Jurisprudence : CA Paris, 5, 9, 22-09-2022, n° 21/14862, Infirmation partielle


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 5 - Chambre 9


ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022


(n° , 10 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14862 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEG2D


Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2021011095



APPELANTE


S.A.R.L. LES PRESSING REUNIS

N° SIRET : 728 217 175

[Adresse 9]

[Localité 11]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Représentée par Me Louis-david ABERGEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0423, avocat plaidant


INTIMES


S.A.S. 5ASEC RIF

N° SIRET : 418 782 025

[Adresse 12]

[Localité 11]


S.C.P. ABITBOL & ROUSSELET, en la personne de Me Frédéric ABITBOL

en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SAS 5ASEC RIF

[Adresse 8]

[Localité 11]


S.E.L.A.R.L. 2M ET ASSOCIES, en la personne de Me Carole MARTINEZ

en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SAS 5ASEC RIF

[Adresse 5]

[Localité 11]


S.E.L.A.F.A. MJA, en la personne de Me Lucile JOUVE

en qualité de mandataire judiciaire de la SAS 5ASEC RIF

[Adresse 1]

[Localité 11]


S.E.L.A.R.L. MONTRAVERS [R], en la personne de Me [N] [R], en qualité de mandataire judiciaire de la SAS 5ASEC RIF

[Adresse 2]

[Localité 11]


Représentées par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334, avocat postulant

Représentées par Me Violette WAXIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant


S.A. MY MONEY BANK, venant aux droits de MY PARTNER BANK

N° SIRET : 784 393 340

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentée par Me Constance VERROUST- VALLIOT de la SARL WINDSEPT, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant et plaidant


SOCIETE CEETRUS FRANCE BUSINEZZ POLE LES PRES

[Adresse 3]

[Localité 10]

défaillante


S.A. KLEPIERRE

[Adresse 6]

[Localité 11]

défaillante


Monsieur A B GENERAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 7]

[Localité 11]



COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 16 juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :


Madame Sophie MOLLAT, Présidente

Madame Isabelle ROHART, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère


qui en ont délibéré


GREFFIERE : Madame C, lors des débats


ARRET :


- réputé contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.

- signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .


**********



Exposé des faits et de la procédure


Par acte sous seing privé' en date a' [Localité 11] du 25 juillet 1997, la société LES PRESSING REUNIS a donné à bail a' la SOCIETE D'EXPLOITATION DE PRESSINGS DANS LES CENTRES COMMERCIAUX - SOPRESCO SA ' aux droits de laquelle sont successivement venues, par la voie d'opérations de fusion-absorption, la société 5 A SEC PACA puis la société 5 A SEC RIF et enfin la société 5ASEC R I F ' un local à usage commercial dépendant du Centre Commercial LES TROIS FONTAINES sis à [Localité 13].


La société LES PRESSING REUNIS a fait signifier à la locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire, par actes des 27 et 30 août 2019 pour une somme totale de 155 597,55 €, demeuré infructueux.


Par acte d'huissier en date du 21 février 2020, la société LES PRESSING REUNIS a assigné la société 5ASEC RIF devant le juge des référés du Tribunal judiciaire de PONTOISE afin de solliciter sa condamnation au paiement d'une provision à titre principal de 209 944,64 € au titre de son arriéré locatif arrêté au 13 février 2020, outre la résiliation du bail par jeu de la clause résolutoire.


Par jugement du 28 avril 2020, le Tribunal de Commerce de PARIS a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société 5ASEC RIF et a désigné la SCP ABITBOL & ROUSSELET ainsi que la SELARL 2M ET ASSOCIES, en qualité d'administrateurs judiciaires, et la SELAFA MJA ainsi que la SELARL MONTRAVERS [R] en qualités de mandataire judiciaire.


Le jugement ouvrant la procédure collective étant intervenu au cours de l'instance pendante devant le juge des référés, l'action en justice de la société LES PRESSINGS REUNIS s'est trouvée interrompue.


Par lettre recommandé du 23 juin 2020, la société LES PRESSINGS REUNIS a déclaré sa créance auprès de la SELAFA MJA d'un montant de 219.394,42 euros.


