ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
18 juillet 2013 (*)
" Droit d'accise - Directive 92/12/CEE - Articles 7 à 9 - Directive 2008/118/CE - Articles 32 à 34 - Circulation intracommunautaire de produits soumis à accise - Règlement (CEE) n° 3649/92 - Articles 1er et 4 - Document d'accompagnement simplifié - Exemplaire n°1 - Activité de 'cash & carry' - Produits mis à la consommation dans un État membre et détenus à des fins commerciales dans un autre État membre ou produits acquis par les particuliers pour leurs besoins propres et transportés par eux-mêmes - Boissons spiritueuses - Absence d'obligation de vérification par le fournisseur "
Dans l'affaire C-315/12,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 267 TFUE, introduite par la Højesteret (Danemark), par décision du 26 juin 2012, parvenue à la Cour le 29 juin 2012, dans la procédure
Metro Cash & Carry Danmark ApS
contre
Skatteministeriet,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. E. Jarasiunas, président de chambre, Mme C. Toader (rapporteur) et M. C. G. Fernlund, juges,
avocat général : Mme E. Sharpston,
greffier : Mme L. Hewlett, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 10 avril 2013,
considérant les observations présentées :
- pour Metro Cash & Carry Danmark ApS, par Mes E. Lego Andersen et H. Peytz, advokater,
- pour le gouvernement danois, par Mme V. Pasternak Jørgensen, en qualité d'agent, assisté de Me D. Auken, advokat,
- pour le gouvernement hellénique, par Mmes I. Pouli et G. Papagianni, en qualité d'agents,
- pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes et Mme A. Cunha, en qualité d'agents,
- pour la Commission européenne, par M. W. Mölls et Mme C. Barslev, en qualité d'agents,
vu la décision prise, l'avocat général entendu, de juger l'affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1. - La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation des articles 7 à 9 de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO L 76, p. 1), telle que modifiée par la directive 92/108/CEE du Conseil, du 14 décembre 1992 (JO L 390, p. 124, ci-après la " directive 92/12 "), des articles 32 à 34 de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d'accise et abrogeant la directive 92/12 (JO L 9, p. 12), ainsi que des dispositions du règlement (CEE) n° 3649/92 de la Commission, du 17 décembre 1992, relatif au document d'accompagnement simplifié pour la circulation intracommunautaire de produits soumis à accises, qui ont été mis à la consommation dans l'État membre de départ (JO L 369, p. 17).
2. - Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant Metro Cash & Carry Danmark ApS (ci-après " Metro ") au Skatteministeriet (ministère des Contributions) au sujet d'une décision de ce dernier d'imposer à Metro une obligation de veiller à se faire remettre l'exemplaire n° 1 du document d'accompagnement simplifié prévu par le règlement n° 3649/92 dans le cadre de la vente des produits soumis à accise, en l'occurrence des boissons spiritueuses, à des clients assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la " TVA ") en Suède.
Le cadre juridique
Le droit de l'Union
La directive 92/12
3. - La directive 92/12 établit le régime général des produits soumis à accise, notamment les dispositions relatives à leur détention, à leur circulation et à leur contrôle.
4. - Les quatrième à huitième considérants de la directive 92/12 sont libellés comme suit :
" considérant que, pour assurer l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur, l'exigibilité des accises doit être identique dans tous les États membres ;
considérant que toute livraison, détention en vue de la livraison ou affectation aux besoins d'un opérateur accomplissant de manière indépendante une activité économique ou aux besoins d'un organisme de droit public ayant lieu dans un État membre autre que celui de la mise à la consommation donne lieu à exigibilité de l'accise dans cet autre État membre ;
considérant que les produits soumis à accise qui sont acquis par les particuliers pour leurs besoins propres et transportés par eux-mêmes doivent être taxés dans l'État membre où ces produits sont acquis ;
considérant que, pour établir que les produits soumis à accise ne sont pas détenus à des fins personnelles mais à des fins commerciales, les États membres doivent tenir compte d'un certain nombre de critères ;
considérant que les produits soumis à accise achetés par des personnes qui n'ont pas la qualité d'entrepositaire agréé, d'opérateur enregistré ou non enregistré et qui sont expédiés ou transportés directement ou indirectement par le vendeur ou pour son compte propre doivent être soumis à l'accise de l'État membre de destination ".
