Jurisprudence : CE 1/4 ch.-r., 26-04-2022, n° 441370, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 1/4 ch.-r., 26-04-2022, n° 441370, mentionné aux tables du recueil Lebon

A58937US

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2022:441370.20220426

Identifiant Legifrance : CETATEXT000045681031

Référence

CE 1/4 ch.-r., 26-04-2022, n° 441370, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/84158401-ce-14-chr-26042022-n-441370-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

04-02-06 Lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision rejetant une demande de remise gracieuse d’un indu de revenu de solidarité active (RSA), il appartient au juge administratif d’examiner si une remise gracieuse totale ou partielle est justifiée et de se prononcer lui-même sur la demande en recherchant si, au regard des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre parties à la date de sa propre décision, la situation de précarité du débiteur et sa bonne foi justifient que lui soit accordée une remise. ...Lorsque l’indu résulte de ce que l’allocataire a manqué à ses obligations déclaratives, il y a lieu, pour apprécier la condition de bonne foi de l’intéressé, hors les hypothèses où les omissions déclaratives révèlent une volonté manifeste de dissimulation ou, à l’inverse, portent sur des éléments dépourvus d’incidence sur le droit de l’intéressé au revenu de solidarité active ou sur son montant, de tenir compte de la nature des éléments ainsi omis, de l’information reçue et notamment, le cas échéant, de la présentation du formulaire de déclaration des ressources, du caractère réitéré ou non de l’omission, des justifications données par l’intéressé ainsi que de toute autre circonstance de nature à établir que l’allocataire pouvait de bonne foi ignorer qu’il était tenu de déclarer les éléments omis.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 441370

Séance du 30 mars 2022

Lecture du 26 avril 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 4ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

M. D G a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 2 août 2018 par laquelle le président de la métropole de Lyon a refusé de lui accorder une remise de dette correspondant à un solde d'indu de revenu de solidarité active d'un montant de 24 790,97 euros au titre de la période du 1er septembre 2010 au 31 mars 2015 et d'enjoindre à la métropole de Lyon de faire droit à sa demande. Par un jugement n° 1807096 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision en tant qu'elle n'accorde pas à M. G une remise partielle de l'indu de solidarité active d'un montant de 21 000 euros et a accordé une remise partielle de ce montant à M. G et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 juin et 23 septembre 2020 et le 16 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la métropole de Lyon demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne rejette pas entièrement les conclusions de la demande de M. G ;

2°) de renvoyer dans cette mesure l'affaire au tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de M. G la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des impôts ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991🏛 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Chonavel, auditrice,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la métropole de Lyon et au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. D G ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 16 décembre 2015, le président de la métropole de Lyon a confirmé à M. G qu'il était redevable d'un indu de revenu de solidarité active. Par un jugement du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. G tendant à l'annulation de cette décision et confirmé le bien-fondé de cet indu au motif que, n'ayant pas déclaré son activité de travailleur indépendant dès le mois de juillet 2012, il n'avait pas mis la caisse d'allocations familiales à même d'apprécier ses ressources et de pouvoir procéder aux contrôles nécessaires. Par une décision du 2 août 2018, le président de la métropole de Lyon a rejeté la demande de M. G tendant à la remise gracieuse de l'indu de revenu de solidarité active dont il était redevable pour la période du 1er septembre 2010 au 31 mars 2015 au motif qu'il avait effectué de fausses déclarations en omettant de déclarer son activité de travailleur indépendant. Par un jugement du 17 mars 2020, contre lequel la métropole de Lyon se pourvoit en cassation dans la mesure dans lequelle il fait droit à la demande, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 2 août 2018 en tant qu'elle n'accordait pas à M. G une remise partielle de l'indu de revenu de solidarité active à hauteur de 21 000 euros et a accordé à M. G une remise partielle de ce montant.

Sur le droit au revenu de solidarité active des travailleurs indépendants :

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 262-7 du code de l'action sociale et des familles🏛, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour bénéficier du revenu de solidarité active, le travailleur relevant du régime mentionné à l'article L. 611-1 du code de la sécurité sociale🏛 [c'est-à-dire le régime social des indépendants] doit n'employer, au titre de son activité professionnelle, aucun salarié et réaliser un chiffre d'affaires n'excédant pas un niveau fixé par décret ". L'article D. 262-16 du même code🏛, alors en vigueur, prévoit à ce titre que le dernier chiffre d'affaires annuel connu, actualisé le cas échéant, ne doit pas excéder, selon la nature de l'activité, les montants fixés aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts🏛🏛, permettant la soumission au régime des micro-entreprises pour les bénéfices industriels et commerciaux ou au régime déclaratif spécial pour les revenus non commerciaux.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 262-2 du même code🏛, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre. Le revenu garanti est calculé, pour chaque foyer, en faisant la somme : / 1° D'une fraction des revenus professionnels des membres du foyer ; / 2° D'un montant forfaitaire, dont le niveau varie en fonction de la composition du foyer et du nombre d'enfants à charge. / Le revenu de solidarité active est une allocation qui porte les ressources du foyer au niveau du revenu garanti () ". Le deuxième alinéa de l'article L. 262-3 de ce code dispose que : " L'ensemble des ressources du foyer, y compris celles qui sont mentionnées à l'article L. 132-1, est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat () ". L'article R. 262-6 du même code🏛 dispose que les ressources prises en compte pour la détermination du montant du revenu de solidarité active comprennent, sous les réserves et selon les modalités figurant dans ce chapitre du code, l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, et notamment les avantages en nature ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux. Enfin, le dernier alinéa de l'article L. 262-7 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, renvoie à un décret en Conseil d'Etat la définition des règles de calcul du revenu de solidarité active applicables aux travailleurs relevant notamment du régime social des indépendants. Les modalités selon lesquelles les revenus professionnels non-salariés nécessaires au calcul du revenu de solidarité active sont arrêtées sont définies aux articles R. 262-18 et suivants du même code🏛.