Par lettre recommandée AR du 12 août 2020, la société LES PRESSINGS REUNIS a réclamé à l'administrateur judiciaire le paiement par la société 5ASEC RIF des loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture pour la somme de 39 822,28 €.


Le 10 septembre 2020, la société LES PRESSINGS REUNIS a saisi le juge-commissaire à la procédure de redressement judiciaire de la société 5ASEC RIF d'une requête aux fins de voir constater la résiliation de plein droit du contrat de bail conclu avec celle-ci.


Dans le même temps, par ordonnance du 17 novembre 2020, le juge-commissaire a nommé des contrôleurs aux opérations de redressement judiciaire de la société 5ASEC RIF et par jugement du 15 décembre 2020, le Tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de redressement de la société 5ASEC RIF.


Par ordonnance du 1er février 2021, le juge-commissaire a rejeté la demande de la société LES PRESSINGS REUNIS aux fins de voir constater la résiliation de plein droit du contrat de bail conclu avec la société 5ASEC RIF.


Le 18 février 2021, la société LES PRESSINGS REUNIS a formé un recours contre l'ordonnance rendue le 1er février 2021 par le juge-commissaire.



Par jugement du 23 juin 2021, le Tribunal de commerce de PARIS a:

- dit la SARL LES PRESSING REUNIS recevable mais mal fondée en son recours et l'en a débouté

- dit irrecevables les demandes de la SAS 5ASEC RIF relatives à la détermination des loyers et charges exigibles et au remboursement de la part qui en serait injustifiée

- condamné la société LES PRESSING REUNIS à payer la somme de 3000 euros à la SAS 5ASEC RIF sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛, déboutant pour le surplus,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,

- dit qu'en application de l'article R 661-1 du code de commerce🏛, la présente décision est exécutoire de plein droit à titre provisoire

- condamné la société LES PRESSING REUNIS aux dépens de l'instance.



Par déclaration en date du 28 juillet 2021, la société LES PRESSINGS REUNIS a interjeté appel partiel de cette décision à l'encontre de la 5ASEC RIF, la SCP ABITBOL & ROUSSELET, la SELARL 2M & ASSOCIES, la SELAFA MJA, la SELARL MONTRAVERS [R], la société CEETRUS France, la société KLEPIERRE, la société MY PARTNER BANK.


Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 15.04.2022 la société LES PRESSINGS REUNIS demande à la Cour de :

-DÉCLARER recevable et fonde l'appel fondé par la société LES PRESSINGS REUNIS.

Y faisant droit,

-CONFIRMER le jugement dont appel, en ce qu'il a statué en ces termes :

« Dit la SARL à associé unique LES PRESSINGS REUNIS recevable en son recours »

« Dit irrecevables les demandes de la SAS 5ASEC RIF relatives à la détermination des loyers et charges exigibles et au remboursement de la part qui en serait injustifiée »,

« Déboute les parties (en ce qui concerne la société 5ASEC RIF) de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif ».

-INFIRMER le jugement dont appel, en ce qu'il a statué en ces termes :

« Dit la SARL a' associé unique LES PRESSING REUNIS mal fondée en son recours, l'en déboute »,

« Condamne la société LES PRESSING REUNIS à payer la somme de 3.000 € à la SAS 5ASEC R I F au titre de l'article 700 du code de proce'dure civile, déboutant pour le surplus »,

« Déboute les parties (en ce qui concerne la société LES PRESSING REUNIS) de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif »,

« Condamne la société LES PRESSING REUNIS aux dépens de l'instance liquidés à la somme de 115,31 € TTC, dont 19,22 € de TVA. »


Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

-RECEVOIR la société LES PRESSINGS REUNIS en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-DÉBOUTER la société 5ASEC RIF de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

-DÉBOUTER la société MY MONEY BANK de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

-CONSTATER, DIRE ET JUGER que la société 5ASEC RIF n'a pas procédé au paiement de ses loyers et charges afférents à une occupation postérieure dans le délai légal de trois mois suivant le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire,

