Jurisprudence : CA Bordeaux, 08-06-2022, n° 19/05855, Infirmation partielle

CA Bordeaux, 08-06-2022, n° 19/05855, Infirmation partielle

A053577X

Référence

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COUR D'APPEL DE BORDEAUX


PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE


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ARRÊT DU : 08 JUIN 2022


N° RG 19/05855 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LJTY


[Y] [H]


c/


CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE PERIGORD


Nature de la décision : AU FOND


Grosse délivrée le :


aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 octobre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BERGERAC (RG : 18/00201) suivant déclaration d'appel du 07 novembre 2019



APPELANT :


[Y] [H]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 4] ([Localité 4])

de … …

… [… …]


représenté par Maître Guillaume DEGLANE de la SCP DE LAPOYADE - DEGLANE - JEAUNAUD, avocat au barreau de PERIGUEUX


INTIMÉE :


CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE PERIGORD, prise en la personne son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 2]


représentée par Maître Alice DELAIRE de la SELARL SELARL PIPAT - DE MENDITTE - DELAIRE - DOTAL, avocat au barreau de PERIGUEUX



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue le 13 avril 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Jean-François BOUGON, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport,


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :


Roland POTEE, président,

Vincent BRAUD, conseiller,

Jean-François BOUGON, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,


Greffier lors des débats : Véronique SAIGE


ARRÊT :


- contradictoire


- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛.


FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :


La CRCAM Charente Périgord poursuit M. [Y] [H], ès qualités de caution de la Sas Ellipse dont il est le président, en paiement d'un solde débiteur d'une ligne de crédit de 200.000 € consentie à la Sas Ellipse le 2 juillet 2014 et dénoncée le 17 septembre 2015.


Le tribunal de grande instance de Bergerac, par jugement du 4 octobre 2019, auquel il est référé pour plus ample libellé des faits et moyens alors développés par les parties, déclare l'action de la CRCAM recevable et condamne M. [Y] [H] à payer à la CRCAM, la somme de 184.932,99 € avec intérêts calculés au taux légal à compter du 23 février 2018, date de l'acte introductif d'instance, et la somme de 2.000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, avant de le condamner aux dépens de l'instance.


*



M. [Y] [H] relève appel de cette décision le 7 novembre 2019 dont il poursuit l'infirmation. A titre principal, il fait valoir que la banque ne dispose pas d'une créance liquide et exigible qu'elle pourrait lui opposer en sa qualité de caution. Il entend également être déchargé de son engagement à raison des fautes commises par la banque, qui a renoncé à diverses garanties ou qui a omis de prendre une hypothèque sur les biens de la débitrice principale et qui, sans autorisation de la débitrice et sans en aviser la caution, a utilisé les sommes déposées sur le compte support pour régler les échéances d'autres prêts que l'ouverture de crédit.


Plus subsidiairement, il reproche à la banque une imputation non conforme aux dispositions de l'article 1256 ancien du code civil🏛 pour avoir privilégié le remboursement d'autres prêts alors que la ligne de crédit était la dette la plus onéreuse qu'il convenait de rembourser en premier. Il estime que, compte tenu des versements effectués sur cette ligne de crédit (163.988,63 €), son obligation ne saurait excéder 36.011,37 €, étant entendu que, faute de lui avoir adressé l'information annuelle, ès qualités de caution, il est déchargé du paiement des frais et commissions dont les montants ne sont d'ailleurs pas justifiés. Il voudrait que l'indemnité de 7%, qui s'analyse comme une clause pénale, soit ramenée à un centime d'euro.


Enfin, il sollicite un délai de deux ans pour s'acquitter de toute somme dont il serait reconnu débiteur, il demande la mainlevée de l'hypothèque judiciaire prise sur son domicile et il réclame 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


*


La CRCAM conclut à la confirmation de la décision déférée, sauf à condamner M. [Y] [H] à lui payer une somme de 181.261,37 €, outre intérêts calculés au taux légal à compter de l'assignation du 23 février 2018 et, ajoutant, de déclarer irrecevable ou subsidiairement non fondée la demande de M. [Y] [H] tendant à voir juger qu'elle ne disposerait d'aucune créance admise par le juge commissaire qui serait opposable à la caution. Elle réclame 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


A titre liminaire, la CRCAM explique que M. [Y] [H], qui a reconnu devant le premier juge que le contentieux de l'admission de la créance de la banque au passif de la société Ellipse était étranger à l'action dirigée contre lui par la banque, ne peut, sans se contredire, venir soutenir le contraire devant la cour. En tout état de cause, l'absence de production de la créance à la procédure collective du débiteur principal n'a pas pour effet d'éteindre la créance, mais bien seulement de la rendre inopposable à la procédure collective.


