No Z 12-82.203 F P+B No 3437
CV1 19 JUIN 2013
REJET
M. LOUVEL président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf juin deux mille treize, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire ..., les observations de la société civile professionnelle GADIOU et CHEVALLIER, de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ... ;
Statuant sur le pourvoi formé par
- M. Augustin Z,
- La société Socaprim,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES, chambre correctionnelle, en date du 17 février 2012, qui, pour importation sans déclaration de marchandises prohibées, les a condamnés solidairement à une amende douanière, et a prononcé une mesure de confiscation ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 7, 8, 32, 33 et 34 du protocole no 4 de l'accord CE-Maroc relatif à la définition de la notion de produits originaires et aux méthodes de coopération administrative, 4 et 23 code des douanes communautaires, 369, 406, 414, 423, 424, 425, 426, 427, 430 et 435 du code des douanes, 591 et 593 du code de procédure pénale ; défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a réformé le jugement déféré sur la relaxe partielle et a déclaré M. Z et la société Socaprim coupables pour les neuf importations, d'importation par fausses déclarations de l'origine des marchandises, commises à l'aide de certificats inexacts ou non applicables, a confirmé le jugement qui les avait déclarés coupables des dix importations d'ail d'origine espagnole, et les a condamnés solidairement à payer une amende douanière de 390 174 euros et la somme de 390 174 euros à l'administration des douanes au titre de la confiscation des marchandises qui n'ont pu être saisies
"aux motifs que le tribunal, pour relaxer les prévenus du chef de ces neuf importations non déclarées de marchandises prohibées, a considéré que le courrier de la douane marocaine, en date du 6 février 2010, bien que libellé en termes conditionnels, était de nature à créer un doute sérieux quant au caractère inexact des certificats invalidés ; que l'administration douanière ne rapportait pas la preuve que la marchandise exportée n'était pas d'origine marocaine ; que la cour ne retiendra pas cette analyse ; qu'il est incontestable que ces neuf certificats ont, dans le cadre d'un contrôle a posteriori, formulés par les autorités douanières françaises conformément à l'article 32 du protocole no 4 de l'accord UE-Maroc, été invalidés par les autorités marocaines par courriers des 23 décembre 2004 et 1er février 2005, au motif que l'origine marocaine de l'ail exporté n'était pas confirmée ; que le courrier du 6 février 2010, retenu comme base de la relaxe par le tribunal, était rédigé au conditionnel, faisant état de confrontations effectuées entre des données du département de l'agriculture sur la production globale d'ail de la société Euroagri pour les campagnes agricoles 2000/2001 et 2001/2002, et les exportations réalisées par la société durant les années 2001 et 2002, qui permettraient de conclure que les quantités d'ail produites localement couvriraient celles exportées sous couvert des certificats Eur1, objet de la précédente transmission ; qu'il ressortait de la formulation du courrier que ce revirement de la position marocaine faisait suite à une procédure initiée par la société Euroagri auprès des autorités administratives et douanières compétentes au Maroc ; qu'il doit être également précisé que la société Euroagri appartient à M. Z, société qu'il a créé avec deux associés espagnols, précision qu'il avait omise lors de son audition, dans le cadre de l'enquête douanière ;
qu'outre son caractère non affirmatif et imprécis sur l'origine marocaine de l'ail objet des neuf certificats, cette correspondance spontanée ne constituait pas la réponse d'une autorité douanière à son homologue tel que le prévoit le protocole no 4 de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre l'Union européenne et le Royaume du Maroc ; que les lettres des autorités douanières marocaines, en date des 16 et 24 mars 2011, si elles sont rédigées en des termes plus affirmatifs, n'apportent aucun élément matériel nouveau aux fins de démontrer l'origine marocaine de l'ail importé par la société Socaprim, faisant toujours état d'allégations et de calculs théoriques comparant les quantités supposées d'aulx produites avec les quantités d'aulx réellement exportées par la société Euroagri ; qu'enfin et surtout, ces courriers spontanés de 2010 et 2011 des autorités marocaines, intervenant cinq à six ans après leur réponse initiale, ne répondent pas à une demande d'éclaircissements émanant des autorités douanières françaises, conformément à la procédure de coopération administrative prévue pour contrôler l'authenticité des certificats de circulation des marchandises Eur1 et l'exactitude des renseignements relatifs à l'origine réelle des produits en cause ; que la procédure de coopération administrative de l'accord UE-Maroc est prévue exclusivement sur demande des autorités douanières de pays d'importation, à l'exclusion d'une demande de l'opérateur, par application de l'article 33 par 1 et 2 du protocole no 4 ; qu'il s'en déduit, sans qu'il soit nécessaire de poser une question préjudicielle à la cour de justice européenne, que seule la réponse