-CONSTATER, DIRE ET JUGER la résiliation de plein droit du bail régularisé entre la société LES PRESSINGS REUNIS et la société 5ASEC RIF le 25 juillet 1997,


-FIXER cette résiliation à la date du 28 juillet 2020, terme du délai légal de trois mois à compter du jugement d'ouverture visé à l'article L. 622-14 du Code de Commerce🏛, ou, subsidiairement, au 10 septembre 2020, date de la requête afin de faire constater la résiliation de plein droit du bail,

-ORDONNER, en conséquence, à la société 5ASEC R I F et aux organes de la procédure collective de procéder à la restitution du local à usage commercial dépendant du Centre Commercial LES TROIS FONTAINES sis à [Localité 13], libre de toute occupation et de tous objets mobiliers,

-CONDAMNER la société MY MONEY BANK à payer à la société LES PRESSING REUNIS la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de Proce'dure Civile,

- CONDAMNER la sociiété 5ASEC R I F à payer à la société LES PRESSING REUNIS la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de Proce'dure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction sera ordonnée au profit de la SELARL LEXAVOUE PARIS- VERSAILLES, prise en la personne de Maître Matthieu BOCCON-GIBOD, Avocat au Barreau de Paris, en application des dispositions de l'article 699 du CPC🏛,

- ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir.


Aux termes de leurs dernières conclusions d'intimées signifiées par voie électronique le 6 mai 2022, la société 5ASEC RIF, la SELAFA MJA en qualité de mandataire judiciaire, la SELARL MONTRAVERS [R] en qualité de mandataire judiciaire, la SCP ABITBOL & ROUSSELET en qualité de commissaire à l'exécution du plan, et la SELARL 2M & ASSOCIES en qualité de commissaire à l'exécution du plan demandent à la Cour de :

RECEVOIR la société5ASEC R I F, assistée des organes de la procédure collective, en ses demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit :

1. CONFIRMER le jugement dont appel en qu'il a jugé mal fondé le recours de la société LES PRESSINGS REUNIS à l'encontre de l'ordonnance prononcée le 1er fe'vrier 2020 par le Juge- commissaire, et condamné la société LES PRESSINGS REUNIS aux dépens et à l'article 700;

Subsidiairement :

-ACCORDER à la société 5 A SEC RIF un délai rétroactif, jusqu'au 10 septembre 2020, pour régler à la société LES PRESSINGS REUNIS les sommes qui seraient considérées comme dues;

-CONSTATER que la société' 5 A SEC RIF s'est libérée pendant le délai ainsi accordé,

-DIRE en conse'quence que les conditions de résiliation du bail ne sont pas réunies.


2. INFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a « dit irrecevables les demandes de la SAS 5ASEC R I F relatives à la détermination des loyers et charges exigibles et au remboursement de la part qui en serait injustifiée » ;

Et ce faisant :

-JUGER la requête formée le 10 septembre 2020 par la société' LES PRESSINGS REUNIS nulle et de nul effet en ce qu'elle porte sur des montants de loyers et provisions sur charges supérieurs aux montants contractuellement exigibles, outre des « honoraires de gestion » dont la charge n'a pas été transférée au locataire ;

-JUGER que les montants contractuellement exigibles définis par le bail en vigueur sont les suivantes : loyer 10.249,91 euros par trimestre HT HC, provisions sur charges 1.524,49 euros par trimestre, les charges remboursables limitativement énumérées au contrat excluant par conséquent tous « honoraires sur charges ».

-CONDAMNER la société' LES PRESSINGS REUNIS à rembourser à la société 5 A SEC RIF, en deniers ou quittance, la part non justifiée juridiquement des sommes qu'elle a versées au titre des loyers, provisions sur charges, et honoraires depuis le 1er fe'vrier 2016.

-JUGER par conséquent que les conditions de résiliation du bail ne sont pas réunies ;


3. En tout état de cause :

-DEBOUTER la société LES PRESSINGS REUNIS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples et contraires aux présentes;

-CONDAMNER la société LES PRESSINGS REUNIS au paiement d'une somme de 10.000 € en application de l'article 700 du CPC🏛, ainsi qu'aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Me BELLICHACH, conformément à l'article 699 du code de procédure civile🏛.


Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée signifiées par RPVA le 20 avril 2022, la société MY MONEY BANK, en qualité de contrôleur aux opérations de redressement judiciaire de la société 5ASEC RIF, demande à la Cour de :


ORDONNER la mise hors de cause de MY MONEY BANK ;

En conse'quence,

DEBOUTER la société LES PRESSINGS REUNIS de toute demande ou prétention formulée à' l'encontre de MY MONEY BANK ;

Et, en tout e'tat de cause,

CONDAMNER la société LES PRESSINGS REUNIS ou toute partie succombante à payer à MY MONEY BANK la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛;

CONDAMNER la socie'te' LES PRESSINGS REUNIS ou toute partie succombante aux de'pens de l'instance dont distraction pour ceux la concernant au profit de la AARPI TOSCA AVOCATS dans les conditions de l'article 699 du code de proce'dure civile.


La société CEETRUS France et la société KLEPIERRE, contrôleurs, n'ont pas constitué avocat malgré la signification de la déclaration à la société CEETRUS par acte d'huissier du 11.10.2021, et à la société KLEPIERRE par acte d'huissier du 11.10.2021.



MOTIFS DE LA DECISION


Sur la résiliation du bail


Par jugement du 23 juin 2021, le Tribunal de commerce de PARIS a décidé de débouter la société LES PRESSINGS REUNIS de sa demande de constatation de la résiliation de plein droit du bail et en cela a confirmé l'ordonnance rendue par le juge commissaire.


La société LES PRESSINGS REUNIS rappelle le 2° de l'article L622-14 du Code de commerce🏛 et expose que la société 5ASEC RIF n'a pas procédé au règlement à échéance de différentes sommes exigibles en exécution de la convention locative bénéficiant d'un privilège de paiement, et ce, avant l'expiration du délai légal de trois mois suivant la date du jugement d'ouverture puisque le règlement de 40 272,28 € effectué le 9 septembre 2020 correspond au règlement des loyers dus pour la période du 28 avril au 30 septembre 2020 et est donc intervenu hors délai.

Elle soutient que la locataire ajoute une condition à l'article L 622-14 en soutenant qu'une requête afin de faire constater la résiliation de plein droit d'un bail d'immeuble ne serait pas recevable si les créances postérieurs ont été soldées avant son dépôt, peu important que ce règlement soit intervenu postérieurement au délai légal de trois mois visé dans l'article.

Elle précise qu'il est totalement faux de soutenir que le règlement des créances postérieures est intervenu le 9 septembre 2020 puisque l'effet extinctif d'un paiement n'intervient pour le débiteur d'une somme d'argent que lors de l'inscription au crédit du compte du créancier du paiement réalisé et qu'en l'espèce les fonds ont été reçus le 10.09.2020 et elle n'en avait donc pas connaissance lorsqu'elle a déposé la requête.

Elle soutient ainsi qu'elle est parfaitement fondée à demander au juge-commissaire de constater la résiliation de plein droit du bail consenti à la société 5ASEC RIF à compter du 28 juillet 2020, terme du délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture, faute de paiement avant cette date des loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture.


Elle expose en second lieu que le tribunal de commerce de PARIS a commis un excès de pouvoir en statuant ultra petita en excédant les prétentions des parties en se fondant sur l'article 4 de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020🏛, faisant valoir que ce nouveau moyen a été soulevé par le mandataire judiciaire en pleine audience ce qui n'a pas permis de respecter le principe du contradictoire, et alors que la société 5ASEC RIF ne s'est jamais prévalue de ce prétendu bénéfice de protection issu de cet article.

Elle expose que le Tribunal de commerce a commis une violation de la loi en ayant fait une fausse application (ou fausse interprétation) des dispositions de l'article 4 de l'ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020🏛, article qui vise l'hypothèse d'une demande de résiliation du bail fondée sur la mise en jeu d'une clause résolutoire alors qu'elle fait valoir qu'elle a fait sa demande de constatation de résiliation de plein droit du bail sur les dispositions spécifiques des articles L622-14 2° et R622-13 du Code de commerce🏛.

