TA Grenoble, du 14-10-2022, n° 1908305
A34328Q8
Référence
I/ Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 décembre 2019 et le 29 juin 2021 sous le n° 1908305, la SARL Tetras, représentée par la SCP Alcade et Associés, demande au tribunal :
1°) de lui accorder le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée sollicité au titre du deuxième trimestre de l'année 2019, à concurrence de la somme de 103 000 euros ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions du b) du 4° de l'article 261 D du code général des impôts sont contraires aux objectifs des dispositions de l'article 135 de la directive 2006/112/CE dès lors qu'elles imposent l'existence d'au moins trois des quatre prestations para-hôtelières qu'elles citent ;
- elle propose à sa clientèle trois des quatre services mentionnés au b) du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, permettant de soumettre son activité à la taxe sur la valeur ajoutée ;
- la fourniture de linge sur option et moyennant rémunération ouvre droit à l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de la prestation d'hébergement ;
- le nettoyage des locaux est assuré, contrairement à ce qui est soutenu en défense par l'administration fiscale s'agissant d'autres années que l'année en litige ;
- l'administration fiscale a expressément admis que la fourniture de linge et le nettoyage des locaux étaient assurés dans sa décision de rejet de la réclamation préalable ;
- la réception de la clientèle est assurée dans des conditions similaires à celles du secteur para-hôtelier dès lors que le gérant communique son numéro de téléphone portable personnel aux clients, que chaque contrat de réservation mentionne expressément le jour et l'heure de la réception des clients par le gérant et que les différents réseaux de location font référence à la fourniture d'une prestation d'accueil ;
- l'interprétation administrative de la loi fiscale référencée au paragraphe 40 du BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20, opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, admet expressément qu'un système d'accueil téléphonique de la clientèle est suffisant ;
- elle peut se prévaloir de la réponse ministérielle faite au sénateur Foulon publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 2 juillet 2013, p. 6951.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2020, le directeur départemental des finances publiques de l'Isère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Tetras ne sont pas fondés.
Par une lettre du 7 mai 2021, les parties ont été informées qu'en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, l'instruction est susceptible d'être close à partir du 5 juillet 2021, par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience, sans information préalable.
La clôture immédiate de l'instruction a été prononcée par une ordonnance du 16 septembre 2021.
II/ Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 janvier 2020 et le 30 juin 2021 sous le n° 2000291, la SARL Tetras, représentée par la SCP Alcade et Associés, demande au tribunal :
1°) de lui accorder le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée sollicité au titre du deuxième trimestre de l'année 2017, à concurrence de la somme de 7 000 euros ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions du b) du 4° de l'article 261 D du code général des impôts sont contraires aux objectifs des dispositions de l'article 135 de la directive 2006/112/CE en ce qu'elles sont trop restrictives, dès lors qu'elles imposent l'existence d'au moins trois des quatre prestations para-hôtelières qu'elles citent, que la règlementation hôtelière n'impose pas elle-même la fourniture de ces services et que la durée du séjour serait un critère plus pertinent, la similarité devant s'apprécier au regard du secteur d'activité et non des conditions de cette activité ;
- elle propose à sa clientèle trois des quatre services mentionnés au b) du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, permettant de soumettre son activité à la taxe sur la valeur ajoutée ;
- la fourniture de linge sur option et moyennant rémunération ouvre droit à l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de la prestation d'hébergement ;
- le nettoyage des locaux est assuré ;
- la réception de la clientèle est assurée dans des conditions similaires à celles du secteur para-hôtelier dès lors que le gérant communique son numéro de téléphone personnel aux clients et que le prestataire de la société procède à un accueil ensuite facturé ;
- l'interprétation administrative de la loi fiscale référencée au paragraphe 40 du BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20, opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, admet expressément qu'un système d'accueil téléphonique de la clientèle est suffisant ;
- elle peut se prévaloir de la réponse ministérielle faite au sénateur Foulon publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale le 2 juillet 2013, p. 6951.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2020, le directeur départemental des finances publiques de l'Isère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Tetras ne sont pas fondés.
