Jurisprudence : CAA Bordeaux, 5e, 17-05-2022, n° 21BX02005


Références

Cour administrative d'appel de Bordeaux

N° 21BX02005

5ème chambre (formation à 3)
lecture du 17 mai 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la délibération du 12 avril 2018 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Nord-Est Béarn a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Castin en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section A n° 978 et 980 en zone agricole, ensemble la décision du 6 août 2018 par laquelle le président de la communauté de communes du Nord-Est Béarn a rejeté leur recours gracieux contre cette délibération.

Par un premier jugement n° 1802316 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Pau a sursis à statuer sur leur demande, en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme🏛, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date de notification du jugement, imparti à la communauté de communes du Nord-Est Béarn pour notifier au tribunal une délibération régularisant l'insuffisance de la note explicative de synthèse transmise aux conseillers communautaires préalablement à l'adoption de cette délibération.

Par un second jugement n° 1802316 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Pau, après avoir constaté que le vice affectant la délibération du 13 octobre 2020 avait été régularisé par une délibération du 17 décembre 2020, a rejeté la demande de M. et Mme C.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 mai 2021 et 21 janvier 2022, M. et Mme C, représentés par Me Jambon, demandent à la cour :

1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de Pau du 13 octobre 2020 et du 31 mars 2021 ;

2°) d'annuler la délibération du 12 avril 2018 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes Nord-Est Béarn a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Castin en tant qu'il classe en zone agricole les parcelles A 978 et A 980, ensemble le rejet de leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la communauté du Nord-Est Béarn le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Ils soutiennent que :

- les dispositions de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme🏛 ont été méconnues dès lors que les modifications effectuées après l'enquête publique affectent l'économie générale de ce plan ; le classement en zone A de la parcelle 913, d'une superficie de 13 920 m², ne procède pas de l'enquête publique ;

- l'information des conseillers communautaires reste insuffisante malgré la délibération du 17 décembre 2020 dès lors que la note de synthèse ne contient aucune information quant au déroulement de l'enquête publique et aux modifications qui ont été apportées par rapport au projet de révision soumis à enquête publique ;

- le classement des parcelles cadastrées section A n° 978 et 980 en zone agricole est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; ces parcelles étaient classées en zone NB du plan d'occupation des sols ; en raison de leur superficie de 2 300 m², elles ne pourront faire l'objet d'une exploitation agricole et elles se situent entre un terrain bâti comportant une maison d'habitation sans aucun lien avec l'agriculture et une route ; le maire de Saint-Castin avait délivré un certificat d'urbanisme positif pour la construction d'une maison individuelle sur les parcelles en litige ; le règlement sanitaire départemental des Pyrénées-Atlantiques interdit l'implantation d'élevages à proximité des maisons d'habitation.

Par un mémoire, enregistré le 24 août 2021, la communauté de communes Nord-Est Béarn, représentée par Me Cambot, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. et Mme C d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que les moyens développés par M. et Mme C ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B A;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de Me Corbier-Labasse, représentant M. et Mme C.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 12 avril 2018, le conseil communautaire de la communauté de communes Nord-Est Béarn a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Castin (Pyrénées-Atlantiques). Le 13 juin 2018, M. et Mme C ont demandé au président de la communauté de communes le classement de leurs parcelles cadastrées section A n° 978 et 980 en zone constructible. A la suite du rejet de leur recours gracieux le 6 août 2018, M. et Mme C ont demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation de la délibération du 12 avril 2018 en tant qu'elle classe leurs parcelles en zone agricole. Par un premier jugement n° 1802316 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Pau a sursis à statuer sur leur demande, en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme🏛, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date de notification du jugement, imparti à la communauté de communes du Nord-Est Béarn pour notifier au tribunal une délibération régularisant l'insuffisance de la note explicative de synthèse transmise aux conseillers communautaires préalablement à l'adoption de cette délibération. Par un second jugement n° 1802316 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Pau, après avoir constaté que le vice affectant la délibération du 13 octobre 2020 avait été régularisé par une délibération du 17 décembre 2020, a rejeté la demande de M. et Mme C. M. et Mme C relèvent appel de ces deux jugements.