officielle produite, dans le cadre de la demande de contrôle a posteriori des autorités douanières françaises doit être prise en compte s'agissant de l'invalidation des neuf certificats Eur1 ; que les prévenus ne sauraient reprocher à l'administration des douanes de ne pas avoir saisi le comité de coopération douanière dès lors que la procédure ne caractérise pas l'existence d'une contestation entre les douanes françaises et marocaines sur l'invalidation des neuf certificats en cause ; que le jugement sera réformé sur la relaxe concernant les neuf importations susvisées ; que sur les dix importations d'ail d'origine espagnole, le tribunal a par des motifs exacts, suffisants et pertinents, expressément repris par la cour, retenu la culpabilité des prévenus pour avoir faussement déclaré l'ail objet de ces importations originaires du Maroc ; qu'il suffit d'ajouter pour répondre aux conclusions que les éléments de l'enquête ont établi que les aulx litigieux ont été cultivés et récoltés en Espagne ; que toutes les opérations réalisées au Maroc, achèvement de séchage, traitement phytosanitaire permettant de conserver en l'état le produit, triage, calibrage, nettoyage, et présentation en grappes, tresses et bouquets agrémentés par l'ajout de plantules marocains, correspondent à des ouvraisons ou transformations, listées dans l'article 8 du protocole UE-Maroc comme insuffisantes pour conférer au produit le caractère originaire marocain, cet article étant ainsi rédigé ; Ouvraisons ou transformations insuffisantes, pour l'application de l'article 7 les ouvraisons ou les transformations suivantes sont toujours considérées comme insuffisantes pour conférer le caractère originaire qu'il y ait ou non changement de position
a) les manipulations destinées à assurer la conservation en l'état de produits pendant leur transport et leur stockage (aération, étendage, séchage, réfrigération, mise dans l'eau salée, soufrée ou additionnée d'autres substances, extraction de parties avariées et opérations similaires) ;
b) les opérations simples de dépoussiérage, de criblage, de triage, de classement, d'assortiment (y compris la composition de jeux de marchandises), de lavage, de peinture, de découpage ;
c) les changements d'emballage et des divisions et réunions de colis ; la simple mise en bouteilles, en flacon, en sacs, en étuis, en boîtes, sur planchettes, etc, et toutes autres opérations simples de conditionnement ;
d) l'apposition sur les produits eux-mêmes ou sur leurs emballages de marques, d'étiquettes ou d'autres signes distinctifs similaires ;
e) le simple mélange de produits, même d'espèces différentes, dès lors qu'un ou plusieurs composants du mélange ne répondent pas aux conditions établies par le présent protocole pour pouvoir être considérés comme originaires soit de la Communauté, soit du Maroc ;
f) la simple réunion de parties en vue de constituer un produit complet ;
g) le cumul de deux ou plusieurs opérations reprises aux points aàd ;
h) l'abattage des animaux que, c'est à tort que les prévenus maintiennent l'origine communautaire de l'ail exporté ; qu'en effet les dispositions de l'article 4 par 8 du code des douanes communautaire stipule que sans préjudice des articles 163 et 164, les marchandises communautaires perdent ce statut douanier lorsqu'elles sont effectivement sorties du territoire douanier de la communauté ; que, de plus, les règles du cumul bilatéral énoncées à l'article 3 du protocole ne s'appliquent pas en l'espèce, l'ail concerné ayant subi des ouvraisons ou transformations insuffisantes ne lui permettant pas d'acquérir l'origine préférentielle marocaine contrairement à ce que soutiennent les prévenus ; sur la répression, qu'il y a lieu de considérer que les fausses déclarations d'origine ont permis aux prévenus d'obtenir un produit particulièrement concurrentiel et d'éluder un paiement de droits et taxes d'un montant de 593 462 euros ; que la bonne foi alléguée ne saura être retenue par la cour, la société Socaprim et M. Z, en leur qualité de négociants en fruits et légumes, ayant choisi de se spécialiser dans l'ail, ne pouvant prétendre méconnaître les règles d'origine applicables à ce produit ; que, de plus, la position de M. Z au sein de la société exportatrice EuroagrI ne peut que conforter sa parfaite connaissance de la provenance des marchandises ; qu'en conséquence, la cour, réformant le jugement déféré, et par application des articles 406 et 414 du code des douanes, condamnera solidairement les deux prévenus à une amende douanière égale à la valeur des objets de la fraude, soit 390 174 euros, ainsi qu'au paiement de la somme de 390 174 euros, pour tenir lieu de confiscation des marchandises qui n'ont pu être saisies, et ce par application de l'article 435 du code des douanes ;
1o) "alors que le contrôle a posteriori des certificats Eur1 effectué sur demande des autorités douanières du pays d'importation emporte que les autorités douanières du pays d'exportation, qui ont initialement invalidés de tels certificats en considérant que l'origine n'était pas confirmé, puissent revenir sur l'invalidation et prendre une nouvelle décision de validation des certificats et que cette nouvelle décision qui s'inscrit toujours dans la procédure de contrôle a posteriori s'impose aux autorités douanières du pays d'importation dès lors que la décision indique clairement si les documents sont authentiques et si les produits concernés peuvent être considérés comme des produits originaires ici de l'ail du Maroc ; qu'en refusant de tenir compte des lettres des autorités marocaines des 16 et 24 mars 2011 indiquant clairement l'origine marocaine de l'ail exporté sous couvert des 8 certificats Eur1, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
