CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 juillet 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 568 F-D
Pourvoi n° X 21-14.939
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022
M. [Aa] [C], domicilié [… …], a formé le pourvoi n° X 21-14.939 contre l'arrêt rendu le 9 février 2021 par la cour d'appel de Montpellier (5e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [B] [Y], domicilié [… …],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Hérault, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SARL Boré, Ab de Bruneton et Mégret, avocat de M. [C], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 février 2021), le 16 avril 2007, M. [C] a subi une arthroplastie, accompagnée de la pose d'un implant, réalisée par M. [Y], chirurgien (le chirurgien).
2. Le 27 octobre 2015, après avoir obtenu une expertise en référé, M. [C] a assigné le chirurgien en responsabilité et indemnisation au titre de différents manquements, notamment dans l'information préalable à l'intervention.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. [C] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le médecin est tenu de donner à son patient une information loyale, claire et appropriée sur les différents traitements qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus sur les soins qu'il lui propose, de façon à lui permettre d'y donner un consentement ou un refus éclairé ; qu'en écartant tout manquement de M. [Y] à son obligation d'information après avoir constaté que l'expert avait précisé que "le risque d'échec évoqué par M. [Y] de l'ordre de 10 à 12 % est nettement inférieur à celui de la littérature plus proche de 40 % d'échec ou de résultat incomplet" et en avait conclu que "l'information donnée par le docteur [Y] a[vait] pu être imparfaite sur la qualité des résultats à attendre quant à l'intervention proposée", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les
articles 16 et 16-3 du code civil🏛, et
L. 1111-2 du code de la santé publique🏛. »
Réponse de la Cour
Vu l'
article L. 1111-2 du code de la santé publique🏛 :
4. Selon ce texte, l'information due à toute personne sur son état de santé porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent, ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.
5. Pour rejeter les demandes de M. [C] au titre d'un manquement du praticien à son devoir d'information, l'arrêt retient, en se fondant sur le rapport d'expertise, que, si le risque d'échec évoqué par le chirurgien de l'ordre de 10 à 12 % est nettement inférieur à celui de la littérature plus proche de 40 % d'échec ou de résultat incomplet et si l'information donnée a été imparfaite sur la qualité des résultats à attendre, il n'est pas sûr que le patient aurait modifié sa décision s'il avait eu une connaissance plus exacte de ces résultats dans la mesure où il se trouvait dans une impasse thérapeutique et en déduit qu'aucune faute d'information ne peut être retenue.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. [Ac] n'a commis aucun manquement à son devoir d'information et rejette les demandes de M. [C] à ce titre, l'arrêt rendu le 9 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne M. [Y] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par M. [Ac] et le condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Boré, Ab de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [C]
M. [C] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le Dr [Y] n'avait commis, dans le cadre de l'intervention pratiquée le 16 avril 2007 sur M. [Aa] [C], aucune faute technique ni aucun manquement à son devoir d'information et de l'AVOIR en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes ;
1°) ALORS QUE le médecin est tenu de donner à son patient une information loyale, claire et appropriée sur les différents traitements qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus sur les soins qu'il lui propose, de façon à lui permettre d'y donner un consentement ou un refus éclairé ; qu'en écartant tout manquement du Dr [Y] à son obligation d'information après avoir constaté que l'expert avait précisé que « le risque d'échec évoqué par le docteur [Y] de l'ordre de 10 à 12% est nettement inférieur à celui de la littérature plus proche de 40% d'échec ou de résultat incomplet » (arrêt, p. 15, al. 7) et en avait conclu que « l'information donnée par le Dr [Y] a[vait] pu être imparfaite sur la qualité des résultats à attendre quant à l'intervention proposée » (arrêt p. 16, al. 3), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les
articles 16 et 16-3 du code civil🏛, et
L. 1111-2 du code de la santé publique🏛 ;
2°) ALORS QUE le médecin est tenu de donner à son patient une information loyale, claire et appropriée sur les différents traitements qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus sur les soins qu'il lui propose, de façon à lui permettre d'y donner un consentement ou un refus éclairé ; qu'il lui incombe de rapporter la preuve de l'accomplissement de son obligation d'information ; qu'en se fondant sur les circonstances inopérantes selon lesquelles « [L] [C] a rencontré à trois reprises le docteur [Y] avant de prendre la décision de l'intervention, qu'au cours de ces longs mois il a rencontré d'autres spécialistes et que sa décision de pose d'une prothèse discale a été prise après de longs mois de réflexion [
] que [L] [C] en raison de son niveau intellectuel, de sa formation et de son expérience professionnelle était en capacité de comprendre l'information qui lui était donnée et de poser les questions lui paraissant nécessaires comme le démontre le niveau d'échange qu'il a pu avoir avec l'expert judiciaire » (arrêt 16, al. 2) pour conclure que le médecin n'avait pas manqué à son obligation d'information, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles 16 et 16-3 du code civil🏛, et
L. 1111-2 du code de la santé publique🏛 ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d'information sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles que comportait un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soin auquel il a eu recours, cause à celui auquel l'information est due, lorsque l'un de ces risques s'est réalisé, un préjudice moral distinct des atteintes corporelles subies, résultant d'un défaut de préparation à l'éventualité que ce risque survienne ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante qu'il n'était pas certain que le patient aurait modifié sa décision si l'information donnée par le Dr [Y] n'avait pas été imparfaite, pour débouter l'exposant de sa demande tendant à faire juger que ce médecin avait manqué à son obligation d'information, quand ce manquement lui a, en toute hypothèse, causé un préjudice moral d'impréparation, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des
articles 16 et 16-3 du code civil🏛, et
L. 1111-2 du code de la santé publique🏛.