RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2022
(n° 2022/ 119, 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03373 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDE3T
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2020043014
APPELANTES
S.A.S. ELYSEE GESTION, prise en la personne de son Président, la société BST MANAGEMENT), elle-même représentée par son Gérant, Monsieur [E] [O], (RCS [Localité 10] n° 819 697 798), domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 7]
[Localité 5]
Immatriculée au RCS de [Localité 10] sous le numéro : 317 642 502
S.A.S. SOCIETE FRONTENAC, prise en la personne de son Président, la société BST MANAGEMENT (RCS [Localité 10] n° 819 697 798), elle-même représentée par son Gérant, Monsieur [E] [O], domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 4]
[Localité 5]
Immatriculée au RCS de [Localité 10] sous le numéro : 552 078 701
S.A.S. SOCIETE HOTELIA, prise en la personne de son Président, la société BST MANAGEMENT (RCS [Localité 10] n° 819 697 798), elle-même représentée par son Gérant, Monsieur [E] [O], domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Localité 6]
Immatriculée au RCS de [Localité 10] sous le numéro: 632 024 964
Représentées par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & [O] - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055, ayant pour avocats plaidants, Maîtres Aa A & Ab B, CSP PIRO & PERROT, toque P0331 et Maîtres Ac C & Ad X, SELAS OPLUS, avocat au barreau de PARIS, toque K170
INTIMÉE
S.A. AXA FRANCE IARD, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Localité 9]
Immatriculée au RCA de [Localité 9] sous le numéro : 722 .05 7.4 60
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, ayant pour avocat plaidant, Me Pauline ARROYO, avocat au barreau de PARIS, Cabinet HFW, toque J040
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
M. Julien SENEL, Conseiller
Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'
article 804 du code de procédure civile🏛.
Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET
ARRÊT : Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛.
- signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de Chambre et par Laure POUPET, greffière présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ :
La société ELYSEE GESTION, la société FRONTENAC et la société HOTELIA, représentées par leur président, la société BST MANAGEMENT, elle-même représentée par son gérant M. [E] [O], exploitent chacune un hôtel titré quatre étoiles installé autour du quartier des [Adresse 8].
La société ELYSEE GESTION exploite l'hôtel ROCHESTER [Adresse 8] composé de 105 chambres et suites situé [Adresse 7].
La société FRONTENAC exploite l'hôtel CHATEAU FRONTENAC composé de 105 chambres et suites situé [Adresse 4].
La société HOTELIA exploite l'hôtel SPLENDID ETOILE composé de 57 chambres et suites situé [Adresse 1].
Une police groupe "Multirisque de l'hôtellerie" n° 318.947.2204 a été souscrite pour le compte des trois sociétés dans le cadre de leurs exploitations respectives auprès de la société AXA FRANCE IARD (ci-après dénommée AXA) par l'intermédiaire d'une société de courtage spécialisée en matière d'hôtellerie, la société L'EGIDE.
Cette police est composée des conditions particulières signées le 11 février 2020 , de l'intercalaire du courtier L'EGIDE référencé MH 2013 et des conditions générales 953951 A 0209.
Les conditions particulières prévoient l'assurance des conséquences financières de l'arrêt d'activité et notamment de la perte d'exploitation.
Cette perte d'exploitation est définie contractuellement, ainsi :
'Cette garantie permet à l'entreprise assurée de se prémunir contre la perte du Chiffre d'Affaires résultant d'une interruption totale ou partielle de ses activités à la suite d'un évènement garanti, survenant dans les locaux et pour les activités désignées sur la première page de ce projet pendant la période d'indemnisation et de l'engagement de frais supplémentaires d'exploitation'.
Au
titre des évènements garantis, le contrat prévoit notamment :
- Arrêt d'activité totale ou partielle du fait de mesures administratives, sanitaires ou judiciaires, résultant d'une décision des autorités sanitaires de mise en quarantaine suite à un commencement de maladie infectieuse, contagieuse ou d'empoisonnement causé par la consommation sur place ou extérieure d'aliments ou de boissons fournies dans les locaux assurés,
- Une décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l'établissement à condition que cette fermeture ne soit pas d'ordre pénal.
Face au risque sanitaire lié à l'épidémie de COVID-19, le ministre des solidarités et de la santé a par arrêtés en date des 14 et 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation de ce virus, notamment interdit aux restaurants et débits de boissons l'accueil du public à compter du 15 mars 2020, jusqu'au 15 avril 2020.
Par décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, le premier ministre a pris des mesures générales face à l'épidémie de COVID-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, notamment l'interdiction de déplacements à l'exception de ceux pour motifs impérieux et la possibilité pour les autorités du département d'interdire ou de restreindre les activités d'hôtellerie.
A la suite de l'annonce des diverses mesures prises, les trois établissements hôteliers ont considéré être économiquement contraints de fermer leurs portes à compter du 16 mars 2020.
