Jurisprudence : Cass. com., 06-04-2022, n° 20-18.126, F-D, Rejet

Cass. com., 06-04-2022, n° 20-18.126, F-D, Rejet

A99997S7

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:CO00245

Identifiant Legifrance : JURITEXT000045545572

Référence

Cass. com., 06-04-2022, n° 20-18.126, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/83491050-cass-com-06042022-n-2018126-fd-rejet
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Abstract

► L'activité d'intermédiation en opérations de banque, définie à l'article L. 519-1 du Code monétaire et financier, qui n'est ni une opération de banque ni une opération connexe au sens de l'article L. 311-2, est soumise aux dispositions du Code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence.


COMM.

CH.B


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 avril 2022


Rejet


Mme Darbois, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 245 F-D

Pourvoi n° R 20-18.126


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 AVRIL 2022


La société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France, société anonyme à directoire, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 20-18.126 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Toulao, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée [V], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France, de la SAS Boulloche, Colin, Aa et associés, avocat de la société Toulao, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mai 2020), la société [V], devenue Toulao (la société Toulao), qui exerce l'activité d'intermédiation en opérations de banque, a conclu le 23 août 2010 avec la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France (la banque) une convention de mandat d'une durée indéterminée, prévoyant le rachat, par la banque, de créances dites PEEC (« Participation des employeurs à l'effort de construction »), également appelées « 1 % logement », auprès d'entreprises ayant consenti des prêts à des organismes collecteurs.

2. La mission de la société Toulao consistait notamment à rechercher des créances PEEC détenues par des entreprises faisant l'objet d'une procédure collective, à préparer des offres de rachat de ces créances auprès des mandataires judiciaires compétents et à élaborer les actes de cession de ces créances.

3. A la suite de divergences entre les parties, la banque a, par lettre du 22 juillet 2014, notifié à la société Toulao la rupture de la convention de mandat à l'issue d'un préavis expirant le 30 juin 2015.

4. Invoquant la responsabilité de la banque dans l'exécution du mandat, d'une part, et du fait de la résiliation de la convention, d'autre part, la société Toulao l'a assignée en paiement de dommages-intérêts.


Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Toulao la somme de 48 880 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale, alors « que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce🏛 relatives à la responsabilité encourue pour rupture brutale d'une relation commerciale établie ne s'appliquent pas aux établissements de crédits et sociétés de financements pour leurs opérations de banque soumises aux dispositions du code monétaire et financier ; qu'en condamnant la banque au titre d'une prétendue rupture brutale de relations commerciales, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce🏛, après avoir constaté que les opérations en cause étaient des opérations de banque soumises aux dispositions du code monétaire et financier, la cour d'appel a violé l'article L. 511-4 du code monétaire et financier🏛, dans sa version applicable. »


Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article L. 511-4 du code monétaire et financier🏛 que les dispositions du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence ne sont pas applicables aux établissements de crédit et aux sociétés de financement pour leurs opérations de banque et leurs opérations connexes définies à l'article L. 311-2 du même code🏛. L'activité d'intermédiation en opérations de banque, définie à l'article L. 519-1 du code monétaire et financier🏛, qui n'est ni une opération de banque, ni une opération connexe au sens de l'article L. 311-2, est soumise aux dispositions du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence.

8. Ayant relevé que la banque et la société Toulao étaient liées par un mandat d'intermédiaire en opérations de banque, soumis aux articles L. 519-1 et suivants du code monétaire et financier🏛, c'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu que la rupture de la relation entre les parties était soumise aux dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce🏛, dans sa rédaction alors applicable.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France et la condamne à payer à la société Toulao la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la Caisse d'Epargne avait engagé sa responsabilité à l'égard de la société Toulao ([V]) dans l'exécution de la convention de mandat et d'avoir condamné la Caisse d'Epargne à payer à la société Toulao ([V]) la somme de 78.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi dans l'exécution de la convention de mandat ;

