Jurisprudence : Cass. soc., 21-09-2022, n° 21-11.161, F-D, Cassation


SOC.

CH9


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 septembre 2022


Cassation partielle partiellement sans renvoi


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 972 F-D

Pourvoi n° R 21-11.161


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022


M. [D] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-11.161 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à la société Etablissements Jean Graniou, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], ayant un établissement secondaire, [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La société Etablissements Jean Graniou a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [U], de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Etablissements Jean Graniou, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 novembre 2020), M. [U] a été engagé, à compter du 1er décembre 2006, en qualité d'ingénieur d'études par la société Etablissements Jean Graniou (la société) suivant contrat à durée indéterminée. Par avenant du 1er janvier 2014, il a conclu une convention de forfait en jours.

2. Licencié le 18 janvier 2016, le salarié a, le 13 septembre 2016, saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.


Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche et le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi principal du salarié, et le second moyen du pourvoi incident de l'employeur, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui pour certains sont irrecevables et pour les autres ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. [Aa] une certaine somme au titre des congés payés afférents à la somme allouée au titre de la contrepartie obligatoire en repos, alors « que l'indemnité allouée en compensation du repos compensateur non pris du fait de la contestation par l'employeur des heures supplémentaires effectuées par la salariée a le caractère de dommages-intérêts qui ne sont pas pris en compte pour le calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés ; qu'en condamnant la société à payer au salarié la somme de 822, 92 euros au titre des congés payés afférents à la somme de 8 119,17 euros allouée au titre de la contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires effectuée au-delà du contingent annuel, la cour d'appel a violé les articles L. 3141-22 et L. 3121-11 du code du travail🏛 dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088🏛 du 8 août 2016🏛. »


Réponse de la Cour

5. Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de contrepartie obligatoire en repos a droit à l'indemnisation du préjudice subi qui comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents.

6. Ayant exactement retenu que dès lors qu'un temps de repos n'avait pas été accordé en contrepartie des heures supplémentaires effectuées par le salarié au-delà du contingent annuel de 180 heures, ces heures supplémentaires ouvraient droit à une indemnité, la cour d'appel, qui a alloué une certaine somme au titre de la contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel a, à bon droit, ajouté une certaine somme au titre des congés payés afférents.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.


Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il avait rejeté la demande d'annulation de la convention de forfait conclue entre les parties, alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en jugeant dans les motifs de sa décision que la convention de forfait jours devait être annulée, et de manière contradictoire, dans son dispositif, que la demande d'annulation de cette convention devait être rejetée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile🏛 :

9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs.

10. Ayant, dans les motifs de sa décision, retenu que c'était par des motifs pertinents que le conseil de prud'hommes avait annulé la convention de forfait dont bénéficiait le salarié et que le jugement serait donc confirmé sur ce point, la cour d'appel a, dans le dispositif, énoncé qu'elle confirmait le jugement en ce qu'il avait rejeté la demande d'annulation de la convention de forfait conclue entre les parties.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Sur le moyen relevé d'office

12. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code🏛.

Vu l'article L. 3121-22 du code du travail🏛, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016🏛 :

13. Selon ce texte, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.

14. Pour confirmer le jugement en ce qu'il avait rejeté la demande du salarié au titre des heures supplémentaires qu'il avait effectuées en déplacement en 2013, 2014 et 2015, la cour d'appel a soustrait de chacune des sommes auxquelles elle évaluait la créance salariale du salarié se rapportant aux heures supplémentaires accomplies, le montant de la prime de déplacement perçue par l'intéressé et constaté que la somme obtenue était nulle.

15. En statuant ainsi, alors que le versement de primes ne pouvait tenir lieu de règlement des heures supplémentaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


Sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

16. Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il avait rejeté sa demande de rappel d'indemnité de licenciement et d'indemnité de préavis, alors :

« 1°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel soutenues à l'audience, le salarié faisait valoir, offres de preuve à l'appui, que l'indemnité de licenciement et l'indemnité de préavis qui lui avaient été versées ne tenaient pas compte de son ancienneté totale, laquelle devait inclure la durée de son contrat d'apprentissage au sein de la société ; que dès lors, en rejetant ses demandes de rappel d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement, sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile🏛 ;

2°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel soutenues à l'audience, le salarié contestait la motivation par laquelle le conseil de prud'hommes avait rejeté ses demandes de rappel d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement ; qu'il soutenait que ses critiques dirigées contre la convention de forfait ne le privaient pas du bénéfice des stipulations de cette même convention s'agissant du calcul des indemnités précitées, puisque l'employeur avait lui-même revendiqué ce choix pour le décompte du temps de travail ; que dès lors, en rejetant les demandes de rappel d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement, sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile🏛 :

17. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

18. La cour d'appel a, dans le dispositif de sa décision, confirmé le jugement en ce qu'il avait rejeté les demandes du salarié de rappel d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement.

