JN / MS
Numéro 22/3705
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 20/10/2022
Dossier : N° RG 20/02954 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HWTN
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse
Affaire :
[3]
C/
Société [5]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du Code de Procédure Civile🏛.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 08 Septembre 2022, devant :
Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame NICOLAS, en application de l'
article 945-1 du Code de Procédure Civile🏛 et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
[3]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Madame [Aa] munie d'un pouvoir régulier
INTIMEE :
Société [5], prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Maître HAZART loco Maître COLMET DAAGE de la SELEURL OLIVIA COLMET DAAGE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 23 NOVEMBRE 2020
rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : 18/147
FAITS ET PROCÉDURE
Le 11 mai 2017, M. [U] [M] (le salarié), embauché au sein de la société [5] (l'employeur) en qualité d'affûteur, a adressé à la [3] (la caisse ou l'organisme social) une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, faisant état d'une « surdité progressive», accompagnée d'un certificat médical initial, établi par le Docteur [Ab], dont la date du 19 avril 2017, ressort du tampon apposé par la caisse, et indiquant au titre des constatations détaillées « audiogramme retrouve hypoacousie bilatérale, tableau 42 ».
Le 21 septembre 2017, après instruction, la caisse a notifié au salarié de même qu'à l'employeur, sa décision de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée de « hypoacousie de perception », comme inscrite au tableau n° 42 des maladies professionnelles.
L'employeur a contesté l'opposabilité à son égard de cette décision, ainsi qu'il suit :
- le 20 novembre 2017, devant la commission de recours amiable ([4]) de l'organisme social, laquelle a, par décision du 27 février 2018, rejeté le recours,
- le 27 mars 2018, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan, en contestation de la décision de rejet de la [4].
Par jugement du 23 novembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a :
- déclaré inopposable à l'employeur la décision de la caisse tendant à la prise en charge,au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée le 11 mai 2017 par le salarié, ainsi que toutes les conséquences qui en découlent,
- débouté la caisse de sa demande d'expertise,
- condamné la caisse à assumer la charge des entiers dépens engagés à compter du 1er janvier 2019.
Cette décision a été notifiée, par lettre recommandée avec avis de réception, reçue de chacune des parties le 25 novembre 2020.
Le 8 décembre 2020, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe de la cour, la caisse en a régulièrement interjeté appel.
Selon avis de convocation du 21 mars 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle elles ont comparu.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon conclusions visées par le greffe le 12 juillet 2021, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'organisme social, la [3], appelante, conclut :
- à titre principal, à l'infirmation du jugement déféré, à la confirmation que la maladie professionnelle a été légitimement prise en charge, et au débouté de l'employeur de ses demandes,
- à titre subsidiaire, à ce qu'il soit ordonné une expertise judiciaire, visant à déterminer si la pathologie litigieuse, remplit bien les conditions médicales du tableau n° 42 des maladies professionnelles.
Selon conclusions visées par le greffe le 23 août 2021, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'employeur, la société [5], intimée, conclut à la confirmation du jugement déféré.
SUR QUOI LA COUR
En application des dispositions de l'
article L 461-1 du code de la sécurité sociale🏛, « est présumée d'origine professionnelle, toute maladie désignée dans un tableau et contractée dans les conditions qui y sont décrites ».
À ce titre, la maladie telle qu'elle est désignée dans les tableaux des maladies professionnelles est celle définie par les éléments de description et les critères d'appréciation fixés par chacun de ces tableaux.
Au cas particulier, la maladie professionnelle retenue par l'organisme social, est désignée par le tableau numéro 42 relatif à l'atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels.
Les parties sont en désaccord sur le point de savoir si cette maladie professionnelle est effectivement caractérisée ou non conformément aux exigences du tableau n° 42, et concomitamment si la décision de prise en charge est opposable à l'employeur, la contestation de la caisse, consistant exclusivement à soutenir, contrairement à l'analyse du premier juge, que les examens audiométriques, destinés à caractériser la maladie conformément aux termes du tableau n° 42, sont couverts par le secret professionnel, si bien qu'ils n'ont à être communiqués ni à l'employeur, ni produits à l'occasion de la procédure judiciaire, estimant suffisant que son médecin-conseil ait vérifié que les conditions médicales du tableau étaient bien remplies, en cochant « oui » à la question pré imprimée figurant sur le colloque médico administratif, lui demandant si les conditions réglementaires du tableau étaient remplies, par visa d'un audiogramme du 4 mai 2017.
L'employeur, au contraire, au visa des termes du tableau n° 42, et de décisions juridictionnelles, conclut à la confirmation du jugement déféré, faisant valoir en substance que la caisse, pour caractériser les maladies visées par le tableau n° 42, doit nécessairement inclure les audiogrammes au dossier d'instruction, s'agissant d'éléments nécessaires à la réunion des conditions du tableau n° 42, qui comme tels, échappent au secret médical.
Sur ce,
Le tableau n° 42, s'agissant de la désignation des maladies, indique textuellement :
- hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible, accompagnée ou non d'acouphènes ;
- cette hypoacousie est caractérisée par un déficit audiométrique bilatéral, le plus souvent symétrique et affectant préférentiellement les fréquences élevées ;
- le diagnostic de cette hypoacousie est établi : par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes ; - en cas de non-concordance : par une impédancemétrie et recherche du réflexe stapédien ou, à défaut, par l'étude du suivi audiométrique professionnel ;
- ces examens doivent être réalisés en cabine insonorisée, avec un audiomètre calibré ;
- cette audiométrie diagnostique est réalisée après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins 3 jours et doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35 dB. Ce déficit est la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500, 1000, 2000 et 4000 Hertz ;
Il se déduit de ces dispositions, nonobstant l'avis contraire du conseil national de l'ordre national des médecins, interrogé par la caisse, en date du 14 octobre 2019, et conformément à l'analyse du premier juge, que :
- les examens audiométriques, destinés à caractériser la maladie conformément aux termes du tableau n° 42, sont des éléments constitutifs de la maladie,
- à ce titre, car susceptibles de faire grief, ils doivent figurer au dossier constitué par les autorités administratives, et être soumis à la consultation de l'employeur, en application des dispositions des
articles R 441-13, R 441-14 alinéas 3 du code de la sécurité sociale🏛,
- faute pour la caisse, s'agissant d'un fait constant, d'avoir mis cet élément à la disposition de l'employeur, elle a privé l'employeur de la possibilité vérifier la conformité de la maladie aux exigences du tableau n° 42 des maladies professionnelles,
- ce non respect du principe du contradictoire, est sanctionné par l'inopposabilité à l'employeur, de la décision de prise en charge.
Le premier juge doit être confirmé, sans qu'il n'y ait à examiner la demande subsidiaire de la caisse, tendant à l'organisation d'une mesure expertale, dès lors qu'une telle mesure ne pourrait nullement faire obstacle à la sanction résultant du manquement par la caisse au respect du principe du contradictoire.
Sur les dépens
La caisse qui succombe supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan du 23 novembre 2020 (n° RG 18/00147),
Condamne la [3] aux dépens.
Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,