Jurisprudence : CA Rennes, 08-06-2022, n° 22/00454, Infirmation partielle


1ère Chambre


ARRÊT N°227/2022


N° RG 22/00454 - N° Portalis DBVL-V-B7G-SNDT


LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 13] A


C/


M. [Aa] [Z] [E] [N]

Mme [W] [C] [N] [G]

BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES


Copie exécutoire délivrée


le :


à :


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 JUIN 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :


Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,


GREFFIER :


Madame B C, lors des débats et lors du prononcé


DÉBATS :


A l'audience publique du 28 Mars 2022 devant Madame Aline DELIÈRE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial


ARRÊT :


réputé contradictoire, prononcé publiquement le 08 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats


****



APPELANTE :


La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 13] SÉVIGNÉ (anciennement dénommée CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 13] [Localité 9]), agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 13]


Représentée par Me Gilles DAUGAN de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Elizabeth RINCAZAUX de la SELARL LE MAGUER-RINCAZAUX, Plaidant, avocat au barreau de [Localité 13]


INTIMÉS :


Monsieur [Aa] [Z] [E] [N]

né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 14] (44)

[Adresse 7]

[Localité 11]


Représenté par Me Julie DRONVAL de la SELAS LES JURISTES D'ARMORIQUE, avocat au barreau de [Localité 13]


Madame [W] [C] [N] [G]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 10] (86)

[Adresse 7]

[Localité 11]


Représentée par Me Julie DRONVAL de la SELAS LES JURISTES D'ARMORIQUE, avocat au barreau de [Localité 13]


La BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST (anciennement dénommée BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE), société anonyme coopétative de banque populaire, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 6]


Représentée par Me Anne-Laure GAUVRIT de la SELARL LBG ASSOCIES, avocat au barreau de VANNES


La DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES, au domicile élu

TRESOR PUBLIC de [Localité 13]-IMPÔTS

[Adresse 2]

[Localité 13]


Régulièrement assignée par acte d'huissier du 22 février 2022 remis à personne habilitée, n'a pas constitué



FAITS ET PROCÉDURE


Le 23 mars 2001, par acte de Me [K], notaire à [Localité 8] (56), la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 13] Sévigné (la caisse de crédit mutuel) a consenti aux époux [P] [N] et [W] [T] un prêt immobilier de 107 888 euros, au taux de 3,27 %. Un avenant a été conclu le 3 mai 2004.


Le remboursement de ce prêt était garanti par une inscription de privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle prise au bureau des hypothèques de [Localité 13] le 21 mai 2001 (1er bureau, volume 2001 V n°1285 à 1286) sur un immeuble à usage d'habitation, situé à [Adresse 12].


Le 29 novembre 2013, par acte de Me [V], notaire à Moellan sur Mer, la société Banque populaire atlantique (devenue la banque populaire Grand Ouest) (la banque populaire) a consenti aux époux [N] un prêt professionnel de restructuration de 60 000 euros au taux de 4,45 %.


Ce prêt était garanti par une hypothèque conventionnelle prise le 10 décembre 2013 sur l'immeuble situé à [Localité 11] (bureau des hypothèques de [Localité 13], 1er bureau, le 10 décembre 2013, volume 2013 V n°3726).


La déchéance du terme du prêt accordé par la caisse de crédit mutuel a été prononcée le 29 mars 2016. La déchéance du terme du prêt accordé par la la banque populaire a été prononcée le 27 avril 2016.


Le 27 mai 2016 le tribunal de commerce de [Localité 13] a prononcé le redressement judiciaire de M. [Ab].


La caisse de crédit mutuel a déclaré sa créance le 6 juin 2016 et la banque populaire le 6 février 2017.


Le 22 juillet 2016 le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire.


Le 16 septembre 2016 la liquidation judiciaire a été étendueAbà Mme [N].


Le 3 avril 2018 le tribunal de commerce de [Localité 13] a clôturé la procédure pour insuffisance d'actif.


Le 10 octobre 2016 la caisse de crédit mutuel avait fait signifier aux époux [N] un commandement de payer valant saisie du bien immobilier situé à [Localité 11], publié au service de la publicité foncière de [Localité 13] le 18 novembre 2016.


Le 12 janvier 2017 elle a assigné les époux [Ab] devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de [Localité 13] à une audience d'orientation.


