No W 12-80.153 FS P+B No 2024
CI 14 MAI 2013
REJET
M. LOUVEL président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
- Adrien Z,
- M. Jean-René Z,
- Mme Marie-Claire Z, civilement responsables,
contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS DE LA RÉUNION, chambre des mineurs, en date du 15 décembre 2011, qui, pour complicité de vol aggravé, a condamné le premier à une mesure d'avertissement solennel, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 avril 2013 où étaient présents M. Louvel président, M. Barbier conseiller rapporteur, Mme Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori, Monfort, Buisson conseillers de la chambre, Mme Divialle, MM. Maziau, Talabardon conseillers référendaires ;
Avocat général M. Liberge ;
Greffier de chambre Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BARBIER, les observations de la société civile professionnelle BARTHÉLEMY, MATUCHANSKY et VEXLIARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 184, 385, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi d'Adrien Z devant le tribunal pour enfants ;
"aux motifs que l'enquête par voie officieuse, prévue par l'article 8, alinéa 2, de l'ordonnance du 2 février 1945, à laquelle peut procéder le juge des enfants, n'impose pas le respect des formes prescrites par les articles 79 à 190, et notamment 184 du code de procédure pénale ; que, pour autant, le juge des enfants est tenu au respect des principes fondamentaux de la procédure pénale, consacrés par le code de procédure pénale en son article préliminaire ou par les textes ci-dessus invoqués ; qu'il ressort des pièces de la procédure que le juge des enfants, ayant procédé en l'espèce, par voie officieuse, a - à la demande d'Adrien Z, accordé le report de l'audience prévue le 19 novembre 2009 pour éventuelle mise en examen, afin de permettre au mineur de préparer mieux sa défense ; - à la lumière des écritures en défense d'Adrien Z et de la partie civile, interrogé le mineur en présence de son conseil le 26 novembre 2009, sur les éléments de la procédure et sa participation aux faits poursuivis, avant de décider de sa mise en examen du chef préalablement envisagé de complicité de vol avec violence ; - par ordonnance du même jour, au visa des pièces de la procédure et au motif de charges suffisantes, ordonné le renvoi d'Adrien Z devant le tribunal pour enfants, pour être jugé sur des faits juridiquement qualifiés et précisément décrits, avec la mention de la date, du lieu, de l'identité de la victime et du mode de participation d'Adrien Z, soit avoir tenu le sac de l'auteur principal du vol aggravé poursuivi ; que, dès lors, le prévenu ayant bénéficié de l'accès à la procédure, du temps nécessaire à la préparation de sa défense, par écrit et oralement lors de son interrogatoire, ne pouvait pas se méprendre sur le sens et la portée de l'acte de renvoi devant la juridiction de jugement ci-dessus décrit et ainsi sur la nature et la cause de l'accusation portée contre lui ;
"alors qu'à peine de nullité, l'ordonnance de renvoi doit comporter par elle-même la précision suffisante nécessaire à éclairer le prévenu sur les faits qui lui sont reprochés et doit contenir un exposé des charges retenues à son encontre suffisamment précis afin qu'il soit mis en mesure de connaître sans incertitude les faits pour lesquels il est poursuivi ; que le mineur Adrien Z faisait valoir que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal pour enfants ne comportait pas le moindre visa des pièces de la procédure et que le juge ne pouvait se borner à prétendre qu'il existait des charges suffisantes sans en justifier les raisons ni tenir compte des éléments à décharge exposés dans les conclusions du 20 novembre 2009 et au cours de l'audition du 26 novembre 2009 ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande d'annulation de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal pour enfants, sur le fait que le juge des enfants avait accordé le report de l'audience d'une semaine, qu'il avait interrogé le mineur à la lumière des écritures en défense d'Adrien Z sur les éléments de la procédure et sa participation aux faits poursuivis avant de décider de sa mise en examen du chef envisagé de vol avec