Par une lettre du 7 mai 2021, les parties ont été informées qu'en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, l'instruction est susceptible d'être close à partir du 5 juillet 2021, par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience, sans information préalable.
La clôture immédiate de l'instruction a été prononcée par une ordonnance du 16 septembre 2021.
III/ Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 février 2020 et le 29 juin 2021 sous le n° 2001029, la SARL Tetras, représentée par la SCP Alcade et Associés, demande au tribunal :
1°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge à hauteur de la somme de 106 000 euros au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 ;
2°) de lui accorder le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée sollicité au titre du deuxième trimestre de l'année 2017, à concurrence de la somme de 7 000 euros et au titre du quatrième trimestre de la même année, à concurrence de la somme de 2 841 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions du b) du 4° de l'article 261 D du code général des impôts sont contraires aux objectifs des dispositions de l'article 135 de la directive 2006/112/CE en ce qu'elles sont trop restrictives, dès lors qu'elles imposent l'existence d'au moins trois des quatre prestations para-hôtelières qu'elles citent, que la règlementation hôtelière n'impose pas elle-même la fourniture de ces services et que la durée du séjour serait un critère plus pertinent, la similarité devant s'apprécier au regard du secteur d'activité et non des conditions de cette activité ;
- elle propose à sa clientèle trois des quatre services mentionnés au b) du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, permettant de soumettre son activité à la taxe sur la valeur ajoutée ;
- la fourniture de linge sur option et moyennant rémunération ouvre droit à l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de la prestation d'hébergement ;
- le nettoyage des locaux est assuré ;
- la réception de la clientèle est assurée dans des conditions similaires à celles du secteur para-hôtelier dès lors que le gérant communique son numéro de téléphone portable personnel aux clients, que chaque contrat de réservation mentionne expressément le jour et l'heure de la réception des clients par le gérant et que les différents réseaux de location font référence à la fourniture d'une prestation d'accueil ;
- l'interprétation administrative de la loi fiscale référencée au paragraphe 40 du BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20, opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, admet expressément qu'un système d'accueil téléphonique de la clientèle est suffisant ;
- elle peut se prévaloir de la réponse ministérielle faite au sénateur Foulon publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale le 2 juillet 2013, p. 6951.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2020, le directeur départemental des finances publiques de l'Isère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Tetras ne sont pas fondés.
Par une lettre du 7 mai 2021, les parties ont été informées qu'en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, l'instruction est susceptible d'être close à partir du 5 juillet 2021, par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience, sans information préalable.
La clôture immédiate de l'instruction a été prononcée par une ordonnance du 16 septembre 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 12 février 1998, Elisabeth Blasi c/ Finanzamt München, C-346/95 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Elbreil, conseillère,
- les conclusions de Mme Brenner Adanlété, rapporteure publique,
- et les observations de Me Serpentier, représentant la SARL Tetras.
1. La SARL Tetras exerce une activité de location meublée saisonnière, notamment par l'exploitation d'un chalet composé de deux appartements indépendants. Elle dépose des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée trimestrielles depuis sa création en 2015. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 27 novembre 2015 au 31 décembre 2017, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause l'assujettissement de l'activité de location meublée à la taxe sur la valeur ajoutée. Sa réclamation déposée le 8 juillet 2019 ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet, elle demande au tribunal la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge dans sa requête enregistrée sous le n° 2001029. En outre, l'administration fiscale a rejeté le 13 novembre 2019 sa demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du 2ème trimestre 2017. La SARL Tetras demande la restitution de ce crédit par sa requête enregistrée sous le n° 2000291. Enfin, elle a déposé le 18 juillet 2019 une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du 2ème trimestre 2019 à concurrence de la somme de 103 000 euros, qui a fait l'objet d'une décision de rejet le 20 novembre 2019. Elle sollicite le rétablissement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée par sa requête enregistrée sous le n° 1908305.
