Jurisprudence : Cass. crim., 19-10-2022, n° 21-87.450, F-D, Rejet

Cass. crim., 19-10-2022, n° 21-87.450, F-D, Rejet

A50138QQ

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:CR01295

Identifiant Legifrance : JURITEXT000046480885

Référence

Cass. crim., 19-10-2022, n° 21-87.450, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/89200345-cass-crim-19102022-n-2187450-fd-rejet
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N° P 21-87.450 F-D

N° 01295


GM
19 OCTOBRE 2022


REJET


M. BONNAL président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 OCTOBRE 2022



Mme [P] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, en date du 23 novembre 2021, qui, dans la procédure suivie contre elle pour blanchiment, a prononcé sur sa requête en restitution de bien immobilier saisi.

Un mémoire et des obsevations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [P] [N], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.



Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Mme [Aa] [N] a été poursuivie et condamnée pénalement du chef susvisé par un jugement du tribunal correctionnel du 16 décembre 2019 qui a toutefois omis de se prononcer sur le sort du bien immobilier ayant fait l'objet d'une mesure de saisie le 13 avril 2016 dans le cadre de l'enquête préliminaire.

3. Le 18 mai 2021, l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués a transmis une demande de restitution du bien saisi formulée par le conseil de Mme [N] au procureur de la République qui a refusé de prononcer la mainlevée de la saisie par une décision du 20 mai 2021 constatant l'expiration du délai de six mois prévu par le troisième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale🏛, à l'encontre de laquelle Mme [N] a relevé appel.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛.

Sur le moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a jugé le recours de Mme [N] mal fondé et a confirmé la décision de non-restitution du 20 mai 2021 du procureur de la République, alors :

« 1°/ que l'article 41-4, alinéa 3, du code de procédure pénale🏛 énonce que si la restitution n'a pas été demandée ou décidée dans un délai de six mois à compter de la décision de classement ou de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence, les objets non restitués deviennent propriété de l'État, sous réserve des droits des tiers ; que toutefois le Conseil constitutionnel a déclaré dans sa décision QPC n° 2014-406⚖️ du 9 juillet 2014 que la garantie du droit à un recours juridictionnel effectif impose que les propriétaires qui n'auraient pas été informés dans ces conditions soient mis à même d'exercer leur droit de réclamer la restitution des objets placés sous main de justice et que les dispositions contestées porteraient une atteinte disproportionnée au droit de ces derniers de former une telle réclamation si le délai de six mois prévu par l'article 41-4 précité pouvait commencer à courir sans que la décision de classement ou la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence ait été portée à leur connaissance ; que Mme [Ab] faisait valoir qu'elle n'avait pas été informée par la décision du 16 décembre 2019, qui ne comportait aucune précision sur le devenir de la saisie pénale pratiquée en 2016, qu'elle devait, dans le délai de 6 mois, solliciter la restitution de son logement ; qu'en se bornant à constater que Mme [Ab] avait eu connaissance du jugement contradictoire du 16 décembre 2019 lequel ne comportait aucune indication sur le devenir de la saisie pénale pratiquée en 2016 et sur le délai de 6 mois, la cour d'appel n'a pas constaté la connaissance imposée par l'article 41-4 du code de procédure pénale🏛 éclairé par la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2014-406 et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes précités et de l'article 593 du code de procédure pénale🏛 ;

2°/ qu'en toute hypothèse, l'article 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne énonce que les biens gelés ne faisant pas l'objet d'une confiscation ultérieure sont immédiatement restitués ; que Mme [N] faisait valoir et la cour d'appel a constaté que le logement n'avait fait l'objet d'aucune confiscation à la suite du gel réalisé par la mesure de saisie pénale du 13 avril 2016, le tribunal correctionnel n'ayant pas prononcé une telle confiscation ; qu'en application de l'article précité, le logement saisi devait donc être immédiatement restitué ; qu'en confirmant néanmoins la décision de non-restitution, la cour d'appel a méconnu l'article 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014 ensemble l'article 593 du code de procédure pénale🏛 ;

3°/ que l'article 41-4, alinéa 3, du code de procédure pénale🏛 énonce que si la restitution n'a pas été demandée ou décidée dans un délai de six mois à compter de la décision de classement ou de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence, les objets non restitués deviennent propriété de l'État, sous réserve des droits des tiers ; que toutefois le Conseil constitutionnel a notamment déclaré dans le considérant n°7 de sa décision n° 2014-406 QPC du 9 juillet 2014 que l'article 41-4, alinéa 3, n'était pas contraire au droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme, car il visait à permettre une gestion efficace des scellés conservés dans les juridictions et à permettre la clôture des dossiers poursuivant ainsi les objectifs de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et de bon emploi des deniers publics ; que Mme [Ab] faisait valoir que le délai de forclusion de 6 mois prévu à l'article 41-4 du code de procédure pénale🏛 éclairé par le considérant n° 7 précité, n'était pas justifié s'agissant d'un immeuble pour lequel seule une inscription avait été prise une fois pour toutes et qui ne constituait pas un scellé qui encombrait la juridiction ; qu'en retenant que le délai de 6 mois s'appliquait même pour une saisie immobilière qui ne constituait pourtant pas un scellé déposé dans une juridiction, la cour d'appel a méconnu l'article 41-4, alinéa 3, éclairé par la décision n° 2014-406 QPC du 9 juillet 2014 du Conseil constitutionnel, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale🏛. »


