Jurisprudence : CA Paris, 5, 4, 12-10-2022, n° 20/13522, Infirmation partielle

CA Paris, 5, 4, 12-10-2022, n° 20/13522, Infirmation partielle

A71138P7

Référence

CA Paris, 5, 4, 12-10-2022, n° 20/13522, Infirmation partielle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/89030697-ca-paris-5-4-12102022-n-2013522-infirmation-partielle
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 5 - Chambre 4


ARRET DU 12 OCTOBRE 2022


(n° 164 , 14 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/13522 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCMJX


Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2020 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2019015343



APPELANTE


S.A.R.L. COFAPE INTERNATIONAL agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 393 961 339

[Adresse 1]

[Localité 3]


Représentée par Me Martine CHOLAY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0242, avocat postulant

Assistée de Me Antoine BLANC, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant


INTIMEE


S.A.S. SOLETANCHE BACHY FRANCE agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 712 030 154

[Adresse 2]

[Localité 4]


Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055, avocat postulant

Assistées de Me Jérôme MARSAUDON et de Me Emmanuel SORLIN-RACINE, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidants



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 07 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère chargée du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :


Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre

Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère

Madame Camille LIGNIERES, Conseillère


Greffière, lors des débats : Madame Aa A

ARRÊT :


- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.


-Signé par Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente et par Claudia CHRISTOPHE , Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


********



FAITS ET PROCEDURE


La société Soletanche Bachy France est une entreprise de fondations et de technologies du sol. Elle est une filiale de la holding Ab Ac, elle-même filiale du groupe Vinci.


Les sociétés Soletanche Bachy International, Balineau, Bessac, Bessac International, Ab Ad Fondations spéciales, Ab Ad Ae, Sotem, TEC System, Remea, Ab Ad Af Ag, Geomat Antilles, Conception Essais&Structures, Ab Ah, et en ce compris Soletanche Bachy France, appartiennent au Groupe Soletanche et sont toutes des filiales de la société Soletanche Freyssinet, holding.


La société Cofape international (ci-après 'la société Cofape') exerce une activité de courtier en assurance ainsi que de gestion des contrats d'assurance de ses clients.


Jusqu'au 31 décembre 2017, les sociétés Soletanche Bachy France et Cofape entretenaient une relation commerciale ayant pour objet l'exécution de deux prestations exécutées par la société Cofape, à savoir une prestation de courtage en assurance et une prestation de gestion des polices assurance de la société Soletanche Bachy France.


Dans le cadre de l'activité de courtage, la société Soletanche Bachy France a souscrit à plusieurs polices d'assurance santé et prévoyance auprès de la compagnie GAN, par l'entremise de la société Cofape. Par la suite, la société Cofape s'est également vu confier le courtage des contrats d'assurance de différentes sociétés du groupe Soletanche.


En sus de sa mission de courtage en assurances, la société Cofape s'est également vu attribuer une mission de gestion des polices d'assurance au profit de la société Soletanche Bachy France, consistant notamment dans le recouvrement des cotisations de Soletanche Bachy France pour le compte de l'assureur GAN, la liaison auprès de l'assureur en cas de sinistre, l'émission des cartes tiers payant, la gestion des remboursements, le service d'information et de conseil des salariés.


Au titre des contrats d'assurance souscrits par Ab Ad Ai, Cofape percevait, de l'assureur GAN, deux rémunérations distinctes par contrat d'assurance, l'une au titre de sa mission de courtier, l'autre au titre de sa mission de gestion.


Par courriel du 14 décembre 2017, la société Cofape a informé la société Soletanche Bachy de sa décision de confier la gestion de ses contrats collectifs Santé et Prévoyance à la société IGA gestion à compter du 2 janvier 2018.


Par courrier du 22 juin 2018, la société Soletanche Freyssinet a notifié à la société GAN Eurocourtage, concernant les régimes de prévoyance et complémentaire maladie des salariés des sociétés du groupe, et notamment Soletanche Bachy France, sa décisions de mandater la société Verlingue - à l'exclusion de tout autre intermédiaire- pour procéder, auprès du GAN, à l'étude et à la conception d'un contrat d'assurances pour les risques cités, étant précisé que 'le présent mandat d'étude et de placement annule tout autre mandat qui aurait pu être donné antérieurement'.


Par lettre du 26 septembre 2018, la compagnie d'assurance GAN a informé la société Cofape 'conformément aux usages de la profession' que la société Soletanche Freyssinet avait mandaté, à effet immédiat et à titre exclusif, l'un de ses confrères pour l'étude de ses contrats souscrits auprès de Groupama/Gan.


Par lettre du 23 octobre 2018, la société Soletanche Bachy France a notifié à la société GAN Eurocourtage, la résiliation à l'expiration de la période en cours, arrivant à échéance le 31 décembre 2018, les régimes de prévoyance et complémentaire maladie des salariés de la société Soletanche Bachy France mais également des sociétés filiales du groupe Soletanche.


Par lettre du 13 novembre 2018, la société Cofape a signifié à la société Soletanche Bachy France qu'elle avait procédé à la résiliation de son mandat de courtier sans respecter aucun préavis, intervenue de manière brutale, et qu'elle requérait un préavis écrit d'une durée de 2 ans compte tenu de l'ancienneté et de l'importance de la relation commerciale les liant et la mettait en demeure de lui payer la somme de 930 000 euros correspondant à une perte de marge brute.


