SOC. PRUD'HOMMES CB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 26 juin 2013
Rejet
M. BAILLY, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt no 1217 F-D
Pourvoi no A 12-13.227
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. Victor Z.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 novembre 2011.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Victor Z, domicilié Verdelot,
contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2010 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant
1o/ à la société Bourgeois Moulins, société par actions simplifiée, dont le siège est Verdelot,
2o/ à Pôle emploi Ile-de-France, dont le siège est Noisy-le-Grand cedex,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 29 mai 2013, où étaient présents M. Bailly, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Geerssen, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller, Mme Lesueur de Givry, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Geerssen, conseiller, les observations de la SCP Defrénois et Lévis, avocat de M. Z, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Bourgeois Moulins, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 septembre 2010), que M. Z, engagé selon contrat à durée indéterminée du 4 février 2004 par la société Moulins Bourgeois en qualité de conducteur de moulin, a été licencié pour faute grave par lettre du 6 juillet 2007 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de retenir sa faute grave et de le débouter de ses demandes en paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que ne sont pas constitutifs d'une faute grave les propos même excessifs tenus par le salarié en réaction à la violation grave et réitérée par l'employeur de ses obligations ; qu'en retenant que ses propos tenus en réaction à la violation réitérée par l'employeur de son obligation de lui verser sa rémunération étaient constitutifs d'une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, constatant que le salarié n'avait pas hésité à menacer en public le dirigeant de lui "casser les dents" et avait eu un comportement violent hors de proportion avec le motif de sa réclamation, a pu décider que celui-ci caractérisait la faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Defrénois et Lévis, avocat aux Conseils, pour M. Z
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré que le licenciement de M. Z était fondé sur une faute grave et débouté celuici de ses demandes tendant à voir condamner la société Moulins Bourgeois à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement est ainsi motivée " nous avons eu à déplorer de votre part, un agissement constitutif d'une faute grave. En effet, le mardi 5 juin 2007, vous vous êtes rendu au siège de l'entreprise à Verdelot, afin de faire rectifier une erreur sur votre fiche de paye. M. David ... vous a expliqué qu'il vous appartenait de prendre contact avec le service comptable qui établit les fiches de paie. Vous avez refusé d'attendre et avez exigé d'être reçu par M. David .... Vous avez aussi le ton en criant " tu me fais tout de suite ce chèque ou sinon, je te casse les dents ". M. David ... vous a alors reçu dans son bureau ; là, vous vous êtes énervé et vous lui avez dit " si tu ne me paies pas, tu ne reconnaîtras plus ton visage ". Vous aviez précédemment crié avec agressivité " je veux un chèque tout de suite et je ne veux pas voir la comptable de merde qui est incapable ! ". Compte tenu de votre violence, la secrétaire a dû, de sa propre initiative, aller chercher deux boulangers qui travaillent au fournil, afin qu'ils puissent intervenir au cas où vous mettriez vos menaces à exécution. Lorsque Messieurs ... ... et ... ... sont arrivés, vous sortiez alors du bureau de M. David ... en menaçant de lui casser les dents... Ces faits d'agressivité à l'égard de votre supérieur hiérarchique sont constitutifs d'une faute grave, d'autant que vous aviez précédemment, en date du 26 février 2007, déjà agressé physiquement M. Pierre ... à qui vous avez donné un coup de tête sur le nez en le menaçant de " lui éclater un peu plus le nez et les dents ". La réitération de ces violences est inadmissible au sein de l'entreprise et justifie votre licenciement pour faute grave... " ; que pour établir la réalité des faits, la SAS Moulins Bourgeois verse aux débats des attestations ; que Mlle Sylvie ... atteste que M. Victor Z a tenu les propos suivants " tu me fais tout de suite ce chèque ou sinon je te casse les dents " ; qu'elle précise " David ... lui demande donc de le suivre dans son bureau afin qu'ils puissent s'expliquer, Victor Z le suit en claquant la porte et en tapant très fort sur la porte ou le mur. Nous entendions hurler et taper, la porte était fermée à clé, j'ai alors décidé de faire venir les deux boulangers qui se trouvaient au fournir en face les bureaux. Nous sommes revenus en courant jusqu'au bureau de David ... devant lequel nous pouvions rien faire, simplement constater que M. Z hurlait et tapait partout. Quelques minutes plus tard, M. Z ouvrit la porte et se retrouvant face à face avec els deux boulangers auxquels il serra la main calmement en disant bonjour. Avant de sortir du bureau, Victor Z s'adressa à David ... en lui précisant " je te préviens, tu as intérêt à préparer mon chèque pour 13h30, je passerai le chercher " ; que Madame Da ... également présente sur les lieux atteste " ... David demandait à Victor de se calmer. David a raccroché son téléphone en restant toujours calme. Victor lui a dit " fais attention à tes dents. Maintenant tu me fais mon chèque ou je te casse les dents " ; que M. Luc ... atteste également " avec mon collègue M. ... nous nous rendons devant le bureau et là nous entendons des cris, sur ce Monsieur Z sort du bureau en menaçant M. ... de lui casser les dents s'il n'avait pas son chèque à 13h30 ; que M. ... indique également " à travers la porte, nous entendons des hurlements menaçants à l'encontre de M. David ..., au moment même où nous nous apprêtions à ouvrir la porte, M. Victor Z sort brusquement et apostrophant M. David ... et lui lançant un ultimatum pour 13h30, réclamant son chèque, suivi de menaces verbales " ; que M. Victor Z verse le courrier recommandé adressé à son employeur dès le 10 juillet 2007, pour expliquer les conditions de son altercation avec M. ... dans lequel il indique que ce dernier l'aurait bousculé, en ajoutant " je tiens donc à vous rappeler que les seuls mots agressifs que j'ai eu envers M. David ... ont été " tu te débrouilles puisque tu veux la manière forte, alors si tu ne me donnes pas mon argent et que tu me retouches, je te pète les dents " ; qu'aucun des attestants ne fait état d'un comportement provocateur ou violent de M. ... ; qu'en toute hypothèse, une réclamation du salarié sur le versement des indemnités du régime complémentaire des indemnisations des accidents du travail ne saurait justifier un comportement violent et des menaces en public, à l'égard de son supérieur hiérarchique ; qu'en conséquence la faute grave reprochée à M. Victor Z est établie et qu'il convient d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
ALORS QUE ne sont pas constitutifs d'une faute grave les propos même excessifs tenus par le salarié en réaction à la violation grave et réitérée par l'employeur de ses obligations ; qu'en retenant que les propos tenus par M. Z en réaction à la violation réitérée par l'employeur de son obligation de lui verser sa rémunération étaient constitutifs d'une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.