Jurisprudence : Décision n°89-269 DC du 22-01-1990

Décision n°89-269 DC du 22-01-1990

A8222ACI

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CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Décision n°89-269 DC du 22-01-1990


Publié au Journal officiel du 24 janvier 1990
Rec. p. 33

Loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 1989, d'une part, par MM Bernard Pons, Jacques Chirac, Alain Juppé, Michel Péricard, Etienne Pinte, Alain Jonemann, Pierre Bachelet, Pierre-Rémy Houssin, Mme Christiane Papon, MM Jacques Chaban-Delmas, Arthur Dehaine, Philippe Auberger, Mme Michèle Alliot-Marie, MM François Grussenmeyer, Claude Barate, Gabriel Kaspereit, Michel Inschauspé, Alain Cousin, René Couveinhes, Pierre Pasquini, Robert-André Vivien, Christian Estrosi, Jean-Paul de Rocca Serra, Régis Perbet, Pierre Raynal, Didier Julia, Claude-Gérard Marcus, Robert Pandraud, Eric Raoult, Nicolas Sarkozy, Jean-Michel Couve, Mme Roselyne Bachelot, MM Patrick Balkany, Jacques Toubon, Pierre Mazeaud, Mmes Elisabeth Hubert, Suzanne Sauvaigo, Nicole Catala, MM Louis de Broissia, Dominique Perben, Pierre Mauger, Jean-Luc Reitzer, Bernard Schreiner, Michel Giraud, Christian Cabal, Olivier Dassault, Georges Gorse, Robert Poujade, Patrick Devedjian, Jean Kiffer, Mmes Michèle Barzach, Lucette Michaux-Chevry, MM Jean Besson, Michel Cointat, Roland Nungesser, Jean-Paul Charié, Jean-Claude Mignon, Henri Cuq, Léon Vachet, Christian Bergelin, Edouard Balladur, Serge Charles, Bernard Debré, Charles Millon, Pierre Micaux, Georges Colombier, François-Michel Gonnot, Jean-Pierre de Peretti della Rocca, Alain Moyne-Bressand, Michel Meylan, Jean-Pierre Philibert, Paul Chollet, Jacques Farran, Jean Brocard, Pascal Clément, Robert Cazalet, Arthur Paecht, Georges Durand, André Rossinot, Jean-Guy Branger, François Léotard, Jean-Marc Nesme, Emile Koehl, Charles Ehrmann, Roger Lestas, Charles Fevre, Philippe Mestre, José Rossi, Jean-François Mattei, Philippe Vasseur, Willy Dimeglio, Marc Reymann, Gilles de Robien, Mme Yann Piat, MM Jacques Blanc, Paul-Louis Tenaillon, Pierre Lequiller, Marc Laffineur, René Garrec, Michel d'Ornano, Gérard Longuet, Jean-Luc Preel, Henri Bayard, Georges Mesmin et, d'autre part, par MM Jean-Jacques Hyest, Raymond Barre, Léonce Deprez, Francis Geng, Jean-Jacques Jegou, Jean-Paul Fuchs, Henry Jean-Baptiste, Ambroise Guellec, Dominique Baudis, Germain Gengenwin, Jean-Pierre Foucher, Xavier Hunault, Loïc Bouvard, Serge Franchis, Mme Christine Boutin, MM Bruno Durieux, Michel Jacquemin, Gérard Vignoble, Adrien Zeller, Jean-Marie Daillet, Edouard Landrain, Pierre Méhaignerie, Jean-Jacques Weber, Michel Voisin, Yves Fréville, François Rochebloine, Jean Briane, Mme Monique Papon, MM René Couanau, Jean-Yves Cozan, Adrien Durand, Christian Kert, Hubert Grimault, Claude Birraux, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM Jacques Barrot, Jean-Paul Virapoullé, Georges Chavane, François Bayrou, Gérard Grignon, Bernard Stasi, Bernard Bosson, François d'Harcourt, André Santini, René Beaumont, députés, et le 23 décembre 1989 par MM Michel Alloncle, Jean Amelin, Hubert d'Andigné, Honoré Bailet, Jean Barras, Jacques Bérard, Roger Besse, Amédée Bouquerel, Yvon Bourges, Jacques Braconnier, Mme Paulette Brisepierre, MM Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Pierre Carous, Auguste Cazalet, Jean Chamant, Jacques Chaumont, Michel Chauty, Jean Chérioux, Henri Collette, Maurice Couve de Murville, Charles de Cuttoli, Jacques Delong, Charles Descours, Michel Doublet, Franz Duboscq, Alain Dufaut, Marcel Fortier, Philippe François, Philippe de Gaulle, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginesy, Georges Gruillot, Yves Guéna, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Bernard Hugo,
Roger Husson, André Jarrot, André Jourdain, Gérard Larcher, René-Georges Laurin, Marc Lauriol, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Michel Maurice-Bokanowski, Jacques de Menou, Mme Hélène Missoffe, MM Geoffroy de Montalembert, Jean Natali, Paul d'Ornano, Jacques Oudin, Charles Pasqua, Alain Pluchet, Christian Poncelet, Roger Rigaudière, Jean-Jacques Robert, Mme Nelly Rodi, MM Josselin de Rohan, Roger Romani, Jean Simonin, Jacques Sourdille, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, René Trégouët, Jacques Valade, Serge Vincon, Raymond Bourgine, Désiré Debavelaère, Lucien Lanier, Michel Rufin, Claude Prouvoyeur, André-Georges Voisin, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu le mémoire ampliatif présenté au nom des députés auteurs de la première saisine, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 23 décembre 1989 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Considérant que la conformité à la Constitution de la loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé est contestée en raison des conditions de son adoption par l'Assemblée nationale, qui seraient contraires à l'article 49 de la Constitution, de l'insertion par voie d'amendement de certains de ses articles et du contenu de l'article 17 ;