Sur les fautes prétendues du banquier.


Rectifiant les assertions de l'appelant, la banque rappelle que ce n'est pas la société ICE qui a obtenu en 2012 un crédit global de trésorerie de 700.000 € mais bien la société Ellipse. Elle précise que ce crédit a fait l'objet d'une restructuration en 2014 comme suit :

- une ouverture de crédit de 200.000 € cautionnée par M. [Y] [H],

- un prêt moyen terme amortissable 100.000 €, également cautionné par M. [Y] [H],

- un prêt court terme de 400.000 € dont l'emprunteur est la société ICE pour le financement du foncier d'un immeuble situé à [Adresse 3], garanti par une hypothèque de premier rang.


La banque fait observer que s'il n'entrait pas dans l'objet social de la société Ellipse de financer le coût des constructions réalisées par une de ses filiales, il appartenait à M. [Aa] [H], qui était le dirigeant de ces deux sociétés, de refuser l'opération.


Sur le reproche de défaut de mise en garde de la caution, la banque fait observer que M. [Y] [H] oublie qu'il était une caution avertie compte tenu de ses mandats sociaux, notamment auprès des sociétés concernées.


Sur le défaut de prise d'une garantie hypothécaire et/ou d'un cautionnement solidaire du groupe Vigier, la banque explique qu'elle pouvait parfaitement se contenter d'une caution solvable.


Sur la rupture abusive de concours bancaire et l'imputation des règlements sur d'autres prêts, la banque fait observer que les difficultés de la société Ellipse étaient antérieures à la dénonciation de la ligne de crédit (17 septembre 2015), la date de cessation des paiements ayant été remontée par jugement du 18 novembre 2018 au 30 avril 2015. La banque souligne qu'elle a proposé à la société Ellipse un plan de remboursement qui a été accepté en janvier 2016.


Sur la régularité des imputations, la banque fait observer que la ligne de crédit n'emportait pas novation des engagements initiaux et que la société Ellipse devait régler les prêts en cours. Elle précise que les imputations faites étaient favorables à la société Ellipse car les prêts concernés étaient antérieurs et plus onéreux que l'ouverture de crédit.


Sur l'information de la caution, la banque souligne qu'en sa qualité de dirigeant de la débitrice principale, l'intéressé avait une vision complète de l'état des engagements de la société et donc des siens propres.


La banque s'oppose à la demande de délai de grâce que rien ne vient justifier.


Les parties s'accordent à l'audience pour voir reporter la clôture de la procédure afin d'admetttre les dernières écritures de l'appelant en réponse à celles de l'intimée, signifiées la veille de la clôture.



MOTIFS DE LA DÉCISION :


1.- Sur la liquidité de la créance et sur la procédure d'admission de la créance au passif de la société Ellipse et l'exigibilité de la créance de la banque à l'égard de la caution.


Le cautionnement signé par l'appelant prévoit que la caution peut être actionnée sur simple lettre recommandée dès lors que la créance sur l'emprunteur deviendra exigible pour une raison quelconque et notamment en cas de déchéance du terme. Au cas d'espèce, la banque a mis fin à son concours par courrier du 17 septembre 2015, laissant à la société Ellipse deux mois pour régulariser la situation, sous peine d'exigibilité du solde du compte. Le 15 décembre 2016, soit un an après la mise en demeure infructueuse adressée au débiteur principal, il était loisible à la CRCAM, de poursuivre la caution en règlement des sommes qui lui restaient dues. Par ailleurs, le litige pendant devant la cour sur l'admission de la créance de la CRCAM au passif de la Sas Ellipse n'a pas trait à la validité de la créance, mais bien seulement à son opposabilité à la procédure collective. Dès lors, cette action ne prive pas la banque du droit de poursuivre la caution solidaire, ès qualités, en paiement des sommes qui lui sont dues. La caution ne peut opposer à la banque que les exceptions qui lui seraient propres.


2.- Sur les comportements fautifs de la banque vis-à-vis de la caution.


A.- La ligne de crédit de crédit litigieuse a été souscrite en 2014 par la Sas Ellipse dans le cadre de la restructuration d'un crédit de 700.000 € qui lui avait été consenti en 2012. M. [Y] [H] semble reprocher à la banque d'avoir failli à son obligation de conseil et ou d'information en lui faisant cautionner l'engagement litigieux. Toutefois, comme le rappelle la banque, M. [Y] [H], avant d'être caution, est le dirigeant de la société Ellipse. Il s'agit donc d'une caution avertie et intéressée qui n'ignorait rien des risques qu'elle prenait en donnant sa garantie et qui était parfaitement à même de discuter des garanties qu'il convenait ou non de donner à la banque et à qui il appartenait le cas échéant de proposer toute garantie comme celle de la GVE s'il pensait possible et utile de le faire. La banque n'avait pas l'obligation d'exiger des garanties multiples, ce qui d'allieurs, aurait eu un coût pour la société cautionnée, et pouvait parfaitement se contenter de la garantie d'une caution notoirement solvable et avertie ne serait-ce que par ses fonctions et l'intérêt qu'elle avait à l'opération. On notera que M. [Y] [H] ne discute pas de la régularité de son engagement, ni de sa capacité lors de son engagement à garantir sur son patrimoine la somme litigieuse.