Sur la jonction :
2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 1908305, 2000291 et 2001029 concernent le même contribuable et présentent à juger des questions communes. Dès lors, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même jugement.
Sur la soumission des prestations d'hébergement à la taxe sur la valeur ajoutée :
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
En ce qui concerne la compatibilité du b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts avec le droit de l'Union européenne :
4. Aux termes de l'article 135 de la directive n° 2006/112/CE, reprenant les dispositions du b) du B de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 : " 1. Les Etats membres exonèrent les opérations suivantes : / () / l) l'affermage et la location de biens immeubles. / 2. Sont exclues de l'exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes : / a) les opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper. / () ".
5. Par un arrêt du 12 février 1998, Elisabeth Blasi c/ Finanzamt München, C-346/95, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que les termes employés pour désigner les exonérations visées par l'article 13 de la sixième directive sont d'interprétation stricte, étant donné qu'elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la taxe sur le chiffre d'affaires est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti. Elle en a déduit que le membre de phrase " à l'exception des opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire ", figurant à l'article 13 B, sous b), point 1, de la sixième directive, introduit une exception à l'exonération prévue par ces dispositions pour la location de biens immeubles et qu'il place donc les opérations qu'il vise sous le régime général de cette directive, qui tend à soumettre à la taxe toutes les opérations imposables, sauf les dérogations expressément prévues et, qu'ainsi, cette clause ne saurait recevoir une interprétation stricte. En outre, elle a dit pour droit que cette expression a pour objet de garantir que les opérations d'hébergement temporaire analogues à celles fournies dans le secteur hôtelier, qui sont en concurrence potentielle avec ces dernières, soient imposées. La limite dans la marge d'appréciation dont jouissent les Etats membres pour définir les opérations devant être taxées se trouve dans la finalité de la disposition qui est, s'agissant de la mise à disposition de pièces d'habitation, que les opérations - taxables - d'hébergement effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire doivent être distinguées des opérations exonérées que sont la location et l'affermage de biens immeubles.
6. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / () / 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : / () / b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. / () ".
7. En premier lieu, si la Cour a admis, dans son arrêt du 12 février 1998, que la durée de l'hébergement constituait un critère de distinction approprié pour distinguer entre l'hébergement dans le secteur hôtelier et la location de pièces d'habitation, laquelle est une opération exonérée, elle n'a pas exclu que les Etats membres, qui jouissent d'une marge d'appréciation pour définir les opérations d'hébergement qui doivent être taxées par dérogation à l'exonération de l'affermage et de la location de biens immeubles, puissent fixer d'autres critères d'appréciation, notamment des critères liés à la fourniture de services additionnels à la simple mise à disposition d'un logement meublé. En revanche, ces critères doivent également eux-mêmes faire l'objet d'une interprétation large dès lors que leur mise en œuvre a pour objet de garantir que les opérations d'hébergement temporaire analogues à celles fournies dans le secteur hôtelier, qui sont en concurrence potentielle avec ces dernières, soient effectivement imposées. Par suite, la société Tetras n'est pas fondée à soutenir que les critères retenus par les dispositions précitées de l'article 261 D du code général des impôts seraient, en eux-mêmes, incompatibles avec les dispositions du droit de l'Union européenne.