2) "alors que l'importateur a la possibilité de faire la preuve de l'origine préférentielle d'une marchandise de sorte qu'en écartant les lettres précitées des autorités marocaines, la cour d'appel a méconnu les règles de preuve ;
3) "alors que la saisine du comité de coopération douanière fait partie intégrante de la procédure de contrôle a posteriori de sorte que l'administration des douanes françaises ne pouvait refuser de prendre en considération les lettres des autorités douanières marocaines et que la cour d'appel, en décidant du contraire, a violé l'article 34 du protocole no 4 relatif à la définition de la notion de produits originaires et aux méthodes de coopération administrative ;
4o) "alors que les prestations réalisées au Maroc ayant porté sur l'achèvement du séchage de l'ail, un traitement phytosanitaire, le triage, le calibrage, le nettoyage et la présentation en grappes, tresses et bouquets agrémentés de par l'ajout de plantules marocains, constituaient des ouvraisons ou transformations suffisantes au sens des articles 7 et 8 du protocole no 4 ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé lesdits textes ;
5o) "alors que la cour d'appel ne s'est pas prononcée sur le bénéfice des circonstances atténuantes invoqué, subsidiairement, par les prévenus et a donc privé sa décision de motifs" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Socaprim, gérée par M. Z, a importé, entre le 18 juin 1991 et le 9 novembre 2002 de l'ail déclaré d'origine Maroc pour une valeur totale de 390 174 euros ; que ces importations ont bénéficié d'une exemption du droit ad valorem, dans le cadre de l'accord euro-Méditerranéen, sur présentation de certificats d'origine Eur1 émis par la société exportatrice Euro-Agri, également dirigée par M. Z ; qu'à la suite d'un contrôle a posteriori, demandé par les autorités douanières françaises, les autorités douanières marocaines ont invalidé, les 23 décembre 2004 et 1er février 2005, neuf certificats pour lesquels l'origine marocaine n'était pas rapportée et dix certificats qui concernaient de l'ail espagnol préalablement importé au Maroc, dans le cadre du régime douanier de l'admission temporaire pour perfectionnement actif ; que l'administration des douanes a fait citer M. Z et la société Socaprim du chef d'importation sans déclaration de marchandises prohibées ; que, devant la cour d'appel, les prévenus se sont prévalus de deux courriers, en date des 16 et 4 mars 2011, adressés aux autorités douanières françaises par leurs homologues marocains aux termes desquels celles-ci reviendraient sur leur précédente décision d'invalidation des neuf certificats précités ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables d'importations sans déclaration de marchandises prohibées, l'arrêt énonce que les lettres précitées de 2011, qui se réfèrent à des calculs théoriques comparant les quantités supposées d'ail produites avec celles réellement exportées, n'apportent aucun élément matériel nouveau propre à démontrer l'origine marocaine de l'ail importé ; que les juges ajoutent que ces courriers spontanés des autorités marocaines, intervenant cinq à six ans après leur réponse initiale, ne répondent pas à une demande d'éclaircissement des autorités douanières françaises, seule prévue à l'article 33, §1 et 2 du protocole no 4 relatif à la définition de la notion de produits originaires et aux méthodes de coopération annexé à l'accord euro-méditerranéen du 24 janvier 2000 ; qu'ils relèvent que les prévenus ne sauraient reprocher à l'administration des douanes de ne pas avoir saisi le comité de coopération douanière dès lors que la procédure ne caractérise pas l'existence d'une contestation entre les douanes françaises et marocaines sur l'invalidation des certificats en cause ; que les juges soulignent encore, s'agissant des importations d'ail d'origine espagnole, que toutes les opérations réalisées au Maroc correspondent à des ouvraisons ou transformations, listées dans l'article 8 du protocole précité comme insuffisantes pour conférer au produit le caractère originaire marocain ; qu'ils énoncent enfin que les prévenus, en leur qualité de négociant en fruits et légumes, ayant choisi de se spécialiser dans l'ail, ne pouvaient prétendre méconnaître les règles d'origine applicables à ce produit, la position de M. Z au sein de la société exportatrice Euroagri ne pouvant que conforter sa parfaite connaissance de la provenance des marchandises ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui a fait une exacte application du protocole no 4 de l'accord euro-méditerranéen précité, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale M. Louvel président, Mme Labrousse conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre Mme Couffrant ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;