CE 5/6 ch.-r., 01-06-2022, n° 441176
A67927Y9
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2022:441176.20220601
Référence
La société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler, d'une part, la décision implicite du 23 octobre 2015 par laquelle le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer les permis de construire relatifs à un parc éolien composé de quatre éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Nueil-sous-Faye, et, d'autre part, l'arrêté du 2 décembre 2015 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter ce parc.
Par un premier jugement n° 1600197 du 29 novembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision implicite du 23 octobre 2015 et enjoint au préfet de la Vienne de délivrer à la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye les permis de construire sollicités. Par un second jugement n° 1600199 du même jour, il a annulé l'arrêté du 2 décembre 2015 et délivré à la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye l'autorisation d'exploiter demandée.
Par un arrêt n° 18BX00294, 18BX00301, 18BX00369, 18BX00375 du 4 février 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie d'un appel dirigé contre chacun de ces jugements, d'une part, par l'association Apache et autres et, d'autre part, par M. M B, après avoir joint ces requêtes :
- n'a pas admis les interventions présentées, d'une part, par la commune de Richelieu et plusieurs particuliers, et, d'autre part, par M. B au soutien de la requête de l'association Apache et autres dirigée contre le premier jugement n° 1600197 du 29 novembre 2017 ;
- n'a pas admis l'intervention présentée par M. B au soutien de la requête de l'association Apache et autres dirigée contre le second jugement n° 1600199 ;
- a rejeté les requêtes de l'association Apache et autres, d'une part, et de M. B, d'autre part, dirigées contre les deux jugements du tribunal administratif.
1° Sous le n° 441176, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juin et 11 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Apache, M. K et Mme I D, M. L et Mme G S, M. R et Mme O T, M. E N, Mme U A, M. Q F, M. C J et Mme P H de la Valette demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en ce qu'il a rejeté leurs requêtes ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs appels ;
3°) de mettre à la charge de la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 441181, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juin et 11 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. M B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le même arrêt en ce qu'il a rejeté l'ensemble des requêtes et n'a pas admis ses interventions au soutien des requêtes de l'association Apache et autres ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses appels ;
3°) de mettre à la charge de la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
3° Sous le n° 441183, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juin et 11 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Richelieu demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le même arrêt en tant qu'il a rejeté les requêtes présentées par l'association Apache et autres et n'a pas admis son intervention au soutien de la requête de l'association Apache et autres dirigée contre le jugement n° 1600197 du 29 novembre 2017 du tribunal administratif ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses interventions ;
3°) de mettre à la charge de la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de l'association Apache et autres et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye ;
1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye a déposé le 23 décembre 2013, d'une part, des demandes de permis de construire et, d'autre part, une demande d'autorisation d'exploiter pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de quatre éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Nueil-sous-Faye. Par une décision implicite du 23 octobre 2015, le préfet de la Vienne a refusé de lui accorder les permis de construire demandés. Puis, par un arrêté du 2 décembre 2015, il a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter correspondante. Par deux jugements du 29 novembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a, d'une part, annulé la décision implicite du 23 octobre 2015 et enjoint au préfet de la Vienne de délivrer à la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye les permis de construire demandés, et, d'autre part, annulé l'arrêté du 2 décembre 2015 et délivré à cette société l'autorisation d'exploiter le parc éolien en cause. L'association Apache et autres, M. M B et la commune de Richelieu se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 4 février 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, d'une part, n'a admis ni les interventions de la commune de Richelieu et autres et de M. B au soutien de la requête de l'association Apache dirigée contre le jugement du tribunal administratif statuant sur le refus de permis de construire, ni l'intervention de M. B au soutien de la requête de l'association Apache dirigée contre le jugement du tribunal administratif statuant sur le refus d'autorisation d'exploiter, et, d'autre part, a rejeté les requêtes présentées par l'association Apache et par M. B contre ces jugements.
2. Les pourvois de l'association Apache et autres, de M. B et de la commune de Richelieu sont dirigés contre le même arrêt. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur l'arrêt en tant qu'il a statué sur la recevabilité des requêtes et des interventions :
3. En premier lieu, d'une part, la personne qui, devant le tribunal administratif, est régulièrement intervenue en défense à un recours pour excès de pouvoir est recevable à interjeter appel du jugement rendu sur ce recours contrairement aux conclusions de son intervention lorsqu'elle aurait eu qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce opposition contre le jugement faisant droit au recours. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ".