aux motifs que « Sur l'application de l'article 2000 du code civil🏛 : L'article 2000 du code civil🏛 énonce que le mandant doit indemniser le mandataire des pertes que celui-ci a essuyées à l'occasion de sa gestion, sans imprudence qui lui soit imputable. En l'espèce, [V] se plaint des modalités d'exécution par la Caisse d'Epargne de la convention de mandat et invoque non des pertes subies mais un manque à gagner du fait du comportement déloyal de son cocontractant dans l'exécution de la convention de mandat et dans l'application de ses clauses. Les faits reprochés seront donc examinées au regard des obligations contractuelles des parties. Sur l'exécution de la convention de mandat : En application de l'article 1134 ancien du code civil🏛, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. (…) Préjudice lié au maintien de taux non concurrentiels : [V] expose que tout au long de l'exécution de la convention de mandat, la Caisse d'Epargne a obstinément conservé des taux non concurrentiels dans les périodes de baisse des taux d'intérêts, que cette attitude particulièrement intransigeante après l'avenant du 21 février 2012 a abouti à la fixation de taux de rachat minimum en dessous desquels il était rigoureusement impossible de descendre ce qui ne permettait pas d'être concurrentiel sur le marché, que dans le cas des créances inférieures à 500.000,00 euros, le taux de rachat minimum était fixé à 8 %, alors que le concurrent DGM, travaillant pour Naxicap CIL, structure dédiée du groupe BPCE (Banque Populaire Caisse d'Epargne) offrait au mandataire le taux de 4.85 %. La Caisse d'Epargne soutient que l'avenant du 21 février 2012 a été signé par [V], que la modification acceptée qui tient compte du retour d'expérience faisant apparaître une chronophagie administrative liée au traitement des factures, aux impayés consécutifs à la désorganisation administrative de certains CIL, à des risques de double cession, à un refus de la cession. La lecture de l'avenant du 21 février 2012 fait apparaître le taux de rachat minimum, le taux de refinancement et le pourcentage de rémunération suivants : - En dessous de 0,5 M euros : > à 8 %, taux de refinancement : 6,50 % et % [V] : 60 %, - Entre 0,50 M euros et 1,5 M euros : > à 7 %, taux de refinancement : 6,50 % et % [V] : 60 %, Au-dessus de 1,5 M euros : > à 7% taux de refinancement : 6, 25 % et % [V] : 50 %. Il résulte de cet avenant que le taux de rachat de créance a été réduit de 9,5 % à 8 et 7 % en fonction du montant des créances. La Caisse d'Epargne n'a jamais accepté de descendre sous le taux de 7 % invoquant le ratio de solvabilité qu'elle devait respecter et le risque lié aux opérations de crédit. [V] ne démontre pas que sa cocontractante l'a contrainte à signer cet avenant et chaque opération était rémunérée de manière précise. Cependant, les parties étaient soumises à une clause d'exclusivité ; en maintenant cette clause d'exclusivité et en fixant un taux de rachat élevé, alors qu'une autre entité du groupe auquel ne conteste pas appartenir la Caisse d'Epargne, soit Naxicap Cil, réalisait des opérations dans le même domaine via une société tierce, concurrente directe de [V], laquelle se voyait proposer des taux nettement plus favorables, la Caisse d'Epargne n'a pas exécuté le mandat de manière loyale. En effet, [V] verse aux débats les requêtes présentées au juge commissaire démontrant que pour plusieurs opérations pour lesquelles elle a proposé un taux de rachat de 7 % imposé par la convention, son concurrent a emporté le marché en proposant un taux de rachat très légèrement inférieur. [V] établit également qu'alors que son chiffre d'affaires atteignait 230.000 euros en 2011 et 2012, il était de 148.234 euros en 2013 et de 139.308 euros en 2014 alors que le chiffre d'affaires de son concurrent qui était de 180.962 euros en 2012 a atteint le chiffre de 479.262 euros en 2013 et de 459.092 euros en 2014. En agissant ainsi, la Caisse d'Epargne a engagé sa responsabilité dans l'exécution du mandat causant à [V] un préjudice. [V] évalue son préjudice à la perte de rémunération qu'elle aurait pu percevoir si elle avait emporté le marché des créances acquises par son concurrent. Cependant, la Caisse d'Epargne pouvant refuser les propositions de rachat de créances de [V], le préjudice ne peut être évalué au chiffre d'affaires lié à ces dossiers auxquels elle estimait pouvoir prétendre. En revanche, compte tenu des modalités d'exécution de la convention qui bien que réglementée offrait une enveloppe importante quant au montant possible de rachats de créances, même si la Caisse d'Epargne ne s'était pas engagée à un volume d'acquisition minimum, [V] pouvait espérer obtenir un chiffre d'affaires équivalent à celui des deux années précédentes soit 230.000 euros si la convention avait été exécutée de manière loyale. Or, elle a subi un manque à gagner de 80.000 euros en 2013 et 90.000 euros en 2014 soit 50.000 euros sur un peu plus de six mois jusqu'à la résiliation du contrat soit au total 130.000 euros. Durant cette période, la levée de la clause d'exclusivité en avril 2014 n'a pas pu permettre à [V] de trouver un autre partenaire immédiatement. S'agissant d'un cabinet employant un salarié et exerçant une activité administrative, il sera retenu une marge brute de 60 %. Le préjudice subi sera évalué à 130.000 euros X 60 % = 78.000 euros. La Caisse d'Epargne devra verser à [V] la somme de 78.000 euros à titre de dommages-intérêts » ;

