CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 octobre 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1071 F-B
Pourvoi n° N 21-15.942
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2022
Mme [E] [F], épouse [G], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 21-15.942 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel de Versailles (2e chambre, 1re section), dans le litige l'opposant à M. [R] [G], domicilié [… …], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SARL Boré, Aa de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [F] épouse [G], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [G], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 février 2021) et les productions, M. [Ab] a relevé appel, le 2 mars 2020, d'un jugement rendu le 19 décembre 2019 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles dans un litige l'opposant à Mme [G] quant au divorce des époux et aux conséquences en résultant.
2. M. [G] a signifié ses premières conclusions d'appelant à Mme [Ab], alors non constituée, le 11 juin 2020.
3. Le 11 septembre 2020, Mme [Ab] a déposé ses premières conclusions d'intimée contenant appel incident, devant la 2ème chambre 1ère section de la cour d'appel.
4. Mme [G] a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré d'office irrecevables toutes conclusions que pourrait déposer l'intimée postérieurement au 11 septembre 2020.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Mme [G] fait grief à l'arrêt de rejeter le déféré formé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état, alors « que les conclusions exigées par l'
article 909 du code de procédure civile🏛 sont celles, adressées à la cour d'appel, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ce texte et qui déterminent l'objet du litige ; qu'en jugeant qu'elle n'était pas saisie des conclusions d'intimée contenant appel incident de Mme [F] du 11 septembre 2020, motif pris de ce que le dispositif de ces conclusions mentionnait « il est demandé à Madame ou Monsieur le conseiller de la mise en état », quand lesdites conclusions, contenant une demande de réformation partielle du jugement entrepris, ainsi que des prétentions et des moyens sur le fond, déterminaient l'objet du litige et avaient été transmises à la cour d'appel par la voie du RPVA dans le délai de trois mois suivant la notification des conclusions de l'appelant, de sorte qu'elle en était bien saisie en dépit de la référence erronée au conseiller de la mise en état, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition que celle-ci ne comporte pas, a violé les
articles 909 et 910-1 du code de procédure civile🏛🏛. »
Réponse de la Cour
Vu l'
article 910-1 du code de procédure civile🏛 :
6. Aux termes de ce texte, les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 sont celles, adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l'objet du litige.
7. Pour déclarer d'office irrecevables toutes conclusions que pourrait déposer l'intimée postérieurement au 11 septembre 2020, l'arrêt retient qu'en application de l'
article 954 du code de procédure civile🏛, seul le dispositif des conclusions doit être pris en considération, que (le dispositif des) conclusions signifiées par l'intimée, qui mentionne « il est demandé au conseiller de la mise en état », est adressé au conseiller de la mise en état, et que l'indication « plaise à la cour », dans le corps des écritures, ne peut permettre de le corriger, de sorte que, les règles de procédure civile étant édictées afin de garantir aux parties, dans un cadre de sécurité juridique, un procès équitable, les conclusions de l'intimée du 11 septembre 2020 ne saisissent pas la cour d'appel et, le délai pour conclure n'ayant pas été suspendu, l'intimée n'a pas conclu dans le délai qui lui était imparti.
8. En statuant ainsi, alors que les conclusions au fond de Mme [G] contenaient une demande de réformation partielle du jugement ainsi que des prétentions et moyens sur le fond, et lui avaient été transmises par le RPVA, selon les exigences requises, la cour d'appel, qui en était saisie quand bien même elles comportaient une référence erronée au conseiller de la mise en état, et qui ne pouvait que les déclarer recevables, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne M. [G] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par M. [Ab] et le condamne à payer à Mme [Ac] épouse [G] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Boré, Aa de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme [F] épouse [G]
Mme [F] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré infondé et rejeté le déféré qu'elle avait formé à l'encontre d'une ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 octobre 2020 qui avait déclaré irrecevables toutes conclusions qu'elle pourrait déposer postérieurement au 11 septembre 2020 ;
1°) ALORS QUE les conclusions exigées par l'
article 909 du code de procédure civile🏛 sont celles, adressées à la cour d'appel, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ce texte et qui déterminent l'objet du litige ; qu'en jugeant qu'elle n'était pas saisie des conclusions d'intimée contenant appel incident de Mme [F] du 11 septembre 2020, motif pris de ce que le dispositif de ces conclusions mentionnait « il est demandé à Madame ou Monsieur le conseiller de la mise en état », quand lesdites conclusions, contenant une demande de réformation partielle du jugement entrepris, ainsi que des prétentions et des moyens sur le fond, déterminaient l'objet du litige et avaient été transmises à la cour d'appel par la voie du RPVA dans le délai de trois mois suivant la notification des conclusions de l'appelant, de sorte qu'elle en était bien saisie en dépit de la référence erronée au conseiller de la mise en état, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition que celle-ci ne comporte pas, a violé les
articles 909 et 910-1 du code de procédure civile🏛🏛 ;
2°) ALORS QUE si la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, aucune règle de droit ne détermine le lieu où doit figurer la désignation de la juridiction saisie ; qu'en conséquence, en cas de discordance dans la rédaction des conclusions sur la nature de la juridiction saisie, dans celles-ci, il appartient au juge de prendre en compte l'ensemble de leurs mentions, ainsi que la nature des moyens et prétentions formulés, afin de déterminer quelle a été la volonté de leur auteur ; qu'en refusant de procéder à cette recherche, au motif que seul le dispositif des conclusions doit être pris en considération pour déterminer la juridiction saisie, la cour d'appel a violé les
articles 12 et 954 du code de procédure civile🏛🏛 ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, sanctionner par une irrecevabilité l'irrégularité consistant pour l'intimé à avoir adressé, par une mention dans le dispositif, ses conclusions au fond déposées dans le délai de l'
article 909 du code de procédure civile🏛 au conseiller de la mise en état et non à la cour d'appel, porte une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel ; qu'en se fondant sur le fait que les conclusions d'intimée contenant appel incident de Mme [F] du 11 septembre 2020 mentionnaient, dans leur dispositif, « il est demandé à Madame ou Monsieur le conseiller de la mise en état » pour estimer qu'elle n'en était pas saisie, en déduire que l'intimée n'avait pas conclu dans le délai imparti par l'article 909 et déclarer irrecevables toutes conclusions qui pourraient être déposées postérieurement au 11 septembre 2020, la cour d'appel a fait preuve d'un formalisme excessif, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, le droit à un procès équitable exclut l'application immédiate d'une règle de procédure, qui résulte d'une interprétation nouvelle des
articles 909 et 954 du code de procédure civile🏛🏛, à une instance introduite par une déclaration d'appel antérieure à sa formulation dans un arrêt publié de la Cour de cassation ; qu'en se fondant sur le fait que les conclusions d'intimée contenant appel incident de Mme [F] du 11 septembre 2020 mentionnaient, dans leur dispositif, « il est demandé à Madame ou Monsieur le conseiller de la mise en état » pour estimer qu'elle n'en était pas saisie, en déduire que l'intimée n'avait pas conclu dans le délai imparti par l'article 909 et déclarer irrecevables toutes conclusions qui pourraient être déposées postérieurement au 11 septembre 2020, la cour d'appel a fait application d'une sanction, résultant d'une interprétation nouvelle des articles susvisés, n'ayant jamais été formulée dans un arrêt publié de la Cour de cassation, et a ainsi violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.