Elle ajoute que la société 5ASEC RIF ne produit pas le moindre élément qui lui permettrait de justifier son éligibilité à ce dispositif de protection.

Elle fait valoir que la préposition « nonobstant » inscrite dans ledit article 4 signifie « en dépit de » et qu'il faut entendre « en dépit » des dispositions de l'article L622-14 du code de commerce🏛 et en conclut que l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020 ne vise que le cas de la clause résolutoire.


La société 5ASEC RIF fait valoir le bien-fondé du rejet de la demande de résiliation du bail commercial.

Elle soutient qu'elle a procédé au règlement de la somme réclamée par la bailleresse le 9 septembre 2020 alors que cette dernière a notifié sa requête aux fins de résiliation le 10 septembre 2020 et conclut sur le fondement de la jurisprudence que le défaut de paiement est une condition de fond de la résiliation et que cette condition n'est pas remplie au jour du dépôt de la requête compte tenu du paiement effectué.

La société 5ASEC RIF soutient que l'appelante fait une mauvaise lecture des articles L622-14 et R622-13 du code de commerce🏛 et de la jurisprudence et que son analyse est contraire aux principes généraux du droit qui imposent que soit accordé au débiteur d'une obligation non exécutée un délai à tout le moins raisonnable pour s'exécuter après que la créancier l'aura alerté, et également contraire aux principes protecteurs applicables en matière de procédure collective.

Elle indique que retenir la lecture proposée par la bailleresse reviendrait à valider que des requêtes aux fins de résiliation soient notifiées le lendemain, voire le jour même, de l'émission d'un avis d'échéance, quel que soit son montant et même s'il porte sur des sommes dérisoires ou erronées.

Elle expose qu'elle bénéficie à bon droit de la protection des ordonnances COVID dont l'ordonnance du 25 mars 2020 qui est d'application immédiate et à laquelle elle est éligible puisqu'elle poursuit son activité dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire comme le reprend l'ordonnance, que l'article 4 de l'ordonnance n°2020-316 s'applique aux loyers et charges des locaux professionnels et commerciaux dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et le 10 septembre 2020 inclus, et exclut l'application de l'article L622-14 du code de commerce🏛.


Sur ce


La SARL LES PRESSING REUNIS soulève un excès de pouvoir de la part du tribunal de commerce qui a statué selon elle ultra petita et en violation du principe du contradictoire en retenant le bénéfice des dispositions de l'ordonnance 2020-316 du 25.03.2020. La cour constate cependant que le moyen soulevé ne vient au soutien d'aucune prétention de telle sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer dessus.


L'article L622-14, 2° du Code de commerce🏛 dispose :

Sans pré'judice de l'application du I et du II de l'article L. 622-13, la résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l'activité de l'entreprise intervient dans les conditions suivantes :

(...)

2° Lorsque le bailleur demande la re'siliation ou fait constater la résiliation du bail pour dé'faut

de paiement des loyers et charges affé'rents a' une occupation postérieure au jugement d'ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un de'lai de trois mois a' compter dudit

jugement.

Si le paiement des sommes dues intervient avant l'expiration du délai, il n'y a pas lieu à résiliation.

(...).


Il résulte du texte applicable que s'agissant des loyers postérieurs au jugement d'ouverture le bailleur recouvre sa faculté d'agir en résiliation, pour impayés, aux termes d'un délai de trois mois après l'ouverture de la procédure, le texte précisant au surplus que si le paiement des loyers postérieurs impayés est intervenu au cours de ce délai de trois mois la résiliation ne peut être prononcée.


Dans le cadre de cette demande de prononcé de la résiliation du bail, il appartient au juge commissaire saisi de vérifier que les conditions de fond pour faire droit à la demande sont remplies.