Estimant avoir été victime d'une rupture brutale de leur relation commerciale établie par la société Soletanche Bachy France, la société Cofape a assigné la société Soletanche Bachy France, par acte du 7 mars 2019, devant le tribunal de commerce de Paris.



Par un jugement du 9 septembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a :


- Débouté la société Soletanche Bachy France de sa demande d'irrecevabilité de la société Cofape international du chef de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Soletanche Bachy France en ce qu'elles sont fondées sur les relations commerciales qu'elle entretenait avec les autres sociétés du groupe Soletanche,


- Condamné la société Soletanche Bachy France à payer à la société Cofape International au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies, une somme totale de 20 166 euros à titre de dommages et intérêts,


- Condamné la société Cofape Internationl à payer à la société Soletanche Bachy France la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour rupture sans préavis de l'activité de gestion des sinistres opérée par Cofape au bénéfice de Ab Ad,


- Autorisé la compensation des sommes dues entre la société Cofape International et la société Soletanche Bachy France,


- Condamné la société Soletanche Bachy France à payer à la société Cofape international la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 et débouté pour le surplus,


- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,


- Ordonné l'exécution provisoire,


- Condamné la société Soletanche Bachy France aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20€ de TVA,



Par déclaration reçue le 25 septembre 2020, la société Cofape a interjeté appel de ce jugement.


Vu les dernières conclusions de la société Cofape, déposées et notifiées le 28 avril 2022, demandant à la cour d'appel de Paris de :


Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 9 septembre 2020 en ce qu'il a :


-condamné la société Soletanche Bachy France à payer à la société Cofape International au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies une somme totale de 20.166 € à titre de dommages et intérêts,


-condamné la société Cofape International à payer à la société Soletanche Bachy France la somme de 10.000 € de dommages et intérêts pour rupture sans préavis de l'activité de gestion des sinistres opérée par la société Cofape International au bénéfice de la société Soletanche Bachy France,


-autorisé la compensation des sommes dues entre la société Cofape International et la société Soletanche Bachy France,


-débouté les parties de leur demande autre, plus amples ou contraires.

Statuant à nouveau,


Dire et juger que la société Cofape International justifie d'une relation commerciale stable et continue avec la société Soletanche Bachy France sur la période du 1er octobre 1987 au 31 décembre 2018 et qu'elle réalisait 65 % de son chiffre d'affaires avec la société Soletanche Bachy France,


Dire et juger que la société Soletanche Bachy France n'a adressé aucun courrier écrit de résiliation à la société Cofape International l'informant, d'une part, de la rupture de leur relation contractuelle et, d'autre part, d'un préavis de résiliation,


Dire et juger que la société Cofape International n'a pas rompu de manière brutale sa mission de gestion qui la liait à la société Soletanche Bachy France,


En conséquence,


Dire et juger que la société Soletanche Bachy France a rompu de manière brutale et abusive la relation commerciale qui la liait avec la société Cofape International depuis le 1er octobre 1987,


Dire et juger que la société Soletanche Bachy France a commis une faute,


Dire et juger que la société Soletanche Bachy France devait respecter un préavis d'une durée de deux ans compte tenu de la durée de leur relation contractuelle et du chiffre d'affaires réalisé par la société Cofape International,


Condamner la société Soletanche Bachy France à payer à la société Cofape International la somme de 875.677,77 €, outre intérêts au taux légal à compter du courrier de mise en demeure du 13 novembre 2018 correspondant à la perte de marge brute sur une durée de deux ans au titre du préavis qui aurait dû être respecté par la société Soletanche Bachy France,


Rejeter l'ensemble des demandes et prétentions de la société Soletanche Bachy France,


Condamner en cause d'appel la société Soletanche Bachy France à payer à la société Cofape International la somme de 40.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

Condamner la société Soletanche Bachy France aux entiers dépens d'appel distraits au profit de Me Cholay sur son affirmation de droit


Vu les dernières conclusions de la société Soletanche Bachy déposées et notifiées le 9 mai 2022, demandant à la cour d'appel de Paris de :


Déclarer la société Soletanche Bachy France recevable en son appel incident,


Puis,


A titre liminaire,


Infirmer le jugement du 9 septembre 2020 du tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il a jugé la société Cofape recevable en son action dirigée à l'encontre de la seule société Soletanche Bachy France, en vue d'engager sa responsabilité sur le fondement des relations commerciales qu'elle entretenait pourtant avec l'ensemble des sociétés du Groupe Soletanche,


En conséquence, statuant à nouveau


Juger que la société Soletanche Bachy France et les sociétés du Groupe Soletanche sont autonomes et ne se confondent pas,


Juger que la société Cofape entretenait des relations commerciales distinctes avec la société Soletanche Bachy France et chacune des sociétés du Groupe Soletanche,


Juger que la société Soletanche Bachy France n'était investie d'aucun mandat de gestion des contrats d'assurance des autres sociétés du Groupe Soletanche vis-à-vis de la société Cofape,


Déclarer irrecevable la société Cofape du chef de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Soletanche Bachy France en ce qu'elles sont fondées sur les relations commerciales qu'elle entretenait avec les autres sociétés du Groupe Soletanche et non avec la seule société Soletanche Bachy France,