8. En deuxième lieu, ces dispositions, qui fixent les critères de la taxation des prestations de location de logements meublés, doivent être interprétées, pour le respect des objectifs énoncés par les dispositions précitées de la directive du 28 novembre 2006, tels qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, de manière à garantir que ne soient exonérés du paiement de la taxe que des assujettis dont l'activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles d'une entreprise hôtelière et qui ne sont donc pas en concurrence potentielle avec ces dernières entreprises. La notion de secteur ayant une fonction similaire ne peut recevoir une interprétation stricte. Or l'évolution contemporaine du secteur hôtelier se caractérise par un rapprochement entre les prestations d'hébergement hôtelier et la mise à disposition de locaux meublés, d'autant que les entreprises du secteur hôtelier ne sont pas elles-mêmes soumises au respect d'un nombre prédéfini de prestations conduisant sinon à les exclure de ce secteur. Par suite, la circonstance qu'un opérateur ne fournisse pas trois des quatre prestations mentionnées au b. du 4° de l'article 261 D ne permet pas d'écarter de manière certaine que les prestations d'hébergement temporaires qu'il réalise entrent en concurrence avec le secteur hôtelier. Dès lors, en exigeant, pour fixer le champ de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée, que les prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle comportent nécessairement un nombre prédéterminé de prestations de services accessoires qu'elles énumèrent, les dispositions précitées de l'article 261 D limitent excessivement le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée des opérations d'hébergement temporaire qui remplissent les fonctions essentielles d'une entreprise hôtelière et sont en concurrence potentielle avec ces dernières. Dans cette mesure, ces dispositions méconnaissent les objectifs de la directive n° 2006/112/CE.
9. En troisième lieu, la référence faite par le b. du 4° de l'article 261 D aux " conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle ", qui permet d'apprécier l'existence d'opérations d'hébergement temporaire analogues à celles fournies dans le secteur hôtelier, ne méconnaît pas la finalité de l'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006.
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que les dispositions du b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts sont incompatibles avec les dispositions précitées de la directive n° 2006/112/CE uniquement en ce qu'elles exigent nécessairement le respect d'un nombre déterminé des quatre prestations qu'elles énoncent. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que, pour déterminer si les prestations qu'elle fournit sont exonérées ou non de la taxe sur la valeur ajoutée, il n'y a pas lieu d'examiner si elles comportent en sus de l'hébergement trois des quatre prestations accessoires mentionnées au b. du 4° de l'article 261 D. Il convient seulement de procéder à une appréciation globale des circonstances de l'espèce, en tenant compte de l'ensemble des prestations accessoires citées par le b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, pour vérifier si ses prestations d'hébergement sont en concurrence potentielle avec les prestations hôtelières.
En ce qui concerne la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des opérations d'hébergement temporaire réalisées par la société Tetras :
11. A titre liminaire, l'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de fait propre à justifier l'imposition, à la condition qu'une telle substitution de motif n'ait pas pour effet de priver le contribuable d'une garantie de procédure prévue par la loi, et notamment de la faculté de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. En l'espèce, si l'administration fiscale a admis, dans sa décision de rejet de la réclamation préalable du 20 novembre 2019, l'existence de prestations de fourniture de linge de maison ainsi que de nettoyage des locaux, cette circonstance ne l'empêche pas de remettre en cause la réalité de ces prestations accessoires dans le cadre de ses écritures en défense.
S'agissant du petit déjeuner :
12. Il est constant que la SARL Tetras ne réalisait pas de prestations de petit-déjeuner, et ce sur l'ensemble des périodes litigieuses.
S'agissant de la fourniture du linge :
13. Il résulte de l'instruction que la fourniture du linge de maison, et notamment des draps et du linge de toilette, impliquait dans le cadre des contrats conclus par le biais du réseau " Gîte de France " le versement par les clients d'un supplément de prix. En ce qui concerne les contrats conclus directement par la société, le prix de la location comprenait seulement le linge de lit. Les clients pouvaient choisir, pour un tarif de 3 euros par personne, que les lits soient faits à l'arrivée et, pour un tarif de 9 euros par personne, que le linge de toilette soit fourni. Enfin, au titre du deuxième trimestre de l'année 2019, la SARL Tetras se prévaut de la conclusion d'un contrat avec une société de blanchisserie pour la saison 2018-2019, incluant notamment le nettoyage du linge de maison et la confection des lits. Dans ces conditions, et malgré l'exigence du paiement d'un prix supplémentaire, la SARL Tetras peut être regardée comme ayant fourni du linge de maison à ses clients.