violence et que, par ordonnance du même jour, au visa des pièces de la procédure et au motif de charges suffisantes, il avait ordonné le renvoi d'Adrien Z devant le tribunal pour enfants, pour être jugé sur des faits juridiquement qualifiés et précisément décrits, soit, avoir tenu le sac de l'auteur principal du vol aggravé poursuivi, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants et impropres à caractériser l'existence d'une motivation suffisante de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal pour enfants, n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que, par ordonnance du juge des enfants, en date du 26 novembre 2009, Adrien Z a été renvoyé devant le tribunal pour enfants du chef de complicité du délit de vol aggravé commis par Rohan ... ; que le tribunal, après avoir rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance présentée par Adrien Z et prise d'un défaut de motivation de cette décision, a condamné le mineur à une mesure d'avertissement solennel par application de l'article 16-5o de l'ordonnance du 2 février 1945 et prononcé sur l'action civile ; que le prévenu, ses parents, et le ministère public ont relevé appel de la décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt relève que si l'enquête par voie officieuse prévue par l'article 8, alinéa 2, de l'ordonnance du 2 février 1945 à laquelle peut procéder le juge des enfants n'impose pas le respect des formes prescrites par les articles 79 à 190 du code de procédure pénale et en particulier celles de l'article 184 de ce code relatives à l'ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement, ce magistrat n'en est pas moins tenu de respecter les principes fondamentaux de la procédure pénale, consacrés tant par l'article préliminaire du code de procédure pénale que par les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 14 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques ; que l'arrêt constate qu'en l'espèce, le juge des enfants, qui a accordé un report de l'audition initialement fixée au 19 novembre 2009 en vue d'une éventuelle mise en examen d'Adrien Z, a, à la lumière des écritures du prévenu et de la partie civile, interrogé le mineur, en présence de son avocat à l'audience du 26 novembre suivant, sur les éléments de la procédure et sa participation aux faits poursuivis et, par décision du même jour, au visa des pièces de la procédure et sur le fondement de charges suffisantes, a ordonné le renvoi du mineur devant le tribunal pour être jugé sur des faits juridiquement qualifiés et précisément décrits ; que les juges en déduisent qu'Adrien Z, ayant bénéficié d'un accès à la procédure, du temps nécessaire à la préparation de sa défense et ayant pu s'expliquer tant par écrit qu'oralement lors de son interrogatoire, n'a pu se méprendre sur le sens et la portée de l'acte de renvoi devant la juridiction de jugement ainsi que sur la nature et la cause de l'accusation portée contre lui ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 311-1, 311-6, 311-11, 121-6 et 121-7 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré Adrien Z coupable de s'être à Saint-Denis de la Réunion, le 17 octobre 2009, rendu complice d'une soustraction frauduleuse au préjudice de Mme Thuong ... en tenant le sac de Rohan ..., avec cette circonstance que le vol a été précédé, accompagné ou suivi de violences ayant entrainé une ITT supérieure ou égale à 8 jours, en l'espèce 90 jours, l'a condamné à une mesure d'avertissement solennel, par application de l'article 16-5o de l'ordonnance du 2 février 1945 et a déclaré les parents civilement responsables de leur enfant mineur au moment des faits ;