5. - L'article 6, paragraphe 1, de cette directive prévoit le principe selon lequel l'accise devient exigible lors de la mise à la consommation ou lors de la constatation des manquants qui devront être soumis à accise et il définit la mise à la consommation comme étant toute sortie, y compris irrégulière, d'un régime suspensif.
6. - L'article 7 de ladite directive prévoit :
" 1. Dans le cas où des produits soumis à accise ayant déjà été mis à la consommation dans un État membre sont détenus à des fins commerciales dans un autre État membre, les droits d'accises sont perçus dans l'État membre dans lequel ces produits sont détenus.
2. À cette fin, sans préjudice de l'article 6, lorsque les produits ayant déjà été mis à la consommation telle que définie à l'article 6 dans un État membre sont livrés ou destinés à être livrés à l'intérieur d'un autre État membre ou affectés à l'intérieur d'un autre État membre aux besoins d'un opérateur accomplissant de manière indépendante une activité économique ou aux besoins d'un organisme de droit public, l'accise devient exigible dans cet autre État membre.
3. L'accise est due, selon le cas, auprès de la personne qui effectue la livraison, qui détient les produits destinés à être livrés ou auprès de la personne où a lieu l'affectation des produits à l'intérieur d'un autre État membre que celui où les produits ont déjà été mis à la consommation, ou auprès de l'opérateur professionnel ou de l'organisme de droit public.
4. Les produits visés au paragraphe 1 circulent entre les territoires des différents États membres sous le couvert d'un document d'accompagnement qui mentionne les éléments principaux du document visé à l'article 18 paragraphe 1. La forme et le contenu de ce document sont définis selon la procédure prévue à l'article 24 de la présente directive.
5. La personne, l'opérateur ou l'organisme visé au paragraphe 3 doit se conformer aux prescriptions suivantes :
a) effectuer, préalablement à l'expédition des marchandises, une déclaration auprès des autorités fiscales de l'État membre de destination et garantir le paiement des droits d'accise ;
b) acquitter les droits d'accises de l'État membre de destination selon les modalités prévues par cet État membre ;
c) se prêter à tout contrôle permettant à l'administration de l'État membre de destination de s'assurer de la réception effective des marchandises et du paiement des droits d'accises dont elles sont passibles.
6. Les droits d'accises acquittés dans le premier État membre, visés au paragraphe 1, sont remboursés conformément à l'article 22 paragraphe 3.
[...] "
7. - En vertu de l'article 8 de la directive 92/12, pour les produits acquis par les particuliers, pour leurs besoins propres et transportés par eux-mêmes, le principe régissant le marché intérieur dispose que les droits d'accises sont perçus dans l'État membre où les produits sont acquis.
8. - L'article 9 de cette directive dispose :
" 1. Sans préjudice des articles 6, 7 et 8, l'accise devient exigible lorsque les produits mis à la consommation dans un État membre sont détenus à des fins commerciales dans un autre État membre.
Dans ce cas, l'accise est due dans l'État membre sur le territoire duquel les produits se trouvent et devient exigible auprès du détenteur des produits.
2. Pour établir que les produits visés à l'article 8 sont destinés à des fins commerciales, les États membres doivent, entre autres, tenir compte des points suivants :
- le statut commercial et les motifs du détenteur des produits,
- le lieu où ces produits se trouvent ou, le cas échéant, le mode de transport utilisé,
- tout document relatif à ces produits,
- la nature de ces produits,
- la quantité de ces produits.