L'hôtel Y a réouvert le 6 juillet 2020, l'hôtel Z AG le 1er septembre 2020 et l'hôtel SPLENDID ETOILE le 14 septembre 2020.
Estimant que la compagnie AXA devait les indemniser au titre des pertes d'exploitation causées par cette interruption d'activité, les trois sociétés ont, le 22 avril 2020, saisi l'assureur d'une demande d'indemnisation par l'intermédiaire de leur courtier L'EGIDE, en se fondant sur la garantie des pertes d'exploitation consécutives à une décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l'établissement assuré.
Le 30 avril, la compagnie AXA a répondu, en rappelant que de façon générale les garanties de pertes d'exploitation sont conditionnées par la survenance, dans les locaux de l'assuré, d'un évènement garanti et constatant que les décisions invoquées par les trois sociétés n'avaient pas été prises à la suite d'un tel évènement, a refusé sa garantie.
Par courriers en date des 22 mai et 22 juin 2020, le conseil des assurées a vainement demandé à la compagnie AXA de modifier sa position.
C'est dans ces circonstances que sur requête les SAS ELYSEE GESTION, FRONTENAC, et AH ont été autorisées le 30 septembre 2020 par le président du tribunal de commerce de PARIS, à assigner à bref délai la compagnie AXA aux fins de la voir condamner à prendre en charge les sinistres au titre de la garantie pertes d'exploitation et à verser la juste indemnisation à laquelle elles prétendent avoir droit pour la période passée et pour l'avenir au visa de la stricte application du contrat.
Par jugement en date du 21 janvier 2021, le tribunal de commerce de PARIS, a :
- débouté les SAS ELYSEE GESTION, FRONTENAC, HOTELIA de toutes leurs demandes fins et prétentions ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires ;
- condamné les SAS ELYSEE GESTION, FRONTENAC, HOTELIA aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 116,74 euros dont 19,24 euros de TVA.
Par déclaration électronique en date du 22 février 2021, enregistrée au greffe le 23 février, les SAS ELYSEE GESTION, FRONTENAC et AH ont interjeté appel du jugement.
Par ordonnance en date du 15 novembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a débouté la compagnie AXA de sa fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau des prétentions des trois sociétés, débouté ces dernières de leur demande de dommages intérêts pour abus du droit d'agir, dit que chacune des parties supportera la charge des dépens engagés dans le cadre de l'incident et n'y avoir lieu à application des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
Aux termes de leurs dernières conclusions (n°4) notifiées par voie électronique le 17 février 2022, les appelantes demandent à la cour, au visa de l'
article 858 du code de procédure civile🏛, des
articles 1103 et 1104 du code civil🏛, des
articles, 1170, 1188, 1190, 1191 et 1192 du code civil🏛, des
articles 113-1 alinéa 1er et L.113-5 du code des assurances🏛, de l'
article L.131-1 du code des procédures civiles d'exécution🏛, des
articles 563, 564, 696, 699 et 700 du code de procédure civile🏛, de l'
article L.3131-1 du code de la santé publique🏛, des arrêtés des 14 et 15 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus COVID-19, du
décret n°2020-260 du 16 mars 2020, du
décret du 14 avril 2020 n°2020-423 complétant le
décret n°2020-293 du 23 mars 2020, du
décret n°2020-663 du 31 mai 2020, du règlement sanitaire international, des pièces versées aux débats, de :
- les recevoir en leur appel et leurs écritures, et les y déclarer bien-fondées ;
- réformer et infirmer le jugement prononcé par le tribunal de commerce de PARIS le 21 janvier 2021 et statuant à nouveau :
* condamner AXA à respecter son obligation contractuelle ;
* condamner AXA à les indemniser de leurs préjudices constitués de leurs pertes d'exploitation assurées, à titre provisionnel, en termes de quantum et de période (16 mars 2020 au 31 août 2020), à parfaire à hauteur de :
o s'agissant de château FRONTENAC : 3.254.708 euros
o s'agissant de l'hôtel ROCHESTER : 2.683.257 euros
o s'agissant de l'hôtel SPLENDID ETOILE : 1.538.737 euros
* condamner AXA à assumer les pertes d'exploitation des appelantes pendant toute la durée du sinistre et dans la limite contractuelle de garantie de 24 mois ;
* ordonner à l'encontre d'AXA une astreinte de 1.500 euros par jour de retard si elle ne s'exécute pas dans les cinq jours de la signification de la décision à intervenir ;
* se réserver la liquidation de l'astreinte ;
* ordonner une expertise judiciaire contradictoire à la charge de la compagnie AXA ;
* désigner tel expert avec pour mission, conformément au contrat d'assurance, de :
' Evaluer le montant des dommages constitués par les pertes de marge brute sur toute la durée de la période d'indemnisation ;
' Evaluer le montant des frais supplémentaires sur la période d'indemnisation ;
' S'adjoindre en tant que de besoin tout sachant ou expert sapiteur lui permettant de mener à bien sa mission ;
' Communiquer aux parties un projet de rapport à l'effet de recueillir leurs dires et observations avant l'établissement et le dépôt du rapport final ;
