré de ce que ces dispositions seraient étrangères à l'objet des lois de financement de la sécurité sociale doit être rejeté ;

Sur les dispositions relatives à l'assiette et aux modalités de recouvrement de la contribution sociale généralisée :
Considérant que les requérants soutiennent que les modalités de recouvrement des prélèvements destinés à financer la sécurité sociale seraient sans incidence sur les conditions générales de l'équilibre financier des régimes obligatoires de base et que, par suite, elles n'auraient pas leur place dans les lois de financement de la sécurité sociale ;
que tel serait le cas notamment du 3° de l'article 12 de la loi déférée ;
qu'ils font également grief aux dispositions, qui touchent à la contribution sociale généralisée, du 4° de l'article 10, du 1° de l'article 12, du 6° de l'article 13 et du 3° de l'article 14, d'être étrangères au domaine des lois de financement de la sécurité sociale ;

Considérant en premier lieu que le 4° de l'article 10 a pour objet d'élargir l'assiette de la contribution sociale généralisée applicable à certains revenus de remplacement en modifiant les conditions d'exonération prévues au III de l'article L 136-2 du code de la sécurité sociale ;

Considérant en deuxième lieu que le 1° et le 3° de l'article 12 modifient les règles relatives au recouvrement de la contribution sociale généralisée assise sur les revenus d'activité et les revenus de remplacement, prévues à l'article L 136-5 du code de la sécurité sociale ;
que le 6° de l'article 13, qui modifie l'article L 136-6 du code de la sécurité sociale, prévoit les modalités de recouvrement de la contribution assise sur les revenus du patrimoine énumérés au 5° du même article et que le 3° de l'article 14, qui modifie l'article L 136-7 du code de la sécurité sociale, fixe celles de la contribution assise sur les produits de placement nouvellement assujettis en vertu du 4° du même article ;

Considérant que la contribution sociale généralisée entre dans la catégorie des " impositions de toutes natures " prévue à l'article 34 de la Constitution dont il appartient au législateur de fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement ;
que le produit de cette contribution est appelé à concourir de façon significative à l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ;
que la détermination de son assiette a une incidence directe sur le volume de ses recettes ;
que les règles relatives aux conditions de son recouvrement garantissent l'application effective des règles d'assiette et en sont par là même le complément nécessaire ;
que par suite les dispositions critiquées sont au nombre de celles qui peuvent figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale ;

Sur les autres dispositions contestées par les requérants :
Considérant que les requérants font valoir que ces dispositions sont " strictement rédactionnelles " ;
que dès lors, pour utiles qu'elles puissent être, elles n'affecteraient en rien l'équilibre des régimes obligatoires de base et seraient par suite étrangères à l'objet des lois de financement de la sécurité sociale ;
qu'ils soulignent la nécessité d'éviter, dans le cadre d'une procédure d'adoption de la loi obéissant à des contraintes particulières, notamment en termes de délais, que de telles dispositions ne dissimulent des modifications de fond de la législation en vigueur sans rapport avec le domaine des lois de financement de la sécurité sociale ;
qu'ils visent à cet égard les dispositions de l'article 9, des 5° et 6° de l'article 10, des 2° et 4° de l'article 12, des 1° et 3° de l'article 13, du 1° de l'article 14, des V et VI de l'article 31 et des III à VII de l'article 32 ;

Considérant que les dispositions critiquées par les requérants ne sont pas toutes de même nature ;

Considérant que certaines d'entre elles constituent des mesures de coordination rendues nécessaires par d'autres dispositions de la loi dont elles sont par là même indissociables ;
que dès lors elles ne peuvent en elles-mêmes être arguées d'inconstitutionnalité ;
qu'il en est ainsi du 5° de l'article 10, des V et VI de l'article 31 et des III à VII de l'article 32 ;

Considérant que les autres dispositions contestées, qui abrogent des références devenues inutiles ou obsolètes, ou se bornent à remplacer des références à la loi de finances pour 1991 par des références aux articles du code de la sécurité sociale au sein desquels les dispositions de cette loi ont été codifiées sont dépourvues de portée normative ;
que dès lors la constitutionnalité de leur objet ne saurait être utilement contestée ;

Considérant qu'en l'espèce il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office des questions de conformité à la Constitution,


Décide :