Pour l'application du cinquième tiret, les États membres peuvent, seulement comme élément de preuve, établir des niveaux indicatifs. Ces niveaux indicatifs ne peuvent pas être inférieurs à :
[...]
b) Boissons alcooliques
boissons spiritueuses 10 litres
[...] "
Le règlement n° 3649/92
9. - Les articles 1er et 4 du règlement n° 3649/92, qui fixent les modalités du document d'accompagnement simplifié, sont libellés comme suit :
" Article premier
Si des produits soumis à accises, ayant déjà été mis à la consommation dans un État membre, sont destinés à être utilisés dans un autre État membre aux fins prévues par les dispositions de l'article 7 de la directive 92/12/CEE, la personne responsable de la circulation intracommunautaire doit établir un document d'accompagnement simplifié. Durant la circulation de ces produits d'un État membre vers un autre État membre, le document doit accompagner l'envoi et être mis à la disposition des autorités compétentes des États membres afin de permettre le contrôle.
[
]
Article 4
Le document d'accompagnement simplifié doit être établi en trois exemplaires.
L'exemplaire n° 1 doit être conservé par le fournisseur pour le contrôle fiscal.
L'exemplaire n° 2 doit accompagner les marchandises durant le transport et doit être gardé par le destinataire.
L'exemplaire n° 3 doit accompagner les marchandises et doit être renvoyé au fournisseur avec un certificat de réception indiquant le traitement fiscal ultérieur des marchandises dans l'État membre de destination, si le fournisseur l'exige en particulier dans le cadre d'une demande de remboursement. Cet exemplaire est à joindre à une éventuelle demande de remboursement visée à l'article 22, paragraphe 3, de la directive 92/12/CEE. "
La directive 2008/118
10. - Les articles 32 à 34 de la directive 2008/118, qui remplacent les articles 7 à 9 de la directive 92/12, prévoient :
" Article 32
1. Pour les produits soumis à accise acquis par un particulier pour ses besoins propres et transportés d'un État membre à un autre par lui-même, les droits d'accise sont exigibles uniquement dans l'État membre où les produits sont acquis.
2. Pour déterminer si les produits soumis à accise visés au paragraphe 1 sont destinés aux besoins propres d'un particulier, les États membres tiennent compte notamment des éléments suivants :
a) le statut commercial du détenteur des produits soumis à accise et les motifs pour lesquels il les détient ;
b) le lieu où se trouvent les produits soumis à accise ou, le cas échéant, le mode de transport utilisé ;
c) tout document relatif aux produits soumis à accise ;
d) la nature des produits soumis à accise ;
e) la quantité des produits soumis à accise.
3. Aux fins du paragraphe 2, point e), les États membres peuvent, seulement comme élément de preuve, établir des niveaux indicatifs. Ces niveaux indicatifs ne peuvent pas être inférieurs à :
[
]
b).pour les boissons alcoolisées :
- boissons spiritueuses : 10 litres,
[
]
[
]
Article 33
1. Sans préjudice de l'article 36, paragraphe 1, dans les cas où des produits soumis à accise ayant déjà été mis à la consommation dans un État membre sont détenus à des fins commerciales dans un autre État membre pour y être livrés ou y être utilisés, ils sont soumis aux droits d'accise, et les droits d'accise deviennent exigibles dans cet autre État membre.
Aux fins du présent article, on entend par 'détention à des fins commerciales' la détention de produits soumis à accise par une personne autre qu'un particulier ou par un particulier autrement que pour ses besoins propres et transportés par lui-même, conformément à l'article 32.
2. Les conditions d'exigibilité et le taux d'accise à appliquer sont ceux en vigueur à la date à laquelle les droits deviennent exigibles dans cet autre État membre.
3. La personne redevable des droits d'accise, devenus exigibles, est, selon les cas visés au paragraphe 1, la personne qui effectue la livraison, ou qui détient les produits destinés à être livrés, ou à qui sont livrés les produits dans l'autre État membre.
