CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 septembre 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 681 F-D
Pourvoi n° P 21-19.623
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
1°/ la société Cabinet Girard, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de syndic du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2],
2°/ le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic la société Cabinet Girard, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° P 21-19.623 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [F] [T],
2°/ à Mme [R] [M], épouse [T],
domiciliés tous deux [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jobert, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] et de la société Cabinet Girard, après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jobert, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 avril 2021), rendu en référé, se plaignant des nuisances causées par le conduit de refoulement de la chaudière de l'immeuble voisin du leur et soumis au statut de la copropriété, M. et Mme [Aa] ont obtenu que soit ordonné, par un jugement du 9 janvier 2017, l'enlèvement, sous astreinte, de ce conduit.
2. Invoquant la carence du syndic, la société Cabinet Girard, à exécuter ce jugement malgré diverses instances en liquidation d'astreinte, ils l'ont assigné, avec le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 2] (le syndicat des copropriétaires), en désignation d'un administrateur ad hoc.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le syndicat des copropriétaires et la société Cabinet Girard font grief à l'arrêt d'accueillir la demande de M. et Mme [T], alors « qu'il résulte de l'
article 18 de la loi du 10 juillet 1965🏛 et de l'article 49 du décret du 17 mars 1967, dans sa rédaction applicable en la cause, qu'un administrateur provisoire ne peut être désigné à la demande de tout intéressé que dans le cas d'empêchement ou de carence du syndic en fonction ; qu'au cas présent, en l'état d'un différend entre les consorts [T] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] et son syndic, le cabinet Girard, sur la cause des astreintes litigieuses, la désignation en accord avec les deux parties par la cour d'appel de Paris le 22 octobre 2020, d'un médiateur en charge de régler ce différend, excluait la notion de carence du syndic et interdisait aux consorts [T] de solliciter la désignation d'un administrateur provisoire du syndicat ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel a relevé que, malgré plusieurs décisions de justice prononçant et liquidant des astreintes, la société Cabinet Girard, qui ne comparaissait pas et ne justifiait d'aucune diligence, n'avait pas fait déposer le conduit litigieux et que M. et Mme [T] l'avaient mis en demeure de payer les sommes dues, en l'avisant qu'à défaut de procéder à l'exécution des décisions, ils introduiraient une demande sur le fondement de l'article 49 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967.
5. Elle a pu en déduire, en l'état de ces constatations, qu'il existait une carence du syndic dans l'exercice des droits et actions du syndicat des copropriétaires, justifiant la désignation d'un mandataire ad hoc.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cabinet Girard et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Cabinet Girard et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour la société Cabinet Girard et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir fait droit à la demande des consorts [T] de désignation d'un administrateur provisoire pour carence du syndic en fonction, le cabinet Girard, représentant le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2],
aux motifs que les condamnations du syndicat des copropriétaires à procéder aux travaux de déplacement de la cheminée installée sur le mur séparatif des deux propriétés sont définitives et plusieurs condamnations à des astreintes ont été prononcées par des décisions définitives.
La présente procédure vise à demander la désignation d'un mandataire pour pallier la carence du syndic à convoquer une assemblée générale pour mettre en oeuvre les travaux nécessaires à l'exécution de ces décisions, les premiers juges ayant constaté que le syndicat des copropriétaires était le plus souvent non représenté dans ces procédures.
Aux termes de l'article 49 du décret du 17 mars 1967 dans sa rédaction applicable en la cause,
"Sous réserve des dispositions des articles 8 et 50 du présent décret, dans les cas d'empêchement ou de carence du syndic de la copropriété.
L'ordonnance fixe la durée de la mission de l'administrateur provisoire, sauf si cette ordonnance la limite expressément à un ou plusieurs objets ; la mission ainsi confiée est celle qui est définie par l'article 18 de la loi susvisée du 10 juillet 1965 et par le présent décret.
Sauf s'il y a urgence à faire procéder à l'exécution de certains travaux nécessaires à la sauvegarde de l'immeuble et au fonctionnement des services d'équipement commun ou de travaux prescrits par un arrêté de police administrative relatif à la sécurité ou la salubrité publique, la demande ne sera recevable que s'il est justifié d'une mise en demeure adressée au syndic et demeurée infructueuse pendant plus de huit jours".