Réponse de la Cour

6. Pour confirmer la décision de refus de restitution rendue par le procureur de la République, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l'article 41-4 du code de procédure pénale🏛, énonce que les dispositions du troisième alinéa de ce texte qui prévoient que l'État devient propriétaire de plein droit des objets saisis si la restitution n'a pas été demandée ou décidée dans un délai de six mois à compter de la décision de classement ou de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence, sous réserve des droits des tiers, n'entraînent pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789.

7. Les juges ajoutent que si l'objectif à valeur constitutionnelle de bonne gestion des scellés et de bon emploi des deniers publics n'est pas pertinent lorsque le bien en cause est immobilier, cet objectif, qui ne se réduit pas à une question de surface et de volume d'objets saisis, affecte aussi l'administration de ces saisies, y compris immobilières, les opérations liées à la gestion et aux formalités de transfert à l'Etat pouvant être placées sous l'égide dudit objectif.

8. Ils relèvent que l'attribution à l'État des biens placés sous main de justice qui n'ont été réclamés, ni pendant toute la durée de la procédure ou de l'enquête, ni pendant un délai supplémentaire de six mois à l'issue de celle-ci, ne porte pas au droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi et il ne saurait ainsi être tiré grief de l'atteinte au droit de propriété garanti par l'article 2 de la Déclaration de 1789, ce transfert de propriété ne se faisant pas contre la volonté du propriétaire mais en raison du désintérêt de celui-ci et de l'écoulement du temps en l'absence de réaction de sa part.

9. Ils retiennent que, d'une part, le législateur a précisément fixé le point de départ du délai de six mois pour demander la restitution qui court, selon le cas, à compter de la décision de classement ou de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence, d'autre part, il résulte du premier alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale🏛 que la requête aux fins de restitution ne peut être formée qu'après la décision de classement ou après que la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets dans un délai de six mois, quelle que soit la durée qui s'est écoulée entre la saisie des objets et la décision qui fait courir ce délai.

10. La chambre de l'instruction souligne que les personnes qui sont informées dans les conditions prévues par le code de procédure pénale, selon le cas, de la décision de classement ou de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence, sont ainsi mises à même d'exercer leur droit de réclamer la restitution des objets placés sous main de justice, et que si la requérante soutient que le parquet n'est pas une autorité judiciaire indépendante et qu'elle a été privée d'un droit à un recours effectif, force est de constater que cette dernière a pu exercer un recours à l'encontre de la décision du procureur de la République, lequel a été examiné par des magistrats du siège de la chambre de l'instruction.

11. Elle conclut que Mme [N] a été condamnée par jugement contradictoire du tribunal correctionnel le 16 décembre 2019, devenu définitif, à la peine de dix mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende du chef de blanchiment, et relaxée du chef de recel et que le seul fait que la demanderesse ait eu connaissance de cette décision a fait courir le délai de six mois prévu par le dernier alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale🏛.

12. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

13. En effet, d'une part, le jugement présentant un caractère contradictoire, la demanderesse, qui a été assistée d'un avocat durant toute la procédure et, notamment, devant la juridiction de jugement, en a eu connaissance à compter du 16 décembre 2019 et disposait donc, à compter de cette date, de six mois pour demander la restitution du bien immobilier qui, s'il n'a pas fait l'objet d'une mesure de confiscation, était toujours placé sous main de justice en application de l'ordonnance de saisie rendue par le juge des libertés et de la détention le 13 avril 2016 dont la régularité a été confirmée par l'arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2018 rejetant le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 7 avril 2017.

14. D'autre part, le propriétaire d'un bien immobilier qui a fait l'objet d'une saisie au cours de l'enquête, et dont ni la confiscation, ni la restitution n'a été ordonnée par une décision définitive de la juridiction de jugement, ne peut en obtenir la restitution que selon les modalités et dans les délais prévus par l'article 41-4 du code de procédure pénale🏛, dont le troisième alinéa est conforme à l'article 8 de la directive n° 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne qui, laisse au droit national le soin de fixer les conditions ou règles de procédure de restitution.

15. Le moyen doit donc être écarté.

16. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.



PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf octobre deux mille vingt-deux.

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