alors 1°/ qu'en considérant, d'une part, que la fixation du taux de rachat était fonction des impératifs liés à l'exercice par la Caisse d'Epargne de son activité et que la société Toulao avait reconnu que la modification de ce taux par l'avenant du 21 février 2012 lui permettait d'être plus concurrentielle et, d'autre part, que le maintien de ce taux de rachat aurait caractérisé une exécution déloyale, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile🏛 ;

alors 2°/ que le manquement à l'obligation de loyauté qui régit les rapports d'un mandant et de son mandataire ne peut se déduire de la seule existence au contrat de stipulations quand celles-ci ont été librement négociées et acceptées ; que, pour considérer que la Caisse d'Epargne n'aurait pas exécuté le mandat de manière loyale, la cour a relevé qu'elle avait maintenu une clause d'exclusivité et fixé un taux de rachat élevé, tout en constatant que les clauses de la convention avaient fait l'objet de discussions approfondies entre les parties excluant l'existence d'une soumission, que la société Toulao ne démontrait pas que sa cocontractante l'aurait contrainte à signer l'avenant du 21 février 2012 et qu'elle ne se plaignait pas des clauses du contrat à l'exception de la modification de la clause de rémunération ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas justifié du manquement prétendu de la Caisse d'Epargne à son devoir de loyauté autrement que par l'existence de stipulations contractuelles librement négociées et acceptées par les parties, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil🏛, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

alors 3°/ que même appartenant à un groupe, une personne morale est autonome et ne peut, sauf circonstances particulières, se voir imputer des faits dont une autre personne morale est l'auteur ; qu'en retenant, pour considérer que la Caisse d'Epargne n'aurait pas exécuté le mandat de manière loyale, qu'une autre entité du groupe auquel appartenait la Caisse d'Epargne, la société Naxicap Cil, réalisait des opérations dans le même domaine par l'intermédiaire d'une société tierce concurrente de la société [V], qui se voyait proposer des taux plus favorables, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil🏛, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

alors subsidiairement 4°/ que les dommages-intérêts accordés en réparation du préjudice résultant d'un manquement contractuel ne peuvent comprendre que ce qui est la suite immédiate et directe de ce manquement contractuel ; qu'en considérant, pour condamner la Caisse d'Epargne à payer à la société Toulao la somme de 78.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement prétendu de la Caisse d'Epargne à l'obligation de loyauté, en raison du maintien de la clause d'exclusivité et de la fixation d'un taux de rachat élevé dans l'avenant du 21 février 2012, que la société [V] aurait subi un manque à gagner de 80.000 euros en 2013, de 90.000 euros en 2014, par rapport aux années 2011 et 2012 où elle aurait réalisé un chiffre d'affaires de 230.000 euros, quand il résulte de ses constatations que la convention, telle qu'elle s'était appliquée en 2011 et 2012, comportait une clause d'exclusivité et prévoyait des taux de rachat supérieurs à ceux décidés par l'avenant du 21 février 2012, la cour d'appel n'a pas caractérisé le lien de causalité entre le manquement prétendu de la Caisse d'Epargne, et le préjudice qu'elle a indemnisé, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil🏛, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la Caisse d'Epargne à payer à la société Toulao ([V]) le somme de 48.880 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la rupture brutale des relations commerciales ;