4. Sans préjudice de l'article 38, lorsque des produits soumis à accise qui ont déjà été mis à la consommation dans un État membre circulent dans la Communauté à des fins commerciales, ils ne sont pas considérés comme étant détenus à ces fins avant d'avoir atteint l'État membre de destination, à condition qu'ils circulent sous le couvert des formalités prévues à l'article 34.
5. Les produits soumis à accise détenus à bord d'un navire ou d'un aéronef effectuant des traversées maritimes ou des vols entre deux États membres, mais qui ne sont pas disponibles à la vente, lorsque le navire ou l'aéronef se trouve sur le territoire d'un des États membres concernés, ne sont pas considérés comme détenus à des fins commerciales dans cet État membre.
6. Les droits d'accise sont remboursés ou remis, sur demande, dans l'État membre où a eu lieu la mise à la consommation lorsque les autorités compétentes de l'autre État membre constatent que les droits d'accise sont devenus exigibles et ont été perçus dans cet État membre.
Article 34
1. Dans les situations visées à l'article 33, paragraphe 1, les produits soumis à accise circulent entre les territoires des différents États membres sous le couvert d'un document d'accompagnement comportant les éléments essentiels du document visé à l'article 21, paragraphe 1.
La Commission arrête, selon la procédure visée à l'article 43, paragraphe 2, des mesures établissant la forme et le contenu au document d'accompagnement.
2. Les personnes visées à l'article 33, paragraphe 3, se conforment aux prescriptions suivantes :
a) effectuer, préalablement à l'expédition des produits, une déclaration auprès des autorités compétentes de l'État membre de destination et garantir le paiement des droits d'accise ;
b) acquitter les droits d'accise de l'État membre de destination selon les modalités prévues par cet État membre ;
c) se prêter à tout contrôle permettant aux autorités compétentes de l'État membre de destination de s'assurer de la réception effective des produits soumis à accise et du paiement des droits d'accise exigibles pour ces produits.
L'État membre de destination peut, dans les situations et les conditions qu'il détermine, simplifier ou accorder une dérogation aux prescriptions visées au point a). Dans ce cas, il en informe la Commission, qui en informe les autres États membres. "
Le droit danois
11. - Les dispositions pertinentes de la directive 92/12 et de la directive 2008/118 ont été transposés par la loi consolidée n° 1239 relative aux taxes sur la bière, le vin et le vin de fruit e.a. (loi relative à la taxe sur les boissons spiritueuses) [lovbekendtgørelse nr. 1239 om afgift af øl, vin og frugtvin m.m (spiritusafgiftsloven)], du 22 octobre 2007 et par la loi n° 1385 modifiant, entre autres, la loi relative à la taxe sur les boissons spiritueuses (lov nr. 1385 om ændring af bl.a. spiritusafgiftsloven), du 21 décembre 2009.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
12. - Il ressort de la décision de renvoi que les droits d'accises danois sur les boissons spiritueuses sont considérablement moins élevés que les droits suédois correspondants. Au 1er janvier 2012, les droits d'accises danois s'élevaient à 150 couronnes danoises (DKK) par litre alors que les droits suédois s'élevaient à la même date à environ 424,14 DKK par litre. Cette situation constitue une incitation financière à acheter des boissons spiritueuses soumises à l'accise danoise et à les importer en Suède. Les boissons spiritueuses ne sont pas soumises aux droits d'accise suédois si elles sont acquises par des particuliers au Danemark pour leurs besoins propres et sont transportées par eux-mêmes. En revanche, en cas d'acquisition à des fins commerciales, les droits d'accises suédois s'appliquent.
13. - Metro exerce au Danemark une activité de vente d'un large assortiment de produits, y compris des boissons spiritueuses, à des clients danois ou provenant d'autres États membres. Le concept utilisé, " cash & carry ", consiste dans le fait que les clients viennent eux-mêmes chercher les marchandises sur les étagères dans les entrepôts et les mettent dans des chariots qu'ils emmènent à la caisse où ils règlent leurs achats comptant (" cash "). Une fois payés, les produits sont remis aux clients qui s'occupent eux-mêmes de leur acheminement (" carry ").
