CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 juillet 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 825 F-B
Pourvoi n° H 21-11.866
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [M].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 10 décembre 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUILLET 2022
Mme [W] [M], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-11.866 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2020 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [M], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juin 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 15 mai 2020), à la suite de la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de l'Hérault, qui a reconnu à l'un de ses parents un taux d'incapacité permanente supérieur ou égal à 80 % avec nécessité d'une assistance ou d'une présence permanente à domicile, Mme [M] a sollicité auprès de la caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc (la caisse) le bénéfice de l'affiliation gratuite à l'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale, à compter du 1er mai 2011, en sa qualité d'aidant familial.
2. Sa demande ayant été rejetée au motif qu'elle ne vivait pas au domicile de son parent, Mme [M] a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Mme [M] fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'affiliation gratuite à l'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale, alors « que selon les
articles L. 381-1, R. 381-1 et D. 381-3 du code de la sécurité sociale🏛, est affiliée obligatoirement à l'assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale la personne qui assume, au foyer familial, la charge d'un handicapé adulte dont l'incapacité permanente est au moins égale à 80 % et dont la nécessité pour elle de bénéficier à domicile de l'assistance ou de la présence de l'aidant familial a été reconnue par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ; que la notion de « foyer familial » impose seulement que la prise en charge, par la personne aidante, de l'adulte handicapé soit effectuée au domicile de ce dernier ; que l'affiliation gratuite à l'assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale de la personne aidante a pour objet de compenser l'absence de possibilité, pour cette personne, d'exercer un travail ; que le fait que la personne aidante ne soit pas domiciliée chez l'adulte handicapé est indifférent et ne peut permettre à la caisse de refuser de faire droit à la demande d'affiliation dès lors que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées a accordé à l'adulte handicapé un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 %, a émis un avis favorable à l'affiliation de l'aidant au régime d'assurance vieillesse et que la réalité de l'aide apportée par la personne sollicitant l'affiliation n'est pas contestée ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées avait accordé, le 19 octobre 2011, un taux d'incapacité à M. [Aa] [M] supérieur à 80 % avec nécessité d'une assistance à domicile et a émis un avis favorable pour affiliation de Mme [W] [M] à l'assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale ; que la réalité de l'aide apportée par Mme [W] [M] à M. [Aa] [M] n'était pas contestée ; que pour rejeter la demande d'affiliation de Mme [M], la cour d'appel a énoncé que « si l'assistance ou la présence de l'aidant familial n'est plus nécessairement permanente, il n'en reste pas moins qu'au regard de la condition de foyer familial prévue à l'
article L. 381-1 du code de la sécurité sociale🏛, Mme [W] [M] ne peut être considérée comme assumant au foyer familial la charge de Mme [Ab] [M] [en réalité [Aa] [M]] puisqu'[ils] ne partagent pas le même foyer, Mme [W] [M], quelle que soit son implication dans la lourde et méritoire tâche consistant à s'occuper de son parent handicapé reconnaissant (
) la permanence, en ce qui la concerne, d'un foyer distinct » ; qu'en statuant ainsi, tandis que le
code de la sécurité sociale n'impose pas que l'aidant vive au domicile de la personne aidée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, violant l'
article L. 381-1 du code de la sécurité sociale🏛, dans sa rédaction applicable au litige issu de la
loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010🏛, l'
article R. 381-1 du code de la sécurité sociale🏛, dans sa rédaction applicable au litige issue du
décret n° 2011-1278 du 11 octobre 2011🏛, et l'
article D. 381-3 du code de la sécurité sociale🏛. »
Réponse de la Cour
Vu l'
article L. 381-1, alinéa 6, 2°, du code de la sécurité sociale🏛 dans sa rédaction issue de la
loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010🏛, applicable au litige :
4. Selon ce texte, est affilié obligatoirement à l'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale, pour autant que ses ressources ou celles du ménage ne dépassent pas le plafond du complément familial et qu'elle n'exerce aucune activité professionnelle ou seulement une activité à temps partiel, la personne et, pour un couple, l'un ou l'autre de ses membres, assumant, au foyer familial, la charge d'une personne adulte handicapée dont la commission prévue à l'
article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles🏛 reconnaît que l'état nécessite une assistance ou une présence définies dans des conditions fixées par décret et dont le taux d'incapacité permanente est au moins égal à 80 %, dès lors que ladite personne handicapée est son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son ascendant, descendant ou collatéral ou l'ascendant, descendant ou collatéral d'un des membres du couple.