* rejeter la demande de complément de mesure d'expertise sollicité par AXA et notamment dire si les sociétés ELYSEE GESTION, FRONTENAC et AH ont subi des pertes d'exploitation pendant la période durant laquelle la ou les décisions des autorités identifiées par la cour comme étant constitutives du sinistre au sens la police d'assurance applicable sont effectivement restées en vigueur, et en lien de causalité avec ces décisions ; tenir compte, dans le calcul de la perte de marge subie, des facteurs extérieurs et intérieurs susceptibles d'avoir eu, indépendamment de ce sinistre tel que défini par la cour, une influence sur son activité et ses résultats ;
* condamner en tant que de besoin AXA à prendre en charge les honoraires de l'expert d'assuré;
* ordonner la publication judiciaire de l'arrêt à intervenir aux frais de la société AXA dans un délai de 4 jours ouvrables à compter de la signification du jugement à intervenir dans deux éditions de presse quotidienne nationale sur format papier et dématérialisé aux choix des appelantes sans que le coût des publications ne puissent excéder la somme de 10.000 euros HT
dans un encadré étant précisé que la taille des caractères ne pourra pas être inférieure à une police de taille 16 en caractères gras et apparents, du texte suivant :
« Par arrêt en date du ['] rendu par la cour d'appel de PARIS, la société AXA France IARD a été condamnée à indemniser les hôtels ['] au titre de l'indemnisation des pertes d'exploitation en relation avec l'état de crise sanitaire »
* débouter AXA de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
* condamner AXA à verser à chacune des appelantes la somme de 9.000 euros TTC au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, soit la somme totale de 27.000 euros TTC ;
* condamner AXA à supporter les dépens en ce compris les frais de signification à intervenir.
Aux termes de ses dernières conclusions (n°3) notifiées par voie électronique le 9 mars 2022, la compagnie AXA demande à la cour, de :
A titre principal,
' CONFIRMER intégralement le
jugement rendu le 21 janvier 2021 par le tribunal de commerce de PARIS ;
' débouter ELYSEE GESTION, FRONTENAC et HOTELIA de l'intégralité de leurs demandes;
A titre subsidiaire
' débouter SAS ELYSEE GESTION, FRONTENAC, et HOTELIA de l'intégralité de leurs demandes de provision, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise judiciaire ;
' si une mesure d'instruction était ordonnée, modifier la mission d'expertise judiciaire sollicitée par les appelantes, comme suit :
* entendre les parties et tout sachant, se faire communiquer tous documents et pièces utiles ;
* dire si les sociétés SAS ELYSEE GESTION, FRONTENAC, et AH ont subi des pertes d'exploitation pendant la période durant laquelle la ou les décisions des autorités identifiées par la cour comme étant constitutives du sinistre au sens de la police d'assurance applicable sont effectivement restées en vigueur, et en lien de causalité avec ces décisions ;
* tenir compte, dans le calcul de la perte de marge subie de la tendance générale de l'évolution d'entreprise au regard des comptes arrêtés pour les exercices antérieurs à l'exercice en cause ;
* tenir compte, dans le calcul de la perte de marge subie, des facteurs extérieurs et intérieurs susceptibles d'avoir eu, indépendamment de ce sinistre tel que défini par la cour, une influence sur son activité et ses résultats ;
* retrancher de la perte de marge subie les « montants de charges constitutives de la marge brute que l'entreprise cesserait de supporter du fait du sinistre, pendant la période d'indemnisation »;
* le cas échéant, déterminer l'étendue de ces pertes en distinguant la perte de marge brute d'une part et les frais exposés par ELYSEE GESTION, FRONTENAC et HOTELIA pour éviter ou réduire la perte de chiffre d'affaires et/ou accélérer la reprise d'activité d'autre part;
* communiquer aux parties un projet de rapport et recueillir leurs dires et observations avant le dépôt du rapport final.
- mettre la consignation et les frais d'expertise à la charge des sociétés SAS ELYSEE GESTION, FRONTENAC, et HOTELIA ;
A titre plus subsidiaire
' limiter toute condamnation éventuellement prononcée à l'encontre d'AXA à la perte réelle de marge brute subie par ELYSÉE GESTION, FRONTENAC ET HOTELIA, telle que calculée
conformément aux stipulations de la police et au principe indemnitaire, dans la limite de 90% du chiffre d'affaires annuel hors taxes et dans la limite de la période d'indemnisation, qui a pris fin le 11 mai 2020 ;
En tout état de cause,
' débouter ELYSÉE GESTION, FRONTENAC et HOTELIA de leur demande d'astreinte;
' débouter ELYSÉE GESTION, FRONTENAC et HOTELIA de leur demande de condamnation d'AXA à publier un texte faisant état du jugement à intervenir dans des quotidiens nationaux ;
' condamner in solidum ELYSÉE GESTION, FRONTENAC et HOTELIA à payer à la compagnie AXA France la somme de 10 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
' condamner in solidum ELYSÉE GESTION, FRONTENAC et HOTELIA à supporter les entiers dépens de l'instance.
Pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées conformément à l'
article 455 du code de procédure civile🏛 La clôture est intervenue le 14 mars 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la mobilisation de la garantie perte d'exploitation souscrite auprès d'AXA dans le cadre du contrat 'Multirisques de l'Hôtellerie'
Le tribunal a débouté les trois sociétés appelantes ELYSEE GESTION, FRONTENAC, et AH de leur demande d'indemnisation de leur perte d'exploitation hôtelière au titre de la garantie perte d'exploitation de leur contrat d'assurance.
Les sociétés SAS ELYSEE GESTION, FRONTENAC, HOTELIA sollicitent l'infirmation du jugement de ce chef.
A hauteur d'appel, elles sollicitent la condamnation de la compagnie AXA à leur verser, à titre provisionnel pour la période allant du 16 mars au 31 août 2020, respectivement :
- 3.254.708 euros pour FRONTENAC,
- 2.683.257 euros pour ELYSEE GESTION,
- 1.538.737 euros pour HOTELIA,
outre la condamnation d'AXA à assumer les pertes d'exploitation "pendant toute la durée du sinistre et dans la limite contractuelle de 24 mois", sollicitant une expertise judiciaire pour chiffrer le montant de l'indemnité qu'elles estiment leur être due.
Elles font essentiellement valoir que :
- AI doit exécuter ses obligations prévues par le contrat d'assurance dont les dispositions sont claires et dénuées d'ambiguïté ; conformément à l'
article 1192 du code civil🏛, une règle claire ne doit faire l'objet d'aucune interprétation, sous peine de dénaturation ;
- en tout état de cause, conformément aux
articles 1353, 1189 et 1190 du code civil🏛, le doute doit profiter à l'assuré concernant l'interprétation du contrat ;
- sur le fondement des
articles 1103,1104 du code civil🏛 et
L 113-5 du code des assurances🏛, elles sollicitent l'application des conditions particulières du contrat, notamment la clause « décisions des autorités administratives provoquant la fermeture de l'établissement à condition que cette fermeture ne soit pas d'ordre pénal» qui constitue un événement garanti ; le lien de causalité entre le décret et la fermeture des hôtels est suffisant, la clause ne prévoyant pas une fermeture expresse ; il suffit que le décret ait provoqué la fermeture pour qu'elle trouve à s'appliquer ; les conditions d'application de la clause sont réunies en ce que la fermeture n'a pas une origine pénale, ce qui constituerait une exclusion expresse;
- la clause « arrêt d'activité totale ou partielle du fait de mesures administratives, sanitaires ou judiciaires résultant d'une décision des autorités sanitaires de mise en quarantaine suite à un commencement de maladie infectueuse, contagieuse ou d'empoisonnement causé par la consommation sur place ou extériure d'aliments ou de boissons fournies par les locaux assurés' est également mobilisable ; la mise en quarantaine est le principe même de la décision de confinement national afin d'empêcher la propagation du virus ; l'hôtel a été vidé de ses clients par la fermeture ordonnée des frontières ; la clientèle étant internationale, les mesures administratives prises au niveau européen et international ont également provoqué la fermeture des établissements ; l'adjectif "causé" se rapporte uniquement au cas d'empoisonnement, de sorte que l'exigence d'un lien entre la consommation d'aliments ou de boissons fournis dans les locaux de l'assuré ne s'appliquerait qu'à l'empoisonnement, mais non au "commencement de maladie infectieuse, contagieuse" ;
- aucune exclusion contractuelle ne fait échec à l'application de la garantie pertes d'exploitation.
Elles estiment que l'argument d'AXA selon lequel les événements garantis susvisés n'auraient pas trouvé leur cause dans les faits survenus dans les locaux qu'elles exploitent, est inopérant, cette limitation de garantie étant, selon elle, contradictoire et incompatible avec la définition desdits événements, telle qu'elle résulte des conditions particulières, rédigées par l'assureur lui-même, d'autant plus que ces mêmes conditions font expressément référence à des événements 'survenus dans le voisinage', c'est-à-dire hors des locaux assurés, ce qui montre que la clause en question est claire et que le refus d'indemnisation est injustifié ; la cessation d'activité doit être considérée comme un événement intervenu au sein de l'établissement.