aux motifs que «Par courrier du 23 avril 2014, la Caisse d'Epargne fixait sa limite d'intervention pour 2014 à 8.000.000 euros (huit millions d'euros) en valeur de remboursement. Elle imposait par ailleurs une limite d'intervention financière à respecter par organisme collecteur qu'elle précisait aux termes de son courrier et indiquait que « compte tenu des limites d'intervention de notre établissement, inférieures à celles souhaitées par [V] dans votre correspondance du 4 avril 2014, nous vous informons par la présente renoncer à l'exclusivité prévue à l'article 3 de notre convention ». La Caisse d'Epargne demandant à [V] de donner son accord à cette nouvelle proposition, par mail du 27 mai 2014, M. [Ab], dirigeant de [V] répondait : « vous m'avez contraint, pour obtenir des offres sur lesquelles des engagements avaient été pris, à vous donner un accord de principe sur un document (...) dont les termes ne sont pas acceptables. Vous renouvelez aujourd'hui votre demande de régularisation sous contrainte ». La Caisse d'Epargne n'expliquait pas pour quel motif elle imposait cette condition et précise dans ses conclusions qu'elle était liée à la gestion des risques et des impayés. Il résulte du mandat que le mandant s'engageait à racheter les créances PEEC pour un montant fixé par ses instances décisionnaires. [V] justifie par la production de courriels que la Caisse d'Epargne lui a présenté entre le 03 avril 2014 et le 24 juillet 2014 trois propositions différentes de plafonds par CIL comportant des augmentations ou diminutions très importantes de ceux-ci. [V] justifie que par courrier du 10 mars 2015, Me [L], mandataire-judiciaire lui a demandé de lui présenter une offre de rachat de la créance de 1 % logement comptabilisée au crédit de la société SA Union des Coopérateurs d'Alsace pour un montant de l'ordre de 1 450 000.00 euros pour des créances portant sur plusieurs CIL. Pour l'un des CIL Purial, l'enveloppe allait être dépassée ce qui a entraîné une perte de l'intégralité du dossier le mandataire judiciaire voulant une offre globale. Si aux termes du courrier du 23 avril 2014, la Caisse d'Epargne supprimait les sommes accordées à quatre CIL, aux termes de la dernière proposition, en date du 22 juillet 2014 des plafonds réapparaissent concernant ces CIL ; il ne peut donc être retenu un grief sur ce plan. En revanche, compte tenu de la date à laquelle la demande de la Caisse d'Epargne est intervenue soit le 23 avril 2014 alors que la résiliation du contrat a été notifiée trois mois plus tard, le 22 juillet 2014, la limite d'intervention financière à respecter par organisme collecteur a contribué à réduire l'activité de [V] et l'impact financier qui en est résulté sera examinée dans le cadre de la demande au titre de la rupture du contrat. (…) Sur la rupture brutale des relations commerciales établies : Les parties fondent leur demande et leur défense sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce🏛. La résiliation du contrat sera examinée au regard de ces dispositions. La société [V] fait valoir que : - le caractère établi de la relation commerciale est caractérisé ; - l'état de dépendance économique de [V] est caractérisé par son impossibilité de trouver une solution alternative ; - le délai de préavis de 11 mois consenti à [V] était insuffisant pour qu'elle puisse se réorganiser du fait du marché de niche en cause, de l'étranglement progressif dont elle a été victime de la part de la Caisse d'Epargne et de la clause d'exclusivité qui liait les parties et qui l'a mise dans une situation objective d'échec rendant très difficile la présentation du dossier à d'autres partenaires bancaires ; - la rupture par la notification de la fin de l'exclusivité en avril, puis de la cessation des relations trois mois plus tard, avec une raréfaction des dossiers est incontestablement brutale et ouvre droit à réparation pour la société Toulao. La Caisse d'Epargne réplique que : - [V] réclame 3 ans de préavis supplémentaires, pour une relation commerciale d'une durée de 4 ans et demi avec un chiffrage qui n'est pas raisonnable ; - le risque de rupture n'était pas inconnu pour [V] puisque dès le 24 avril 2014, la Caisse d'Epargne avait levé l'obligation d'exclusivité de [V] et lors d'une réunion du 11 juin 2014, le souhait de dénoncer la convention au 31 décembre 2014 avait été indiqué ; - [V] a calculé sa marge brute sur la base d'un chiffre théorique de chiffre d'affaires sans aucun fondement contractuel ; - il y a un défaut total de transparence sur les conditions d'exploitation de la société postérieurement à la rupture de la relation commerciale. L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce🏛 dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire. Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis. Il n'est pas contesté que la relation a duré quatre ans et 4 mois du 11 mars 2010 (première convention) au 22 juillet 2014, date de l'envoi du courrier recommandé de la Caisse d'Epargne notifiant la rupture et fixant la fin du préavis au 30 juin 2015, soit un préavis d'une durée de 11 mois. Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné. Etait insérée dans la convention une clause d'exclusivité réciproque interdisant au mandataire de réaliser, sans l'accord préalable du mandant, toute opération entrant dans le champ d'application de la présente convention avec tout autre établissement régi par les dispositions du code monétaire et financier et au mandant de confier à un autre mandataire une mission entrant dans le cadre de la convention. L'objet de la convention était limité en ce qu'il était relatif au rachat de créances PEEC (1 % logement) dont les créanciers font l'objet d'une procédure collective. Cette clause d'exclusivité n'empêchait pas [V] d'exercer d'autres activités en qualité d'intermédiaire en opérations de banque mais celle-ci ne donne aucun élément sur des activités connexes éventuelles ce qui exclut de retenir l'existence d'un lien de dépendance avec la Caisse d'Epargne, son activité devant être examinée de manière globale. Sur l'achat de créances CIL, la clause d'exclusivité réciproque autorisait cependant [V] à escompter le maintien d'un flux d'affaires régulier même si la Caisse d'Epargne ne s'était pas engagée sur un volume garanti d'activité. Il sera à cet égard souligné que la Caisse d'Epargne en fixant une limite d'intervention financière à respecter par organisme collecteur, trois mois avant la résiliation du contrat, a contribué à limiter l'activité de [V], à compter d'une date où la Caisse d'Epargne allait résilier la convention et accorder à sa cocontractante un préavis. Compte tenu de la durée de la relation, le préavis de 11 mois accordé était suffisant pour permettre à [V] de retrouver des clients en tenant compte des études et investissements réalisés, de la nature et du caractère confidentiel du marché. Il n'y a pas lieu de tenir compte de l'activité de [V] postérieure à l'expiration du contrat. Durant le préavis, la Caisse d'Epargne devait maintenir le taux d'activité escompté par [V]. Le volume d'activité représentatif à prendre en compte est l'activité moyenne que la Caisse d'Epargne pouvait espérer réaliser et non la limite maximale de rachat de créance à laquelle s'était engagée la Caisse d'Epargne. En effet, celle-ci avait fixé un montant limite de rachat de créances qui supposait que les conditions imposées par la convention soient remplies et que la Caisse d'Epargne accepte le rachat de la créance. Il est produit les bilans pour les exercices 2010 à 2014 inclus. Le contrat ayant duré un peu plus de quatre ans, il sera tenu compte des chiffres d'affaires réalisés durant les deux meilleures années complètes précédant la résiliation du contrat. Les deux années significatives de l'exécution du contrat sont 2011 et 2012 avec 230.000 euros de chiffre d'affaires annuel, celui-ci étant de 148.234 euros en 2013 et 139.308 euros en 2014. Il sera ainsi tenu compte du flux d'affaires susceptible d'être réalisé par [V] en raison de la nature de la convention si celle-ci s'était déroulée de manière loyale. [V] pouvait espérer réaliser un chiffre d'affaires moyen annuel de 230.000 euros jusqu'à l'expiration du contrat alors que sur l'année 2014 complète et en l'absence d'élément sur l'année 2015, [V] a réalisé un chiffre d'affaires de 139.308 euros ce qui constitue un manque à gagner de 90.692 euros soit sur 11 mois = 83.134 euros. Au vu de ces éléments, [V] pouvant prétendre à une marge de 60 %, son préjudice est de : 83.134 euros X 60 % = 49.880 euros. La Caisse d'Epargne devra donc lui verser la somme de 49.880 euros à titre de dommages-intérêts » ;