4. D'autre part, la circonstance qu'une association justifie, eu égard à son objet social, d'un intérêt pour agir contre une décision administrative ne lui donne pas, de ce seul fait, qualité pour former tierce opposition au jugement par lequel un tribunal administratif a annulé la décision refusant cette autorisation, y compris lorsque le tribunal administratif a assorti son jugement d'une injonction tendant à la délivrance de cette autorisation, dès lors que l'autorisation ainsi délivrée peut être contestée par des tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement. Elle n'est donc pas recevable à relever appel d'un tel jugement alors même qu'elle est intervenue en défense devant le tribunal administratif. Il en va de même de toute personne qui justifierait d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre cette décision administrative, dès lors que le jugement par lequel le tribunal administratif a annulé la décision refusant cette autorisation ne préjudicie pas à ses droits.
5. Par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel a jugé que l'association Apache et les autres requérants, qui avaient la qualité d'intervenants en défense en première instance, n'étaient pas recevables à relever appel du jugement par lequel le tribunal a annulé les refus de permis de construire un parc éolien opposés à la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye et ordonné la délivrance par l'administration du permis sollicité. En statuant ainsi, la cour administrative d'appel a exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Par suite, elle n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant que l'intervention présentée par la commune de Richelieu au soutien de la requête de l'association Apache et autres, dirigée contre le jugement du tribunal administratif relatif au refus de permis de construire, était, par voie de conséquence de l'irrecevabilité de cette requête, elle-même irrecevable.
6. En deuxième lieu, est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.
7. Pour juger que le tribunal administratif avait à bon droit refusé d'admettre les interventions en défense de M. B, propriétaire du château de la Roche du Maine, au soutien des conclusions de la préfète de la Vienne tendant au rejet des requêtes de la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye dirigées contre les refus de permis de construire et d'autorisation d'exploiter, la cour administrative d'appel a relevé que la propriété de l'intéressée était distante de cinq kilomètres des quatre éoliennes litigieuses, dont la hauteur totale sera de 158 mètres. Elle a jugé que, même si, selon l'étude d'impact, le parc éolien serait visible depuis l'extérieur du château au-delà du bois, et pourrait se trouver, selon différents avis, en situation de co-visibilité avec le parc du château, M. B ne justifiait pas, au regard tant de la distance qui sépare le château du site retenu pour l'emplacement du projet éolien que des caractéristiques de l'implantation du château et de la configuration des lieux, d'un intérêt suffisant pour intervenir. En statuant ainsi, en l'état de ses constatations souveraines et de l'argumentation dont elle était saisie, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de qualification juridique.
8. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de qualification juridique en jugeant que M. B, dont l'intervention en défense n'a pas été admise par le tribunal administratif, s'il pouvait former appel contre le jugement en tant qu'il n'avait pas admis son intervention, n'était en revanche pas recevable à contester le jugement en tant qu'il statuait sur les refus de permis de construire contestés par la société demanderesse, dès lors qu'il ne justifiait pas qu'il aurait eu qualité pour former tierce opposition à l'encontre de ce jugement.
9. En quatrième lieu, d'une part, lorsque le juge administratif annule un refus d'autoriser une installation classée pour la protection de l'environnement et accorde lui-même l'autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions, la voie de la tierce opposition est ouverte contre cette décision. Afin de garantir le caractère effectif du droit au recours des tiers en matière d'environnement, et eu égard aux effets sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement de la décision juridictionnelle délivrant une autorisation d'exploiter, la voie de la tierce opposition est ouverte aux tiers qui justifieraient d'un intérêt suffisant pour demander l'annulation de la décision administrative d'autorisation, sans qu'ils aient à justifier d'un droit lésé. Le tiers peut invoquer tout moyen à l'appui de sa tierce opposition.
10. D'autre part, pour pouvoir contester une décision prise au titre de la police des installations classées, les tiers doivent justifier d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux.