Elles considèrent qu'il convient de "tirer toutes les conséquences" du fait que le nouvel intercalaire 'Multirisques de l'hôtellerie' MH 2020 prévoit une exclusion générale visant notamment le cas de pandémie, qui n'existait pas précédemment ; la proposition d'avenant au contrat formulée par l'intimée démontre que le contrat, en sa version applicable au sinistre doit venir garantir celui du COVID19 puisque en sa nouvelle rédaction cela n'est expressément plus possible.
S'agissant du quantum des pertes d'exploitation à indemniser, elles soutiennent qu'il est justifié, dénient tous les arguments en sens contraire d'AXA, et sollicitent la désignation d'un expert.
Enfin, elles sollicitent la condamnation d'AXA sous astreinte ainsi que la publication judiciaire de l'arrêt.
La compagnie AXA sollicite à titre principal, la confirmation du jugement faisant essentiellement valoir que :
- les appelantes ne rapportent pas la preuve conformément aux dispositions de l'
article 1353 du code civil🏛 que les conditions d'application de la garantie sont réunies ; aucune des deux clauses invoquées n'est mobilisable ;
- la condition expresse commune à ces deux clauses, à savoir la survenance d'un évènement garanti 'dans les locaux de l'assuré', n'est pas remplie ; les parties ont expressément entendu lier la garantie des pertes d'exploitation à la survenance d'un événement dans les locaux de l'assuré; le risque assuré n'est pas la perte d'exploitation mais l'incident survenant dans les locaux ; le dommage couvert est, dans ces circonstances, le dommage matériel et/ou la perte d'exploitation mais la perte d'exploitation en elle-même ne constitue pas un risque assurable ;
- c'est de façon erronée que les assurées prétendent qu'un contrat d'assurance s'interprète toujours contre l'assureur ; s'il s'agit d'un contrat négocié (
art. 1190 c.civ.), c'est le principe de l'interprétation en faveur du débiteur qui doit s'appliquer ;or en l'occurrence, le contrat a été négocié de gré à gré, les assurés ayant été assistés lors de sa conclusion par leur courtier mandataire, l'EGIDE, spécialisé en matière d'hôtellerie, qui a rédigé l'intercalaire et négocié les conditions d'assurance.;
- en toute hypothèse, outre cette condition fondamentale à tout déclenchement de la garantie des pertes d'exploitation en général (mis à part le cas particulier des sinistres de voisinage), l'assuré doit aussi démontrer qu'il réunit les conditions propres à déclencher le volet de garantie particulier qu'il invoque : un 'arrêt d'activité (') résultant d'une décision des autorités sanitaires de mise en quarantaine' ou une 'décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l'établissement' au sens du contrat ; or, tel n'est pas le cas en l'espèce, pour l'un ou l'autre des deux cas de garantie invoqués ;
- les conditions de l'application de la garantie « décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l'établissement » ne sont pas réunies, les hôtels n'ayant jamais fait l'objet d'une décision de fermeture ;
- la clause relative à la mise en quarantaine n'est pas plus applicable dès lors que les assurées ne démontrent aucune décision des autorités sanitaires de 'mise en quarantaine' ; il s'agissait d'une mesure de confinement de la population et non de mise en quarantaine des lieux d'hébergement;
l'adjectif "causé" se rapporte à "un commencement de'" et donc à l'ensemble du groupe nominal qui suit: "un commencement de maladie infectieuse, contagieuse ou d'empoisonnement" ; ainsi ne sont visées que les quarantaines faisant suite à une intoxication causée par un produit fourni dans les locaux assurés ;
- subsidiairement, elle conteste le calcul des pertes indemnisables sollicitées en application de la police ; l'indemnité d'assurance est due à hauteur uniquement des pertes causées par le sinistre garanti ; au regard du principe indemnitaire et du nécessaire lien de causalité entre les pertes indemnisables et le sinistre garanti, la période d'indemnisation recouvre la durée pendant laquelle l'activité a été effectivement affectée par le sinistre garanti, dans la limite de 24 mois si jamais cette durée était plus longue ; la durée de 24 mois est ainsi une limite, et non une durée fixe d'indemnisation ; les deux seules mesures sur lesquelles les appelantes se fondent de façon précise pour tenter de justifier que les conditions de garantie sont remplies sont l'
arrêté du 14 mars 2020 et le
décret du 16 mars 2020 ; c'est exclusivement au regard de ces deux mesures que la durée du sinistre doit être appréciée.
Enfin, elle s'oppose à toute mesure de publication ou d'astreinte, en ce que le résultat en serait disproportionné, dans le cas d'une condamnation l'intimée entendant se pourvoir en cassation.
Sur ce,
Aux termes de l'
article 1103 du code civil🏛, dans sa rédaction ici applicable, issue de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, du régime général et de la preuve des obligations : ' les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits'.
L'
article 1104 de ce même code ajoute que : ' Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public'.
L'article 1189 alinéa 1er dispose quant à lui que : ' Toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier'.
S'agissant plus particulièrement du contrat d'assurance, l'
article L 113-1 du code des assurances🏛 précise que : ' Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré'.