5. Ce texte n'impose pas que l'aidant familial réside au sein du même foyer que la personne dont il assume la charge effective.
6. Pour rejeter le recours, l'arrêt retient essentiellement que Mme [M] ne peut être considérée comme assumant au foyer familial la charge de son parent puisqu'ils ne partagent pas le même foyer.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour Mme [M]
Mme [M] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 27 mai 2019 du pôle social du tribunal de grande instance de Montpellier en ce qu'il a dit sa contestation mal fondée et a confirmé la décision de refus de la CMSA du Languedoc rejetant sa demande d'affiliation gratuite à l'assurance vieillesse ;
ALORS QUE selon les
articles L. 381-1, R. 381-1 et D. 381-3 du code de la sécurité sociale🏛, est affiliée obligatoirement à l'assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale la personne qui assume, au foyer familial, la charge d'un handicapé adulte dont l'incapacité permanente est au moins égale à 80% et dont la nécessité pour elle de bénéficier à domicile de l'assistance ou de la présence de l'aidant familial a été reconnue par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ; que la notion de « foyer familial » impose seulement que la prise en charge, par la personne aidante, de l'adulte handicapé soit effectuée au domicile de ce dernier ; que l'affiliation gratuite à l'assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale de la personne aidante a pour objet de compenser l'absence de possibilité, pour cette personne, d'exercer un travail ; que le fait que la personne aidante ne soit pas domiciliée chez l'adulte handicapé est indifférent et ne peut permettre à la caisse de refuser de faire droit à la demande d'affiliation dès lors que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées a accordé à l'adulte handicapé un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80%, a émis un avis favorable à l'affiliation de l'aidant au régime d'assurance vieillesse et que la réalité de l'aide apportée par la personne sollicitant l'affiliation n'est pas contestée ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées avait accordé, le 19 octobre 2011, un taux d'incapacité à M. [Aa] [M] supérieur à 80% avec nécessité d'une assistance à domicile et a émis un avis favorable pour affiliation de Mme [W] [M] à l'assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale (arrêt, p. 2 et jugement, p. 2) ; que la réalité de l'aide apportée par Mme [W] [M] à M. [Aa] [M] n'était pas contestée ; que pour rejeter la demande d'affiliation de Mme [M], la cour d'appel a énoncé que « si l'assistance ou la présence de l'aidant familial n'est plus nécessairement permanente, il n'en reste pas moins qu'au regard de la condition de foyer familial prévue à l'
article L. 381-1 du code de la sécurité sociale🏛, Mme [W] [M] ne peut être considérée comme assumant au foyer familial la charge de Mme [Ab] [M] [en réalité [Aa] [M]] puisqu'[ils] ne partagent pas le même foyer, Mme [W] [M], quelle que soit son implication dans la lourde et méritoire tâche consistant à s'occuper de son parent handicapé reconnaissant (
) la permanence, en ce qui la concerne, d'un foyer distinct » (arrêt, p. 3 ; v. également jugement, p. 3) ; qu'en statuant ainsi, tandis que le
code de la sécurité sociale n'impose pas que l'aidant vive au domicile de la personne aidée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, violant l'
article L. 381-1 du code de la sécurité sociale🏛, dans sa rédaction applicable au litige issu de la
loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010🏛, l'
article R. 381-1 du code de la sécurité sociale🏛, dans sa rédaction applicable au litige issue du
décret n°2011-1278 du 11 octobre 2011🏛, et l'
article D. 381-3 du code de la sécurité sociale🏛.