Sur la légalité de la délibération du 12 avril 2018 :

2. Aux termes de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme🏛 : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par : / 1° L'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à la majorité des suffrages exprimés après que les avis qui ont été joints au dossier, les observations du public et le rapport du commissaire ou de la commission d'enquête aient été présentés lors d'une conférence intercommunale rassemblant les maires des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale ; / 2° Le conseil municipal dans le cas prévu au 2° de l'article L. 153-8 ".

3. Il résulte de ces dispositions que le projet de plan ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et qu'elles procèdent de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations du commissaire enquêteur, des observations du public et des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête.

4. Il ressort des pièces du dossier et notamment des termes mêmes de la délibération contestée du 12 avril 2018 qu'à la suite de l'enquête publique, le projet de plan local d'urbanisme a été modifié, quant au rapport de présentation, par des compléments concernant le classement en zone Ni des secteurs identifiés dans l'atlas départemental des zones inondables, par la rectification d'une erreur matérielle concernant le nombre d'élevages relevant du règlement sanitaire départemental dans le diagnostic agricole et par des mises à jour au regard de modifications apportées aux autres pièces du dossier, quant au règlement, par un complément à l'article 13 des zones U et AU concernant la gestion des eaux pluviales, par la modification de l'article 2 de la zone N pour règlementer les possibilités de construire en zones Ni, par la suppression du 2ème paragraphe de l'article 2 de la zone A et par des compléments concernant les zones A et N s'agissant des règles de hauteur pour l'édification des annexes aux constructions d'habitations existantes, et la zone N s'agissant des règles d'emprise au sol dans le secteur Nhe, quant au document graphique, par la création de secteurs Ni, par le reclassement en zone A des parcelles A n° 915, 257 et 913 et par l'identification de bâtiments pouvant être autorisés à changer de destination sur les parcelles A n° 257, 270, 149, 1141 et B n° 1202 et, enfin, quant aux annexes, par l'ajout de la note d'information relative à la servitude I4 transmise par Réseau transport d'électricité.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la création d'un sous-secteur Ni faisant apparaitre les zones inondables identifiées dans l'atlas départemental est issue de l'avis des services de l'Etat du 11 octobre 2017 et que le reclassement des parcelles cadastrées A n° 913, 915 et 257 en zone A résulte d'une observation présentée par leur propriétaire au cours de l'enquête publique. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les appelants, ces deux modifications procèdent bien de l'enquête publique. D'autre part, la création des zones Ni ne représente qu'une superficie de 26,6 ha, soit 3,7 % de la surface du territoire communal, n'affecte que des parcelles classées initialement en zone N et ne consiste qu'en une aggravation des conditions de constructibilité déjà limitées en zone N. En outre, la modification du classement en zone A ne concerne pas l'intégralité de la parcelle cadastrée A n° 913 d'une superficie de 13 920 m² mais seulement une partie de cette parcelle, d'une surface de 1150 m², soit un reclassement sur les parcelles A n° 913, 915 et 257 représentant 2060 m². Par ailleurs, la possibilité de changer la destination de certains bâtiments ne concerne que cinq parcelles et les seules modifications du règlement concernant les règles de hauteur des bâtiments annexes en secteur A et N et les règles d'emprise en secteur Nhe, en raison notamment du caractère limité de cette dernière zone, ne suffisent pas à elles seules à caractériser une modification substantielle des possibilités de construire dans ces zones. Dans ces conditions, eu égard à l'étendue limitée des secteurs affectés par les modifications apportées au plan initial et à la portée limitée de ces modifications, celles-ci n'étaient pas de nature à altérer l'économie générale du projet et à rendre, en conséquence, obligatoire l'ouverture d'une nouvelle enquête. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme🏛 doit être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales🏛 : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal () ". Aux termes de l'article L. 5211-1 du même code : " Les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre. () / Pour l'application des articles L. 2121-11 et L. 2121-12, ces établissements sont soumis aux règles applicables aux communes de 3 500 habitants et plus () ".

