CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 septembre 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 953 F-D
Pourvoi n° B 21-13.494
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 SEPTEMBRE 2022
M. [V] [W], domicilié [… …], a formé le pourvoi n° B 21-13.494 contre l'arrêt rendu le 23 février 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Y] [C], domicilié [… …], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société [9],
2°/ à la société [7], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société [9], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], société en liquidation ayant pour liquidateur judiciaire M. [Y] [C],
4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie d'[Localité 8], dont le siège est [Adresse 5],
5°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [… …],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [W], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société [7], la société [9] et M. [C], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [9], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 23 février 2021), la caisse primaire d'assurance maladie d'[Localité 8] (la caisse) a pris en charge, le 11 juillet 2012, au titre de la législation sur les risques professionnels, l'accident vasculaire cérébral survenu le 16 avril 2012, à M. [W] (la victime), salarié de la société [7], aux droits de laquelle vient la société [9] (l'employeur), alors qu'il était en formation dans une autre entreprise. Par jugement du 10 mai 2016, l'employeur a été placé en liquidation judiciaire et M. [C], désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
2. La victime a saisi d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La victime fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors « que commet une faute inexcusable ouvrant droit à une indemnisation complétant celle de la sécurité sociale, l'employeur qui a ou aurait dû avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé et qui n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que le salarié a été victime d'un accident vasculaire cérébral quelques heures après avoir subi le choc auditif provoqué par une sirène d'alarme anti-intrusion dont il ne connaissait pas l'existence ; que la cour d'appel, qui pour débouter la victime de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, s'est prononcée par des motifs inopérants tirés de l'incertitude sur la puissance exacte du son, sa durée ou la conformité à des normes, cependant qu'en tout cas, l'employeur avait commis une faute en ne prévenant pas le salarié de l'existence de ce dispositif anti-intrusion et en ne lui donnant pas le code de désactivation, a violé l'
article L. 452-1 du code de la sécurité sociale🏛. »
Réponse de la Cour
4. Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'
article L. 452-1 du code de la sécurité sociale🏛, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
5. L'arrêt relève que la victime expose que, le 16 avril 2012, vers 5h20, alors qu'elle pénétrait dans le garage de son employeur, elle a déclenché l'alarme intérieure dont elle ignorait l'existence, que la sirène a retenti à moins d'un mètre de ses oreilles dans un local fermé, qu'elle est demeurée tétanisée pendant plusieurs minutes par le bruit de très forte intensité avant de pouvoir appeler un collègue et obtenir le code de désactivation. Il ajoute que l'employeur ne pouvait ignorer le caractère lésionnel de l'alarme installée dans ses locaux ni que celle-ci pourrait, en cas de déclenchement, exposer le salarié à un bruit intolérable pendant plusieurs dizaines de minutes.
6. L'arrêt retient cependant que, s'il peut être admis que la victime a pu être surprise par le déclenchement de l'alarme puisqu'il est avéré qu'elle ignorait le code permettant de la désactiver et qu'elle a été contrainte de téléphoner pour l'obtenir, il n'est pas démontré, en l'état des pièces produites, que le déclenchement de l'alarme, de par son intensité et/ou par sa durée, était de nature à constituer un quelconque danger dont l'employeur aurait dû avoir conscience, de sorte que la victime ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que les éléments constitutifs de la faute inexcusable sont réunis.