Or il ressort de la jurisprudence que le défaut de paiement des loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture doit être établi au jour de l'introduction de la requête et que ce défaut de paiement constitue une condition de fond de la résiliation. Ainsi, si au jour de la requête les loyers échus postérieurement à l'ouverture de la procédure et demeurés impayés ont été réglées, la résiliation du bail ne peut être prononcée par le juge.


En l'espèce il ressort des éléments de l'espèce que la société 5ASEC RIF a procédé au versement des loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, le 9 septembre 2020, et que ce paiement a été reçu par le bailleur le 10 septembre 2020.

La requête a été déposée par le bailleur le 10 septembre 2020.


Il s'ensuit qu'au jour du dépôt de la requête les loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture étaient réglés de telle sorte que la demande de constatation de la résiliation du bail articulée par le bailleur doit être rejetée, les causes de la résiliation n'existant plus au jour de la demande, du fait du paiement intervenu, et le jugement doit être confirmé.


Sur la demande de remboursement de trop versé


Les intimés soutiennent:

- que les impayés réclamés par le bailleresse ne sont pas dus en partie dans la mesure où d'une part faute pour la bailleresse de justifier avoir, postérieurement à la révision du 1er août 2020, valablement formé une telle demande de révision du loyer le montant du loyer trimestriel s'établit à 10.249,91 euros, d'autre part les provisions pour charges s'établissaient à 1524,49 euros par trimestre et il est vraisemblable que les provisions et charges réelles appelées par la bailleresse soient infondées contractuellement et enfin qu'aucune clause du bail ne prévoit le paiement d'honoraires sur charges.

- que la requête en résiliation du bail est donc infondée

- que les trop versés doivent être remboursés sur la base de la part non justifiée juridiquement des sommes verséesau titre des loyers, charges et honoraires au titre des 5 années non atteintes de prescription.

Elles soutiennent que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal leurs demandes ont été formulées devant le juge commissaire et ne constituent pas une demande nouvelle et que si la cour estimait que ces demandes n'avaient pas été présentées devant le juge commissaire, elles ne peuvent pas s'analyser comme des demandes nouvelles puisqu'elles constituent nécessairement la conséquence des demandes formulées devant le juge commissaire en contestation de la résiliation et tendent aux mêmes fins.


L'appelante demande la confirmation du jugement ayant déclaré irrecevable les deux demandes sans cependant développer d'argumentation concernant cette irrecevabilité.

Elle fait valoir que les demandes formées par les intimés ne sont pas fondées en droit.

Ensuite elle expose que les contestations soulevées ne sont pas de nature à emporter la nullité de sa requête en constatation de la résiliation du bail dans la mesure où la seule condition de fond posée par l'article L 622-14 du code de commerce🏛 est l'existence d'une somme impayée au titre des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, ce qui est le cas en l'espèce même si les montants réclamés sont discutés à la marge.

Elle s'oppose aux contestations indiquant que l'indexation est automatique, que les sommes appelés constituent des provisions et font ensuite l'objet d'une régularisation en fonction de l'arrêté de comptes de charges annuels, que les honoraires sur charges font partie de la quote-part de charges de la société 5ASEC RIF.

S'agissant de la demande de condamnation à remboursement d'un trop perçu elle expose que les pouvoirs du juge commissaire doivent être compris restrictivement dans le cadre déterminé des articles L 622-14 2° et R622-13 2nd alinéa du code de commerce🏛 et que la saisine de la cour d'appel s'inscrit dans les seules prérogatives que le juge-commissaire tient, à savoir en l'espèce la constatation de la résiliation de plein droit du bail commercial.


Sur ce


s'agissant de la contestation des sommes réclamées au soutien de la demande de constatation de la résiliation du bail


La demande initiale est une demande de résiliation du bail commercial sur le fondement de l'article L 622-14 2° du code de commerce🏛.


Devant le juge commissaire il ressort des écritures déposées qui constituent la pièce 22 des intimés que le montant de la créance réclamée par le bailleur a été contesté par la locataire en réponse à la demande de constatation de la résiliation du bail, sans que le juge commissaire ne réponde à cette demande dans la mesure où il a rejeté la demande du bailleur du fait du paiement des sommes réclamées avant le dépôt de la requête.


