CF/KG
ARRÊT N° 500
R.G 11/05381
SAS ALU RIDEAU
C/
Y
Copies exécutoires et copies certifiées conformes à
la SELAS VIOLLE ET BERTRAND
Me Gilles ...
le
Notification aux parties
le
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 10 JUILLET 2013
Numéro d'inscription au répertoire général 11/05381
Décision déférée à la Cour Jugement au fond du 06 décembre 2011 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHE SUR YON.
APPELANTE
SAS ALU RIDEAU
LA ROCHE SUR YON
Représentée par Me Cyrille BERTRAND (avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON)
INTIMÉ
Monsieur Loïc Y
245 rue du Puy Charpentreau
85000 LA ROCHE SUR YON
Comparant
Assisté de Me Gilles TESSON (avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON)
PARTIE INTERVENANTE
CAISSE DE CONGÉS DU BÂTIMENT DU GRAND OUEST
NANTES CEDEX 9
Non comparante, ni représentée
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 29 Mai 2013, en audience publique, devant la Cour composée de
Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente
Monsieur Jean-Paul FUNCK-BRENTANO, Conseiller
Madame Catherine FAURESSE, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats Madame Annie FOUR
ARRÊT
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Madame Christine PERNEY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Alu Rideau exerçant sous l'enseigne Rideau Aluminium qui emploie environ 300 salariés et exploite une activité de fabrication et de pose de vérandas en aluminium a engagé M. Loïc Y le 31 mars 2008 dans le cadre d'un contrat à durée déterminée suivi à compter du 1er juillet 2008 d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'ouvrier second de pose niveau II coefficient 185 moyennant un salaire brut mensuel moyen des trois derniers mois de 1782,74 euros. A ce poste, le salarié était chargé de réaliser la pose d'abris de piscine au domicile des clients sur l'ensemble du secteur de Grand Ouest et courant 2009, il travaillait en binôme sous la responsabilité d'un chef d'équipe et d'un responsable de pose M. ....
Le 6 juillet 2009, M. Y a été victime d'un accident du travail justifiant un arrêt jusqu'au 8 septembre 2009.
Le 10 novembre 2009, un entretien a été organisé avec rappel à l'ordre de M. Y qui a fait l'objet d'un avertissement le 15 novembre 2009 pour des griefs relatifs à des manquements d'ordre technique dans l'exécution du travail outre une dégradation de la remorque.
Le 23 novembre 2009, M. Y a contesté cet avertissement en faisant état de difficultés de fonctionnement et relationnelles dans l'exécution de son travail.
Le 1er mars 2010, l'employeur a proposé à M. Y une rupture conventionnelle de son contrat de travail que celui ci a refusé.
Le 9 mars 2010, M. Y a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement qui lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 mars 2010 pour " difficultés relationnelles récurrentes et des mésententes avec vos collègues et votre hiérarchie, malgré les rappels à l'ordre. "
Le 5 juillet 2010, M. Y a saisi le conseil des prud'hommes de La Roche sur Yon pour, notamment, voir annuler l'avertissement du 15 novembre 2009, constater le non respect par l'employeur de son obligation de sécurité, le non respect de la procédure de licenciement, du principe d'égalité de traitement et l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
Par jugement du 6 décembre 2011, le conseil des prud'hommes a
- dit que les faits invoqués dans la lettre d'avertissement sont prescrits,
- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Alu Rideau à payer à M. Y
* 100 euros à tire de dommages et intérêts pour avertissement nul,
* 10.700 euros à tire de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société Alu Rideau aux dépens.
Par lettre recommandé avec accusé de réception du 22 décembre 2011, la société Alu Rideau a relevé appel de cette décision et par ses dernières conclusions déposés le 10 avril 2013 et développées oralement à l'audience demande à la cour de réformer partiellement le jugement et de
- rejeter la demande d'annulation de l'avertissement du 15 novembre 2009,
- dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- condamner M. Y à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Alu Rideau expose que courant 2009, M. ..., responsable des équipes de pose, a été amené à faire part à M. Y de griefs techniques et de difficultés relationnelles avec les membres de l'équipe qui lui reprochaient de " tirer au flanc " en leur laissant les travaux ingrats ou difficiles ce qui a conduit à l'entretien du 10 novembre 2009 et à l'avertissement du 15 novembre 2009, qu'en janvier 2010, M. Y s'est vu confier des travaux d'atelier sans plus de succès compte tenu des négligences de l'intéressé et que le 25 février 2010, M. ... a, à nouveau, fait appel à la direction des ressources humaines pour trouver une solution ce qui a abouti à la proposition de rupture conventionnelle.
La société Alu Rideau fait valoir que, faute d'accord de M. Y, elle a été contrainte de le licencier, la poursuite des relations contractuelles étant impossible compte tenu des difficultés relationnelles de M. Y avec ses collègues.