19. En statuant ainsi, sans donner aucun motif à sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.


Et sur le quatrième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

20. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de rejeter sa demande de dommages-intérêts de ce chef, alors :

«1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, à l'appui de sa contestation des faits reprochés dans la lettre de licenciement relatifs à l'altercation du 30 novembre 2015, le salarié produisait la lettre du 25 mars 2016 qu'il avait adressée à l'employeur pour contester son licenciement, dans lequel il démentait fermement et précisément les faits reprochés, un échange de SMS avec M. [V] du 30 novembre 2015 où il exposait que c'était M. [Ab] qui avait eu un comportement violent à son égard, lequel l'avait profondément blessé, et que, très atteint par cet événement et déjà fragilisé par ses conditions de travail éprouvantes, il avait été placé le jour même en arrêt de travail, ainsi que plusieurs certificats médicaux et ordonnances du Dr [J], dont un arrêt de travail du 30 novembre 2015 pour burn-out et état dépressif, révélant la dépression du salarié consécutive à ces évènements ; que dès lors, en jugeant que le salarié contestait les faits litigieux "mais n'apporte aucune pièce à l'appui de ses allégations", la cour d'appel a dénaturé par omission la lettre, les SMS, et les documents médicaux précités, en violation du principe susvisé ;

2°/ que dans ses écritures d'appel soutenues à l'audience, le salarié faisait valoir que les propos et le comportement du 30 novembre 2015 qui lui était reprochés étaient totalement incohérents avec ses états de service au sein de la société, son comportement n'ayant jamais été remis en question depuis les 13 ans qu'il y travaillait, l'employeur et les clients ayant au contraire loué son travail comme son comportement ; que dès lors, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si ces circonstances ne privaient pas de vraisemblance les faits reprochés au salarié, lequel en donnait une version très différente, corroborée notamment par un échange de SMS du 30 novembre 2015 et les pièces médicales produites aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail🏛 ;

3°/ que la cour d'appel a elle-même condamné la société à payer des dommages-intérêts au salarié pour manquement à son obligation de sécurité de résultat, en raison des troubles dont le salarié avait été atteint, attestés par les certificats médicaux faisant état d'un burn-out, d'un état dépressif, et de soins psychiques, ainsi que par les ordonnances médicales prescrivant des anti-dépresseurs ; que dans ses écritures d'appel soutenues à l'audience, le salarié soulignait qu'il avait été placé en arrêt de travail en raison d'un burn-out et d'un état dépressif le jour même de l'altercation litigieuse, soit le 30 novembre 2015 ; que dès lors, en jugeant que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse en raison d'"insultes" dirigées contre M. [Ab] lors d'une altercation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance que cette altercation soit survenue dans un contexte d'épuisement professionnel du salarié imputable à l'employeur, ayant conduit le salarié –à supposer les faits avérés– à un écart non seulement inhabituel au regard de son ancienneté sans tache au sein de l'entreprise, mais résultant en outre d'une perte de contrôle dans un contexte d'extrême fatigue dont l'employeur était responsable, ne privait pas le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile🏛 :

21. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

22. Pour dire que le licenciement du salarié reposait sur une cause réelle et sérieuse et rejeter sa demande de dommages-intérêts de ce chef, l'arrêt retient que la lettre de licenciement contient deux griefs, un comportement grossier et injurieux du salarié à l'égard de son supérieur hiérarchique, M. [Ab], et des irrégularités dans ses notes de frais. Il énumère deux pièces produites par l'employeur à l'appui du premier grief et relève que le salarié conteste ces faits. Il ajoute que ce dernier n'apporte aucune pièce à l'appui de ses allégations et ne prouve notamment pas avoir été violenté par M. [Ab]. Il conclut que les insultes qui lui sont reprochées sont suffisamment établies. Il retient encore que le second grief n'est que partiellement justifié, que les deux griefs, pris ensemble, justifient la rupture du contrat de travail et que les violences verbales commises par le salarié à l'encontre de M. [Ab] empêchaient la poursuite de la relation de travail.