B.- M. [Y] [H] reproche à la banque d'avoir prélevé sur les paiements arrivés sur le compte litigieux les échéances d'autres prêts. Toutefois, il ressort du contrat signé par la société Ellipse et approuvé par la caution (page 3 du contrat Engagements de l'emprunteur) que l'emprunteur autorise le prêteur à prélever sur les fonds prêtés le montant des frais ainsi que de toutes sommes dues et non encore payées par l'emprunteur. Aussi, M. [Y] [H], dirigeant de la société Ellipse, avant d'être caution, ne peut sérieusement soutenir que la banque 'en prélevant des sommes à son profit' a agi 'en dehors de toute stipulation contractuelle', ni que cette disposition lui avait été cachée et qu'il ignorait que les mensualités des prêts contractés par la société étaient prélevées sur cette ligne de crédit. En effet, en acceptant les prélèvements des mensualités impayées des prêts sur cette ligne de crédit, l'emprunteur et la caution ont nécessairement renoncé à donner priorité au remboursement de l'ouverture de crédit cautionnée. Pour le surplus, il n'est pas contesté que les dettes éteintes par ces prélèvements étaient plus anciennes et plus onéreuses que l'ouverture de crédit.


C.- sur la rupture abusive de crédit.


La banque était en droit de dénoncer la ligne de crédit dont le plafond avait été dépassé et alors que la société restait devoir plus de 6.500 € au titre de ses autres prêts dont elle avait cessé de payer les mensualités. Toutefois, loin d'avoir abusé de son droit, la banque s'est montrée compréhensive qui a accepté un échéancier de remboursement sur deux ans avec des mensualités progressives que la société a payées jusqu'à sa mise en redressement judiciaire.


3.- Sur le décompte


A. - la clause pénale.


Si le juge a la faculté de réduire une clause pénale, cette réduction ne peut intervenir que dans la mesure ou cette clause contractuelle, qui a pour objet d'inciter le débiteur à s'acquitter de sa dette, apparaîtrait comme excessive ou injustifiée. Au cas d'espèce son taux n'a rien d'exorbitant et en raison de l'ancienneté de la dette et de la dérobade de la caution, la banque est bien fondée à réclamer le paiement de la peine contractuelle.


B. - sur le défaut d'information de la caution.


La caution, dirigeant de la société cautionnée, cas de l'espèce, ne peut se prévaloir du défaut d'information.


C.- le solde de la dette arrêté au 23 février 2018, ajoutée l'indemnité de 7% et retiré le règlement de 18.738, 63 €, ressort effectivement à 181.261,37 € outre intérêts calculés au taux légal à compter du 23 février 2018.


4.- sur l'octroi de délais de paiement.


Pour justifier sa demande de délais, l'appelant explique que le liquidateur serait bientôt à même d'apurer la créance de la CRCAM et il en veut pour preuve sa pièce n°5. Toutefois, au vu cette pièce remontant à trois ans ( courrier du liquidateur du 1er avril 2019 ), si la procédure collective paraissait à même de régler partie de la créance hypothécaire de la banque, il n'est pas établi qu'elle était en mesure de régler le solde débiteur de la ligne de crédit litigieuse dont il est constant que son admission à la procédure collective est discutée devant la cour d'appel. En conséquence la demande de délais sera rejetée.


5.- sur les mesures accessoires.


Il convient d'arbitrer à 2.500 € l'indemnité due à la banque au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 et M. [Y] [H] supportera la charge des dépens de l'instance.



PAR CES MOTIFS


LA COUR


Déclare l'appel recevable en la forme,


Rapporte l'ordonnance de clôture et fixe la clôture au 12 avril 2022, veille de l'audience,


Confirme la décision déférée sauf à ramener la créance de la banque à l'encontre de M. [Y] [H] à la somme de 181.261,37 € outre intérêts calculés au taux légal à compter du 23 février 2018,


Y ajoutant, condamne M. [Y] [H] à payer à la CRCAM Charente Périgord une indemnité de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


Condamne M. [Y] [H] aux dépens de l'instance.


Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le Greffier,Le Président,

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