La société Alu Rideau conteste la prescription de l'action disciplinaire en faisant valoir que notamment sur le chantier Fouassier pour lequel il est reproché à M. Y un mauvais positionnement de l'abri, le service après vente qui permet d'apprécier les manquements commis, n'est intervenu que courant septembre 2009 donc moins de deux mois avant l'avertissement et que l'intervention mécanique sur la remorque endommagée remonte au 31 octobre 2009.
La société Alu Rideau relève que M. Y ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés mais leur imputabilité et estime que les griefs formulés sont directement et personnellement imputables à M. Y qui n'a pas respecté les plans de montage ni les instructions de pose.
Sur le licenciement, la société Alu Rideau estime que le fait d'avoir tenté une rupture conventionnelle n'induit pas l'absence de motif réel et sérieux du licenciement et souligne que celui ci n'est pas motivé par le refus de M. Y d'accepter la rupture conventionnelle mais par des griefs réels et sérieux relatifs à des difficultés relationnelles récurrentes dégradant l'ambiance de travail malgré plusieurs rappels à l'ordre.
Par conclusions reçues par RPVA le 23 mai 2013 et développées oralement à l'audience, M. Y demande notamment à la cour de
- confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'avertissement du 15 novembre 2009 mais lui allouer 1782 euros à ce titre,
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse mais lui allouer 23.000 euros à ce titre,
- dire que la procédure n'a pas été respectée et lui accorder 1000 euros à ce titre,
- dire que les règles en matière de sécurité et santé n'ont pas été respectée et lui accorder 2000 euros à ce titre,
- condamner la société Alu Rideau à lui payer la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Y déclare qu'il a été victime du comportement déloyal de son responsable hiérarchique, M. ... à qui il reproche des modifications délibérément tardives de ses horaires de travail et souligne que la lettre de rupture ne fait état d'aucun fait précis. Il estime que la proposition d'une rupture conventionnelle rend le licenciement suspect, considère qu'une alternative à son licenciement était possible dans le cadre d'une affectation en atelier et reproche à son employeur de ne pas être intervenu efficacement pour restaurer de bonnes conditions de travail.
Par courrier du 7 décembre 2012, la Caisse de Congés du Bâtiment du Grand Ouest a déclaré ne pas intervenir à l'instance.
A l'audience, M. Y indique qu'il a omis de faire figurer dans le dispositif de ses conclusions sa demande visant à voir infirmer la décision en ce qu'il a été débouté de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 1000 euros pour retard dans la transmission de l'attestation congés payés.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.
MOTIFS
I/ sur l'avertissement
Attendu qu'au terme de l'article L1332-4 du code du travail " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance. ".
Attendu que l'avertissement du 15 novembre 2009 vise des manquements techniques sur quatre chantiers identifiés ainsi qu'un fait de dégradation de la remorque, qu'il n'est pas contesté que les dates de pose sur ces chantiers s'échelonnent du 15 mai 2009 au 19 juin 2009, que l'employeur qui affirme avoir eu une connaissance tardive des fautes lors de l'intervention du service après vente n'apporte aucun élément justifiant ses allégations, que pour la dégradation de la remorque l'employeur produit une facture de réparation datée du 31 octobre 2009 qui ne démontre ni la responsabilité de M. Y dans ce dommage ni la date de l'incident fautif, qu'en conséquence l'avertissement sera déclaré nul et la société Alu Rideau condamnée à payer à M. Y la somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre, le jugement étant de ce chef confirmé.
II/ sur le licenciement
1/ sur la proposition préalable de rupture conventionnelle
Attendu qu'au terme de l'article L1237-11 du code du travail " L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.
Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. "
Attendu que la liberté du consentement du salarié, qui est une condition de validité de la rupture conventionnelle, n'est pas automatiquement altérée par l'existence d'une situation de fait pouvant justifier éventuellement un licenciement, que tout salarié a le droit, en toute hypothèse, d'accepter de rompre les relations contractuelles qui le lient à son employeur dans le cadre d'une convention, qu'il suffit que le consentement du salarié ait été éclairé et libre, qu'en conséquence c'est à tort que le conseil des prud'hommes a déduit de la seule existence d'une proposition préalable de rupture conventionnelle, qui a été refusée, le caractère injustifié du licenciement alors que chacune des parties est en droit d'accepter ou de refuser une rupture conventionnelle sans que cet opportunité puisse à elle seule et de facto vicier une procédure ultérieure de rupture des relations contractuelles sous forme d'un licenciement dont il convient d'apprécier le bien fondé selon les règles du droit commun applicables en la matière.