Débouter la société Cofape de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Soletanche Bachy France en ce qu'elles sont fondées sur les relations commerciales qu'elle entretenait avec les autres sociétés du groupe Soletanche et non avec la seule société Soletanche Bachy France,


A titre principal,


Confirmer le jugement du 9 septembre 2020 du tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il a jugé que la relation commerciale qui liait les sociétés Cofape et Soletanche Bachy France a débuté le 1er janvier 2018,


Infirmer le jugement du 9 septembre 2020 du tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il a jugé que la relation commerciale qui liait les sociétés Cofape et Soletanche Bachy France depuis le 1er janvier 2018 constituait une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6-I, 5° ancien du Code de commerce,


En conséquence, statuant à nouveau,


Juger qu'en résiliant sa mission de gestion, la société Cofape a mis fin à la relation commerciale initiale avec la société Soletanche Bachy France, donnant naissance à une nouvelle relation commerciale, qui a débuté le 1er janvier 2018 et n'a duré qu'une année,


Juger que cette relation commerciale ne revêtait pas le caractère d'une relation commerciale établie au moment allégué de la rupture avec la société Soletanche Bachy France, de sorte que la société Cofape n'est pas recevable à se prévaloir des dispositions de l'article L. 442-6-I, 5° ancien du Code de commerce,


Débouter la société Cofape de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre de la société Soletanche Bachy France,


A titre subsidiaire,


Infirmer le jugement du 9 septembre 2020 du tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il a jugé que la société Cofape était placée dans un état de dépendance économique vis-à-vis de la société Soletanche Bachy France et que cette dernière a rompu brutalement la relation commerciale en ne respectant pas un préavis suffisant de 4 mois,


Infirmer le jugement du 9 septembre 2020 du tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il a condamné la société Soletanche Bachy France à verser à la société Cofape une indemnité de 20.166 euros,


En conséquence, statuant à nouveau


Juger que la société Soletanche Bachy France a mis fin à la relation commerciale en respectant un préavis de 3 mois conforme aux usages en matière de courtage en assurance,


Juger que la société Cofape était informée de la résiliation à venir deux années en amont,


Juger que la société Cofape n'établit pas qu'elle aurait été placée dans un état de dépendance économique vis-à-vis de la société Soletanche Bachy France et qu'en toutes hypothèses, cette dernière ne peut être tenue pour responsable de cette situation prétendue,


Juger que la société Soletanche Bachy France n'a pas résilié brutalement la mission de courtier de la société Cofape et n'a commis aucun manquement ni abus,


Débouter la société Cofape de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre de la société Soletanche Bachy France,


Sur la demande indemnitaire de la société Cofape,


Infirmer le jugement du 9 septembre 2020 du tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il a condamné la société Soletanche Bachy France à verser à la société Cofape une indemnité de 20.166 euros,


En conséquence, statuant à nouveau


Juger que la société Soletanche Bachy France ne peut répondre de griefs et de rupture relatifs à des relations nouées entre la société Cofape et des sociétés tierces, même appartenant au Groupe Soletanche,


Juger que la société Cofape ne fournit aucune évaluation sérieuse, justifiée et probante de son prétendu préjudice,


Débouter la société Cofape de l'ensemble de ses demandes indemnitaires dirigées à l'encontre de la société Soletanche Bachy France,


En tout état de cause,


Confirmer le jugement du 9 septembre 2020 du tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Cofape pour rupture brutale de relation commerciale établie,

Infirmer le jugement du 9 septembre 2020 du tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il a condamné la société Cofape à verser à la société Soletanche Bachy France une indemnité de 10.000 euros,


En conséquence, statuant à nouveau,


Juger que la société Cofape a mis fin unilatéralement et sans préavis à la relation contractuelle de gestion des contrats d'assurance qu'elle assurait au profit de la société Soletanche Bachy France,


Condamner la société Cofape à verser à la société Soletanche Bachy France la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts,


En toute hypothèse,


Rejeter l'ensemble des demandes fins et conclusions de la société Cofape,


Condamner la société Cofape à verser à la société Soletanche Bachy France une indemnité de 40.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile🏛.


L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.


La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile🏛.



MOTIVATION


Sur la demande de dommages-intérêts de la société Cofape fondée sur la rupture brutale de la relation de courtage


* sur la recevabilité de l'action de la société Cofape


La société Soletanche Bachy France fait valoir que la relation commerciale objet du litige a été nouée uniquement avec elle, et non avec ses sociétés s'urs comprenant le groupe Soletanche , les sociétés du groupe Soletanche ayant toutes conclu leurs propres polices d'assurance avec la compagnie GAN et ont elles-mêmes signé et adhéré aux polices dont la société Cofape avait la charge en qualité de courtier des contrats d'assurance. Elle précise que la société Soletanche Bachy France était présente aux avenants en sa seule qualité de « contractante » pour agréer l'extension du contrat d'assurance à une nouvelle partie et chaque société du groupe Soletanche était redevable de ses propres cotisations vis-à-vis de la compagnie GAN, cotisations sur lesquelles la société Cofape se rémunérait. Estimant que sa relation commerciale avec la société Cofape ne se confond pas avec celles nouées avec les autres sociétés du groupe Soletanche et qu'elle ne saurait répondre de leur décision au titre de l'article L.442,6-I,5° ancien du code de commerce, elle sollicite l'infirmation du jugement de ce chef et demande à la Cour de déclarer la société Cofape partiellement irrecevable en son action.