Par jugement du 26 octobre 2017, rendu en présence de la banque populaire et de la direction générale des finances publiques (DGFP), créanciers inscrits, le juge de l'exécution a :

-constaté que la créance de la caisse de crédit mutuel s'élève à la somme de 70 308,11 euros en principal, frais, intérêts et accessoires arrêtés au 28 juin 2017,

-accordé aux époux [N] un délai d'une année pour s'acquitter de l'intégralité de leur dette,

-rappelé que la décision suspend la procédure de saisie immobilière.


Le 17 septembre 2018 les époux [N] ont saisi la commission de surendettement du Morbihan, qui, par décision du 18 octobre 2018, a déclaré leur demande recevable.


Par jugement du 9 octobre 2019 le tribunal d'instance de [Localité 13] a rejeté'la contestation des époux [N] relative à la créance de la caisse de crédit mutuel et fixé la créance de celle-ci à la somme de 69 580,15 euros.


Les époux [Ab] ont contesté les mesures de redressement proposées par la commission de surendettement. Par décision du 17 décembre 2019 la commission de surendettement a constaté le défaut d'accord amiable entre les parties. Le dossier de surendettement a été clôturé, les époux [Ab] n'ayant pas sollicité la poursuite de la procédure vers des mesures imposées.


Le 9 juillet 2020 la caisse de crédit mutuel a assigné les époux [Ab] devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de [Localité 13] pour voir constater la péremption du commandement de payer du 19 octobre 2016, au visa des articles R321-9 et suivants du code des procédures civiles d'exécution🏛.


Par jugement du 8 octobre 2020 le juge de l'exécution a constaté la péremption et ordonné sa radiation des livres du service de la publicité foncière de [Localité 13].


Le 7 janvier 2021 la caisse de crédit mutuel a fait signifier aux époux [N] un nouveau commandement valant saisie immobilière du bien situé à [Localité 11] (56). Ce commandement a été publié au service de la publicité foncière de [Localité 13], premier bureau, le 26 février 2021 (volume 2021 S n°6).


Le 21 avril 2021 elle a assigné les époux [N] à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de [Localité 13].


Le 3 juin 2021 la banque populaire a déclaré sa créance au greffe du tribunal pour un montant de 59 926,43 euros.



Par jugement du 20 janvier 2022 le juge de l'exécution a :

-déclaré irrecevable l'action engagée par la caisse de crédit mutuel et la banque populaire à l'encontre des époux [N],

-rejeté l'ensemble de leurs demandes,

-ordonné la mainlevée du commandement aux fins de saisie immobilière du 7 janvier 2021, publié au service de la publicité foncière de [Localité 13] 1, le 26 février 2021, volume 2021 S n°6,

-condamné la caisse de crédit mutuel aux entiers dépens et à payer aux époux [Ab] une indemnité de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.



La caisse de crédit mutuel a fait appel le 25 janvier 2022 de tous les chefs du jugement et a été autorisée, par ordonnance du 10 février 2022, à assigner les époux [N] à jour fixe à l'audience du 28 mars 2022.


Les assignations ont été signifiées les 16, 18 et 22 février 2022 aux époux [N] et aux créanciers inscrits.


La caisse de crédit mutuel expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 21 mars 2022, auxquelles il est renvoyé.


Elle demande à la cour de :

-réformer le jugement en toutes ses dispositions,

-débouter les époux [N] de toutes leurs demandes

-les condamner solidairement à lui payer la somme de 5000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,

-les condamner solidairement à lui payer la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

-constater que le créancier poursuivant, titulaire d'une créance liquide et exigible, agit en vertu d'un titre exécutoire, comme il est dit aux articles L311-2 et suivants du code des procédures civiles d'exécution🏛, déterminer les modalités de poursuite de la procédure, mentionner le montant de la créance du créancier poursuivant en principal, frais, intérêts et autres accessoires, au jour du «'jugement'» à intervenir,

-en cas de vente forcée, fixer la date de l'audience de vente, déterminer les modalités de visite de l'immeuble et l'autoriser à faire paraître une insertion complémentaire sur le site Internet de vente aux enchères immobilières du conseil national des barreaux : AVOVENTES.fr. ,

-ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente y compris ceux relatifs à la publicité complémentaire.


Les époux [N] exposent leurs moyens et leurs demandes dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 25 mars 2022, auxquelles il est renvoyé.