2/ sur les motifs du licenciement
Attendu que la lettre de licenciement est ainsi motivée
" Depuis plusieurs mois, nous avons en effet été confrontés à des difficultés relationnelles récurrentes et des mésententes avec vos collègues et votre hiérarchie, malgré les rappels à l'ordre.
Pour autant, ni ces rappels, ni les entretiens qui se sont succédés, n'ont permis de normaliser la situation, ni même d'envisager à court terme une quelconque amélioration.
Votre incapacité à remettre en cause votre comportement, qui est à l'initiative de cette situation de mésentente nuit au fonctionnement de l'entreprise et ne nous permet pas de vous maintenir à votre poste de travail . "
Attendu que la matérialité des difficultés relationnelles a été mise en évidence par le responsable des équipes de pose, M. ... qui dès le 14 novembre 2009 a alerté la direction des ressources humaines en faisant état de mauvaise ambiance et de tensions et en déclarant " J'ai déjà vu Loïc mais rien n'a bougé.Cette situation ne peut plus durer.. ", que M. ... qui travaillait en binôme avec M. Y confirme " qu'il ne voulait plus partir en chantier avec lui ", que mi février 2010, M. ... a dû alerter une seconde fois la direction des ressources humaines en déclarant que les collègues de M. Y " ne veulent plus partir avec lui ", que M. ... qui travaillait également avec M. Y confirme " qu'il n'en pouvait plus ", qu'il est constant que malgré ses rappels à l'ordre M. Y n'a pas adopté un comportement personnel et professionnel lui permettant de travailler en bonne intelligence avec ses collègues, mettant en péril le bon fonctionnement du service, que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Attendu en conséquence que le jugement sera infirmé de ce chef.
III/ sur la régularité de la procédure
Attendu que la lettre de convocation est ainsi rédigée " Nous envisageons à votre égard, une mesure pouvant aller jusqu'à la cessation de votre engagement ", que M. Y fait grief à son employeur de lui avoir adressé une lettre de convocation à l'entretien préalable n'indiquant pas qu'un licenciement est envisagé entraînant une confusion sur la nature de la cessation du contrat entre démission, rupture conventionnelle ou licenciement, que cependant M. Y n'étant pas démissionnaire, la rupture ne pouvait être envisagée sur ce fondement, que la rupture conventionnelle avait déjà été refusée par M. Y, que la seule issue restante de fin du contrat était donc le licenciement, qu'au contraire de ce qui est soutenu par M. Y, aucune confusion ne résulte de la lettre de convocation, que la procédure est régulière, le jugement étant confirmé de ce chef.
IV/ sur le retard dans la transmission de l'attestation de congés payés
Attendu qu'au terme de l'article D3141-34 du code du travail " L'employeur remet au salarié, avant son départ en congé ou à la date de rupture de son contrat, un certificat en double exemplaire qui permet à ce dernier de justifier de ses droits à un congé envers la caisse d'affiliation du dernier employeur ".
Attendu que M. Y a été licencié le 30 mars 2010, que son contrat a pris fin le 1er juin 2010, que la caisse de congés payés lui a payé ceux ci le 27 juillet 2010, que M. Y déclare qu'il n'a perçu son solde de congés qu'en août 2010 après transmission à la caisse du document fin juillet, que cependant il ne prouve pas la date à laquelle son employeur a remis le document nécessaire pour la liquidation de ses droits, que la cause du retard allégué n'est pas établie et ne peut donc être imputée à l'employeur, que le jugement sera confirmé de ce chef.
V/ sur le non respect de l'obligation de sécurité
Attendu que M. Y rappelle l'accident du travail dont il a été victime le 6 juillet 2009 et la teneur de sa lettre de contestation de l'avertissement du 15 novembre 2009, datée du 23 novembre 2009, et reproche à son employeur une défaillance dans l'organisation du travail ainsi que son inefficacité à rétablir une ambiance de travail sereine, que force est de constater qu'aucun élément matériel objectif ne vient appuyer les récriminations de M. Y qui cherche vainement à renverser les responsabilités, que la demande de ce chef sera rejetée en confirmation du jugement sur ce point.
VI/ sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que M. Y dont les prétentions sont pour l'essentiel rejetées, supportera la charge des dépens ; que, nonobstant l'issue de l'appel, l'équité et les circonstances économiques ne commandent pas de faire droit à la demande formulée au titre des frais irrépétibles par l'employeur, le jugement étant infirmé en ce qu'il a condamné la société Alu Rideau à payer à M. Y la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement entrepris mais seulement en ce qu'il a
- dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Alu Rideau à payer à M. Y la somme de 10700 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Alu Rideau à payer à M. Y la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Alu Rideau aux dépens,
Et statuant à nouveau sur ces chefs
Dit que le licenciement a une cause réelle et sérieuse,
Déboute M. Y de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne M. Y aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,