Selon l'
article 18 de la loi du 10 juillet 1965🏛,
Indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d'autres dispositions de la présente loi ou par une délibération spéciale de l'assemblée générale, le syndic est chargé, dans les conditions qui seront éventuellement définies par le décret prévu à l'article 47 ci-dessous :
- d'assurer l'exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l'assemblée générale ;
- d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci ;
- de représenter le syndicat dans tous les actes civils et en justice dans les cas visés aux articles 15 et 16 ci-dessus, ainsi que pour la publication de l'état descriptif de division du règlement de copropriété ou des modifications apportées à ces actes, sans que soit nécessaire l'intervention de chaque copropriétaire à l'acte ou à la réquisition de publication.
Seul responsable de sa gestion, il ne peut se faire substituer. L'assemblée générale peut seule autoriser, à la majorité prévue par l'article 25, une délégation de pouvoir à une fin déterminée.
En cas d'empêchement du syndic pour quelque que cause que ce soit ou en cas de carence de sa part à exercer les droits et actions du syndicat et à défaut de stipulation du règlement de copropriété, un administrateur provisoire peut être désigné par décision de justice. »
L'article 49 du décret du 17 mars 1967 qui renvoie à l'
article 18 de la loi du 10 juillet 1965🏛 permet la désignation d'un administrateur provisoire de la copropriété dans les cas de carence ou d'empêchement du syndic en place. Il y a carence du syndic chaque fois que celui-ci n'exerce pas, comme il le devrait, les droits et actions du syndicat, ne remplissant pas ses obligations légales. Il en est ainsi en cas de négligences pour procéder aux appels de fonds ou permettre l'exécution des décisions de justice prononcée à l'égard du syndicat des copropriétaires.
L'article 49 du décret permet au juge de limiter la mission de l'administrateur "à un ou plusieurs objets". En effet, la carence du syndic officiel peut n'être que partielle, ne justifiant pas son total dessaisissement, l'administrateur n'étant chargé que de l'accomplissement des actes d'administration correspondant aux missions spécifiques définies dans l'ordonnance de désignation.
Cette action peut être exercée par "tout intéressé" y compris un créancier du syndicat pour recouvrer sa créance.
Le fait que M. et Mme [T] ne soient pas copropriétaires ne rend donc pas la demande irrecevable.
En l'espèce. M. et Mme [T] justifient que malgré plusieurs décisions prononçant et liquidant des astreintes, celles-ci n'ont pas été exécutées.
Par lettre de mise en demeure du 28 janvier 2020, M. et Mme [T] ont adressé au cabinet Girard une lettre de mise en demeure d'avoir à payer les sommes dues s'élevant en août 2019 à la somme de 74 500 euros et avisant le syndic qu'à défaut de procéder à l'exécution des décisions, ils réintroduiraient une nouvelle demande sur le fondement de l'article 49 du décret.
La carence du syndic qui ne justifie d'aucune diligence et n'a pas comparu en première instance, pas plus que le syndicat des copropriétaires est ainsi manifeste et suffisamment caractérisée, contrairement à ce qu'a pu considérer le premier juge.
En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et de faire droit à la demande de désignation d'un administrateur provisoire dans les termes du dispositif. »
Alors qu'il résulte de l'
article 18 de la loi du 10 juillet 1965🏛 et de l'article 49 du décret du 17 mars 1967 dans sa rédaction applicable en la cause, qu'un administrateur provisoire ne peut être désigné à la demande de tout intéressé que dans le cas d'empêchement ou de carence du syndic en fonction; qu'au cas présent, en l'état d'un différend entre les consorts [Aa] et le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] et son syndic, le cabinet Girard, sur la cause des astreintes litigieuses, la désignation en accord avec les deux parties par la cour d'appel de Paris le 22 octobre 2020, (prod.) d'un médiateur en charge de régler ce différend, excluait la notion de carence du syndic et interdisait aux consorts [T] de solliciter la désignation d'un administrateur provisoire du syndicat; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.