S'agissant du nettoyage des locaux :
14. Il résulte de l'instruction que dans le cadre des locations proposées par le réseau " Gîtes de France ", la prestation de ménage en fin de séjour était assurée moyennant le paiement d'un supplément de prix de 150 euros. En cours de séjour, la simple présence dans le contrat de location de la mention " ménage : Oui (caution ou forfait ménage - consulter le propriétaire pour tarifs et modalités) ", ne permet pas d'estimer qu'un ménage était proposé, les modalités dont il est question n'étant nullement précisées. L'allégation selon laquelle un tel ménage aurait été proposé oralement lors de la remise des clefs par le gérant n'est également pas de nature à établir la fourniture de cette prestation. Dans le cadre des locations directes, le ménage de fin de séjour était également facturé, pour un montant de 95 euros, étant précisé qu'il ne comprenait pas le nettoyage de la cuisine, ni la sortie des poubelles. Aucune mention n'était faite s'agissant d'un nettoyage des locaux en cours de séjour.
15. S'agissant ensuite des moyens dont la société disposait pour pouvoir fournir une telle prestation de nettoyage en cours de séjour, la SARL Tetras soutient que les prestations auraient été réalisées par une personne physique tierce, entrepreneur individuel, adressant des factures à la société au titre de ces prestations. Toutefois, ces factures mentionnent simplement " prestation chalet B ", " prestation linge de lit chalet ", alors que l'administration fiscale relève que l'activité de cette personne physique était enregistrée au système d'identification du répertoire des établissements (SIRET) comme correspondant à des travaux de menuiserie métallique et de serrurerie, et non d'une société de multi-services. Dès lors, les libellés précités ne permettent pas d'identifier un service de nettoyage des chalets en cours de séjour. Les seules attestations sur l'honneur de ce tiers et de l'intermédiaire qui l'aurait mis en relation avec la SARL Tetras ne suffisent pas à prouver l'existence de moyens permettant de proposer de telles prestations. Par ailleurs, l'administration fiscale a relevé que le chalet était équipé de matériel de nettoyage et de produits d'entretien achetés par le gérant de la société, sans que ce matériel ne soit effectivement utilisé par d'autres personnes que les occupants du chalet au cours des séjours. Si la société requérante produit également un certificat d'adhésion et d'agrément signé du directeur du réseau savoyard des gîtes de France mentionnant que depuis la mise en marché, le propriétaire proposait notamment un ménage " en début, en cours et fin de séjour sur option ", ce document daté du 15 novembre 2018, postérieurement à la période contrôlée, ne permet pas d'établir que la SARL disposait effectivement des moyens lui permettant d'offrir ces prestations antérieurement à cette date. Toutefois, la SARL Tetras produit un contrat de blanchisserie pour la saison 2018-2019, mentionnant notamment la possibilité de prestations de semaine par la réservation de " gouvernantes de chalet ", assurant un nettoyage continu des locaux au cours de la semaine. Dans ces circonstances, la SARL Tetras démontre avoir proposé, en ce qui concerne la période du deuxième trimestre de l'année 2019, une offre de nettoyage régulier des locaux en cours de séjour aux occupants du chalet, fournissant ainsi ce service dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle. En revanche, les éléments fournis au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 ne permettent pas de conclure à la fourniture de telles prestations.