4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que si l'évaluation des ressources, à laquelle est conditionné le bénéfice du revenu de solidarité active et dont dépend le montant versé, est appréciée selon des modalités particulières pour les travailleurs indépendants, l'ouverture des droits est préalablement subordonnée, pour les travailleurs relevant du régime social des indépendants, à la double condition qu'ils n'emploient, au titre de leur activité professionnelle, aucun salarié et qu'ils réalisent un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas le seuil permettant la soumission au régime des micro-entreprises pour les bénéfices industriels et commerciaux ou au régime déclaratif spécial pour les revenus non commerciaux.

Sur l'appréciation de la bonne foi :

5. D'une part, l'article L. 262-17 du code de l'action sociale et des familles🏛 dispose que : " Lors du dépôt de sa demande, l'intéressé reçoit, de la part de l'organisme auprès duquel il effectue le dépôt, une information sur les droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active () " et l'article R. 262-37 du même code🏛 prévoit que : " Le bénéficiaire de l'allocation de revenu de solidarité active est tenu de faire connaître à l'organisme chargé du service de la prestation toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l'un ou l'autre de ces éléments ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles🏛 : " Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l'organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. / () La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil départemental ou l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active pour le compte de l'Etat, en cas de bonne foi ou de précarité de la situation du débiteur, sauf si cette créance résulte d'une manuvre frauduleuse ou d'une fausse déclaration () ". Il résulte de ces dispositions qu'un allocataire du revenu de solidarité active ne peut bénéficier d'une remise gracieuse de la dette résultant d'un paiement indu d'allocation, quelle que soit la précarité de sa situation, lorsque l'indu trouve sa cause dans une manuvre frauduleuse de sa part ou dans une fausse déclaration, laquelle doit s'entendre comme désignant les inexactitudes ou omissions qui procèdent d'une volonté de dissimulation de l'allocataire caractérisant de sa part un manquement à ses obligations déclaratives.

7. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision rejetant une demande de remise gracieuse d'un indu de revenu de solidarité active, il appartient au juge administratif d'examiner si une remise gracieuse totale ou partielle est justifiée et de se prononcer lui-même sur la demande en recherchant si, au regard des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre parties à la date de sa propre décision, la situation de précarité du débiteur et sa bonne foi justifient que lui soit accordée une remise. Lorsque l'indu résulte de ce que l'allocataire a manqué à ses obligations déclaratives, il y a lieu, pour apprécier la condition de bonne foi de l'intéressé, hors les hypothèses où les omissions déclaratives révèlent une volonté manifeste de dissimulation ou, à l'inverse, portent sur des éléments dépourvus d'incidence sur le droit de l'intéressé au revenu de solidarité active ou sur son montant, de tenir compte de la nature des éléments ainsi omis, de l'information reçue et notamment, le cas échéant, de la présentation du formulaire de déclaration des ressources, du caractère réitéré ou non de l'omission, des justifications données par l'intéressé ainsi que de toute autre circonstance de nature à établir que l'allocataire pouvait de bonne foi ignorer qu'il était tenu de déclarer les éléments omis.

8. Pour retenir qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'absence de déclaration par M. G de son inscription au régime social des indépendants pendant la période au cours de laquelle il en relevait résulterait d'une volonté de percevoir indûment le revenu de solidarité active, le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que l'absence de déclaration était sans incidence sur ses droits au revenu de solidarité active aux seuls motifs qu'il n'était pas allégué qu'il employait un salarié et qu'il n'avait perçu aucun revenu de cette activité au titre des années 2012 et 2013 et un revenu de 232 euros en 2014. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la métropole de Lyon est fondée à soutenir, par un moyen qui ne peut être regardé comme nouveau en cassation, qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le chiffre d'affaires annuel de M. G était inférieur au plafond prévu à l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles🏛, le tribunal a commis une erreur de droit.

9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, la métropole de Lyon est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. G une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la métropole de Lyon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 17 mars 2020 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Lyon.

Article 3 : Les conclusions de la métropole de Lyon présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 et celles de M. G présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991🏛 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la métropole de Lyon et à M. D G.

Délibéré à l'issue de la séance du 30 mars 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme B P, Mme F O, présidentes de chambre ; M. C N, Mme E H, Mme K M, M. L J, M. Damien Botteghi, conseillers d'Etat et Mme Manon Chonavel, auditrice-rapporteure.

Rendu le 26 avril 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Manon Chonavel

La secrétaire :

Signé : Mme A I

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :

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