Cela étant exposé, la société Soletanche Bachy France ne soulève aucune fin de non-recevoir au sens des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile🏛 pour voir déclarer 'partiellement irrecevable' l'action de la société Cofape, mais développe des moyens relatifs à l'examen du fond de la demande de dommages-intérêts formulée à son encontre.


Dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Soletanche Bachy France de sa demande d'irrecevabilité de la société Cofape du chef de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Soletanche Bachy France.


* sur le fond


Exposé des moyens


La société Cofape fait valoir que :


- la relation de courtage n'est pas exclusive de l'application des dispositions de l'article L.442-6,I, 5° dans sa version applicable au litige (CA Paris 12 septembre 2013 RG n°11-22934⚖️- courtage en fourniture d'énergie- CA Paris 3 octobre 2019 RG n°17/01356⚖️; CA Paris 31 octobre 2019 RG n°17/06545⚖️-courtage assurances). Elle explique que si le courtier d'assurances peut être révoqué et remplacé de façon discrétionnaire, cela ne fait pas obstacle au respect d'un préavis écrit d'une durée suffisante compte tenu de la durée des relations de partenariat entre le courtier et son cocontractant ;


- elle était liée par une relation commerciale établie de longue date avec la société Soletanche Bachy, la société Cofape ayant été le courtier en assurance de la société Soletanche Bachy du 1er octobre 1987 au 31 décembre 2018 sans interruption, soit pendant plus de 31 ans ;


-la relation commerciale la liait à la société Soletanche Bachy, mais aussi aux filiales, sociétés s'urs et à la holding de la société Soletanche Bachy par l'intermédiaire de cette dernière, la société Soletanche Bachy agissant pour elle-même mais aussi pour les autres sociétés du groupe ; la société Cofape avait pour seul interlocuteur la société Soletanche Bachy, y compris pour les échanges concernant les filiales, et c'est la société Soletanche Bachy seule qui a négocié les polices d'assurance pour lesdites filiales ; la société Soletanche Bachy était seule désignée en qualité de contractante : c'est elle qui a signé l'ensemble des contrats et les avenants, pour elle mais aussi pour le compte des filiales et sociétés s'urs du groupe Soletanche, l'ensemble des contrats désignant la société Soletanche Bachy comme « la contractante » et les filiales comme « l'entreprise adhérente » ; enfin, c'est la société Soletanche Bachy qui a seule procédé à la résiliation de l'ensemble des contrats du groupe en date du 23 octobre 2018, sans se référer à un quelconque mandat au sens de l'article 1984 du code civil🏛, puisqu'elle n'est pas mandataire des sociétés du groupe ;


- la décision de confier la gestion des contrats à la société IGA pour l'année 2018, qui résultait de la transposition en droit interne de la directive de la distribution d'assurance applicable au 1er octobre 2018, n' pas fait pas perdre son caractère établi à la relation de courtage, puisque se sont deux prestations de services distinctes, et cela n'a pas entrainé la modification ou la cessation de l'activité de courtage, qui s'est poursuivie entre les parties ; c'est à tort que le tribunal de commerce a estimé que la modification du périmètre d'intervention de la société Cofape a été suffisamment importante pour que la relation commerciale établie antérieurement cesse et qu'une nouvelle relation commence au 1er janvier 2018 ;


-la société Soletanche Bachy ne lui a pas adressé de courrier écrit l'informant de la rupture de leurs relations, en violation des dispositions de l'article L.442-6 ancien du code de commerce🏛 ; la société Soletanche Bachy ne peut s'appuyer sur cet échange de mails pour soutenir que la société Cofape était informée de la résiliation effective des contrats dès 2017; la société Cofape a seulement été informée par la compagnie GAN, le 26 septembre 2018, du fait qu'un nouveau courtier avait été mandaté « à effet immédiat et à titre exclusif », cette expression témoignant d'ailleurs de l'absence totale de préavis ; par la suite, la société Soletanche Bachy a, par courrier du 23 octobre 2018, informé la compagnie GAN, et non la société Cofape international, de la résiliation de l'ensemble des contrats d'assurance souscrits auprès de cette compagnie au 31 décembre 2018 ;


-la société Soletanche Bachy ne peut s'appuyer sur les usages du courtage pour justifier de la validité de la rupture par l'envoi d'un courrier de résiliation au seul assureur et non au courtier ; les usages parisiens et lyonnais, cités par la société Soletanche Bachy dans un courrier du 22 juin 2018 adressé à la seule compagnie GAN, ne sont applicables que dans le cadre de la relation courtier/assureur, et non dans le cadre de la relation courtier/assuré, puisqu'ils ne peuvent s'appliquer qu'entre professionnels du même secteur ; les dispositions d'ordre public de l'article L442-6 ancien du code de commerce🏛, qui rendent impérative la notification d'un préavis de rupture écrit, doivent s'appliquer à la relation entre l'assuré et le courtier,