14. - Les achats ne peuvent être effectués chez Metro qu'après la présentation à la caisse d'une carte à lecture optique (ci-après la " carte Metro ") délivrée sur demande aux entreprises danoises enregistrées dans le Det Centrale Virksomhedsregister (registre central des entreprises). S'agissant des clients suédois, Metro ne délivre cette carte qu'aux entreprises assujetties à la TVA en Suède. Un client, auquel sont délivrées plusieurs cartes Metro, peut mettre ses cartes à la disposition d'autres personnes physiques, lesquelles peuvent utiliser lesdites cartes pour leurs propres achats. Cela vaut à la fois pour les clients danois et suédois. Metro compte plus de 250 000 clients enregistrés et a délivré plus de 700 000 cartes Metro.
15. - La personne qui se présente à la caisse n'est soumise à aucune formalité en vue de justifier de son identité ou de sa qualité d'opérateur ou de représentant de l'entreprise à laquelle la carte Metro a été délivrée. Metro n'organise pas de contrôles en caisse afin de vérifier si les marchandises sont achetées à des fins commerciales ou s'il s'agit uniquement ou également d'achats à usage privé.
16. - La vente de boissons spiritueuses est toujours soumise au paiement de la TVA et des droits d'accises danois, quelle que soit la nationalité du client.
17. - Il résulte d'une demande d'assistance du 12 février 2007, justifiée par le risque de fraude dans le secteur de la restauration, que le Skatteverket (administration fiscale suédoise) avait sollicité auprès de l'administration douanière et fiscale danoise des informations concernant les achats effectués par les clients suédois chez Metro au cours des années 2003 et 2004. Les informations reçues avaient été utilisées lors des contrôles réalisés dans plusieurs restaurants suédois à la suite desquels, dans tous les cas, les restaurateurs ont reçu des avis de redressement et se sont vu retirer leur licence.
18. - Par la suite, le Skatteministeriet a adopté une décision imposant à Metro de se faire remettre l'exemplaire n° 1 du document d'accompagnement simplifié lors des ventes de boissons spiritueuses aux clients suédois.
19. - Le recours introduit par Metro contre cette décision a été rejeté par l'Østre Landsret (cour régionale de l'Est du Danemark), par jugement du 19 mars 2010.
20. - Le 11 mai 2010, Metro a interjeté appel de ce jugement devant la Højesteret.
21. - C'est dans ces conditions que la Højesteret a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
" 1) La directive 92/12 et le règlement n° 3649/92 doivent-ils être interprétés en ce sens qu'un opérateur économique d'un État membre qui, dans des circonstances comme celles de l'affaire au principal, vend des marchandises soumises à accise qui ont été mises à la consommation dans cet État membre et remises, dans les locaux du vendeur, à un acheteur domicilié dans un autre État membre sans que le vendeur ne participe au transport ou l'organise, doit vérifier, premièrement, si l'achat des marchandises soumises à accise est réalisé dans l'intention de les importer dans cet autre État membre et, deuxièmement, si cette importation est réalisée par l'acheteur pour un usage professionnel ou pour ses besoins propres?
2) En cas de réponse affirmative à la première question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si, en cas de vente de marchandises soumises à accise dans des circonstances comme celles de l'affaire au principal, l'opérateur économique doit, lors de la vérification, appliquer des règles de présomption concernant l'intention de l'acheteur quant aux produits achetés.