7. Le défaut d'envoi, avec la convocation aux réunions du conseil municipal d'une commune de 3 500 habitants et plus, de la note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour prévue à l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales🏛 entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la note de synthèse adressée aux élus le 5 avril 2018 et reçue le 6 avril, préalablement à la séance du 12 avril 2018, précisait la teneur des différents avis des personnes publiques associées et des observations émises pendant l'enquête et l'avis favorable du commissaire enquêteur sans réserves ainsi que l'ensemble des modifications apportées au projet de plan local d'urbanisme arrêté par délibération du 29 juin 2017 à la suite des avis des personnes publiques associées et des observations recueillies lors de l'enquête publique. Ces informations relatives à l'enquête publique ont été reprises dans la note de synthèse jointe à la convocation adressée par le président de la communauté de communes du Nord-Est Béarn le 8 décembre 2020. D'autre part, cette dernière note était complétée par les informations relatives au parti d'aménagement du plan local d'urbanisme, aux choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables et leur traduction dans le plan local d'urbanisme ainsi qu'aux justifications quant à la délimitation des différentes zones et aux règles d'urbanisme correspondantes. Ainsi, alors même qu'elle reprend l'exposé du rapport de présentation, cette note a permis aux conseillers communautaires de prendre connaissance des choix ayant présidé à l'élaboration du plan local d'urbanisme, notamment le sens et la portée des dispositions de ce document soumises à leur approbation. Par suite, la délibération du 17 décembre 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Nord-Est Béarn a de nouveau approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Castin a permis de régulariser le vice tiré de la méconnaissance de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales🏛.

9. Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme🏛 : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". Il résulte des articles L. 151-5, L. 151-9, R. 151-22 et R. 151-23 du code de l'urbanisme🏛🏛🏛🏛 qu'une zone agricole, dite "zone A", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

10. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

11. Il ressort des pièces du dossier et en particulier du plan d'aménagement et de développement durables, que les auteurs du plan local d'urbanisme ont souhaité modérer la consommation de l'espace, lutter contre l'étalement urbain et préserver les espaces agricoles et naturels en recentrant le développement urbain sur le bourg et les tissus urbains constitués. Si les parcelles cadastrées section A n° 978 et 980, bordées au nord-est par un chemin, se situent à proximité de cinq parcelles sur lesquelles sont implantées des maisons d'habitation, il ressort des pièces du dossier que ces parcelles sont dépourvues de construction, sont insérées dans un secteur à dominante rurale et de caractère agricole et, distantes de plus de 800 mètres du bourg, ne font pas partie du tissu urbain existant. En outre, alors même que les appelants font valoir qu'elles ne peuvent faire l'objet d'une exploitation agricole, il ressort du rapport de présentation du plan local d'urbanisme qu'elles ont été identifiées comme des prairies temporaires. Par ailleurs, les circonstances que les parcelles en litige ont été classées en zone NB au plan d'occupation des sols et que le maire a délivré, sous l'empire de ce plan, le 19 janvier 2016, un certificat d'urbanisme positif pour la construction d'une maison individuelle, sont sans incidence sur la légalité de leur classement en zone A dès lors que nul n'a de droit acquis au maintien d'un texte réglementaire. Par suite, eu égard notamment au parti d'aménagement retenu par les auteurs du plan local d'urbanisme, il ne ressort pas des pièces du dossier que le classement de la parcelle en litige en zone A serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à l'annulation du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Castin.

Sur les frais liés au litige :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme C une somme de 1 500 euros à verser à la communauté de communes Nord-Est Béarn en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la communauté de communes Nord-Est Béarn, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. et Mme C est rejetée.

Article 2 : M. et Mme C verseront à la communauté de communes Nord-Est Béarn une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C et à la communauté de communes Nord-Est Béarn.

Une copie en sera adressée à la commune de Saint-Castin.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2022.

La rapporteure,

Nathalie ALa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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