- en considération de la durée de sa relation commerciale avec la société Soletanche Bachy (31 ans) et du chiffre d'affaires qu'elle réalisait dans le cadre de cette relation (65%), un préavis d'une durée minimum de 2 ans aurait dû être respecté par la société Soletanche Bachy ; celle-ci ne peut s'appuyer sur l'article L.113-12 du code des assurances🏛 pour justifier la légitimité d'un préavis de deux mois, cet article s'appliquant uniquement à la relation assuré/assureur, et non à la relation assuré/courtier ; aucun texte ne régissant la durée du préavis dans le cadre de la relation assuré/courtier, cette durée doit s'apprécier conformément aux dispositions de l'article L.442-6 ancien du code de commerce🏛 ; la société Soletanche Bachy ne peut se prévaloir de la théorie des ensembles contractuels et affirmer que le sort de la convention de courtage est aligné sur celui du contrat d'assurance, dès lors que le contrat de courtage et d'assurance sont distincts et ne forment pas un ensemble contractuel, l'assuré pouvant mettre fin à son contrat d'assurance sans mettre fin au contrat de courtage et inversement ;


- la société Soletanche Bachy doit répondre seule de l'entier préjudice qu'elle a subi du fait de la rupture brutale de la relation de courtage, puisque la société Soletanche Bachy était la seule contractante de la société Cofape, pour son propre compte mais aussi pour le compte de ses filiales et de sa holding ;


- pour le calcul de son préjudice, elle a retenu le montant des commissions perçues tant pour ses activités de courtage que de gestion pour chaque contrat GAN du groupe Soletanche Bachy France sur les années 2016 à 2018, soit une moyenne mensuelle des commissions sur les exercices 2016, 2017 et 2018 s'élevant à la somme de 36.486,57€, portant le préjudice à la somme de 875.677,77 € (36.486,57 € x 24 mois de préavis) , soit un montant identique au chiffre d'affaires réalisé dès lors que la cessation de la relation commerciale avec la société Soletanche Bachy France n'a entrainé aucune économie de coûts pour la société Cofape ; elle n'a pas à recalculer son préjudice en déduisant des exercices 2016 et 2017 les commissions perçues au titre des prestations de gestion des contrats d'assurance, et ce même si c'est elle qui a mis fin à cette prestation au 31 décembre 2017 ayant bien effectué ces prestations de gestion sur les exercices 2016 et 2017, et pendant 30 années en tout ;


La société Soletanche Bachy France réplique que :


-certes, en vertu de la jurisprudence récente de la cour d'appel de Paris, l'article L.442-6 ancien du code de commerce🏛 est applicable aux relations de courtage, cependant, cette application doit se faire conformément à la nature d'une telle relation, qui est précaire par essence ; dès lors que le contrat d'assurance est librement résiliable sous réserve du respect des conditions légales, le mandat dont bénéficie le courtier en assurances qui a négocié cette police doit également être considéré comme précaire par nature et révocable ad nutum,


-la relation commerciale objet du litige a été nouée uniquement avec elle, et non avec ses sociétés s'urs comprenant le groupe Soletanche ; les sociétés du groupe Soletanche ont toutes conclu leurs propres polices d'assurance avec la compagnie GAN et ont elles-mêmes signé et adhéré aux polices dont la société Cofape avait la charge en qualité de courtier des contrats d'assurance de manière autonome ; la société Soletanche Bachy n'était présente aux avenants en sa seule qualité de « contractante » que pour agréer l'extension du contrat d'assurance à une nouvelle partie et chaque société du groupe Soletanche était redevable de ses propres cotisations vis-à-vis de la compagnie GAN, cotisations sur lesquelles la société Cofape se rémunérait que société du groupe Soletanche a individuellement noué une relation commerciale distincte avec la société Cofape ; celle-ci doit dès lors être déclarée irrecevable du chef de ses demandes à l'encontre de la société Soletanche Bachy France en ce qu'elles sont fondées sur les relations commerciales entretenues avec les autres sociétés du groupe Soletanche ;

- elle a bien noué des relations contractuelles avec la société Cofape à partir de l'année 1987, pour des activités de courtage et de gestion des polices d'assurance ; la société Cofape a, en mettant unilatéralement et brutalement fin à sa mission de gestionnaire de ses polices d'assurance à effet au 31 décembre 2017, institué une nouvelle relation commerciale non établie née au 1er janvier 2018 entre les deux parties, portant sur la seule prestation de courtage, la relation initiale ayant été substantiellement modifiée dans sa nature et ayant perdu sa stabilité ; cette nouvelle relation commerciale étant dénuée de régularité, de caractère significatif et de stabilité, critères identifiés par la jurisprudence pour déterminer le caractère établi d'une relation commerciale, la société Cofape ne peut alors pas se prévaloir de l'article L.442-6 ancien du code de commerce🏛, qui se révèle ainsi inapplicable ;


- à titre subsidiaire, la société Soletanche Bachy a mis fin à la mission de courtier de la société Cofape dans le respect des dispositions légale et usage en vigueur,


- la société Cofape a bien reçu un préavis écrit conformément à l'article L.442-6 ancien du code de commerce🏛 et aux usages du courtage en assurance applicables au cas d'espèce ; d'une part, l'article L.442-6 ancien du code de commerce🏛 dispose que « la durée minimale du préavis » s'appréhende « en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels » et d'autre part, si ces usages ont vocation à régir les rapports entre le courtier et l'assureur, l'assuré peut tout de même s'en prévaloir en vertu d'un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 28 novembre 1995 ; ainsi, les usages n°3, 7 et 10 en vertu desquels l'assuré peut résilier le mandat de courtage entre les mains de l'assureur par l'émission d'un « ordre de remplacement » sont applicables au litige,


