CIV.3 SM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 10 avril 2013
Cassation
M. TERRIER, président
Arrêt no 408 FS-P+B
Pourvoi no A 12-14.837
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Hervé Z, domicilié La Mezière,
contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2011 par la cour d'appel de Rennes (chambre des baux ruraux), dans le litige l'opposant
1o/ à M. Joseph Y, domicilié Vignoc,
2o/ à Mme Carole XY, épouse XY, domiciliée Rennes,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 26 février 2013, où étaient présents M. Terrier, président, Mme Pic, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Fossaert, Feydeau, Masson-Daum, MM. Echappé, Parneix, Mmes Andrich, Salvat, M. Roche, conseillers, Mmes Proust, Meano, Collomp, conseillers référendaires, M. Charpenel, premier avocat général, M. Dupont, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Pic, conseiller référendaire, les observations de la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat de M. Z, de la SCP Didier et Pinet, avocat des époux Y, l'avis de M. Charpenel, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen
Vu l'article L. 411-62 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article L. 411-58 du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er décembre 2011) que les époux Z ont donné à bail aux époux Y des parcelles de terres pour une durée de dix-huit années commençant à courir le 29 septembre 1993 ; que le 8 mars 2010, M. Z, devenu propriétaire en cours de bail d'une partie des parcelles louées, a donné un congé aux preneurs pour reprise de ces parcelles à effet au 29 septembre 2011 ; que les époux Y ont alors agi en nullité de ce congé ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient qu'à la date d'effet du congé, à laquelle il faut se placer pour en apprécier la régularité, le bail de dix-huit ans ne s'était pas renouvelé dans la mesure où le congé était précisément donné pour sa date d'échéance ;
Qu'en statuant ainsi alors que l'indivisibilité du bail cesse à son expiration, la cour d'appel, qui a constaté que M. Z avait délivré congé pour la totalité des terres données à bail dont il était devenu propriétaire, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne les époux Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux Y à payer à M. Z la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des époux Y ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils pour M. Z
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir annulé le congé délivré le 8 mars 2010 par Monsieur Hervé Z à Monsieur Joseph Y et à Madame Carole XY épouse XY portant sur les parcelles situées à MONTREUIL LE GAST pour une contenance de 16 ha 61 a 45 ca ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Z prétend que les dispositions de l'article L 411-62 du code rural sur lesquelles Monsieur et Madame Y fondent leur contestation ne seraient plus applicables en l'espèce dès lors que la reprise pour laquelle le congé a été donné ne serait plus partielle mais totale puisque portant sur la totalité des biens dont il est devenu propriétaire dans la mesure où le bail se serait fractionné au moment de son renouvellement ; que si Monsieur Z est bien devenu en 2009 propriétaire des 16 ha 61 a et 45 ca sur lesquels porte le congé, le bail du 1er octobre 1993 n'a jamais été fractionné puisqu'à la date d'effet du congé, à laquelle il faut se placer pour en apprécier la régularité, le bail de 18 ans ne s'était pas renouvelé dans la mesure où le congé était précisément donné pour sa date d'échéance ; que l'article L 411-62 du code rural dispose que le bailleur ne peut reprendre une partie des biens qu'il a loués si cette reprise partielle est de nature à porter gravement atteinte à l'équilibre économique de l'ensemble de l'exploitation assurée par le preneur; qu'en application de ce texte, l'atteinte à l'équilibre économique invoquée doit être appréciée au regard de l'ensemble de l'exploitation à laquelle participe le preneur c'est à dire en l'espèce du GAEC Y LEBRETON dont fait partie le preneur ; que ce GAEC exploite une surface de 70 hectares, qu'il dispose d'une référence laitière de 407 000 litres, de 69 DPU et d'un plan d'épandage de 67 hectares, que la reprise de 16ha 61a et 45 ca a pour conséquence, au vu du rapport du CER produit aux débats, la perte d'une référence laitière de 118617 litres, soit plus de 25% des références attachées aux terres exploitées par le GAEC, qu'il n'est pas contestable que la reprise entraînerait la non activation de DPU, la révision du plan d'épandage et la perte de production de fourrages et de culture de vente ; que le rapport du CER produit aux débats fixe les conséquences de la reprise partielle à la somme de 32 774 euros de perte d'excédent brut d'exploitation par an, ce qui représente un peu plus de 29 % de l'excédent brut d'exploitation annuel qui s'élève, en moyenne sur une durée de cinq ans, à la somme de 111 000 euros ce qui aurait pour conséquence de le réduire à la somme de 78 226 euros, qu'il apparaît dès lors que l'EBE qui serait réduit à la somme de 78 226 euros serait insuffisant pour couvrir les dépenses du GAEC, comprenant notamment ses remboursements d'emprunt, qui sont évaluées à la somme de 100 950 euros ;