3) En cas de réponse affirmative à la première question, la juridiction de renvoi souhaite en outre savoir s'il convient d'interpréter la directive 92/12 et le règlement n° 3649/92 en ce sens qu'un vendeur comme celui visé à la première question doit, dans des circonstances comme celles de l'affaire au principal, opposer un refus de vente de marchandises soumises à accise à un acheteur qui n'offre pas de remettre l'exemplaire n° 1 du document d'accompagnement simplifié mentionné à l'article 4 du règlement si l'objectif de l'achat des marchandises soumises à accise est d'utiliser ces marchandises à des fins commerciales dans le pays d'origine de l'acheteur? La juridiction de renvoi souhaite également une réponse au cas où il conviendrait d'appliquer des règles de présomption comme indiqué à la deuxième question.
4) L'entrée en vigueur de la directive 2008/118 et l'abrogation de la directive 92/12 impliquent-elles une modification de la situation juridique qui découlait de la directive 92/12 dans le cadre des réponses aux première à troisième questions?
5) L'expression 'les produits [
] acquis par les particuliers pour leurs besoins propres' aux articles 8 de la directive 92/12 et 32, paragraphe 1, de la directive 2008/118 doit-elle être interprétée en ce sens qu'elle s'applique ou peut s'appliquer à l'achat de marchandises soumises à accise dans des circonstances comme celles de l'affaire au principal? En cas de réponse négative, la juridiction de renvoi souhaiterait savoir si les achats doivent alors relever respectivement de l'article 7 de la directive 92/12 ou de l'article 33 de la directive 2008/118? "
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
22. - Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 7 à 9 de la directive 92/12 ainsi que les articles 1er et 4 du règlement n° 3649/92 doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à un opérateur économique, tel que celui en cause au principal, de vérifier si les acheteurs provenant d'autres États membres ont l'intention d'importer les produits soumis à accise dans un autre État membre et, le cas échéant, si une telle importation est réalisée à des fins privées ou à des fins commerciales.
23. - À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la directive 92/12 visef à établir un certain nombre de règles en ce qui concerne la détention, la circulation et les contrôles des produits soumis à accise, et ce notamment afin d'assurer que l'exigibilité de l'accise soit identique dans tous les États membres (voir arrêt du 23 novembre 2006, Joustra, C-5/05, Rec. p. I-11075, point 27 et jurisprudence citée).
24. - La directive 92/12 établit à cet égard, ainsi qu'il ressort, notamment, de ses cinquième et sixième considérants, une distinction entre, d'une part, les produits qui sont détenus à des fins commerciales et dont le transport doit être accompagné de documents et, d'autre part, les produits qui sont acquis par les particuliers pour leurs propres besoins et dont le transport ne requiert aucun document.
25. - En vertu de l'article 1er du règlement n° 3649/92, si des produits soumis à accise, ayant déjà été mis à la consommation dans un État membre, sont destinés à être utilisés dans un autre État membre aux fins prévues par les dispositions de l'article 7 de la directive 92/12, la personne responsable de la circulation intracommunautaire doit établir un document d'accompagnement simplifié.
26. - Conformément à l'article 4 dudit règlement, le document d'accompagnement simplifié doit être établi en trois exemplaires dont l'exemplaire n° 1 doit être conservé par le fournisseur pour le contrôle fiscal.
27. - Il résulte de la lecture combinée des articles 1er et 4 du règlement n° 3649/92, que l'exemplaire n° 1 du document d'accompagnement simplifié doit être conservé par le fournisseur uniquement lorsque ce document a été établi par la " personne responsable de la circulation intracommunautaire ", mentionnée audit article 1er, à laquelle il revient, par conséquent, de remettre cet exemplaire au fournisseur lorsqu'elle constate que des produits soumis à accise, ayant déjà été mis à la consommation dans un État membre, sont destinés à être détenus à des fins commerciales dans un autre État membre.
28. - Rien dans ces dispositions ne permet de conclure qu'un fournisseur tel que Metro, pour autant qu'il n'est pas lui-même la " personne responsable de la circulation intracommunautaire " en vertu de l'article 1er du règlement n° 3649/92, doit contrôler si les conditions sont remplies pour que la personne responsable établisse et lui remette ledit document d'accompagnement simplifié afin qu'il puisse le conserver.