- le courtier en assurance exerce une activité d'intermédiation d'assurance au sens de l'article L.511-1, I du code des assurances🏛 qui évolue au sein d'une relation tripartite comprenant l'assureur et l'assuré et reposant sur deux contrats distincts qui forment un ensemble contractuel au sein duquel la convention de courtage est dite « contrat intermédiaire » et le contrat d'assurance « contrat principal » , le sort de ces contrats est lié ; en vertu des usages précités, la résiliation peut être adressée auprès du seul assureur, à charge pour ce dernier d'en informer le courtier, ce qu'a notamment déterminé la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 31 octobre 2019, soutenant qu'un ordre de remplacement envoyé à l'assureur suffit ; c'est ce qui s'est produit en l'espèce, puisque la compagnie GAN a été informée de la résiliation du mandat avec ordre exclusif de remplacement par courrier du 22 juin 2018 et a transmis l'information à la société Cofape le 26 septembre 2018, la société GAN ayant ensuite été informée par courrier du 23 octobre 2018 de la résiliation des polices d'assurance,


- le préavis applicable au cas d'espèce était un préavis de deux mois par l'application de l'article L.442-6 ancien du code de commerce🏛 qui dispose que « la durée minimale de préavis » s'appréhende « en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels » ; en vertu des usages relatifs aux contrats de courtage, le sort du contrat de courtage suivant nécessairement celui de la police d'assurance, le délai de préavis applicable au contrat d'assurance est aussi applicable au contrat de courtage ; l'article L.113-12 du code des assurances🏛, qui prévoit que le contrat d'assurance peut être résilié moyennant le respect d'un délai de préavis de 2 mois, s'applique lui aussi dans le cadre de la résiliation du contrat de courtage ; le préavis accordé en l'espèce était un préavis de plus de 3 mois, avec rupture fixée au 31 décembre 2018 soit la date d'échéance des polices d'assurance régulièrement dénoncées ; la société Soletanche Bachy n'a jamais indiqué que la résiliation était « à effet immédiat » et donc sans préavis contrairement à ce qui est allégué par la société Cofape ; le préavis dont a bénéficié la société Cofape était au demeurant d'une durée suffisante au regard de la nouvelle relation commerciale qu'elle a imposée depuis le 1er janvier 2018 ; en toute hypothèse la société Cofape avait été informée dès 2017 de la résiliation de sa mission de courtier, de sorte qu'elle était en mesure d'en anticiper les conséquence ;


- en toute état de cause, l'indemnité de rupture sollicitée n'est pas justifiée dans son montant,

-chaque société du groupe Soletanche, qui sont par ailleurs ses sociétés s'urs et non ses filiales, ont contracté chacune pour leur compte avec la société Cofape, le présent litige portant sur les seules conse'quences de la de'cision de la société Soletanche Bachy de mettre fin a' la mission de courtier de la société Cofape, la société Cofape ne peut pas évaluer le montant de son pre'tendu pre'judice en prenant en conside'ration le chiffre d'affaires re'alise' avec l'ensemble des socie'te's du groupe Soletanche ; la société Soletanche Bachy n'a pas à répondre seule de l'entier préjudice découlant des ruptures amorcées par le groupe,


- pour le calcul du préjudice, d'une part seule la perte de marge sur coût variable peut être prise en compte pour évaluer un préjudice, alors que la société Cofape évalue son préjudice sur la base du chiffre d'affaires réalisé avec le Groupe Soletanche et que seul la marge réalisée sur l'exercice 2018 avec Soletanche Bachy France ne pourrait être prise en compte ; d'autre part ne doivent être prises en compte que les données économiques afférentes à l'activité à laquelle il est mis fin brutalement, soit la seule activité de courtage, la société Cofape ne pouvant pas prendre en compte les commissions perçues au titre des prestations de gestion des contrats d'assurance pour établir le montant de son préjudice,


Réponse de la Cour,


La demande de dommages-intérêts à hauteur de 875 677,77 euros est formulée par la société Cofape à l'encontre de la société Soletanche Bachy France sur le fondement de l'article L.442-6, I,5° ancien du code de commerce🏛.


L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce🏛 dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019🏛 applicable au litige, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.


A l'appui de sa demande, la société Cofape entend se prévaloir de la relation commerciale établie avec la société Soletanche Bachy France au titre de prestations de courtier en assurance depuis le 1er octobre 1987 et d'avoir ainsi placé auprès du GAN divers contrats d'assurance santé et prévoyance pour les salariés de la société Soletanche Bachy France mais également d'autres sociétés du groupe Soletanche.


Bien qu'elle n'en tire pas les conséquences dans l'évaluation de son préjudice, la société Cofape insiste sur le fait que cette relation commerciale assise sur les prestations de courtier en assurance est distincte de celle relative à la gestion des polices d'assurance à laquelle elle a mis fin le 14 décembre 2017 sans pour autant modifier celle reposant sur la mission de courtage.


Aucune convention de courtage n'est versée aux débats, mais il ressort des explications des parties et des polices d'assurances souscrites auprès du GAN, qu'au titre de la mission de courtage objet du litige, la société Soletanche Bachy France a sollicité la Cofape afin qu'elle négocie auprès d'une compagnie de premier plan les polices d'assurance permettant de couvrir les risques santé et prévoyance de ses salariés, et que par cette entremise de la société Cofape, la société Soletanche Bachy France a elle-même souscrit à plusieurs polices d'assurance auprès du GAN en qualité de contractante, et par la suite les autres sociétés du groupe en qualité d'adhérentes. En l'état de ces éléments, la mission ainsi confiée à la société Cofape ne visait pas à l'accomplissement d'acte juridique particulier de nature à qualifier la relation de mandat et permettre une révocation à tout moment de la convention.