que ces chiffres qui ne sont pas théoriques puisqu'établis à partir des résultats du GAEC et de ses charges connues démontrent qu'il résulterait de cette situation une insuffisance de trésorerie annuelle de 21 350 euros, ce qui ne permettrait plus les prélèvements des associés et ce qui ne peut que mettre en cause la survie du GAEC ; que les parcelles dont la reprise est envisagée sont situées sur les communes de Vignoc et de Montreuil le Gast c'est à dire en zone de forte pression foncière et que les documents produits par Monsieur Z sont insuffisants pour établir que les preneurs seraient en mesure de retrouver des terres, à proximité de celles du GAEC, susceptibles de palier sans délai aux pertes subies, qu'il apparaît que la reprise partielle est de nature à compromettre gravement l'équilibre de l'exploitation assurée par le preneur au sens des dispositions de l'article 4 11-62 du code rural qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et d'annuler le congé délivré par Monsieur Hervé Z à Monsieur et Madame Y Y le 08 mars 2010 ;
ALORS QUE le bailleur ne peut reprendre une partie des biens qu'il a loués si cette reprise partielle est de nature à porter gravement atteinte à l'équilibre économique de l'ensemble de l'exploitation assurée par le preneur ; que la reprise est totale si le bailleur reprend l'ensemble des biens donnés à bail alors même que l'opération constitue pour le preneur une reprise partielle ; que par ailleurs l'indivisibilité du bail cesse à son expiration et les conditions d'une reprise doivent être appréciées à la date d'effet du congé délivré à cette fin, de sorte que M. Z étant devenu seul propriétaire de la superficie de 16 ha 61 a 45 ca mise en valeur par M. et Mme Y depuis le 20 juin 2009, avait qualité pour donner congé le 8 mars 2010 pour le 29 septembre 2011 en vue d'une reprise totale des parcelles lui appartenant en pleine propriété ; que dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 411-62 du Code rural et de la pêche maritime ;
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu d'écarter des débats l'étude concernant l'estimation des préjudices et d'avoir en conséquence, annulé le congé délivré le 8 mars 2010 par M. Z à M. et Mme Y ;
AUX MOTIFS QU'il n'y a pas lieu d'écarter des débats l'étude concernant l'estimation des préjudices qui ne constitue pour l'essentiel qu'une actualisation de l'étude produite devant le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de RENNES, qui a été analysée par celui-ci dans sa décision et dont M. Z a eu connaissance puisqu'elle figure dans ses pièces ;
ET ENCORE AUX MOTIFS QU'en application de ce texte, l'atteinte à l'équilibre économique invoquée doit être appréciée au regard de l'ensemble de l'exploitation à laquelle participe le preneur c'est-àdire en l'espèce du GAEC Y LEBRETON dont fait partie le preneur ; que ce GAEC exploite une surface de 70 hectares, qu'il dispose d'une référence laitière de 407 000 litres, de 69 DPU et d'un plan d'épandage de 67 hectares, que la reprise de 16 ha, 61 a et 45 ca a pour conséquence, au vu du rapport du CER produit aux débats, la perte d'une référence laitière de 118 617 litres, soit plus de 25 % des références attachées aux terres exploitées par le GAEC, qu'il n'est pas contestable que la reprise entraînerait la non-activation de DPU, la révision du plan d'épandage et la perte de production de fourrages et de culture de vente ; que le rapport du CER produit aux débats fixe les conséquences de la reprise partielle à la somme de 32 774 euros de perte d'excédent brut d'exploitation par an, ce qui représente un peu plus de 29 % de l'excédent brut d'exploitation annuel qui s'élève, en moyenne, sur une durée de cinq ans, à la somme de 111 000 euros, ce qui aurait pour conséquence de le réduire à la somme de 78 226 euros, qu'il apparaît dès lors que l'EBE qui serait réduit à la somme de 78 226 euros serait insuffisant pour couvrir les dépenses du GAEC, comprenant notamment ses remboursements d'emprunt, qui sont évaluées à la somme de 100 950 euros ; que ces chiffres qui ne sont pas théoriques puisqu'établis à partir des résultats du GAEC et de ses charges connues démontrent qu'il résulterait de cette situation une insuffisance de trésorerie annuelle de 21 350 euros, ce qui ne permettrait plus les prélèvements des associés et ce qui ne peut que mettre en cause la survie du GAEC ; qu'alors que les parcelles dont la reprise est envisagées sont situées sur les communes de VIGNOC et de MONTREUIL LE GAST c'est-à-dire en zone de forte pression foncière et que les documents produits par M. Z sont insuffisants pour établir que les preneurs seraient en mesure de retrouver des terres, à proximité de celles du GAEC, susceptibles de palier sans délai aux pertes subies, il apparaît que la reprise partielle est de nature à compromettre gravement l'équilibre de l'exploitation assurée par le preneur au sens des dispositions de l'article 411-62 du Code rural ;
ALORS QUE le juge ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; que dès lors, en se fondant, pour statuer comme elle l'a fait, sur une étude économique concernant l'estimation des préjudices, réalisée par le CER, communiquée au conseil du bailleur par télécopie et courrier électronique, le mercredi 5 octobre 2011 à 19H16, soit la veille au soir de l'audience fixée au jeudi 6 octobre 2011 à 9H, excluant toute possibilité pour ce dernier d'en prendre connaissance en temps utile et de la communiquer à son client, et de présenter des observations avant les débats, la Cour a procédé d'une violation de l'article 16 du Code de procédure civile.