23. En statuant ainsi, en se fondant sur les seuls éléments de fait et de preuve produits par l'employeur sans analyser, fût-ce de façon sommaire, les pièces versées aux débats par le salarié, en particulier les lettres, les échanges de SMS et les documents médicaux que celui-ci invoquait dans ses écritures à l'appui de ses allégations, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

24. La cassation prononcée sur le moyen relevé d'office entraîne, en application de l'article 624 du code de procédure civile🏛, la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif se rapportant à la condamnation au titre de la contrepartie obligatoire en repos et des congés afférents qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

25. Il est, d'autre part, fait application, ainsi qu'il est suggéré par le demandeur au pourvoi, des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du code de procédure civile.

26. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur la demande de confirmation du jugement en ses dispositions relatives à la convention de forfait conclue entre les parties.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la convention de forfait conclue entre les parties ainsi que les demandes du salarié de rappel d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement, en ce qu'il limite la condamnation de la société Etablissements Jean Graniou à verser à M. [U], au titre des heures supplémentaires, les sommes de 14 382,46 euros et de 1 438,25 euros au titre des congés payés afférents et, au titre de la contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel, la somme de 8 119,17 euros, outre celle de 811,92 euros au titre des congés payés afférents, dit que le licenciement de M. [U] repose sur une cause réelle et sérieuse et rejette la demande de dommages-intérêts de celui-ci pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 26 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de la demande de confirmation du jugement en ses dispositions relatives à la convention de forfait ;

Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la convention de forfait de M. [U] était de nul effet ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Etablissements Jean Graniou aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Etablissements Jean Graniou et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Ridoux, avocat aux Conseils, pour M. [U], demandeur au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [D] [U] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait rejeté la demande d'annulation de la convention de forfait conclue entre les parties ;

1°) ALORS, d'une part, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, dans son jugement du 11 avril 2018, le conseil de prud'hommes de Grasse avait « jug[é] que la convention de forfait de M. [D] [U] [était] de nul effet » (production n° 1, p. 7 in fine) ; que dès lors, en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait « rejeté la demande d'annulation de la convention de forfait conclue entre les parties » (arrêt attaqué, p. 12 § 6), la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du jugement précité et a violé l'article 4 du code de procédure civile🏛 ;

2°) ALORS, d'autre part, QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en jugeant dans les motifs de sa décision que la convention de forfait jours devait être annulée (arrêt attaqué, p. 6), et de manière contradictoire, dans son dispositif, que la demande d'annulation de cette convention devait être rejetée (arrêt attaqué, p. 12 § 6), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile🏛.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

M. [D] [U] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté sa demande visant à voir condamner la société Etablissements Jean Graniou à lui payer un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires impayées qu'il avait effectuées pendant ses déplacements professionnels, outre l'indemnité afférente de congés payés, et D'AVOIR en conséquence limité à 8 119,17 euros la somme qu'elle a condamné l'employeur à verser à M. [U] au titre de la contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel, outre 811,92 euros au titre des congés payés afférents ;

1°) ALORS QUE le versement d'une prime de déplacement ne peut tenir lieu de paiement des heures supplémentaires ; qu'en l'espèce, pour calculer le rappel de salaire afférent aux heures supplémentaires accomplies par le salarié pendant ses déplacements à l'étranger en 2013, 2014 et 2015, la cour d'appel a soustrait du salaire dû les sommes que l'employeur avait versées au salarié à titre de prime de déplacement (arrêt attaqué p. 7, derniers §§) ; qu'elle a dès lors violé l'article L. 3121-22 du code du travail🏛 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016🏛, applicable au litige ;