La relation de courtage d'assurance liant ainsi les parties, en ce qu'elle relève d'une activité commerciale et qu'aucune réglementation spécifique ne régit le délai de préavis pour la rupture d'une telle relation, les dispositions de l'article L.442-6, I, 5° se trouvent applicables en l'espèce.


S'agissant des parties à la relation commerciale portant sur la mission de courtage, la Cour relève que si chacune des sociétés du groupe Soletanche a souscrit les polices d'assurance en son nom et pour son compte, soit en qualité de partie 'contractante' soit en qualité 'd'adhérente', il n'en demeure par moins que pour la 'gestion' de la mission de courtage la société Soletanche Bachy France était le principal interlocuteur de la société Cofape et du GAN. D'une part la société Soletanche Bachy France était la contractante initiale des contrats de prévoyance et de santé qui a accepté en cette qualité que les autres sociétés du groupe adhèrent aux polices qu'elle avait négociées et y deviennent parties par la signature d'avenants d'affiliation. D'autre part, la société intimée explique elle-même (conclusions page 23) que dans un souci de rationalisation et d'économie d'échelle, l'ensemble des sociétés du groupe Soletanche-en ce compris Ab Ad France-ont fait le choix de mettre fin à la mission de courtier de Cofape en fin d'année 2018 et qu'il a été décidé que les sociétés Soletanche Bachy France et Soletanche Freyssinet seraient les interlocuteurs uniques auprès des assureurs et courtiers pour procéder aux résiliations. Dans ce cadre, le 22 juin 2018 la société Soletanche Freyssinet a notifié à la compagnie GAN qu'elle mandatait le courtier Verlingue pour négocier à l'avenir ses futurs contrats d'assurance en remplacement de Cofape et le 23 octobre 2018, la société Soletanche Bachy France a notifié à la compagnie Gan la résiliation de l'ensemble des contrats d'assurance souscrits au profit des structures de groupe Soletanche, avec une liste précise des sociétés concernées.


Dans ces conditions, la société Soletanche Bachy France doit répondre à l'égard de la société Cofape de la relation commerciale établie pour l'entremise des polices d'assurances souscrites par l'ensemble des sociétés du groupe auprès de la compagnie d'assurance du Gan.


S'agissant de la rupture de la mission de courtage, la Cour relève que l'article L.113-12 du code des assurances🏛 prévoit une faculté de résiliation ou dénonciation annuelle deux mois avant l'échéance du contrat d'assurance, ouverte à l'assureur comme à l'assuré, et que des usages professionnels dits 'du courtage d'assurances terrestre' visent à organiser le devoir d'information du courtier apporteur de tout événement affectant le cours de l'assurance et susceptible de menacer ses droits, notamment de rémunération , à savoir :


- usage n°3 « Lorsque le remplacement est accordé à un nouveau courtier investi par l'assuré d'un ordre exclusif de remplacement accompagné de dénonciation régulière de la police pour sa date d'expiration ou pour l'échéance à laquelle elle peut être résiliée, le courtier créateur de la police a droit à la commission sur les primes apportées par lui jusqu'à l'époque pour laquelle la police est dûment dénoncée. »


- usage n°7 : « Un assureur ne peut accepter de remplacer une police en cours qu'à la demande de l'assuré. Quand l'ordre de remplacement contient dénonciation de la police pour son échéance, l'assureur en prévient le courtier créateur sans délai et en tout cas avant la délivrance de la police nouvelle. »


-usage n°10 : « Dans tous les cas où la police est dénoncée par l'assuré pour sa prochaine échéance, l'assureur en avise sans délais le courtier créateur. »


En l'espèce, la société Soletanche Bachy France de concert avec la société Soletanche Freyssinet et l'assureur B ont respecté ces usages. Par courrier du 22 juin 2018, la compagnie GAN a été informée de la résiliation du mandat et de l'émission d'un ordre exclusif de remplacement et cette dernière a transmis cette information à la société Cofape le 26 septembre 2018. Puis par courrier du 23 octobre 2018 avec accusé de réception, la compagnie GAN a été informée de la résiliation des polices d'assurance à échéance du 31 décembre 2018.


Si dans son courrier du 26 septembre 2018, la compagnie GAN a fait état de l'effet immédiat de l'ordre de remplacement du courtier, la société Cofape ne conteste pas avoir perçu sa commission jusqu'à l'échéances des polices concernées.


Il s'ensuit que la société Cofape a bénéficié d'un préavis effectif de trois mois.

Certes la relation commerciale était particulièrement ancienne datant de 1987 et que le groupe Soletanche Bachy était un important client de la société Cofape lui générant plus de 65 % du chiffre d'affaires sur les années 2016 et 2017, mais en ce qui concerne les commissions encaissées pour les doubles missions de gestion et de courtage.


