CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 octobre 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1101 FS-B
Pourvoi n° K 21-13.134
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 OCTOBRE 2022
1°/ Mme [K] [Aa],
2°/ M. [M] [Ab],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° K 21-13.134 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige les opposant :
1°/ au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations et plaidoiries de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de Mme [Aa] et de M. [Ab], de la SARL Boré, Ac de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mme Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes et Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'
article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 janvier 2021), Mme [Aa] et M. [Ab], qui étaient présents à proximité du site de l'attentat perpétré le 14 juillet 2016, à Nice, au moyen d'un camion qui s'était engouffré dans la foule, ont adressé au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) une demande d'indemnisation de leurs préjudices, en faisant valoir qu'ils avaient subi des répercussions psychologiques à la suite de cet événement.
2. Le FGTI ayant refusé de les indemniser, au motif qu'ils ne se trouvaient pas sur le lieu même de l'attentat, Mme [Aa] et M. [Ab] l'ont assigné devant un tribunal de grande instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Mme [Aa] et M. [Ab] font grief à l'arrêt de dire qu'ils ne peuvent prétendre à la qualité de victimes d'acte de terrorisme au sens de la
loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986🏛, et à une indemnisation par le FGTI, et de les débouter de l'intégralité de leurs demandes, alors :
« 1°/ que doivent être qualifiées de victimes les personnes impliquées qui se trouvaient sur le lieu des faits au moment de l'acte de terrorisme et qui, ayant été exposées au risque ont présenté ultérieurement un dommage physique ou psychologique qui y est directement lié ; qu'il suffit que la personne ait été exposée au risque et non que le risque se soit réalisé pour que lui soit reconnu le statut de victime ; qu'en se bornant à affirmer, pour considérer que les exposants n'avaient pas le statut de victimes, que le camion s'était arrêté à 400 mètres de là où ils se trouvaient, sans rechercher, comme elle y était invitée, si avant l'arrêt du camion les exposants avaient été exposés au risque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles L. 126-1 et L. 422-1 du code des assurances🏛🏛 et l'
article 421-1 du code pénal🏛 ;
2°/ que doivent être qualifiées de victimes les personnes impliquées qui se trouvaient sur le lieu des faits au moment de l'acte de terrorisme et qui, ayant été exposées au risque ont présenté ultérieurement un dommage physique ou psychologique qui y est directement lié ; qu'il suffit que la personne ait été exposée au risque et non que le risque se soit réalisé pour que lui soit reconnu le statut de victime ; qu'en affirmant, pour refuser le statut de victimes à M. [Ab] et Mme [Aa], qu'ils se trouvaient à 400 mètres du camion au moment de la fin de sa course, la cour d'appel qui a soumis la reconnaissance de la qualité de victime à la réalisation du risque, a violé les
articles L. 126-1 et L. 422-1 du code des assurances🏛🏛 et l'
article 421-1 du code pénal🏛. »
Réponse de la Cour
4. L'
article 421-1 du code pénal🏛 prévoit que certaines infractions constituent des actes de terrorisme lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur.
5. Selon l'
article L. 126-1 du code des assurances🏛, qui a codifié, en substance, l'
article 9 de la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986🏛 relative à la lutte contre le terrorisme, les victimes d'actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l'étranger de ces mêmes actes, y compris tout agent public ou tout militaire, ainsi que leurs ayants droit sont indemnisés dans les conditions définies aux articles L. 422-1 et L. 422-3.
6. S'agissant d'actes de terrorisme en lien avec les infractions d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité des personnes, sont des victimes, au sens de l'article L.126-1 précité, les personnes qui ont été directement exposées à un péril objectif de mort ou d'atteinte corporelle.
7. Le fait pour une personne de s'être trouvée à proximité du lieu d'un attentat et d'en avoir été le témoin ne suffit pas, en soi, à lui conférer la qualité de victime.
8. L'arrêt relève que le Palais de la Méditerranée devant lequel la course du camion avait pris fin était éloigné de 400 mètres du théâtre de Verdure où se trouvaient Mme [Aa] et M. [Ab] et constate qu'ils ne s'étaient pas trouvés sur la trajectoire de ce véhicule.
9. En l'état de ces constatations et énonciations mettant en évidence que Mme [Aa] et M. [Ab] n'avaient, à aucun moment, été directement exposés à un péril objectif de mort ou d'atteinte corporelle, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument délaissée, a pu décider qu'ils n'avaient pas la qualité de victimes au sens des textes susmentionnés.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gouz-Fitoussi, avocat aux Conseils, pour Mme [Aa] et M. [Ab]
M. [Ab] et Mme [Aa] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'ils ne pouvaient prétendre à la qualité de victime d'acte de terrorisme au sens de la
loi du 9 septembre 1986🏛, et à une indemnisation subséquente par le fonds de garantie et de les avoir déboutés de l'intégralité de leurs demandes ;
Alors 1°) que doivent être qualifiées de victimes les personnes impliquées qui se trouvaient sur le lieu des faits au moment de l'acte de terrorisme et qui, ayant été exposées au risque ont présenté ultérieurement un dommage physique ou psychologique qui y est directement lié ; qu'il suffit que la personne ait été exposée au risque et non que le risque se soit réalisé pour que lui soit reconnu le statut de victime ; qu'en se bornant à affirmer, pour considérer que les exposants n'avaient pas le statut de victimes, que le camion s'était arrêté à 400 mètres de là où ils se trouvaient, sans rechercher, comme elle y était invitée, si avant l'arrêt du camion les exposants avaient été exposés au risque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles L. 126-1 et L. 422-1 du code des assurances🏛🏛 et l'
article 421-1 du code pénal🏛 ;
Alors 2°) que doivent être qualifiées de victimes les personnes impliquées qui se trouvaient sur le lieu des faits au moment de l'acte de terrorisme et qui, ayant été exposées au risque ont présenté ultérieurement un dommage physique ou psychologique qui y est directement lié ; qu'il suffit que la personne ait été exposée au risque et non que le risque se soit réalisé pour que lui soit reconnu le statut de victime ; qu'en affirmant, pour refuser le statut de victimes à M. [Ab] et Mme [Aa], qu'ils se trouvaient à 400 mètres du camion au moment de la fin de sa course, la cour d'appel qui a soumis la reconnaissance de la qualité de victime à la réalisation du risque, a violé les
articles L. 126-1 et L. 422-1 du code des assurances🏛🏛 et l'
article 421-1 du code pénal🏛.