L'article L 113-5 ajoute que : ' Lors de la réalisation du risque ou à l'échéance du contrat, l'assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat et ne peut être tenu au-delà'.
Toute personne qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver conformément aux dispositions de l'
article 1315 devenu 1353 du code civil🏛.
En matière d'assurance celui qui sollicite le bénéfice de la garantie doit donc démontrer la réunion de ses conditions de mise en œuvre.
En l'espèce, le tribunal a débouté les trois sociétés de leur demande d'indemnisation au titre des pertes d'exploitation formulée dans le cadre de leur contrat d'assurance 'Multirisques de l'hôtellerie' souscrit au bénéfice de leur activité hôtelière, pour les hôtels ROCHESTER [Adresse 8], Z AG et SPLENDID ETOILE.
Il résulte des pièces produites au débat que les trois sociétés ont souscrit le 11 février 2020 une police 'Multirisques de l'hôtellerie' avec la compagnie AXA par l'intermédiaire de la société de conseil et de courtage en assurances L'EGIDE, d'une durée d'un an, renouvelable tacitement annuellement.
Selon le préambule de la police, le contrat est notamment composé des documents suivants:
- les conditions particulières portant la référence MH 2013,
- les conditions générales du contrat AXA portant la référence 953951.A 0209.
Le contrat liant les parties est un contrat d'assurance multirisques et perte d'exploitation comportant une garantie autonome supplémentaire de perte d'exploitation aux termes de l'intercalaire rédigé par le courtier l'EGIDE intitulé ' MH 2013'
Une garantie des pertes d'exploitation est stipulée en page 6 des conditions particulières dans les termes suivants :
'Cette garantie permet à l'entreprise assurée de se prémunir contre la perte du Chiffre d'affaires résultant d'une interruption totale ou partielle de ses activités à la suite d'un évènement garanti, survenant dans les locaux et pour les activités désignées sur la première page de ce projet pendant la période d'indemnisation et de l'engagement de frais supplémentaires d'exploitation'.
Au titre des évènements garantis, outre les garanties usuelles en pareille matière (incendie, dégâts des eaux etc ') la perte d'exploitation couvre les évènements suivants :
- 'Arrêt d'activité totale ou partielle du fait de mesures administratives, sanitaires ou judiciaires, résultant d'une décision des autorités sanitaires de mise en quarantaine suite à un commencement de maladie infectieuse, contagieuse ou d'empoisonnement causé par la consommation sur place ou extérieure d'aliments ou de boissons fournies dans les locaux assurés,
- Une décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l'établissement à condition que cette fermeture ne soit pas d'ordre pénal'.
Les trois sociétés SAS ELYSEE GESTION, FRONTENAC, HOTELIA invoquent le bénéfice des deux clauses précitées.
Sur la survenance dans les locaux
Le tribunal a considéré que la fermeture des trois établissements, décidée par leur dirigeant, a bien été la cause de la perte de chiffre d'affaires et ['] que ces fermetures résultent bien d'un évènement garanti puisqu'elles sont la conséquence d'une décision prise par des autorités administratives provoquant la fermeture de l'établissement" mais que les décisions administratives prises en considération par les sociétés hôtelières pour justifier leur demande d'indemnisation ne trouvent pas leur origine dans un fait survenu dans les locaux des assurées.
La garantie perte d'exploitation souscrite est une garantie autonome visant à s'appliquer en dehors de tout dommage matériel aux termes de l'intercalaire MH 2013.
La clause générale sur la perte de chiffre d'affaires 'résultant d'une interruption totale ou partielle de ses activités à la suite d'un évènement garanti, survenant dans les locaux et pour les activités désignées aux conditions particulières, pendant la période d'indemnisation' doit s'entendre, compte tenu de la ponctuation de la phrase marquée par une virgule entre 'garanti' et 'survenant' et de la cohérence entre cette disposition et les évènements qu'elle énonce ensuite, en ce sens que ce n'est pas l'évènement garanti qui survient dans les locaux mais l'interruption de l'activité qui survient dans les locaux du fait d'un évènement garanti tel que ceux énoncés ensuite et qui peuvent être extérieurs aux locaux tels que 'tempête (...) carence des fournisseurs y compris carence d'énergie (...), décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l'établissement (...)'.
Le jugement sera infirmé.
Sur la mobilisation de la garantie "Une décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l'établissement à condition que cette fermeture ne soit pas d'ordre pénal"
Le contrat d'assurance souscrit prévoit la mobilisation de la garantie perte d'exploitation à ce titre.
Les appelantes précisent qu'elles ne se fondent pas sur une « fermeture administrative » mais seulement sur la nécessité d'une « décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l'établissement », seule condition applicable.