Or, il n'est pas contesté par la société Cofape, comme l'expose la société Soletanche Bachy France, que la société Cofape percevait au titre des contrats souscrits pour les sociétés du groupe Soletanche, de la part de l'assureur, deux rémunérations distinctes par contrat d'assurance, l'une au titre de sa mission de courtier l'autre au titre de sa mission de gestion. En pratique, la société Cofape appelait les cotisations auprès de Ab Ad Ai qui en versait le montant à l'assureur GAN, celui reversait une quote-part de ces cotisations à Cofape au titre de la double rémunération, dont le montant était directement négocié entre GAN et Cofape. Aussi, au moment du remplacement de la société Cofape en sa qualité de courtier en septembre 2018, celle-ci n'exerçait plus la mission de gestion des contrats d'assurance à laquelle elle avait mis fin de sa propre initiative au 31 décembre 2017. Autrement dit en septembre 2018, seul le flux d'affaires générant des commissions de la part du GAN pour la mission de courtage doit être analysé sur la durée de la relation, or sur ce point la société Cofape ne donne pas d'information précise. Aucun relevé de commissions avec l'assureur GAN n'est produit ni d'information sur la part du chiffre d'affaires que représentaient les commissions générées par la seule mission de courtage sur le chiffre d'affaires global de la société Cofape. Celle-ci se borne à produire les comptes annuels 2016 à 2018 et une attestation de son expert comptable, desquels il ressort qu'entre 2017 et 2018, soit avant la rupture litigieuse, le total des commissions encaissées (GAN- Soletanche) et le chiffre d'affaires global de la société Cofape ont accusé une baisse certaine.


Au regard de l'ensemble de ces éléments, et en particulier de la spécificité de la prestation de courtage s'inscrivant dans une relation tripartite et des usages professionnels en la matière, la Cour retient que le délai de préavis dont a bénéficié la société Cofape était adapté à la relation commerciale en cause et qu'aucune rupture brutale ne peut être imputée à la société Soletanche Bachy France.


Dès lors, la société Cofape sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts fondée sur les dispositions de l'article L.442-6, I 5° précité et le jugement sera infirmé de ce chef.


Sur la demande de dommages-intérêts de la société Soletanche Bachy France au titre de la rupture de la mission de gestionnaire


La société Soletanche Bachy France fait valoir que la société Cofape a, le 31 décembre 2017, mis fin brutalement et unilatéralement à sa mission de gestionnaire des contrats d'assurance, se substituant d'autorité un autre prestataire, la société IGA. Cette résiliation soudaine constitue selon elle une rupture brutale au sens de l'article L.442-6 ancien du code de commerce🏛, puisque la société Cofape exerçait cette mission depuis 2002, soit plus de 15 ans, et n'a informé la société Soletanche Bachy France de sa résiliation que le 14 décembre 2017, avec effet au 31 décembre 2017.


Il est soutenu que la société IGA s'est révélée incapable d'assurer une gestion professionnelle des remboursements de frais avancés tant par la société Soletanche Bachy que par ses salariés ce qui a causé de nombreux désagréments. La société Soletanche Bachy prétend avoir subi un préjudice moral qu'elle évalue à la somme de 50 000 euros.


La société Cofape réplique que la société Soletanche Bachy prétend tardivement et de manière infondée avoir été victime d'une rupture brutale intervenue le 31 décembre 2017 afin notamment de justifier tant bien que mal sa résiliation du contrat de courtage intervenue en 2018. Elle fait observer que la société Soletanche Bachy n'avait, avant la présente instance, jamais reproché un quelconque caractère brutal de la décision de déléguer la gestion des contrats d'assurance à une autre entité. De même, elle n'a jamais adressé le moindre courrier, ou initié une procédure contre la société Cofape en se prévalant d'un préjudice lié à la substitution de la gestion. Ces allégations ne sont intervenues que lorsque la société Soletanche Bachy a été assignée par la société Cofape. Elle ajoute que la société Soletanche Bachy n'apporte aucun élément justifiant de son préjudice.


Réponse de la Cour,


Si la société Soletanche Bachy France justifie de divers dysfonctionnements et désagréments lors du changement de gestionnaire de ses polices d'assurances à l'initiative de la société Cofape, ceux-ci ne caractérisent pas un préjudice pouvant être réparé au titre d'une rupture brutale au sens des dispositions de l'article L.442-6, I, 5° précité.


Dès lors la société Soletanche Bachy France sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral à ce titre et le jugement sera infirmé de ce chef.


Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile🏛 en appel


La société Cofape, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.


En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, la société Cofape sera déboutée de sa demande et condamnée à verser à la société Soletanche Bachy France la somme de 10 000 euros.



PAR CES MOTIFS


La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,


Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour sauf en ce qu'il a débouté la société Soletanche Bachy France de sa demande d'irrecevabilité de la société Cofape International du chef de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Soletanche Bachy France en ce qu'elles sont fondées sur les relations commerciales qu'elle entretenait avec les autres sociétés du Groupe Soletanche,


Statuant de nouveau des chefs infirmés,


Déboute la société Cofape International de sa demande de dommages-intérêts fondée sur les dispositions de l'article L.442-6,I, 5° du code de commerce🏛 au titre de la mission de courtage ;


Déboute la société Soletanche Bachy France de sa demande de dommages-intérêts fondée sur les dispositions de l'article L.442-6,I, 5° du code de commerce🏛 au titre de la mission de gestion ;


Y ajoutant,


Condamne la société Cofape International aux dépens,


Condamne la société Cofape International à payer à la société Soletanche Bachy France la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


Rejette toute autre demande.


LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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