Sur la procédure d'adoption de l'ensemble de la loi :
Considérant que les députés auteurs de la première saisine et les signataires de la deuxième saisine contestent la régularité de la procédure d'adoption de la loi ;
qu'ils relèvent que le projet de loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé a été adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après recours à la procédure d'engagement de responsabilité sur un texte prévue par l'article 49, alinéa 3, de la Constitution ;
qu'en l'absence du Premier ministre c'est un membre du Gouvernement qui a engagé la responsabilité de celui-ci lors de la deuxième séance du 15 décembre 1989 ;
qu'ils soutiennent que cette procédure est irrégulière au motif que le Premier ministre a seul le pouvoir d'engager la responsabilité du Gouvernement qu'il dirige ;
que, s'il est vrai que M Jospin a été désigné pour assurer l'intérim des fonctions du Premier ministre, le décret l'y habilitant était inopposable aux députés car il n'est entré en vigueur, conformément au décret du 5 novembre 1870, qu'un jour franc après sa publication, c'est-à-dire en l'occurrence le 16 décembre 1989 ;
qu'il est soutenu, en outre, que les conditions dans lesquelles a été mis en uvre l'article 49, alinéa 3, de la Constitution sont contraires tant à l'esprit de ce texte qu'à l'usage parlementaire ;

En ce qui concerne la mise en uvre de l'article 49 de la Constitution :
Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution " le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un texte. Dans ce cas, le texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. " ;

Considérant que l'exercice de la prérogative conférée au Premier ministre par le troisième alinéa de l'article 49 n'est soumis à aucune condition autre que celles résultant de ce texte ;

Considérant que dans la mesure où le conseil des ministres avait délibéré au cours de sa réunion du 15 novembre 1989 sur l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le projet de loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé, les conditions posées par la Constitution pour la mise en uvre, à propos de l'examen de ce dernier texte, de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution se trouvaient réunies ;

En ce qui concerne l'intérim du Premier ministre :
Considérant qu'en conférant, par décret en date du 14 décembre 1989, à M Lionel Jospin, ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, la charge d'assurer l'intérim de M Michel Rocard, Premier ministre, pendant l'absence de ce dernier, le Président de la République a, ainsi que l'y habilite l'article 5 de la Constitution, pris les dispositions nécessaires pour assurer la continuité de l'action gouvernementale ;
que, sur le même fondement et pour des motifs analogues, le décret individuel chargeant un ministre de l'intérim du Premier ministre produit effet immédiatement sans attendre sa publication au Journal officiel ;
que M Jospin possédait l'intégralité des pouvoirs attachés à la fonction qui lui était confiée à titre intérimaire ;
qu'il avait, par suite, compétence pour engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote d'un texte, en application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l'article 49 de la Constitution doit être écarté ;

Sur les conditions d'insertion, sous forme d'amendements, de l'article 17 et des articles 34 à 49 :
Considérant qu'il est soutenu que plusieurs articles de la loi déférée ont été adoptés dans des conditions non conformes à la Constitution ;

Considérant que les critiques portent tout d'abord sur l'article 17 ;
que les députés auteurs de la première saisine, tout comme les sénateurs auteurs de la troisième saisine, font valoir que l'article 17 tire son origine d'un amendement adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale après l'échec de la commission mixte paritaire qui excède par son objet et sa portée les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement en vertu des dispositions combinées des articles 39 et 44 de la Constitution ;
que l'adoption de l'amendement dont est issu l'article 17 est critiquée, de surcroît, par les sénateurs auteurs de la troisième saisine, au regard de l'article 45 de la Constitution ;

Considérant que les députés auteurs de la première saisine relèvent également qu'excèdent par leur objet et leur portée les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement les dispositions des articles 34 à 49 qui concernent la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales ;

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit d'amendemenr, qui est le corollaire de l'initiative législative, peut, sous réserve des limitations posées aux troisième et quatrième alinéas de l'article 45, s'exercer à chaque stade de la procédure législative ;
que, toutefois, les adjonctions ou modifications ainsi apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, alinéa 1, et 44, alinéa 1, de la Constitution, ni être sans lien avec ce dernier ni dépasser par leur objet et leur portée les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement qui relève d'une procédure spécifique ;

Considérant que l'amendement qui est à l'origine de l'article 17 a pour objet de modifier les dispositions du premier alinéa de l'article L 162-5 du code de la sécurité sociale qui sont relatives à la définition des rapports entre les caisses primaires d'assurance maladie et les médecins et d'en tirer les conséquences sur le libellé du deuxième alinéa de l'article L 162-5 et des articles L 162-6, L 162-7 et L 162-8 du même code ;
que l'amendement dont est issu l'article 34 soumet les médicaments utilisés pour des préparations magistrales aux mêmes procédures de contrôle que les spécialités pharmaceutiques ;
que les amendements qui sont à l'origine des articles 35 à 49 ne font que modifier et compléter sur des points limités certaines des dispositions de la loi n° 88-1138 du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales ;

Considérant que ces diverses dispositions ne sont pas sans lien avec le texte en discussion ;
que, tant par leur objet, qui est étroitement spécifié, que par leur portée, elles n'ont pas dépassé les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement ;

Considérant, dans ces conditions, qu'il convient d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance tant de l'article 45 de la Constitution que des dispositions combinées des articles 39 et 44 ;

Sur l'article 17 relatif au rapport entre les médecins et les organismes de sécurité sociale :
Considérant que l'article 17 de la loi comporte deux paragraphes ;
que le paragraphe I, qui modifie le premier alinéa de l'article L 162-5 du code de la sécurité sociale, dispose que :
" Les rapports entre les caisses d'assurance maladie et les médecins sont définis par des conventions nationales conclues séparément pour les médecins généralistes et les médecins spécialistes, par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et une ou plusieurs organisations syndicales les plus représentatives pour l'ensemble du territoire de médecins généralistes ou de médecins spécialistes ou par une convention nationale conclue par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et au moins une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire de médecins généralistes et une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire de médecins spécialistes " ;
que le paragraphe II de l'article 17 apporte au deuxième alinéa de l'article L 162-5 du code de la sécurité sociale ainsi qu'aux articles L 162-6, L 162-7 et L 162-8 de ce code des modifications destinées à substituer au concept de convention unique la notion de pluralité de conventions ;

Considérant que les députés auteurs de la première saisine estiment que la possibilité d'organiser par des conventions distinctes les rapports entre les caisses primaires d'assurance maladie et les médecins spécialistes, d'une part, généralistes, d'autre part, implique que les modalités de remboursement des soins dispensés aux assurés sociaux soient différentes selon que le médecin auquel ils s'adressent relève de l'une ou l'autre convention ;
qu'il s'ensuit, d'après eux, que se trouvent par là même violés le principe d'égalité, le principe du libre choix du médecin, le principe de l'unité de la profession médicale ainsi que la liberté d'exercice de cette profession ;
qu'en tout état de cause, le législateur a méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ainsi que les dispositions de son article 21 relatives à l'exercice du pouvoir réglementaire national par le Premier ministre ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la violation des règles de compétence :
Considérant qu'il est soutenu qu'en se bornant à renvoyer à des conventions la définition des rapports entre les médecins et les caisses primaires d'assurance maladie le législateur a méconnu sa propre compétence ;
qu'à supposer même qu'elles apparaissent conformes à l'article 34 de la Constitution, les dispositions nouvelles de l'article L 162-5 du code de la sécurité sociale, rapprochées de l'article L 162-6 de ce code, sont en contradiction avec les deux premiers alinéas de l'article 21 de la Constitution qui confèrent au Premier ministre, sous réserve des pouvoirs du Président de la République, l'exercice du pouvoir réglementaire national ;

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