Jurisprudence : Cass. civ. 3, 29-06-2022, n° 21-17.944, F-D, Cassation

Cass. civ. 3, 29-06-2022, n° 21-17.944, F-D, Cassation

A071879H

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:C300532

Identifiant Legifrance : JURITEXT000046013631

Référence

Cass. civ. 3, 29-06-2022, n° 21-17.944, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/86297154-cass-civ-3-29062022-n-2117944-fd-cassation
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CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 juin 2022


Cassation partielle sans renvoi


Mme TEILLER, président


Arrêt n° 532 F-D

Pourvoi n° P 21-17.944


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022


La société Epicurien, société civile de construction vente, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-17.944 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Azzurro, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Greff-Bohnert, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat de la société Epicurien, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Azzurro, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Greff-Bohnert, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,


la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mai 2021), par acte du 11 octobre 2018, la société civile de construction-vente Epicurien (la SCCV) et la société Azzurro ont conclu une promesse synallagmatique de vente portant sur un terrain à bâtir sous diverses conditions suspensives, la réitération de la vente étant fixée au plus tard le 21 juin 2019.

2. Le 25 juin 2019, les conditions suspensives étant toutes réalisées, la société Azzurro a informé la venderesse de son intention de finaliser la vente.

3. La SCCV ayant refusé de signer l'acte authentique, la société Azzurro l'a assignée en vente forcée et en paiement de la clause pénale. Reconventionnellement, la SCCV a sollicité le paiement à son profit de la clause pénale.


Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La SCCV fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en résolution de la vente, d'ordonner la cession forcée de la vente, de la condamner au paiement de la clause pénale et de la condamner à s'acquitter du prix de vente dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt, alors « que lorsque les parties à une promesse synallagmatique de vente ont subordonné la réalisation de la vente à la passation de l'acte authentique, l'arrivée de la date fixée pour la réitération de la vente par acte authentique a un effet extinctif de la promesse ; que cette date arrivée, le bénéficiaire ne peut plus agir en exécution forcée ; qu'en l'espèce, la promesse stipulait, en sa clause « Réalisation », que les parties s'obligeaient à « constater par acte authentique la réalisation définitive de la vente » et que l'acte authentique était appelé à «faire état du caractère définitif de la vente » ; qu'elle évoquait encore en diverses stipulations que la conclusion de l'acte authentique constituait un élément à part entière de la réalisation de la vente ; que telle est la raison pour laquelle n'était pas insérée la clause-type en vertu de laquelle à compter de la date limite de passation de l'acte authentique, simplement constitutive, les parties pouvaient agir en exécution forcée ; qu'en retenant cependant qu'eu égard aux stipulations de la promesse, il convenait de considérer que la date prévue pour la régularisation de l'acte authentique constituait non un délai extinctif mais le point de départ à partir duquel l'une des parties pourrait obliger l'autre à s'exécuter, la cour d'appel a méconnu les termes du contrat et a violé les articles 1103 et 1192 du code civil🏛. »


Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a souverainement retenu, par motifs propres et adoptés, qu'eu égard aux stipulations de la promesse, il convenait de considérer que, une fois les conditions suspensives réalisées, la date prévue pour la régularisation de l'acte authentique mentionnée à l'acte constituait non un délai extinctif, mais le point de départ à partir duquel l'une des parties pourrait obliger l'autre à s'exécuter.

6. Elle a relevé que la résolution de la promesse supposait que fût adressée au cocontractant une mise en demeure mentionnant l'intention de se prévaloir de la résolution ou de la défaillance et constaté que la SCCV n'avait pas adressé à la société Azzurro une mise en demeure répondant aux exigences de l'article 1226 du code civil🏛 et aux stipulations du contrat.

7. Elle a exactement déduit que la venderesse ne pouvait se prévaloir ni de la résolution ni de la renonciation à la promesse de vente, que la vente était parfaite et que les demandes de la SCCV devait être rejetées.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.


Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. La SCCV fait grief à l'arrêt d'ajouter au jugement et de condamner la société Azzurro à s'acquitter du prix dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt, alors « que le juge ne peut pas méconnaître l'objet du litige ; que la société Azzurro n'avait pas demandé à la cour d'appel d'ajouter au jugement et de lui accorder un délai de quinze jours à compter de la date de signification de l'arrêt pour s'acquitter du prix de vente ; qu'en adoptant une telle décision, la cour d'appel a donc méconnu l'objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile🏛 :

12. Aux termes de ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.


13. Après avoir ordonné la vente forcée de la vente, l'arrêt condamne la société Azzurro à s'acquitter du prix dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt.

14. En statuant ainsi, alors que la société Azzurro n'avait pas sollicité de délai pour le paiement du prix de vente, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

15. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du code de procédure civile.

16. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

17. En application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt du 7 mai 2021 condamnant la société Azzurro à s'acquitter du prix dans un délai de quinze jours à compter de sa signification n'entraîne pas, par voie de conséquence, celle de l'arrêt rectificatif du 1er avril 2022 qui n'en est ni la suite, l'application ou l'exécution et qui ne s'y rattache pas par un lien de dépendance nécessaire.


PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il condamne la société Azzurro à s'acquitter du prix dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt, l'arrêt rendu le 7 mai 2021 par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à annulation de l'arrêt rectificatif du 1er avril 2022 ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elles exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Epicurien


PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Epicurien fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Epicurien de sa demande de résolution de la promesse de vente, d'avoir ordonné la cession au prix de 1 980 000 euros toutes taxes comprises par la société Epicurien à la société Azzurro des parcelles objet de la promesse du 11 octobre 2018, déduction faite de la somme de 82 500 euros au titre du dépôt de garantie, d'avoir dit que le jugement confirmé tient lieu d'acte authentique de vente et sera publié au service de la publicité foncière de Corbeil-Essonnes à l'initiative de la partie la plus diligente, d'avoir condamné la société Epicurien à verser à la société Azzurro la somme de 165 000 euros au titre de la clause pénale, portant intérêt à taux légal à compter du 10 juillet 2019, d'avoir ordonné la libération au profit de la société Azzurro de la somme de 82 500 euros versée au titre du dépôt de garantie dans la comptabilité du notaire et dit que cette somme s'imputera sur la somme due au titre de la clause pénale, et d'avoir condamné la société Azzurro à s'acquitter du prix dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt,

ALORS QUE lorsque les parties à une promesse synallagmatique de vente ont subordonné la réalisation de la vente à la passation de l'acte authentique, l'arrivée de la date fixée pour la réitération de la vente par acte authentique a un effet extinctif de la promesse ; que cette date arrivée, le bénéficiaire ne peut plus agir en exécution forcée ; qu'en l'espèce, la promesse stipulait, en sa clause « Réalisation », que les parties s'obligeaient à « constater par acte authentique la réalisation définitive de la vente » et que l'acte authentique était appelé à « faire état du caractère définitif de la vente » ; qu'elle évoquait encore en diverses stipulations la réalisation de la vente par l'acte authentique ; qu'il s'ensuit que les parties avaient convenu que la conclusion de l'acte authentique constituait un élément à part entière de la réalisation de la vente ; que telle est la raison pour laquelle n'était pas insérée la clause-type en vertu de laquelle à compter de la date limite de passation de l'acte authentique, simplement constitutive, les parties pouvaient agir en exécution forcée ; qu'en retenant cependant qu'eu égard aux stipulations de la promesse, il convenait de considérer que la date prévue pour la régularisation de l'acte authentique constituait non un délai extinctif mais le point de départ à partir duquel l'une des parties pourrait obliger l'autre à s'exécuter, la cour d'appel a méconnu les termes du contrat et a violé les articles 1103 et 1192 du code civil🏛.


SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

La société Epicurien fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, ajoutant au jugement, condamné la société Azzurro à s'acquitter du prix dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt,

1°) ALORS QUE le juge ne peut pas méconnaître l'objet du litige ; que la société Azzuro n'avait pas demandé à la cour d'appel d'ajouter au jugement et de lui accorder un délai de quinze jours à compter de la date de signification de l'arrêt pour s'acquitter du prix de vente ; qu'en adoptant une telle décision, la cour d'appel a donc méconnu l'objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile🏛 ;

2°) ALORS QUE, à tout le moins, le jugement tenant lieu d'acte authentique de vente doit respecter les stipulations de la promesse de vente qu'il met à exécution ; qu'en l'espèce, la promesse de vente stipulait que le prix serait payé comptant au jour de la signature de l'acte authentique, les parties soumettant formellement la réalisation de la promesse et le transfert de propriété au paiement par l'acquéreur, au plus tard au moment de l'acte authentique de vente, de l'intégralité du prix payable comptant ; que le jugement entrepris, assorti de l'exécution provisoire, avait donné acte à la société Azzurro de ce qu'en exécution de ces stipulations, elle s'acquitterait du prix de vente dans le délai de quinze jours suivant sa délivrance ; qu'en condamnant cependant la société Azzurro à s'acquitter du prix dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt, tout en confirmant que le jugement tenait lieu d'acte authentique, la cour, accordant ainsi un délai supplémentaire à l'acquéreur, a méconnu la loi des parties, en violation de l'article 1103 du code civil🏛.

3°) ALORS QUE, en tout état de cause, le jugement assorti de l'exécution provisoire doit être exécuté en dépit de l'appel ; que le jugement entrepris, assorti de l'exécution provisoire, avait donné acte à la société Azzurro de ce qu'en exécution des stipulations de la promesse, elle s'acquitterait du prix de vente dans le délai de quinze jours ; qu'en accordant à la société Azzuro un délai supplémentaire de plus de dix-huit mois afin de s'acquitter de son obligation de payer le prix, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil🏛 et les articles 515 et suivants du code de procédure civile🏛.

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