alors 1°/ que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce🏛 relatives à la responsabilité encourue pour rupture brutale d'une relation commerciale établie ne s'appliquent pas aux établissements de crédits et sociétés de financements pour leurs opérations de banque soumises aux dispositions du code monétaire et financier ; qu'en condamnant la Caisse d'Epargne au titre d'une prétendue rupture brutale de relations commerciales, sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5°, du code de commerce, après avoir constaté que les opérations en cause étaient des opérations de banque soumises aux dispositions du code monétaire et financier, la cour d'appel a violé l'article L. 511-4 du code monétaire et financier🏛, dans sa version applicable ;

alors subsidiairement 2°/ qu'en cas de rupture d'une relation commerciale établie, assortie d'un préavis suffisant, ce préavis est effectif même en cas de modification des conditions antérieures si les modifications de ces conditions résultent de concessions réciproques accordées par les parties ; qu'en considérant, pour condamner la Caisse d'Epargne à payer à la société Toulao la somme de 49.880 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale de relations commerciales, qu'en fixant une limite d'intervention financière par organisme collecteur la Caisse d'Epargne a contribué à limiter l'activité de la société [V] quand il résulte de ses constatations que ces limites d'intervention avaient pour contrepartie la levée de la clause d'exclusivité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce, dans sa version applicable ;

alors subsidiairement 3°/ que pour indemniser la société [V] d'un prétendu manque à gagner subi du fait de ce que la Caisse d'Epargne avait fixé des limites d'intervention financière à respecter par l'organisme collecteur, limitant de fait l'activité de la société [V], la cour d'appel a retenu comme années de référence les années 2011 et 2012, quand il résulte de ses propres constatations que ces limites n'ont été fixées qu'en avril 2014, de sorte qu'elles ont nécessairement été sans incidence sur l'activité de l'année 2013, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce, dans sa version applicable.

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