CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 octobre 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1077 F-B
Pourvoi n° V 21-17.375
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2022
1°/ Mme [R] [T], domiciliée [Adresse 2],
2°/ M. [Aa] [O], domicilié [… …],
3°/ M. [Ab] [Ac], domicilié [… …],
pris tous deux en qualité de curateurs de Mme [R] [T],
ont formé le pourvoi n° V 21-17.375 contre les arrêts rendus les 15 novembre 2019 et 6 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige les opposant à la société Washington valorisation, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [T] et de MM. [O] et [L], en qualité de curateurs de Mme [T], de la SARL Boré, Ad de Bruneton et Mégret, avocat de la société Washington valorisation, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon les arrêts attaqués (Paris, 15 novembre 2019 et 6 novembre 2020) et les productions, Mme [T], depuis lors placée sous curatelle renforcée, a contesté devant un tribunal de grande instance la vente de biens immobiliers lui appartenant, intervenue le 9 juillet 2014 au profit de la société Washington valorisation (la société).
2. Par un jugement du 19 décembre 2017, le tribunal l'a déboutée de ses demandes et a débouté la société de sa fin de non-recevoir et de sa demande en paiement de dommages-intérêts.
3. Statuant sur l'appel interjeté par Mme [T], une cour d'appel a, par arrêt du 15 novembre 2019, notamment rejeté la demande de nullité de l'ordonnance de clôture et la demande de rabat de clôture formées par Mme [T].
4. Par arrêt du 6 novembre 2020, la même cour d'appel a déclaré recevables la demande aux fins d'annulation de la promesse de vente du 27 mai 2014 formée par Mme [T] et sa demande de dommages-intérêts, ainsi que sa requête en inscription de faux à l'encontre de la promesse de vente reçue en la forme authentique le 27 mai 2014 et de l'acte authentique de vente du 9 juillet 2014, a rejeté cette requête, et a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
5. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Mme [T] et ses curateurs font grief à l'arrêt du 15 novembre 2019 de rejeter la demande de nullité de l'ordonnance de clôture et la demande de rabat de clôture formée par Mme [T] aux fins de lui ouvrir un nouveau délai pour conclure et à l'arrêt attaqué du 6 novembre 2020 de débouter Mme [T] de ses demandes, alors « qu'en l'absence de calendrier de procédure fixé par le conseiller de la mise en état à l'occasion de l'examen de l'affaire auquel il procède après l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces, les parties peuvent, jusqu'à la clôture de l'instruction, invoquer de nouveaux moyens et conclure à nouveau ; qu'en retenant que le respect des dispositions de l'
article 910 du code de procédure civile🏛 et le principe du contradictoire étaient assurés par l'autorisation donnée à Mme [T] de déposer une note en délibéré pour conclure sur le seul appel incident de la société Washington Valorisation, la cour d'appel a violé les
articles 910 et 912 du code de procédure civile🏛🏛 ».
Réponse de la Cour
Vu les
articles 910 et 912 du code de procédure civile🏛🏛 :
7. Selon le premier de ces textes, l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite pour remettre ses conclusions au greffe.
8. Aux termes du second, en l'absence de calendrier de procédure fixé par le conseiller de la mise en état à l'occasion de l'examen de l'affaire auquel il procède après l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces, les parties peuvent, jusqu'à la clôture de l'instruction, invoquer de nouveaux moyens et conclure à nouveau.
9. Pour rejeter la demande de nullité de l'ordonnance de clôture et la demande de rabat de cette dernière formée par Mme [T], l'arrêt relève qu'elle n'a pas demandé le report de la clôture par des conclusions remises au conseiller de la mise en état avant ladite clôture, alors qu'elle a reçu les conclusions d'appel incident dès le 19 août 2019 et que la date de la clôture était connue des parties depuis le 10 mai 2019. Il ajoute que, si elle n'a effectivement pas bénéficié du délai prévu par l'
article 910 du code de procédure civile🏛, elle a été autorisée à produire une note en délibéré sur l'appel incident de la société, de sorte que le respect de ce texte est garanti par l'autorisation de conclure ainsi donnée, sans atteinte au principe du contradictoire, aucune cause grave ni excès de pouvoir ne justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture, la cour ne prenant en compte que la partie de la note en délibéré portant sur l'appel incident.
10. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations que l'ordonnance de clôture avait été rendue prématurément par le conseiller de la mise en état et que Mme [T] n'avait pas bénéficié du délai prévu par l'
article 910 du code de procédure civile🏛 pour remettre ses conclusions au greffe, dès lors que la remise d'une note en délibéré ne pouvait assurer le respect du principe de la contradiction, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquence de la cassation
11. En application de l'
article 625, alinéa deux, du code de procédure civile🏛, la cassation de l'arrêt rendu le 15 novembre 2019 entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt rendu le 6 novembre 2020 qui en est la suite.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris ;
ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt rendu le 6 novembre 2020 par la même cour d'appel ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Washington valorisation aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Washington valorisation et la condamne à payer à Mme [T] ainsi qu'à MM. [O] et [L], en qualité de curateurs la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [T] et MM. [O] et [L], en qualité de curateurs
Mme [T] et ses curateurs font grief à l'arrêt attaqué du 15 novembre 2019 d'avoir rejeté la demande de nullité de l'ordonnance de clôture et la demande de rabat de clôture formée par Mme [T] aux fins de lui ouvrir un nouveau délai pour conclure et à l'arrêt attaqué du 6 novembre 2020 d'avoir débouté Mme [T] de ses demandes ;
1°) ALORS QU'en application de l'
article 912 du code de procédure civile🏛, la date de la clôture ne peut être fixée par le conseiller de la mise en état avant l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces ; que le conseiller de la mise en état, en fixant la date de la clôture au 5 septembre 2019 avant même que le délai de trois mois imparti à Mme [T] pour conclure sur l'appel incident formé le 19 août 2019 par la société Washington Valorisation n'ait expiré, a excédé ses pouvoirs et méconnu les droits de la défense ; qu'en rejetant la demande nullité de l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a violé les
articles 910 et 912 du code de procédure civile🏛🏛 ;
2°) ALORS QU'en l'absence de calendrier de procédure fixé par le conseiller de la mise en état à l'occasion de l'examen de l'affaire auquel il procède après l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces, les parties peuvent, jusqu'à la clôture de l'instruction, invoquer de nouveaux moyens et conclure à nouveau ; qu'en retenant que le respect des dispositions de l'
article 910 du code de procédure civile🏛 et le principe du contradictoire étaient assurés par l'autorisation donnée à Mme [T] de déposer une note en délibéré pour conclure sur le seul appel incident de la société Washington Valorisation, la cour d'appel a violé les
articles 910 et 912 du code de procédure civile🏛🏛.