Ils demandent à la cour de :

-confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-débouter la caisse de crédit mutuel de toutes ses demandes,

-débouter la banque populaire de toutes ses demandes,

-prononcer la nullité des commandements de payer valant saisie immobilière qui leur ont été signifiés le 7 janvier 2021 ou à défaut de nullité ordonner leur mainlevée,

-prononcer la nullité de tous les actes de procédure subséquents, dont l'assignation et la déclaration de créance de la banque populaire,

-déclarer l'action de la caisse de crédit mutuel et de la banque populaire irrecevable,

-déclarer prescrite la créance de la banque populaire,

-déclarer irrecevable et infondée sa déclaration de créance du 3 juin 2021.


A titre subsidiaire, ils demandent à la cour de :

-réduire l'indemnité de défaillance de 7 % et la somme au titre des intérêts contractuels réclamées par la caisse de crédit mutuel à un euro, en application de l'article 1152 alinéa 2,

-réduire l'indemnité de défaillance de 7 % et la somme au titre des intérêts contractuels réclamées par la banque populaire à un euro, sur le même fondement,

-leur accorder un délai de grâce de deux ans,

-leur accorder, à défaut, un délai de trois mois pour procéder à la vente amiable de leur immeuble.


En tout état de cause, ils demandent à la cour de :

-débouter la caisse de crédit mutuel et la banque populaire de leurs demandes,

-condamner la caisse de crédit mutuel en tous les dépens et à leur payer la somme de 4500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


La banque populaire expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 25 mars 2022, auxquelles il est renvoyé.


Elle demande à la cour de :

-réformer le jugement en toutes ses dispositions,

-débouter les époux [N] de toutes leurs demandes,

-déclarer recevable sa créance,

-la fixer à hauteur de la somme suivante :

*principal - 41 356,53 euros

*intérêts au taux de 4,45 % du 27 avril 2016 au 8 juillet 2021-9569,90 euros

*intérêts à compter du 09/07/2021 jusqu'à parfait règlement,

soit un total de 50 926,43 euros,

-condamner in solidum les époux [N] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


La direction générale des finances publiques, créancier inscrit, assignée le 22 février 2022, n'a pas constitué avocat.



MOTIFS DE L'ARRET


1) Sur la recevabilité de la demande de la caisse de crédit mutuel


Le commandement de payer du 7 janvier 2021 a été signifié aux époux [N] après le jugement du 3 avril 2018 clôturant la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre des époux [N].


L'article L643-11 I à IV du code de commerce🏛 dispose :

«'I -Le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur. Il est fait exception à cette règle :

1° Pour les actions portant sur des biens acquis au titre d'une succession ouverte pendant la procédure de liquidation judiciaire ;

2° Lorsque la créance trouve son origine dans une infraction pour laquelle la culpabilité du débiteur a été établie ou lorsqu'elle porte sur des droits attachés à la personne du créancier ;

3° Lorsque la créance a pour origine des man'uvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale mentionnés à l'article L. 114-12 du code de la sécurité sociale🏛. L'origine frauduleuse de la créance est établie soit par une décision de justice, soit par une sanction prononcée par un organisme de sécurité sociale dans les conditions prévues aux articles L. 114-17 et L. 114-17-1 du même code.

II - Les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent poursuivre le débiteur s'ils ont payé à la place de celui-ci.

III -Les créanciers recouvrent leur droit de poursuite individuelle dans les cas suivants :

1° La faillite personnelle du débiteur a été prononcée ;

2° Le débiteur a été reconnu coupable de banqueroute ;

3° Le débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, ou une personne morale dont il a été le dirigeant a été soumis à une procédure de liquidation judiciaire antérieure clôturée pour insuffisance d'actif moins de cinq ans avant l'ouverture de celle à laquelle il est soumis ainsi que le débiteur qui, au cours des cinq années précédant cette date, a bénéficié des dispositions de l'article L. 645-11 ;

4° La procédure a été ouverte en tant que procédure territoriale au sens du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (CE) n° 1346/2000⚖️ du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité ou au sens du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 2015/848⚖️ du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité.

IV.-En outre, en cas de fraude à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier à l'encontre du débiteur. Le tribunal statue lors de la clôture de la procédure après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, le liquidateur et les contrôleurs. Il peut statuer postérieurement à celle-ci, à la demande de tout intéressé, dans les mêmes conditions.'»


Les époux [N] soutiennent qu'en application de ces dispositions leurs créanciers ont perdu leur droit de poursuite individuelle et ne peuvent plus agir à leur encontre, comme l'a retenu le juge de l'exécution.


