Jurisprudence : Cass. civ. 1, 15-06-2022, n° 21-12.742, F-B, Cassation

Cass. civ. 1, 15-06-2022, n° 21-12.742, F-B, Cassation

A470177A

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:C100503

Identifiant Legifrance : JURITEXT000045940003

Référence

Cass. civ. 1, 15-06-2022, n° 21-12.742, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/85615479-cass-civ-1-15062022-n-2112742-fb-cassation
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Abstract

Lors de l'appréciation du taux d'atteinte permanente lié à la survenue d'un accident médical au sens de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique, il ne peut être tenu compte du taux préexistant à l'acte médical en cause, lorsque cet acte aurait permis d'y remédier en l'absence d'accident


CIV. 1

CF


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2022


Cassation partielle


M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 503 F-B

Pourvoi n° J 21-12.742


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022


Mme [C] [Aa], épouse [T], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-12.742 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nocosomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [N], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nocosomiales, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 novembre 2020), Le 12 avril 2012, Mme [T] a été opérée au sein de la clinique [5], exploitée par l'Association hospitalière de l'ouest, d'une arthrose du genou gauche et une prothèse a été posée. Après l'ablation du cathéter crural posé pour les besoins de l'anesthésie générale par Mme [F], médecin-anesthésiste, elle a conservé des troubles moteurs du membre inférieur gauche.

2. Les 17, 19 novembre 2015 et 9 mars 2016, elle a assigné en indemnisation Mme [F], l'Association hospitalière de l'ouest et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4].

3. Mme [F] et l'Association hospitalière de l'ouest ont été mises hors de cause.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [T] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation au titre de la solidarité nationale, alors « que la réparation au titre de la solidarité nationale s'exerce relativement aux dommages provoqué par un acte de prévention, de diagnostic ou de soin, à l'occasion duquel l'accident médical est survenu ; qu'en l'espèce, en retenant, pour considérer que les dommages invoqués par Mme [T] comme relevant de la réparation due au titre de la solidarité nationale, ne résultaient pas pour le tout de l'accident médical survenu lors de l'intervention du 12 avril 2012, qu'une partie d'entre eux était imputable à son état de santé antérieur tenant à ce qu'elle était contrainte d'utiliser deux cannes anglaises et à ce qu'elle présentait un terrain psychique fragilisé, sans rechercher si cet état de santé antérieur ne procédait pas de l'arthrose du genou gauche à laquelle l'intervention du 12 avril 2012 avait mis fin par la mise en place d'une prothèse, de sorte que l'ensemble des dommages s'étant manifestés postérieurement ne pouvait résulter que de l'accident médical survenu lors de cette intervention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1142-1 et D. 1142-1 du code de la santé publique🏛 ».


Réponse de la Cour

Vu les articles L.1142-1, II, et D. 1142-1 du code de la santé publique🏛 :

5. Selon ces textes, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret qui est apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire et qui est notamment retenu dans le cas d'un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique fixé à 24 %.

6. Lors de l'appréciation du taux d'atteinte permanente lié à la survenue d'un accident médical au sens du premier de ces textes, il ne peut être tenu compte du taux préexistant à l'acte médical en cause, lorsque cet acte aurait permis d'y remédier en l'absence d'accident.

7. Pour rejeter la demande d'indemnisation au titre de la solidarité nationale formée par Mme [T], après avoir constaté que ses préjudices étaient au moins pour partie imputables à la mise en place d'un cathéter crural et avaient eu des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci, l'arrêt retient qu'elle présente un déficit fonctionnel permanent de 40 % qui doit être diminué du taux d'incapacité de 20 % résultant de son état de santé antérieur à l'intervention, tant physique en raison de troubles fonctionnels nécessitant de recourir à des cannes anglaises, que psychologique, qu'elle ne rapporte pas la preuve d'un déficit fonctionnel permanent de 24 % et en déduit que la condition de gravité du dommage n'est pas remplie.

8.En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, la part du déficit fonctionnel permanent préexistant lié à l'arthrose auquel il avait été remédié par la pose de la prothèse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.



PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il met hors de cause Mme [F] et la société Association hospitalière de l'Ouest et condamne Mme [T] à leur payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, l'arrêt rendu le 9 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;

Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [N]

Mme [C] [T] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes formées à l'encontre de l'ONIAM tendant principalement à le voir condamner à lui verser la somme de 1 505 136,57 euros en réparation des préjudices ayant résulté de l'accident médical survenu à la suite de l'intervention du 12 avril 2012 ;

ALORS QUE la réparation au titre de la solidarité nationale s'exerce relativement aux dommages provoqué par un acte de prévention, de diagnostic ou de soin, à l'occasion duquel l'accident médical est survenu ;
qu'en l'espèce, en retenant, pour considérer que les dommages invoqués par Mme [C] [T] comme relevant de la réparation due au titre de la solidarité nationale, ne résultaient pas pour le tout de l'accident médical survenu lors de l'intervention du 12 avril 2012, qu'une partie d'entre eux était imputable à son état de santé antérieur tenant à ce qu'elle était contrainte d'utiliser deux cannes anglaises et à ce qu'elle présentait un terrain psychique fragilisé, sans rechercher si cet état de santé antérieur ne procédait pas de l'arthrose du genou gauche à laquelle l'intervention du 12 avril 2012 avait mis fin par la mise en place d'une prothèse, de sorte que l'ensemble des dommages s'étant manifestés postérieurement ne pouvait résulter que de l'accident médical survenu lors de cette intervention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1142-1 et D. 1142-1 du code de la santé publique🏛.

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