Art 1er. :
Les dispositions de l'article 9, des 4°, 5° et 6° de l'article 10, des 1°, 2°, 3° et 4° de l'article 12, des 1°, 3° et 6° de l'article 13, des 1° et 3° de l'article 14, des V et VI de l'article 31, des III à VII de l'article 32, du I de l'article 33, de l'article 34, du III de l'article 41 ne sont pas contraires à la Constitution.
Art 2. :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 décembre 1996, où siégeaient MM Roland Dumas, président, Maurice Faure, Georges Abadie, Jean Cabannes, Michel Ameller, Jacques Robert, Alain Lancelot et Mme Noelle Lenoir.
Le président, Roland Dumas
£7A1$Texte SGG
Observations du Gouvernement en réponse à la saisine du Conseil constitutionnel en date du 29 novembre 1996 par plus de soixante députés :
Depuis la loi constitutionnelle du 22 février 1996, le Parlement est appelé à exercer des droits nouveaux en matière de sécurité sociale. Il lui appartient désormais, en vertu de l'antépénultième alinéa de l'article 34 de la Constitution, de déterminer, en adoptant des lois de financement de la sécurité sociale, les conditions générales de son équilibre financier. Il lui revient également de se prononcer, à cette occasion, sur les objectifs de dépenses en tenant compte des prévisions de recettes.
C'est en application de ces dispositions et de celles du nouvel article 47-1 de la Constitution que le Parlement a, pour la première fois, été saisi d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale, qu'il a adopté le 28 novembre 1996.
Ce texte est contesté devant le Conseil constitutionnel par soixante-trois députés. Leurs recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes, qui porteront sur le cadre juridique des lois de financement de la sécurité sociale, avant d'examiner les griefs invoqués dans la saisine.
I :
Sur le cadre juridique des lois de financement de la sécurité sociale
Conformément aux dispositions de la loi constitutionnelle du 22 février 1996, la loi organique du 22 juillet 1996 est venue préciser les conditions et réserves encadrant l'élaboration de cette nouvelle catégorie de lois. A ce titre, le législateur organique a notamment introduit, dans le code de la sécurité sociale, un article LO 111-3, dont le III institue un mécanisme de prohibition des dispositions étrangères au domaine des lois de financement. Il prévoit que la loi de financement ne peut contenir, outre celles prévues au I du même article, que des dispositions " affectant directement l'équilibre financier " des régimes ou " améliorant le contrôle du Parlement sur l'application " de ces lois. Le dernier alinéa de l'article LO 111-3 précise que " les amendements non conformes aux dispositions du présent article sont irrecevables ".
C'est pour tirer les conséquences de ce nouveau dispositif que les règlements des deux assemblées ont été modifiés par des résolutions que le Conseil constitutionnel a déclarées conformes à la Constitution par ses décisions n°s 96-381 DC et 96-382 DC du 14 octobre 1996.
Cet encadrement conduit à s'interroger, d'une part, sur l'étendue du domaine des lois de financement de la sécurité sociale et, d'autre part, sur la procédure suivant laquelle le respect de ces prescriptions doit être assuré.
A :
L'étendue du domaine des lois de financement de la sécurité sociale appelle deux types de remarques.
1. En premier lieu, on ne peut manquer de relever, comme cela a été fait lors des travaux préparatoires de la réforme constitutionnelle et de la loi organique, que cet encadrement spécifique du domaine de la loi n'est pas sans précédent en matière budgétaire.
En particulier, la notion d'affectation directe de l'équilibre fait a priori obstacle à ce que soient insérées dans la loi des dispositions qui n'auraient par d'incidence certaine sur l'équilibre présenté. Selon les termes de la Constitution, les dispositions en cause doivent en outre concerner les " conditions générales de l'équilibre financier " de la sécurité sociale. Le Conseil constitutionnel a en effet relié la notion d'équilibre financier des régimes obligatoires de base à celle des " conditions générales " de cet équilibre au sens de l'article 34 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 22 février 1996 (n° 96-379 DC du 16 juillet 1996).
Il convient, toutefois, de tenir compte des différences de nature et de structure entre le budget de l'Etat et les comptes sociaux tels qu'ils sont présentés par la loi de financement de la sécurité sociale.
En effet, le budget de l'Etat est un ensemble de comptes homogènes, qui sont agrégés en recettes et en dépenses dans un " tableau d'équilibre " figurant en fin de première partie, avec un solde général ayant un sens comptable précis, et auquel on se réfère naturellement lorsqu'il est question de " grandes lignes de l'équilibre budgétaire " (décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991) ou de " données générales de l'équilibre budgétaire " (décision n° 94-351 DC du 29 décembre 1994).

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