29. - Ainsi que la Commission l'a fait valoir dans ses observations, cette personne responsable est celle visée à l'article 7, paragraphe 5, de la directive 92/12 qui renvoie à l'article 7, paragraphe 3, de cette directive.
30. - Conformément à cette dernière disposition, l'accise est due, selon le cas, auprès de la personne qui effectue la livraison, qui détient les produits destinés à être livrés ou auprès de la personne où a lieu l'affectation des produits à l'intérieur d'un autre État membre que celui où les produits ont déjà été mis à la consommation, ou auprès de l'opérateur professionnel ou de l'organisme de droit public.
31. - En l'occurrence, il n'est pas contesté que, dans le cadre du système " cash & carry " mis en place par Metro, c'est le client lui-même qui s'occupe du transport des produits achetés, lesquels peuvent être destinés à un usage privé ou commercial et, lorsque le client est suédois, être utilisés non pas en Suède, mais au Danemark.
32. - Il en découle, tout d'abord, qu'un opérateur comme Metro, en tant que fournisseur qui ne s'occupe pas de la livraison de produits vendus, ne saurait être considéré comme la " personne qui effectue la livraison ", au sens de article 7, paragraphe 3, de la directive 92/12.
33. - Ensuite, un tel opérateur ne pourrait être considéré comme la personne " qui détient les produits destinés à être livrés ", au sens dudit article 7, paragraphe 3, dans la mesure où son activité de commerce de gros en libre-service ne lui permet de garantir ni l'usage commercial des produits vendus à des clients suédois ni le fait que ces produits seront effectivement livrés en Suède.
34. - Cette interprétation est confirmée par l'article 33, paragraphe 3, de la directive 2008/118 qui remplace l'article 7, paragraphe 3, de la directive 92/12. En effet, le nouveau texte contient désormais un renvoi au paragraphe 1 de cet article 33, établissant clairement un lien entre la détention en vue de la livraison et l'application dudit article 33, qui, comme l'article 7 de la directive 92/12, vise les produits " mis à la consommation dans un État membre " et " détenus à des fins commerciales dans un autre État membre ".
35. - Enfin, de la lecture combinée des paragraphes 2 et 3 de l'article 7 de la directive 92/12, il résulte que Metro, en tant qu'entreprise établie au Danemark, État membre de la mise à la consommation dans l'affaire au principal, ne relève pas non plus des autres cas de figure prévus à l'article 7, paragraphe 3, de ladite directive. En effet, ces derniers concernent uniquement les opérateurs professionnels ou les organismes de droit public auxquels sont affectés les produits à l'intérieur d'un État membre autre que celui de la mise à la consommation.
36. - Cette conclusion est également confortée par l'article 33, paragraphe 3, de la directive 2008/118 qui simplifie ces dispositions de la directive 92/12 en faisant désormais référence uniquement à la personne " à qui sont livrés les produits dans l'autre État membre ".
37. - Par conséquent, il y a lieu de constater qu'un opérateur économique tel que Metro ne peut pas être qualifié de " personne responsable de la circulation intracommunautaire ", au sens de l'article 1er du règlement n° 3649/92, et ne doit pas contrôler si les conditions sont remplies pour que la personne responsable établisse et lui remette le document d'accompagnement simplifié afin qu'il puisse le conserver.
38. - Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que les articles 7 à 9 de la directive 92/12 ainsi que les articles 1er et 4 du règlement n° 3649/92 doivent être interprétés en ce sens qu'ils n'imposent pas à un opérateur économique, tel que celui en cause au principal, de vérifier si les acheteurs provenant d'autres États membres ont l'intention d'importer les produits soumis à accise dans un autre État membre et, le cas échéant, si une telle importation est réalisée à des fins privées ou à des fins commerciales.
Sur les deuxième et troisième questions
39. - Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n'y a plus lieu de statuer sur les deuxième et troisième questions préjudicielles.