S'agissant de la réception de la clientèle :
16. La société Tetras soutient qu'elle communiquait le numéro de téléphone portable du gérant aux clients, qui pouvaient le joindre à tout moment. Toutefois, les contrats de réservation ne faisaient pas référence à un service d'accueil permanent, mais simplement à une remise des clefs par le gérant lors de l'arrivée. La simple mention de son numéro de téléphone ne suffit pas à attester d'un service de réception de la clientèle. De plus, le numéro présent sur le site internet du réseau " Gîte de France " était mentionné comme permettant de procéder à une réservation du bien mis en location, et non comme numéro d'accès à un service de réception en continu. Par ailleurs, le gérant de la SARL Tetras est domicilié à 75 kilomètres des locaux mis en location, de sorte qu'il n'était pas physiquement présent en permanence à proximité pour assurer l'accueil des clients. En outre, ainsi qu'il a été dit précédemment, le certificat d'adhésion et d'agrément signé du directeur du réseau savoyard des gîtes de France mentionnant notamment que le propriétaire proposait un accueil personnalisé sur place a été établi 15 novembre 2018, soit postérieurement à la période contrôlée, de sorte qu'il ne permet pas d'établir que la SARL aurait effectivement disposé des moyens lui permettant d'offrir cette prestation. Enfin, l'attestation d'une personne physique tierce, identique à celle précédemment mentionnée et dont il est affirmé qu'elle réalisait des prestations de nettoyage des locaux, ne saurait suffire à prouver l'existence d'une prestation d'accueil lorsque le gérant était indisponible et qui aurait été refacturée à la SARL Tetras. Par suite, la SARL Tetras n'établit pas avoir proposé une offre de réception en continu des clients, dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle.
17. Il résulte de ce qui précède qu'en ce qui concerne la période du 1er janvier au 31 décembre 2017, la SARL Tetras établit avoir fourni une prestation de linge de maison. Toutefois, elle ne fournissait aucune des trois autres prestations prévues par les dispositions du b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier, interprétées au regard des objectifs de l'article 135 de la directive du 28 novembre 2006 et à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, c'est-à-dire dans des conditions susceptibles de concurrencer ces derniers établissements. Dans ces circonstances, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle réalisait, au cours de cette période, des opérations devant être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En revanche, en ce qui concerne le second trimestre de l'année 2019, les éléments produits par la SARL Tetras permettent d'établir qu'elle offrait, en plus de la prestation de fourniture du linge de maison, une prestation de nettoyage en continu des locaux, permettant d'estimer que les opérations d'hébergement qu'elle réalisait entraient en concurrence avec les prestations du secteur hôtelier et, par suite, étaient soumises à la taxe sur la valeur ajoutée.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
18. La SARL Tetras n'est fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni le paragraphe 40 de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20, ni la réponse ministérielle faite au sénateur Foulon publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale le 2 juillet 2013 (p. 6951), qui ne comportent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent jugement.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Tetras est fondée uniquement à demander le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a sollicité au titre du second semestre de l'année 2019.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Il y a lieu, compte tenu des circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 1er : Il est accordé à la SARL Tetras le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a sollicité au titre du second semestre de l'année 2019.
Article 2 : L'Etat versera à la SARL Tetras la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la SARL Tetras et au directeur départemental des finances publiques de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. L'Hôte, président,
Mme Bardad, première conseillère,
Mme d'Elbreil, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2022.
La rapporteure,
M. D'ELBREIL
Le président,
V. L'HÔTELa greffière,
V. BARNIER
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Nos 1908305, 2000291, 2001029
Loi, 2002-1576, 30-12-2002 Article, R611-11-1, CJA Crédits de taxe sur la valeur ajoutée Concurrence des sommes Prestation d'hébergement Sénateur Directeur Finances publiques Durée du séjour Numéro de téléphone Système commun de taxe sur la valeur ajoutée Exercice d'une activité de location Déclaration de taxe sur la valeur ajoutée Vérification de la comptabilité Décision implicite de rejet Demande de remboursement Dépôt de la demande Attribution de la charge de la preuve Exonération des opérations Location des biens Terrains aménagés Interprétation stricte Taxes sur le chiffre d'affaires Marge d'appréciation Local meublé Établissement d'hébergement Critères retenus Locations de logements meublés Entreprise hôtelière Entreprises du secteur Prestation accessoires Nouveau motif Substitution de motifs Privation du contribuable des garanties Supplément de prix Prix de location Paiement du prix Prestations assurées Location Prestation réalisée Personne physique Entreprise individuelle Activité d'une personne Entretien Prestation de service Service d'accueil Simple mention Doctrine administrative