2°) ALORS, en outre, QUE la charge de la preuve du paiement du salaire pèse sur l'employeur ; qu'en l'espèce, la société Etablissements Jean Graniou ne prétendait avoir versé aucun salaire au titre des heures supplémentaires effectuées par M. [Aa] lors de ses déplacements à l'étranger en 2013, 2014 et 2015, heures supplémentaires dont elle contestait l'existence jusque dans leur principe ; que l'employeur n'apportait aucune offre de preuve du paiement de ces heures ; que dès lors, en soustrayant, pour calculer le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires précitées, les sommes que l'employeur avait versées au salarié à titre de prime de déplacement, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-22 du code du travail🏛 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088🏛 du 8 août 2016🏛, applicable au litige, ensemble l'article 1315 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige ;

3°) ET ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que les jours de fin de semaines devaient être retenus comme travaillés pour les périodes visées par le relevé du 18 décembre 2013 (arrêt attaqué, p. 7) ; que ce relevé, portant sur la période comprise entre le 15 décembre 2013 et le 21 décembre 2013, comprenait sept jours travaillés dont le dimanche 15 décembre 2013 et le samedi 21 décembre 2013 (production n° 9, p. 3) ; que dès lors, en déduisant deux jours du décompte du salarié portant sur huit jours au titre de l'année 2013, pour ne retenir que six jours de travail en déplacement pour cette même année, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du relevé du 18 décembre 2013, en violation du principe susvisé.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

M. [D] [U] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait rejeté sa demande de rappel d'indemnité de licenciement et d'indemnité de préavis ;

1°) ALORS, d'une part, QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel soutenues à l'audience, M. [U] faisait valoir, offres de preuve à l'appui, que l'indemnité de licenciement et l'indemnité de préavis qui lui avaient été versées ne tenaient pas compte de son ancienneté totale, laquelle devait inclure la durée de son contrat d'apprentissage au sein de la société Etablissements Jean Graniou (conclusions d'appel, p. 29-30 ; productions n° 4, 5 et 8) ; que dès lors, en rejetant ses demandes de rappel d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement, sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile🏛 ;

2°) ALORS, d'autre part, QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel soutenues à l'audience, M. [U] contestait la motivation par laquelle le conseil de prud'hommes avait rejeté ses demandes de rappel d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement (conclusions d'appel, p. 29) ; qu'il soutenait que ses critiques dirigées contre la convention de forfait ne le privaient pas du bénéfice des stipulations de cette même convention s'agissant du calcul des indemnités précitées, puisque l'employeur avait lui-même revendiqué ce choix pour le décompte du temps de travail (ibid.) ; que dès lors, en rejetant les demandes de rappel d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement, sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile🏛.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

M. [D] [U] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, et D'AVOIR rejeté sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1°) ALORS, de première part, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, à l'appui de sa contestation des faits reprochés dans la lettre de licenciement relatifs à l'altercation du 30 novembre 2015 (conclusions d'appel, p. 31 à 33), M. [Aa] produisait la lettre du 25 mars 2016 qu'il avait adressée à l'employeur pour contester son licenciement, dans lequel il démentait fermement et précisément les faits reprochés (production n° 7), un échange de SMS avec M. [B] [V] du 30 novembre 2015 où il exposait que c'était M. [Ab] qui avait eu un comportement violent à son égard, lequel l'avait profondément blessé, et que M. [Aa], très atteint par cet évènement et déjà fragilisé par ses conditions de travail éprouvantes, avait été placé le jour même en arrêt de travail (production n° 12), ainsi que plusieurs certificats médicaux et ordonnances du Dr [J], dont un arrêt de travail du 30 novembre 2015 pour burn-out et état dépressif, révélant la dépression du salarié consécutive à ces évènements (productions n° 11, et n° 13 à 16) ; que dès lors, en jugeant que M. [U] contestait les faits litigieux « mais n'apporte aucune pièce à l'appui de ses allégations » (arrêt attaqué p. 11), la cour d'appel a dénaturé par omission la lettre, les SMS, et les documents médicaux précités, en violation du principe susvisé ;

2°) ALORS, de deuxième part, QUE dans ses écritures d'appel soutenues à l'audience, M. [U] faisait valoir que les propos et le comportement du 30 novembre 2015 qui lui était reprochés étaient totalement incohérents avec ses états de service au sein de la société Etablissements Jean Graniou, son comportement n'ayant jamais été remis en question depuis les 13 ans qu'il y travaillait, l'employeur et les clients ayant au contraire loué son travail comme son comportement (conclusions d'appel, p. 31-32 ; production n° 7) ; que dès lors, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si ces circonstances ne privaient pas de vraisemblance les faits reprochés au salarié, lequel en donnait une version très différente, corroborée notamment par un échange de SMS du 30 novembre 2015 et les pièces médicales produites aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail🏛 ;