11. Pour juger que la requête de M. B dirigée contre le jugement du tribunal administratif relatif à l'autorisation d'exploiter délivrée au titre de la police des installations classées était irrecevable, la cour administrative d'appel a jugé, eu égard à la distance qui sépare le château du site retenu pour l'emplacement du projet éolien, des caractéristiques de l'implantation du château et de la configuration des lieux, que M. B ne justifiait pas que le projet autorisé par les premiers juges présenterait des inconvénients ou dangers significatifs lui donnant un intérêt suffisamment direct pour contester l'autorisation concernant ce projet. En statuant ainsi, la cour administrative d'appel n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
Sur l'arrêt en tant qu'il a statué sur l'autorisation d'exploiter délivrée par le tribunal administratif :
En ce qui concerne les moyens invoqués par la commune de Richelieu :
12. La personne qui est intervenue devant la cour administrative d'appel, que son intervention ait été admise ou non, ou qui a fait appel du jugement ayant refusé d'admettre son intervention, a qualité pour se pourvoir en cassation contre l'arrêt rendu contre les conclusions de son intervention. Dans le cas où elle aurait eu qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce-opposition, elle peut contester tant la régularité que le bien-fondé de l'arrêt attaqué. Dans le cas contraire, elle n'est recevable à invoquer que des moyens portant sur la régularité de l'arrêt attaqué relatifs à la recevabilité de son intervention ou à la prise en compte des moyens qu'elle comporte, tout autre moyen devant être écarté par le juge de cassation dans le cadre de son office.
13. D'une part, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel a jugé que l'intervention de la commune de Richelieu au soutien de la requête de l'association Apache et autres dirigée contre le jugement du tribunal administratif statuant sur le refus d'autorisation d'exploiter était recevable. D'autre part, il ne ressort pas des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que l'autorisation d'exploiter délivrée par le tribunal administratif, en dépit de la circonstance que le parc éolien soit situé à moins de cinq kilomètres de la commune de Richelieu et qu'il soit susceptible d'avoir un impact sur les sites et monuments classés ou inscrits de la commune, préjudicierait aux droits de la commune. Par suite, les moyens de cassation portant sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué, tirés de l'erreur de droit et de la dénaturation des pièces du dossier à avoir jugé que le projet n'aurait qu'un impact faible sur les monuments et sites historiques situés aux alentours et un impact nul ou très faible sur les espèces protégées, de l'erreur de droit et de la dénaturation des pièces du dossier à avoir jugé que l'étude d'impact n'était pas entachée d'insuffisances, que les raccordements prévus n'emporteraient pas d'incidences notables méritant des développements plus importants dans l'étude d'impact et que la société pétitionnaire avait justifié de ses capacités techniques et financières, et de l'erreur de droit à avoir écarté le moyen tiré du défaut d'avis des propriétaires et des autorités compétentes au motif qu'il n'était pas assorti de précisions suffisantes sont, s'agissant de la commune de Richelieu, irrecevables.
En ce qui concerne les moyens invoqués par l'association Apache et autres :
14. En premier lieu, il résulte de l'article L. 181-3 du code de l'environnement que l'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés, notamment, à l'article L. 511-1 de ce code. Aux termes de cet article, dans sa version applicable au litige : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique () ".
15. Pour écarter les moyens tirés de l'atteinte portée par l'autorisation d'exploiter délivrée par le tribunal administratif aux monuments et sites historiques situés à proximité du projet et aux espèces protégées, la cour a relevé, d'une part, qu'eu égard à la configuration des lieux, les éoliennes ne seraient pas visibles depuis l'intérieur de la cité de Richelieu ni depuis le parc du château, même si des co-visibilités très faibles avaient été identifiées depuis certaines routes départementales et si, contrairement à ce qu'a relevé la cour, la commune de Richelieu n'aurait pas pour projet de procéder à des plantations d'arbres de haute tige en alignement pour restaurer l'ancienne allée de l'entrée du château, lesquelles permettraient de limiter fortement la visibilité du parc éolien, que la co-visibilité existante avec l'église de Dercé serait très faible, qu'elles n'auraient qu'un faible impact sur le château de la Roche du Maine, quand bien même celui-ci se trouverait en situation de surplomb, et qu'elles ne seraient pas ou quasiment pas visibles depuis le château de la Pataudière, la commune de Faye-la-Vineuse, la ville de Loudun et le château et le bourg de Monts-sur-Guesnes. La cour a jugé, d'autre part, que le projet n'aurait globalement qu'un impact nul ou très faible sur les espèces protégées et que, notamment, l'outarde canepetière n'avait pas été recensée sur le site. En statuant ainsi, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce sans les dénaturer et n'a pas commis d'erreur de droit.
16. En deuxième lieu, si l'association requérante fait valoir que la cour aurait entaché son arrêt d'erreur de droit et de dénaturation en écartant le moyen tiré des insuffisances de l'étude d'impact, au motif que le dossier soumis à l'enquête publique ne comportait pas les avis émis sur le projet, comme l'exige l'article R. 123-8 du code de l'environnement, ce moyen, qui n'avait pas été invoqué devant les juges du fond, est nouveau en cassation, et ne peut, par suite, qu'être écarté comme inopérant.