Sur la quatrième question
40. - Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 32 à 34 de la directive 2008/118 doivent être interprétés en ce sens qu'ils apportent des modifications substantielles aux articles 7 à 9 de la directive 92/12 justifiant, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, une réponse différente à la première question.
41. - La réponse à cette question ressort de celle apportée à la première question et notamment des points 34 et 36 du présent arrêt.
42. - En effet, il convient de constater que les articles 32 à 34 de la directive 2008/118 n'apportent pas de modifications substantielles aux articles 7 à 9 de la directive 92/12, mais reprennent le contenu de ces articles en les clarifiant.
43. - Par conséquent, il y a lieu de répondre à la quatrième question que les articles 32 à 34 de la directive 2008/118 doivent être interprétés en ce sens qu'ils n'apportent pas de modifications substantielles aux articles 7 à 9 de la directive 92/12 justifiant, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, une réponse différente à la première question.
Sur la cinquième question
44. - Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 8 de la directive 92/12 doit être interprété en ce sens qu'il est susceptible de couvrir l'achat de produits soumis à accise dans des circonstances telles que celles en cause au principal.
45. - À cet égard, il convient de rappeler que les produits qui ne sont pas détenus à des fins personnelles doivent nécessairement être considérés comme étant détenus à des fins commerciales (voir arrêt Joustra, précité, point 29).
46. - Il résulte du libellé de l'article 7 de la directive 92/12 que ce dernier vise l'achat de produits soumis à accise dans des circonstances telles que celles en cause au principal lorsque ces produits sont destinés à être détenus dans un autre État membre à des fins commerciales.
47. - Toutefois, ainsi qu'il ressort de l'examen de la première question, il est également possible que de tels produits soient acquis par des particuliers, pour leurs besoins propres, et transportés par eux-mêmes en Suède. Dans de telles circonstances, lesdits produits relèvent de l'article 8 de la directive 92/12.
48. - En conséquence, il convient de répondre à la cinquième question que l'article 8 de la directive 92/12 doit être interprété en ce sens qu'il est susceptible de couvrir l'achat de produits soumis à accise dans des circonstances telles que celles en cause au principal lorsque ces produits sont acquis par des particuliers, pour leurs besoins propres et sont transportés par eux-mêmes, ce qu'il revient aux autorités nationales compétentes de vérifier au cas par cas.
Sur les dépens
49. - La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :
1) Les articles 7 à 9 de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, telle que modifiée par la directive 92/108/CEE du Conseil, du 14 décembre 1992, ainsi que les articles 1er et 4 du règlement (CEE) n° 3649/92 de la Commission, du 17 décembre 1992, relatif au document d'accompagnement simplifié pour la circulation intracommunautaire de produits soumis à accises, qui ont été mis à la consommation dans l'État membre de départ, doivent être interprétés en ce sens qu'ils n'imposent pas à un opérateur économique, tel que celui en cause au principal, de vérifier si les acheteurs provenant d'autres États membres ont l'intention d'importer les produits soumis à accise dans un autre État membre et, le cas échéant, si une telle importation est réalisée à des fins privées ou à des fins commerciales.
2) Les articles 32 à 34 de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d'accise et abrogeant la directive 92/12/CEE, doivent être interprétés en ce sens qu'ils n'apportent pas de modifications substantielles aux articles 7 à 9 de la directive 92/12, telle que modifiée par la directive 92/108, justifiant, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, une réponse différente à la première question.
3) L'article 8 de la directive 92/12, telle que modifiée par la directive 92/108, doit être interprété en ce sens qu'il est susceptible de couvrir l'achat de produits soumis à accise dans des circonstances telles que celles en cause au principal lorsque ces produits sont acquis par des particuliers, pour leurs besoins propres et sont transportés par eux-mêmes, ce qu'il revient aux autorités nationales compétentes de vérifier au cas par cas.
Signatures
* Langue de procédure : le danois.