3°) ET ALORS, en tout état de cause, QUE la cour d'appel a elle-même condamné la société Etablissements Jean Graniou à payer des dommages-intérêts à M. [U] pour manquement à son obligation de sécurité de résultat, en raison des troubles dont le salarié avait été atteint, attestés par les certificats médicaux faisant état d'un burn-out, d'un état dépressif, et de soins psychiques, ainsi que par les ordonnances médicales prescrivant des anti-dépresseurs (arrêt attaqué, p. 9) ; que dans ses écritures d'appel soutenues à l'audience, M. [U] soulignait qu'il avait été placé en arrêt de travail en raison d'un burn-out et d'un état dépressif le jour même de l'altercation litigieuse, soit le 30 novembre 2015 (conclusions d'appel, p. 31 à 33 ; production n° 11) ; que dès lors, en jugeant que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse en raison d'« insultes » dirigées contre M. [Ab] lors d'une altercation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance que cette altercation soit survenue dans un contexte d'épuisement professionnel du salarié imputable à l'employeur, ayant conduit M. [U] – à supposer les faits avérés – à un écart non seulement inhabituel au regard de son ancienneté sans tache au sein de l'entreprise, mais résultant en outre d'une perte de contrôle dans un contexte d'extrême fatigue dont l'employeur était responsable, ne privait pas le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail🏛. Moyens produits par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Jean Graniou, demanderesse au pourvoi incident

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Établissements Ac Ad fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. [U] la somme de 822, 92 euros au titre des congés payés afférents à la somme de 8.119,17 euros allouée au titre de la contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel ;

ALORS QUE l'indemnité allouée en compensation du repos compensateur non pris du fait de la contestation par l'employeur des heures supplémentaires effectuées par la salariée a le caractère de dommages-intérêts qui ne sont pas pris en compte pour le calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés ; qu'en condamnant la société Établissements Ac Ad à payer à M. [U] la somme de 822, 92 euros au titre des congés payés afférents à la somme de 8.119,17 euros allouée au titre de la contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires effectuée au-delà du contingent annuel, la cour d'appel a violé les articles L. 3141-22 et L. 3121-11 du code du travail🏛 dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088🏛 du 8 août 2016🏛.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Établissements Ac Ad fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. [U] la somme de 3.000 euros au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

1°) ALORS QUE ne méconnait pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique de mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures imposées par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail🏛 ; que dans ses conclusions d'appel (cf. p. 33 et 34, Prod.), la société Établissements Ac Ad faisait valoir que M. [Aa] avait toujours été déclaré apte, sans réserve, par la médecine du travail à son poste depuis le 13 décembre 2006, que dans ses entretiens individuels du 26 septembre 2005, du 18 août 2010 et du 5 juin 2015, il n'avait jamais contesté ses conditions de travail et souhaité évoluer en termes de responsabilité (cf. pièces n° 21, 22 et 23, Prod.) et que le conseil de prud'hommes avait justement jugé que la production d'un avis médical avec la mention « état dépressif » établi par un médecin extérieur à l'entreprise ne démontrait pas que l'état dépressif était d'origine professionnelle ; qu'en jugeant que l'employeur ne démontrait pas que les troubles du salarié depuis le 30 novembre 2015 étaient étrangers à tout manquement à son obligation de sécurité, sans avoir pris en considération ces éléments, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail🏛, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017🏛, et de l'article L. 4121-2 du code du travail🏛, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016🏛 ;

2°) ALORS QUE ne méconnait ne méconnait pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique de mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures imposées par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail🏛 ; qu'en jugeant que la société la société Établissements Ac Ad avait manqué à son obligation de sécurité, pour en déduire que le salarié avait droit à l'octroi d'une somme de 3.000 euros en réparation de ce préjudice, sans avoir constaté que la société Établissements Ac Ad avait méconnu les obligations précises mises à sa charge par ces dispositions, la cour d'appel a violé l'article L. 4121-1 du code du travail🏛, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389🏛 du 22 septembre 2017🏛, et de l'article L. 4121-2 du code du travail🏛, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016🏛.

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