17. En troisième lieu, l'article R. 122-5 du code de l'environnement prévoit que le contenu de l'étude d'impact doit être proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
18. Il résulte du II de l'article L. 122-1 et du 12° de l'article R. 122-5 du code de l'environnement que, lorsque des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements concourent à la réalisation d'un même programme et lorsque ces projets sont réalisés de manière simultanée, l'étude d'impact doit porter sur l'ensemble du programme. En outre, lorsque la réalisation est échelonnée dans le temps, l'étude d'impact de chacun des projets doit comporter une appréciation des impacts de l'ensemble du programme.
19. Par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel a jugé que, pour ce qui est des raccordements, l'étude d'impact comportait la présentation des raccordements prévus des installations qui seront enterrés, par des descriptions précises des travaux envisagés, et qu'il ne résultait d'aucun élément versé dans le cadre de l'instruction que ces raccordements emporteraient des incidences notables qui auraient appelé des développements plus importants dans l'étude d'impact. En statuant ainsi, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, la cour administrative d'appel n'a, en tout état de cause, pas méconnu les dispositions des articles L. 122-1 et R. 122-5 du code de l'environnement.
20. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 181-27 du code de l'environnement : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ".
21. Pour écarter le moyen tiré du caractère insuffisant des capacités techniques et financières de la société pétitionnaire, la cour administrative d'appel a notamment relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, d'une part, que la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye était une filiale détenue par la société Abo Wind France, elle-même filiale à 100 % de la société de droit allemand Abo Wind AG, qui compte parmi les développeurs de projet éoliens les plus expérimentés en Europe et a notamment mis en service 14 parcs éoliens en France, et, d'autre part, qu'elle avait fourni dans son dossier des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières et justifié, avant la mise en service de l'installation, du caractère suffisamment pertinent de ces dernières. Si les requérants soutiennent que la cour ne pouvait, sans erreur de droit et sans dénaturer les éléments soumis à son appréciation, retenir que la société pétitionnaire justifiait du caractère suffisant des capacités financières qu'elle entendait mettre en œuvre, sans prendre en considération la circonstance que la société Abo Wind s'était retirée du capital de la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye et y avait été remplacée par la société CEZ France, il ressort des pièces du dossier de la procédure que cette circonstance n'a pas été portée à la connaissance de la cour avant la clôture de l'instruction. La cour n'était, dès lors, pas tenue de se prononcer sur ce point.
22. En cinquième lieu, eu égard à la teneur de l'argumentation développée devant elle, la cour administrative d'appel a pu, sans entacher son arrêt d'erreur de droit, écarter le moyen tiré du défaut de consultation des propriétaires et du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale au motif que ce moyen n'était pas assorti des précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien-fondé.
23. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Apache et autres, M. B et la commune de Richelieu ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Leurs pourvois doivent, par suite, être rejetés, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Apache et autres, de M. B et de la commune de Richelieu une somme de 1 000 euros à verser, chacun, à la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye.
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Article 1er : Les pourvois de l'association Apache et autres, de M. B et de la commune de Richelieu sont rejetés.
Article 2 : L'association Apache et autres, M. B et la commune de Richelieu verseront, chacun, la somme de 1 000 euros à la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Apache, première dénommée pour l'ensemble des requérants sous le n° 441176, à M. M B, à la commune de Richelieu, à la société Ferme éolienne de Nueil-sous-Faye, à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 11 mai 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Denis Piveteau, Mme Isabelle de Silva, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, Mme Carine Chevrier conseillers d'Etat et Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 1er juin 2022.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Catherine Moreau
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain
Article, L511-1, C. envir. Article, L122-1, C. envir. Article, R122-5, C. envir. Article, R123-8, C. envir. Ordonnance, 2017-80, 26-01-2017 Article, L181-3, C. envir. Arrêt, 18BX0029418BX0030118BX0036918BX00375, 04-02-2020 Décision implicite Permis de construire Délivrance des autorisations Jonction de requêtes Autorisation Éolienne Accord du permis de construire Refus de permis Défense à un recours pour excès de pouvoir Tierce opposition Autorisation délivrée Permis sollicité Erreur de qualification juridique Autorisation d'une installation classée Espèce protégée Société pétitionnaire Capacité technique Capacités financières Personne physique Commodité du voisinage Salubrité publiques Utilisation rationnelle de l'énergie Insuffisance de l'étude d'impact Enquête publique Santé humaine Projets de travaux Cessation d'activité Défaut de consultation Établissement public de coopération Établissement de coopération intercommunale