En l'espèce, les décisions invoquées sont bien des décisions administratives prises par les plus hauts responsables de l'Etat sur le fondement de l'
article L.3131-1 du code de la santé publique🏛 (modifié par la
loi n° 2020-290 du 23 mars 2020🏛 d'urgence pour faire face à l'épidémie de COVID-19).
Cependant contrairement à ce que laissent entendre les appelantes, les mesures d'interdiction d'accueillir du public prises dans le cadre de la lutte contre la propagation du COVID-19, dont elles indiquent qu'elles ont visé 'l'ensemble des commerces non essentiels à la vie de la Nation', n'ont pas visé les hôtels.
En dépit des multiples références faites par elles à divers discours de personnalités politiques et à des décisions de justice, concernant non des hôtels mais des restaurateurs qui avaient souscrit des polices libellées de façon différente de celle objet de cette instance, en tant qu'établissements hôteliers, elles n'étaient nullement visées par les mesures d'interdiction d'accueillir du public édictées par les autorités publiques.
C'est donc à bon droit que la société AXA fait valoir que la clause concernant des autorités administratives ne peut trouver application au cas d'espèce dès lors que les décisions précitées n'imposaient pas la fermeture des hôtels, ces établissements relevant de la catégorie 0 au sens de l'article GN1 de l'
arrêté du 25 juin 1980, pouvant toujours accueillir du public, de sorte que les établissements hôteliers sont restés ouverts, en dépit des circonstances sanitaires, des mesures restreignant les déplacements jugés 'essentiels' sur le territoire national et des restrictions transfrontalières, notamment pour les touristes résidant hors du territoire de l'Union Européenne.
En l'occurence, l'activité hôtelière des sociétés appelantes n'a pas été interrompue par une décision des autorités administratives provoquant la fermeture des établissements puisque les hôtels étaient expressément exclus du champ d'application des établissements qui ne pouvaient plus accueillir du public mais par une décision prise par l'exploitant lui-même, pour des motifs provenant de sa propre appréciation de la situation engendrée par l'épidémie.
L'interprétation donnée par les appelantes du terme "provoquant" la fermeture (au sens de causer de manière indirecte même si elles ne l'ont pas imposée) afin de justifier que la garantie s'applique à leur décision de fermer leurs établissements, décision qu'elles ont prise pour des motifs économiques comme elles le reconnaissent, ne peut être retenue.
Cette lecture de la clause de garantie constitue en réalité une dénaturation de ses termes qui aboutit à garantir les conséquences d'un choix volontaire et non juridiquement obligatoire de l'assuré. Le contrat d'assurance étant un contrat aléatoire par nature, l'existence d'une mesure administrative prononçant la fermeture de l'établissement assuré est une condition indispensable à la préservation de son caractère aléatoire. A défaut, l'assuré aurait la maîtrise de la survenance du sinistre, puisqu'il lui reviendrait de déterminer s'il ferme ou non son établissement.
Dès lors, il convient d'approuver la compagnie AXA en ce qu'elle estime que la mobilisation de la garantie ne peut laisser de marge d'appréciation à la volonté de l'assuré d'autant qu'il n'est pas contesté en l'espèce que les trois hôtels très similaires, voire identiques (même type de clientèle, même catégorie, même situation géographique ') n'ont pas réouvert à la même date.
Sur la mobilisation de la garantie "mise en quarantaine"
Le contrat souscrit prévoit un second évènement garanti au
titre de la police pertes d'exploitation à savoir : 'L'arrêt d'activité totale ou partielle du fait de mesures administratives et sanitaires résultant d'une décision des autorités sanitaires de mise en quarantaine suite à un commencement de maladie infectieuse, contagieuse ou d'empoisonnement causé par la consommation sur place ou à l'extérieur d'aliments ou de boissons fournies dans les locaux assurés'
En première instance le tribunal ne s'est pas prononcé sur cette clause puisqu'il a considéré qu'aucune garantie n'était mobilisable à défaut d'évènement survenu dans les locaux.
Les appelantes invoquent :
* le décret du 16 mars 2020 instaurant des mesures restrictives de liberté (communément désignées "confinement") qui doit s'analyser en l'application de mesures de "quarantaine généralisée" au sens de l'
article L 3131-15 du code de la santé publique🏛 et du règlement sanitaire;
* la
loi n°2020-290 du 23 mars 2020🏛 d'urgence pour faire face à l'épidémie de COVID-19 ayant inséré un chapitre 1er BIS créant un article L.3131-15 dans le code de santé publique qui prévoit la possibilité en son 3° de :
- ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine au sens de l'
article 1er du règlement sanitaire international de 2005, des personnes susceptibles d'être
affectées »
* le règlement sanitaire international de 2005 qui définit expressément la quarantaine comme :
S'entend[ant] de la restriction des activités et/ou de la mise à l'écart de personnes suspectes qui ne sont pas malades ou des bagages, conteneurs, moyens de transport ou marchandises suspects, de façon à prévenir la propagation éventuelle de l'infection ou de la contamination.