La caisse de crédit mutuel soutient qu'elle avait le droit d'engager une procédure de saisie immobilière.


Elle soutient, comme la banque populaire, que l'article L643-11 du code de commerce🏛 ne s'applique pas parce que le commandement valant saisie immobilière n'est pas un acte d'exécution mais a seulement vocation à interrompre la prescription. Or le commandement est le premier acte de la procédure de saisie immobilière et est bien un acte d'exécution et de poursuite.


Elle fait valoir ensuite que l'article L643-11 du code de commerce🏛 ne s'applique qu'aux créanciers professionnels du débiteur et non aux créanciers personnels. Mais l'article L643-11 du code de commerce🏛 ne distingue pas entre les créanciers. Tous les créanciers doivent déclarer leurs créances antérieures à l'ouverture de la procédure, sans distinguer selon leur nature, et sont soumis à l'interdiction de reprise des poursuites individuelles après la clôture pour insuffisance d'actif, sauf s'ils relèvent des exceptions légales.


Elle fait valoir enfin que le bien saisi n'a jamais été déclaré insaisissable, qu'il a donc pu être saisi en 2017, alors que la procédure collective était en cours, et qu'il peut toujours l'être en 2021. Elle rappelle à ce propos les dispositions de l'article L526-1 du code de commerce🏛 et soutient que le bien immobilier visé par la procédure de saisie est la résidence principale des débiteurs, n'est pas soumis à la procédure collective et que les dispositions de l'article L643-11 du code de commerce🏛 ne s'appliquent pas.


Effectivement, en l'espèce, le bien immobilier saisi n'était pas insaisissable : la créance de la caisse de crédit mutuel n'est pas née à l'occasion de l'activité professionnelle des époux [N] et l'insaisissabilité de plein droit de l'article L526-1 du code de commerce🏛 ne s'applique pas ; en outre les époux [Ab] n'ont pas fait de déclaration d'insaisissabilité.


Le bien saisi était donc soumis à la procédure collective et le moyen fondé sur l'insaisissabilité du bien est inopérant.


En outre, il ressort du jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de [Localité 13] du 26 octobre 2017 qu'il n'avait pas été informé de l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre des époux [N]. S'il en avait été informé, il aurait constaté, après la mise en cause du mandataire liquidateur, la suspension des poursuites individuelles en application de l'article L622-21 du code de commerce🏛. La caisse de crédit mutuel ne peut donc soutenir, en tout état de cause, que l'autorité de la chose jugée le 26 octobre 2017 implique qu'elle avait le droit de poursuivre la saisie immobilière et qu'elle garde ce droit même après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif.


Il ne ressort pas non plus de la jurisprudence et de l'avis de la cour de cassation du 12 septembre 2016, cités par la caisse de crédit mutuel, qu'après la clôture de la procédure collective pour insuffisance d'actif le créancier titulaire d'une sûreté réelle, qui a le droit de saisir la résidence principale de son débiteur, conserve ce droit malgré l'interdiction de l'exercice individuel de l'action des créanciers contre le débiteur posée par l'article L643-11 du code de commerce🏛.


La caisse de crédit mutuel soutient que l'exception de l'article L643-11 III 3° du code de commerce s'applique au motif que la liquidation judiciaire a été prononcée et ensuite le surendettement des époux [N]. Mais l'exception vise une procédure de liquidation judiciaire antérieure clôturée pour insuffisance d'actif moins de cinq ans avant l'ouverture de celle à laquelle le débiteur est soumis ainsi que le débiteur qui, au cours des cinq années précédant cette date, a bénéficié des dispositions de l'article L. 645-11, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la procédure de surendettement ne pouvant être assimilée à une procédure de liquidation judiciaire.


Elle fait valoir ensuite que les époux [Ab] sont de mauvaise foi et ont agi en fraude de ses droits. Mais la seule mauvaise foi n'est pas équivalente à la fraude, ni l'exercice de voies de recours, ni la saisine de la commission de surendettement. Elle ne fait état d'aucun acte établissant que les époux [Ab] ont agi en fraude à son égard et ne démontre pas la fraude et en tout état de cause, elle ne justifie pas avoir saisi le tribunal d'une demande d'autorisation de reprise des poursuites, comme le prévoit l'article L. 643-11 IV du code de commerce🏛.