"aux motifs que, gardé à vue et interrogé, Adrien Z a déclaré qu'il tenait le sac de Rohan, qu'il savait que Rohan avait déjà commis des vols auparavant et que Rohan avait ce jour "un truc à voler", car il en avait parlé avant de se trouver devant le lieu des faits ; qu'ils avaient d'ailleurs tous les deux convenu d'un partage du butin, mais sans qu'Adrien y croit totalement ; que lors d'une confrontation entre les deux mineurs, Adrien YZ a reconnu qu'il savait préalablement que Rohan ... allait voler la victime en question, et a déclaré que Rohan lui "avait donné son sac pour être plus libre de ses mouvements" ; que Rohan ... a confirmé à cette occasion qu'Adrien l'avait aidé en tenant ainsi ses affaires ; que lors de sa mise en examen devant le juge des enfants, Rohan a confirmé qu'il avait d'abord dit à Adrien "Regarde le téléphone" de la victime, avant de lui remettre son propre sac pour pouvoir commettre le vol les mains libres ; que devant le juge des enfants, Adrien YZ a déclaré que Rohan lui avait bien dit qu'il allait voler et qu'ils partageraient le butin ; qu'avant le vol, Rohan lui avait fait signe et donné son sac, qu'Adrien avait "pris comme ça" ; qu'Adrien a néanmoins soutenu qu'il n'avait pas pris alors Rohan au sérieux ; qu'à l'audience du tribunal pour enfants, Rohan déclarait qu'Adrien lui "a juste gardé son sac" en pensant sans doute qu'il s'agissait d'un jeu ; qu'Adrien déclarait que Rohan lui avait bien dit qu'il allait voler le téléphone et que s'il y parvenait il lui donnerait quelque chose ; qu'Adrien précisait que le jour des faits, Rohan lui avait remis son sac pour "avoir les mains libres" ;
qu'il n'est pas contesté que Rohan ... a dit à Adrien YZ qu'il allait voler, plus précisément tant au cours de la confrontation qu'à l'audience devant le tribunal pour enfants- et non durant sa garde à vue - Adrien a respectivement admis qu'il savait que Rohan allait voler la dame puis le téléphone et surtout que Rohan lui avait donné le sac pour aller voler le téléphone et avoir pensé "qu'il voulait que je l'aide" ; que cette remise du sac faisant suite à la connaissance de l'intention déclarée de Rohan de s'apprêter à commettre le vol et précédant les faits de vol, ne peut s'interpréter que comme un acquiescement à la demande de Rohan d'être libéré du port de son sac pour nulle autre raison que celle de commettre sans encombre le vol ; qu'Adrien a fait le choix de prendre le sac et de le garder malgré sa mise en retrait ; que c'est en connaissance de cause qu'Adrien a accepté de prendre et de garder par devers lui le sac que lui tendait Rohan ;
"1) alors que la complicité par aide ou assistance suppose l'accomplissement de faits positifs qui doivent être constatés par les juges du fond ; qu'Adrien YZ faisait valoir qu'aucun élément du dossier ne faisait ressortir sa participation au vol commis par Rohan ..., ce qui avait conduit le procureur de la République à demander sa relaxe, qu'à aucun moment, il n'avait proposé une aide quelconque à Rohan ... pour faciliter la commission par celui-ci d'une infraction pénale, que le fait d'entendre Rohan ... parler d'un projet ne pouvait constituer aucun acte positif caractérisant la moindre complicité, qu'aucun plan concerté ne lui était reproché et que dès qu'il avait compris que Rohan ... était capable de passer à l'acte, il avait pris le parti de ne pas participer à quoi que ce soit d'illégal et était rentré chez lui ; que la cour d'appel ne pouvait, pour retenir Adrien YZ dans les liens de la prévention, se borner à énoncer qu'il avait accepté de prendre et de garder le sac de Rohan ... sans relever à l'encontre d'Adrien YZ des actes précis et l'existence d'un concours actif dans l'opération de vol poursuivie ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle ;
"2) alors que l'élément intentionnel de la complicité ne suppose pas seulement la connaissance du fait litigieux, mais aussi la volonté immédiate de participer à l'infraction ; qu'Adrien YZ faisait valoir que c'était Rohan ... qui seul avait eu l'intention de commettre un vol, que si effectivement il accompagnait Rohan, ce n'était aucunement dans le but de commettre un vol et que dès qu'il avait compris que Rohan allait commettre un délit, sa seule intention claire et sa seule action véritable avait été de fuir, ce qui démontrait l'absence de volonté d'aider l'auteur dans la commission des faits répréhensibles ; qu'en déduisant l'intention coupable d'Adrien YZ de ce que Rohan ... lui avait dit qu'il allait voler et lui avait donné son sac, sans caractériser la conscience qu'Adrien YZ aurait eu d'aider ou d'assister Rohan ... dans la commission du vol incriminé, ni son intention d'y participer, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze mai deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;