Il n'y a pas lieu cependant de statuer sur ce moyen la cour puisque la demande de constatation de la résiliation du bail est également rejetée au regard du règlement de l'intégralité de la somme réclamée.


S'agissant de la demande de fixation des loyers et des charges et de la demande de remboursement de la part injustifiée,


Ces deux demandes n'ont pas été présentées devant le juge commissaire ainsi qu'il résulte des écritures de la locataire. C'est donc à juste titre que le tribunal a dit ces demandes irrecevables et il convient de confirmer le jugement entrepris.

De façon surabondante il convient de souligner que ces demandes ne sont pas fondées en droit alors qu'elles ne peuvent résulter de l'application de l'article 622-14 du code de commerce🏛 qui ne concerne que la résiliation des locaux dans lesquels l'entreprise exerce son activité.


Sur la demande de mise hors de cause de la société MY MONEY BANK


La société LES PRESSINGS REUNIS fait valoir que les sociétés MY PARTNER BANK, CEETRUS France, et SA KLEPIERRE, contrôleur à la procédure collective de la société 5ASEC RIF apparaissent au titre des parties en défense dans le jugement du Tribunal de commerce de PARIS du 23 juin 2021 dont appel, avec la mention « absente » et qu'il ne saurait lui être fait grief d'avoir intimé les contrôleurs à la procédure collective alors qu'ils avaient la qualité de partie dans l'instance pendante devant le tribunal de Commerce de PARIS.


Se fondant sur l'article L621-11 du code de commerce🏛 et sur les fonctions des contrôleurs énumérés dans le Livre VI du code de commerce, la société MY MONEY BANK soutient que le contrôleur, dont les fonctions sont limitées à une mission générale de surveillance du déroulement de la procédure collective et d'assistance du représentant des créanciers et du juge-commissaire, ne saurait être considéré comme un organe de la procédure, et donc qu'elle ne peut être mise en cause.

La société MY MONEY BANK soutient que sa mise en cause par l'appelante ne repose sur aucun fondement.


Sur ce


L'appel a été interjeté à l'encontre de toutes les parties qui avaient été appelées devant le tribunal de commerce statuant sur recours formée contre l'ordonnance du juge commissaire et il ne peut donc être reproché à la SARL LES PRESSING REUNIS d'avoir formé appel contre les contrôleurs, dont la société MY MONEY BANK, même si la mission de ceux ci définie à l'article L 621-11 du code de commerce🏛 ne leur permettait pas de conclure dans la présente instance.

Cependant les contrôleurs n'ayant pas de compétence à intervenir dans les litiges concernant la résiliation des baux des locaux dans lesquels l'entreprise exerce son activité c'est à tort qu'ils ont été attraits par le greffe du tribunal de commerce dans l'instance devant le tribunal de commerce puis devant la cour. Il convient donc d'ordonner la mise hors de cause de la société MY MONEY BANK.


Sur les demandes sur le fondement de l'article 700


Il est inéquitable de laisser les intimés supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer leur défense et il convient de condamner la SARL LES PRESSING REUNIS à leur payer la somme de 5000 euros.

Il est inéquitable de laisser la société MY MONEY BANK supporter les frais irrépétibles engagés et il convient de lui allouer la somme de 1000 euros.


Les dépens sont mis à la charge de la SARL LES PRESSING REUNIS.



PAR CES MOTIFS


Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de PARIS le 23.06.2021


Et y ajoutant


Ordonne la mise hors de cause de la société MY MONEY BANK


Condamne la SARL LES PRESSING REUNIS à payer:

- à la société 5ASEC RIF, la SELAFA MJA en qualité de mandataire judiciaire, la SELARL MONTRAVERS [R] en qualité de mandataire judiciaire, la SCP ABITBOL & ROUSSELET en qualité de commissaire à l'exécution du plan, et la société SELARL 2M & ASSOCIES en qualité de commissaire à l'exécution du plan la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛

- à la société MY MONEY BANK la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛


Condamne la SARL LES PRESSING REUNIS aux dépens.


La greffière La présidente

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