Enfin, le droit d'un créancier de saisir l'immeuble constituant la résidence principale du débiteur n'entre pas dans la catégorie des droits attachés à la personne du créancier, de sorte que le créancier ne peut se prévaloir de l'application de l'article L 643-11, I, 2°, du code de commerce🏛, qui autorise un créancier, dont les opérations de la liquidation judiciaire de son débiteur n'ont pas, en raison de l'insuffisance d'actif, permis de régler la créance, à recouvrer l'exercice individuel de son action contre lui. L'exception dont se prévaut la caisse de crédit mutuel ne lui est pas applicable.


La caisse de crédit mutuel n'avait pas le droit d'engager une procédure de saisie immobilière à l'encontre des époux [N] après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif le 3 avril 2018 et c'est à juste titre que le juge de l'exécution a déclaré son action irrecevable.


Le jugement sera confirmé de ce chef.


2) Sur l'intervention de la banque populaire


La banque populaire, outre la reprise de certains des moyens soulevés par la caisse de crédit mutuel, auxquels il est répondu ci-dessus, soutient quant à elle que le codébiteur solidaire d'un emprunteur objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, ne peut invoquer l'interdiction de reprendre les poursuites contre son conjoint prévue par l'article L643-11 du code de commerce🏛, qui ne lui profite pas en raison de sa qualité de débiteur tenu d'une obligation distincte.


Mais ce moyen est inopérant, Mme [Ab] ayant la qualité de co-emprunteur et ayant été soumise à la procédure de liquidation judiciaire.


Ceci étant, la banque populaire n'a pas engagé elle-même la procédure de saisie immobilière.


Dans le cadre de la présente procédure, elle n'a pas la qualité de créancier poursuivant, ayant été appelée à la cause, en application de l'article R322-6 du code des procédures civiles d'exécution🏛, et sommée de déclarer sa créance.


Son intervention n'est pas recevable, à défaut de recevabilité de l'action du créancier poursuivant.


Après infirmation du jugement, qui a déclaré son action recevable, son intervention sera déclarée irrecevable.


3) Sur les demandes de nullité des commandements de payer valant saisie immobilière et des actes de procédure subséquents


La demande des époux [N] est une demande de nullité de la procédure de saisie immobilière fondée sur l'inobservation de la règle d'ordre public résultant des dispositions de l'article L643-11 du code de commerce🏛.


Après infirmation du jugement, qui a ordonné la mainlevée du commandement valant saisie immobilière et qui n'a pas statué sur la demande de nullité des actes subséquents, il sera fait droit à la demande des époux [N] de nullité des actes de la procédure de saisie immobilière à compter de la signification des commandements valant saisie immobilière.


4) Sur la demande de la caisse de crédit mutuel de dommages et intérêts pour résistance abusive


L'action de la caisse de crédit mutuel étant déclarée irrecevable, sa demande de dommages et intérêts à l'encontre des époux [N] pour résistance abusive n'est pas fondée.


Le jugement sera confirmé pour avoir rejeté cette demande.


5) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens


Le jugement sera confirmé de ces deux chefs.


Partie perdante en appel la caisse de crédit mutuel sera condamnée aux dépens et sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 sera rejetée.


La demande de la banque populaire au même titre sera rejetée.


Il n'est pas équitable de laisser à la charge des époux [N] la totalité des frais qu'ils ont exposés qui ne sont pas compris dans les dépens et il sera fait droit à leur demande au titre de ces frais à hauteur de la somme de 2000 euros.



PAR CES MOTIFS


La cour,


Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action de la caisse de crédit mutuel de [Localité 13] Sévigné irrecevable, rejeté sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, l'a condamnée aux dépens et à payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 aux époux [P] et [W] [N],


Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action engagée par la banque populaire Grand ouest et ordonné la mainlevée du commandement aux fins de saisie immobilière du 7 janvier 2021, publié au service de la publicité foncière de [Localité 13] 1, le 26 février 2021, volume 2021 S n°6,


Statuant à nouveau et y ajoutant,


Déclare irrecevable l'intervention de la banque populaire Grand ouest,


Prononce la nullité des actes de la procédure de saisie immobilière à compter de la signification le 7 janvier 2021 aux époux [P] et [W] [N] du commandement valant saisie immobilière, publié au service de la publicité foncière de [Localité 13], premier bureau, le 26 février 2021, volume 2021 S n°6,


Déboute la caisse de crédit mutuel de [Localité 13] Sévigné et la banque populaire Grand ouest de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


Condamne la caisse de crédit mutuel de [Localité 13] Sévigné aux dépens exposés en appel et à payer aux époux [P] et [W] [N] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

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