Jurisprudence : Cass. soc., 19-10-2022, n° 21-21.309, F-D, Cassation

Cass. soc., 19-10-2022, n° 21-21.309, F-D, Cassation

A52388Q3

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:SO01111

Identifiant Legifrance : JURITEXT000046480870

Référence

Cass. soc., 19-10-2022, n° 21-21.309, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/89200570-cass-soc-19102022-n-2121309-fd-cassation
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SOC.

BD4


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 octobre 2022


Cassation


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 1111 F-D

Pourvoi n° W 21-21.309


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 OCTOBRE 2022


M. [Aa] [B], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-21.309 contre l'arrêt rendu le 14 avril 2021 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l'opposant à la société Renault, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [B], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Renault, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 avril 2021), M. [B] a été engagé par la société Renault à compter du 5 avril 1993 en qualité d'agent de production, coefficient 175, dans l'atelier emboutissage. A compter de 1996, il a exercé divers mandats syndicaux. A compter du 1er juin 2003, il a été positionné au coefficient 195 dans la filière conducteurs d'installation, en application de l'accord de méthode de décembre 2001 relatif au règlement des litiges résultant de l'évolution professionnelle des représentants du personnel et le 26 septembre 2003, les parties ont signé un accord transactionnel en application de l'accord de méthode.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 18 novembre 2015, sollicitant son repositionnement au coefficient 225 et des dommages-intérêts, invoquant être victime d'une discrimination syndicale depuis 2003.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme étant prescrites les demandes en réparation du préjudice résultant d'une discrimination syndicale qu'il a formées, alors « qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1134-5 du Code du travail🏛 que l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination ; que pour dire prescrite l'action relative à une discrimination syndicale engagée par M. [B] le 18 novembre 2015, la cour d'appel retient qu'il ressort du compte-rendu de l'entretien d'évaluation du 16 décembre 2009 que M. [B] disposait dès cette date de tous les éléments permettant de présumer l'existence d'une discrimination syndicale ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il se plaignait de stagner encore en 2017, en raison de son activité syndicale, dans le coefficient 195 qui lui avait été attribué en 2003, ce dont il résultait qu'il se fondait sur des faits sur qui n'avaient pas cessé de produire leurs effets postérieurement à la date du 18 novembre 2015, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les dispositions de l'article L. 1134-5 du code du travail🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1134-5 du code du travail🏛 et l'article 26, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008🏛 :

4. Aux termes du premier de ces textes, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

5. Avant l'entrée en vigueur de la loi susvisée du 17 juin 2008 l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination était soumise à la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil🏛 dans sa rédaction alors applicable. Selon l'article 26, II, de la loi susvisée, les dispositions qui réduisent le délai de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

6. Pour dire prescrite l'action relative à une discrimination engagée par le salarié le 18 novembre 2015, l'arrêt retient que, si le salarié est fondé à soutenir que son action repose sur une discrimination révélée après le 26 septembre 2003, sur le compte-rendu d'entretien qu'il a signé le 16 décembre 2009, il a écrit « Compte tenu que j'ai été écarté de la conduite de ligne sans raison de travail, je demande le P3 comme l'ensemble des CDL rentrés en même temps que moi ayant le même niveau des EAI. », que par lettre du 22 avril 2010, la coordination CGT Renault a interpellé l'employeur au sujet de l'absence de réponse de la direction à son courrier du 16 décembre 2009 relatif notamment au dossier du salarié, que dans sa lettre du 24 janvier 2012, le salarié s'est plaint de discrimination syndicale et précisément de ne pas avoir changé de coefficient depuis 2003 alors que les conducteurs d'installation embauchés en même temps que lui étaient tous au coefficient 215 ou plus, qu'il reprenait ainsi les mêmes éléments que ceux qu'il avait évoqués dans sa notation le 16 décembre 2009, qu'il est donc établi que le salarié disposait dès le 16 décembre 2009 de tous les éléments permettant de présumer l'existence d'une discrimination syndicale.

7. En statuant ainsi, alors que le salarié faisait valoir que postérieurement au repositionnement effectué en 2003 qui lui avait permis d'obtenir le coefficient qui aurait dû être le sien s'il n'avait pas été victime de discrimination syndicale, il n'avait notamment plus connu aucune évolution de coefficient et était ainsi victime d'une différence de traitement persistante constitutive de discrimination illicite, ce dont il résultait que le salarié se fondait sur des faits qui n'avaient pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Renault aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Renault et la condamne à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [B],

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevables comme étant prescrites les demandes en réparation du préjudice résultant d'une discrimination syndicale formées par Monsieur [Aa] [B] ;

ALORS QU'il résulte des dispositions de l'article L. 1134-5 du Code du travail🏛 que l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination ; que pour dire prescrite l'action relative à une discrimination syndicale engagée par Monsieur [Aa] [B] le 18 novembre 2015, la Cour d'appel retient qu'il ressort du compte-rendu de l'entretien d'évaluation du 16 décembre 2009 que Monsieur [Aa] [B] disposait dès cette date de tous les éléments permettant de présumer l'existence d'une discrimination syndicale ; qu'en statuant ainsi, alors que Monsieur [Aa] [B] se plaignait de stagner encore en 2017, en raison de son activité syndicale, dans le coefficient 195 qui lui avait été attribué en 2003, ce dont il résultait que le salarié se fondait sur des faits sur qui n'avaient pas cessé de produire leurs effets postérieurement à la date du 18 novembre 2015, la Cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les dispositions de l'article L. 1134-5 du Code du travail🏛.

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