* le décret n°2020-860 du 10 juillet 2020.
Cependant, c'est également à juste titre que la compagnie AXA fait valoir que ladite clause ne trouve pas plus à s'appliquer.
Ni la
loi n° 2020-290 du 23 mars 2020🏛 d'urgence pour faire face à l'épidémie de COVID-19, qui a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter de l'entrée en vigueur de cette loi sur l'ensemble du territoire national, ni le
décret n°2020-260 du 16 mars 2020 portant règlementation des déplacements dans le cadre de la luttre contre la propagation du virus COVID-19 ne sont de nature à faire prospérer leur demande.
S'agissant des mesures dites de 'confinement', ces mesures ont seulement imposé des restrictions de déplacement de la population, qui ne sont pas assimilables à une ' mise en quarantaine'. Cette dernière correspond, en effet, au cas où une ou plusieurs personnes, spécifiquement identifiées en raison du risque de contamination qu'elles présentent, sont tenues de s'isoler pendant une certaine durée.
En application du
décret n°2020-260 du 16 mars 2020 portant règlementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus COVID-19, si les déplacements de toute personne en dehors de son domicile étaient, par principe, interdits, des déplacements demeuraient cependant possibles, à titre exceptionnel et pour des motifs strictement énumérés, parmi lesquels figuraient les déplacements professionnels insusceptibles d'être différés, l'assistance aux personnes vulnérables et la garde d'enfants, la possibilité pour chacun de faire ses courses ou du footing aux alentours de son domicile.
L'
article L 3131-15 du code de la santé publique🏛 modifié prévoit de façon générale les pouvoirs du ministre de la santé en cas de menace sanitaire grave et notamment que depuis le 11 mai 2020 des mesures individuelles telles que la mise en quarantaine peuvent être prises. Cependant la suite de ce même article démontre que la notion de quarantaine ne désigne pas le "confinement" en général mais les mesures individuelles concernant des personnes "à risque" ("Les mesures prévues aux 3° et 4° du I du présent article ayant pour objet la mise en quarantaine, le placement et le maintien en isolement ne peuvent viser que les personnes qui, ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l'infection, entrent sur le territoire national, arrivent en Corse ou dans l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution" ' art l 3131-15 II CSP).
La cour ne peut suivre les appelantes lorsqu'elles soutiennent que nous étions tous en quarantaine au sens de l'
article 24 du décret n°2020-860 du 10 juillet 2020 qui renvoit au 2 de l'
article 3131 15 du code de la santé publique🏛.
Le rappel des préambules de divers arrêtés et décrets pris dans le cadre de la crise sanitaire qui font référence aux déclarations de l'OMS faisant état d'une urgence de santé publique de portée internationale, n'explique pas plus en quoi les conditions de la garantie seraient remplies.
Les divers textes de lois différencient bien quarantaine (mesure individuelle) d'une part, et réglementation des déplacements (ou "confinement", mesure générale) d'autre part.
Il en résulte qu'aucune mise en quarantaine au sens du contrat d'assurance n'a été ordonnée, dès lors que les personnes demeurant sur le territoire hexagonal ou y séjournant étaient autorisées à sortir de leur domicile pour certains motifs et à séjourner dans les hôtels restés ouverts.
Les conditions de mise en jeu de la garantie revendiquée n'étant ainsi pas réunies, il convient de débouter les sociétés SAS ELYSEE GESTION, FRONTENAC, HOTELIA de leurs demandes d'indemnisation à ce titre.
Sur les autres demandes,
Compte tenu de l'issue du litige, l'examen des autres moyens concernant notamment le calcul des pertes d'exploitation, la demande d'expertise, l'astreinte et la publication judiciaire est sans objet.
Le jugement sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.
Parties perdantes, les SAS ELYSEE GESTION, FRONTENAC, HOTELIA seront condamnées aux dépens d'appel.
Pour des motifs d'équité, il ne sera pas fait application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 au bénéfice de l'une ou l'autre des parties, qui seront toutes déboutées de leur demande formée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant en dernier ressort, contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,
INFIRME le jugement ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que l'interruption de l'activité est survenue dans les locaux du fait d'un évènement garanti;
Dit que la garantie n'est mobilisable ni pour la clause: 'décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l'établissement à condition que cette fermeture ne soit pas d'ordre pénal' ni pour la clause ' décision de mise en quarantaine' ;
Déboute les SAS ELYSEE GESTION, FRONTENAC, HOTELIA de toutes leurs demandes d'indemnisation fondées sur le contrat d'assurance ;
Condamne les SAS ELYSEE GESTION, FRONTENAC, HOTELIA aux dépens d'appel;
Déboute les SAS ELYSEE GESTION, FRONTENAC, HOTELIA et la compagnie AXA FRANCE IARD de leurs demandes au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
Déboute les parties de toutes autres demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE