COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 mai 2022
Cassation partielle
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 318 F-D
Pourvoi n° T 20-20.060
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 MAI 2022
La société A3S, société coopérative artisanale à forme anonyme à capital variable, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 20-20.060 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2020 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Sécuricontrôle, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Catherine Vincent, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Sécuricontrôle,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Boisselet, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société A3S, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Sécuricontrôle et de la société Catherine Vincent, ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Boisselet, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 29 juin 2020), la société Sécuricontrôle, après adhésion à une « convention de sociétariat » auprès de la société coopérative A3S (la coopérative), a notifié à celle-ci par lettre recommandée du 16 novembre 2017 sa volonté d'exercer son droit de retrait à effet au 31 décembre 2017. Dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte le 19 octobre 2018 au profit de la société Sécuricontrôle, la coopérative a déclaré sa créance pour une somme correspondant aux montants de factures impayées et d'une indemnité de résiliation, le retrait notifié par la société Sécuricontrôle ne respectant pas, selon elle, le délai de préavis de six mois contractuellement prévu. La société Catherine Vincent, mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Sécuricontrôle, ayant rejeté la demande au titre de l'indemnité de résiliation, la coopérative a formé un recours devant le juge-commissaire.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. La coopérative fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir constater qu'elle est titulaire d'une créance de 8 970 euros au titre de l'indemnité de résiliation, d'avoir dit qu'elle est bien fondée à obtenir paiement de la somme de 1 euros seulement à titre d'indemnité de résiliation, et après compensation avec le montant des parts sociales du à la société Sécuricontrôle, d'avoir fixé sa créance à la somme de 2 349,62 euros seulement, alors « que le caractère excessif d'une clause pénale doit être apprécié au regard de la disproportion entre l'importance du préjudice effectivement subi et la pénalité conventionnellement fixée ; qu'en se fondant pour dire que la clause stipulée par le règlement intérieur (article 5-1) selon laquelle dans l'hypothèse où le centre de contrôle met fin à son adhésion sans respecter le délai de préavis de six mois, le sociétaire doit s'acquitter d'une indemnité compensatrice forfaitaire équivalente à la somme de la dernière année d'achats de liasses de contrôles, serait excessive et réduire cette indemnité à un euro symbolique, sur les allégations de la société Sécuricontrôle selon lesquelles la gestion de la coopérative serait calamiteuse, sur son prétendu refus de prendre en compte les réclamations des sociétaires et particulièrement celles de la société Sécuricontrôle, et sur la circonstance que la coopérative n'aurait pas recherché de solution amiable et aurait prononcé des décisions d'exclusion sans pénalité à l'égard d'autres sociétaires, la cour d'appel qui s'est déterminée par des considérations sans rapport avec l'importance du préjudice subi par la coopérative A3S au regard du montant de l'indemnité forfaitaire, a privé sa décision de base légale au regard de l'
article 1152 du code civil🏛 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'
article 1152, alinéa 2 du code civil🏛 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 :
3. Selon ce texte, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
4. Pour réduire l'indemnité conventionnelle de résiliation stipulée à titre de clause pénale, l'arrêt, après avoir rappelé que cette indemnité était fixée par le contrat à une somme équivalente à la somme de la dernière année d'achats de liasses de contrôle, relève que son caractère excessif doit s'apprécier au regard de la situation des parties au contrat, et non de celle de tiers, qu'aucun élément ne contredit les pièces produites par la société Sécuricontrôle et la société Catherine Vincent relatives à l'insuffisance des prestations fournies par la coopérative, et qu'aucune démarche amiable n'a été tentée par la coopérative, alors pourtant que les clauses du contrat prévoyaient un préavis de trois mois seulement en cas de faute de l'une ou l'autre des parties.
5. En se déterminant par de tels motifs, impropres à justifier le caractère manifestement excessif du montant de la clause, dès lors qu'elle ne s'est pas fondée sur la disproportion manifeste entre l'importance du préjudice effectivement subi et le montant de la peine conventionnellement fixé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société coopérative A3S est bien fondée à obtenir paiement de la somme de 1 euro à titre d'indemnité de résiliation et fixe sa créance à la somme de 2 349,62 euros après compensation, l'arrêt rendu le 29 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société Sécuricontrôle et la société Catherine Vincent, en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Sécuricontrôle, aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Sécuricontrôle et la société Catherine Vincent en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Sécuricontrôle et les condamne à payer à la société coopérative A3S la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société A3S.
La société coopérative A3S fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande tendant à voir constater qu'elle est titulaire d'une créance de 8.970 euros au titre de l'indemnité de résiliation, d'avoir dit qu'elle est bien fondée à obtenir paiement de la somme de 1 euros seulement à titre d'indemnité de résiliation, et après compensation avec le montant des parts sociales du à la société Sécuricontrôle, d'avoir fixé sa créance à la somme de 2.349,62 euros seulement ;
1°- ALORS QUE le caractère excessif d'une clause pénale doit être apprécié au regard de la disproportion entre l'importance du préjudice effectivement subi et la pénalité conventionnellement fixée ; qu'en se fondant pour dire que la clause stipulée par le règlement intérieur (article 5-1) selon laquelle dans l'hypothèse où le centre de contrôle met fin à son adhésion sans respecter le délai de préavis de six mois, le sociétaire doit s'acquitter d'une indemnité compensatrice forfaitaire équivalente à la somme de la dernière année d'achats de liasses de contrôles, serait excessive et réduire cette indemnité à un euro symbolique, sur les allégations de la société Sécuricontrôle selon lesquelles la gestion de la coopérative serait calamiteuse, sur son prétendu refus de prendre en compte les réclamations des sociétaires et particulièrement celles de la société Sécuricontrôle, et sur la circonstance que la coopérative n'aurait pas recherché de solution amiable et aurait prononcé des décisions d'exclusion sans pénalité à l'égard d'autres sociétaires, la Cour d'appel qui s'est déterminée par des considérations sans rapport avec l'importance du préjudice subi par la coopérative A3S au regard du montant de l'indemnité forfaitaire, a privé sa décision de base légale au regard de l'
article 1152 du code civil🏛 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°- ALORS QUE ni la convention de sociétariat, ni le règlement intérieur ni les statuts de la coopérative ne prévoient le paiement d'une pénalité en cas d'exclusion d'un sociétaire ; qu'en se fondant pour dire que l'indemnité contractuelle due à la coopérative par la société Sécuricontrôle pour non-respect du préavis de six mois en application des statuts et du règlement intérieur de la coopérative serait excessive et la réduire à un euro symbolique, sur la circonstance que la coopérative A3S n'a pas cherché de solution amiable alors même qu'elle avait prononcé une décision d'exclusion sans pénalité contre plusieurs sociétaires auxquels il était pourtant reproché leur méfiance vis à vis du conseil d'administration et un comportement nuisible à l'ensemble des sociétaires, la Cour d'appel a violé les
articles 1152 et 1134 du code civil🏛 dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°- ALORS QU'en se fondant pour dire que l'indemnité réclamée par la coopérative A3S serait excessive, et pour la réduire à la somme de 1 euro symbolique, sur la circonstance qu'en cas de résiliation du contrat aux torts de la société coopérative A3S, et en cas d'exclusion du sociétaire décidée par le conseil d'administration en raison d'un défaut d'exécution de ses obligations, le préavis est réduit à trois mois par l'article 12-1 de la convention de sociétariat, après avoir constaté qu'en l'espèce, la société Sécuricontrôle avait exercé son droit de retrait sur le fondement de l'article 11-2 de la convention, ce dont il résulte que l'article 12-1 était sans application et que le préavis applicable était celui de six mois prévu en cas de retrait par les articles 11-2 de la convention de sociétariat et 15 des statuts, la Cour d'appel a violé l'
article 1134 du code civil🏛 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°- ALORS QU'à supposer que la faute de la coopérative dans l'exécution du contrat soit de nature à justifier une réduction de l'indemnité due pour non-respect du préavis de six mois en cas de retrait de l'associé, en se contentant de relever que la société coopérative ne produirait aucun élément pour contredire les attestations et affirmations de la société Sécuricontrôle et de la SELARL Vincent selon lesquelles la coopérative aurait manqué à ses obligations, sans constater la preuve par ces dernières d'une faute commise par la coopérative, la Cour d'appel a violé les
articles 1134, 1147 du code civil🏛 dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et 1315 devenu 1353 du
code civil.