7. De ces énonciations et constatations procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis aux débats, la cour d'appel a pu déduire que l'employeur n'avait pas eu conscience du danger.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [W] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. [W]
M. [W] fait grief à l'arrêt confirmatif de l'avoir débouté de sa demande tendant : A - à ce qu'il soit donné acte à la liquidation de la société [9] et à la société [7] de ce qu'elles considèrent que seule la société [7] doit garantir la Caisse primaire d'[Localité 8] des circonstances de la faute inexcusable ; B - à ce qu'il soit dit et jugé que l'accident du travail subi le 16 avril 2012 est dû à la faute inexcusable de la société [7] aux droits de laquelle vient la société [9] ; C - à ce qu'il soit statué ce que de droit sur la demande de mise hors de cause de la société [9] ; D - à voir fixer la majoration de la rente afférente à cet accident à son taux maximum en application des dispositions de l'
article L 452-2 du code de la sécurité sociale🏛 ; E - avant dire droit sur les préjudices corporels strictement personnels induits par cet accident, à ce que soit instituée dans les termes de l'
article L 452-3 du code de la sécurité sociale🏛 une mesure d'expertise médicale ; F - à voir désigner tel expert qu'il plaira à la cour pour y procéder, avec pour mission de convoquer les parties aux fins de : 1) se faire communiquer par les parties et par les services du contrôle médical de la CPAM toutes pièces utiles et tous documents médicaux en leur possession ; 2) se faire communiquer tous compte-rendu et dossiers d'hospitalisation ; 3) l'examiner ; 4) à partir des déclarations de la victime imputables au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, la nature et le nom de l'établissement, le ou les services concernés et la nature des soins ; 5) indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables à l'accident, et si possible, la date de fin de ceux-ci ; 6) décrire en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et lorsque la nécessité d'une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité ; 7) recueillir les doléances de la victime en l'interrogeant sur les conditions d'apparition, l'importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle et leurs conséquences ; 8) procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime ; 9) analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité entre l'accident, les lésions initiales et les séquelles invoquées en se prononçant notamment sur - la réalité des lésions initiale, - la réalité de l'état séquellaire, - l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant l'incidence éventuelle d'un état antérieur ; 10) déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine, directe et exclusive avec l'accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou ses activités habituelles ; 11) si l'incapacité fonctionnelle n'a été que partielle, en préciser le taux ; 12) retenir comme date de consolidation celle fixée par la CPAM ; 13) chiffrer, par référence au barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun, le taux de déficit fonctionnel permanent (incapacité permanente) imputable à l'accident, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu'elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après consolidation ; 14) déterminer le préjudice lié à la perte ou à la diminution des possibilités de promotion professionnelle en confrontant les séquelles retenues avec les doléances et en précisant les gestes professionnels rendus plus difficiles ou impossibles rendant nécessaire un changement de poste ou d'emploi ; 15) décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) ou définitif. L'évaluer selon l'échelle habituelle de 7 degrés ; 16) donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en précisant s'il est temporaire (avant consolidation) ou définitif. L'évaluer selon l'échelle habituelle de 7 degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit ; 17) donner un avis sur le préjudice d'agrément, préjudice sexuel ; 18) indiquer le cas échéant : - si l'assistance d'une tierce personne constante ou occasionnelle est ou a été nécessaire, en décrivant avec précision les besoins (niveau de compétence technique, durée d'intervention quotidienne) ; - si des appareillages, des fournitures complémentaires et si des soins postérieurs à la consolidation sont à prévoir ; G - dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, fixer la provision à valoir sur son préjudice corporel personnel à la somme de 20 000 €, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du jugement ; H - à titre subsidiaire avant dire droit, ordonner une expertise médicale judiciaire en désignant l'expert cardiologue qu'il plaira à la cour de désigner afin qu'il puisse se prononcer sur le lien de causalité susceptible d'être retenu entre le déclenchement de l'alarme et I'AVC diagnostiqué le 16 avril 2012 ;
alors que commet une faute inexcusable ouvrant droit à une indemnisation complétant celle de la Sécurité sociale, l'employeur qui a ou aurait dû avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé et qui n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que le salarié a été victime d'un accident vasculaire cérébral quelques heures après avoir subi le choc auditif provoqué par une sirène d'alarme anti-intrusion dont il ne connaissait pas l'existence ; que la cour d'appel, qui pour débouter la victime de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, s'est prononcée par motifs inopérants tirés de l'incertitude sur la puissance exacte du son, sa durée ou la conformité à des normes, cependant qu'en tout cas, l'employeur avait commis une faute en ne prévenant pas le salarié de l'existence de ce dispositif anti-intrusion et en ne lui en donnant pas le code de désactivation, a violé l'
article L 452-1 du code de la sécurité sociale🏛.