N° R 10-88.834 FS P+B+R N° 1493
CI 4 AVRIL 2013
CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI
M. LOUVEL président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
- M. Abdelazziz Z,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'ORLÉANS, chambre correctionnelle, en date du 5 octobre 2010, qui, à la requête du procureur général, a prononcé sur un incident d'exécution ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 mars 2013 où étaient présents M. Louvel président, M. Laurent conseiller rapporteur, MM. Pometan, Foulquié, Moignard, Castel, Raybaud, Mme Caron, M. Moreau conseillers de la chambre, Mmes Lazerges, Carbonaro conseillers référendaires ;
Avocat général M. Sassoust ;
Greffier de chambre Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LAURENT, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 132-31 et 222-37 du code pénal, préliminaire, 710 et 711 du code de procédure pénale, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a dit que M. Z doit seulement exécuter la peine de quatre ans d'emprisonnement ferme prononcée par l'arrêt susvisé, et que le sursis simple, assortissant deux années d'emprisonnement supplémentaires, n'emportera aucune conséquence pénalisante pour lui ;
"aux énonciations que la cour tient de l'article 710 du code de procédure pénale le pouvoir de statuer sur tous les incidents contentieux relatifs à l'exécution de la peine ;
"et aux motifs que par l'arrêt susvisé, M. Z a été déclaré coupable de différentes infractions à la législation sur les stupéfiants punies par l'article 222-37, alinéa 1, du code pénal ; que pour lui avoir infligé la peine de six ans d'emprisonnement, la cour n'a pas dépassé le maximum légal de la peine prévue par ledit article, soit dix ans d'emprisonnement ; que cette peine, aujourd'hui définitive, est, pour partie, ferme ; qu'il n'existe aucun obstacle de droit à l'exécution de cette partie ferme, d'une durée de quatre années ; qu'en revanche, il existe une difficulté quant aux deux années d'emprisonnement assorties du sursis simple, dont l'article 132-31 dispose qu'il est applicable aux condamnations à l'emprisonnement prononcées pour une durée de cinq ans au plus ; qu'il en résulte qu'il ne peut être sursis à exécution de la peine d'emprisonnement ; que la décision est passée en force de chose jugée et M. Z a définitivement acquis le droit au sursis à l'exécution d'une partie de la peine prononcée ; qu'au surplus, il est certain que le sursis ne peut emporter de conséquences pénalisantes pour lui, quelles qu'elles soient, car prononcé sans base légale ; qu'ainsi, la révocation ne sera pas possible ; que dans ces conditions, seule doit être exécutée la part d'emprisonnement ferme, d'une durée de quatre ans ;
"1) alors qu'en décidant de substituer à la peine d'emprisonnement de six ans assortie d'un sursis de deux ans prononcée à l'encontre de M. Z la peine de quatre ans d'emprisonnement ferme, la cour d'appel, saisie d'un incident contentieux relatif à l'exécution d'une décision, a manifestement excédé ses pouvoirs lorsqu'il est acquis qu'elle n'avait pas le pouvoir de modifier la chose jugée ;
"2) alors que, nul ne peut être condamné à une peine non prévue par la loi ; qu'ainsi, la cour d'appel qui relevait le caractère illégal du prononcé d'une peine de six ans d'emprisonnement assortie d'un sursis de deux ans devait nécessairement tirer les conséquences de cette illégalité en ordonnant la remise en liberté de M. Z ; qu'en s'y refusant, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par arrêt, devenu définitif, en date du 1er février 2010, la cour d'appel d'Orléans a déclaré M. Z coupable d'infractions à la législation sur les stupéfiants et l'a condamné à six ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis ; que le procureur général a présenté, le 2 juin 2010, une requête en difficulté d'exécution de cette décision ;
Attendu que, pour dire que le condamné devait exécuter la partie sans sursis de la peine prononcée contre lui, soit quatre ans d'emprisonnement, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas substitué une peine nouvelle à celle prononcée par l'arrêt du 1er février 2010, a fait l'exacte application de la loi ;
Qu'en effet, le principe de l'autorité qui s'attache à la chose jugée, même de manière erronée, s'oppose à ce qu'une décision de justice devenue définitive soit remise en cause ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Mais sur le moyen de cassation relevé d'office, après avis donné à l'avocat du demandeur, pris de la violation de l'article 132-36 du code pénal ;
Vu ledit article ;
Attendu que, selon ce texte, toute nouvelle condamnation à une peine d'emprisonnement ou de réclusion révoque le sursis antérieurement accordé quelle que soit la peine qu'il accompagne ;
Attendu que, pour dire que le sursis assortissant, à hauteur de deux ans, la peine de six ans d'emprisonnement prononcée par arrêt, en date du 1er février 2010, ne pourrait être révoqué, l'arrêt attaqué énonce que cette mesure a été prononcée sans base légale, le sursis simple n'étant applicable qu'aux seules condamnations à l'emprisonnement prononcées pour une durée de cinq ans au plus ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, d'une part, la révocation du sursis assortissant une condamnation devenue définitive n'est pas subordonnée à la régularité de son prononcé, qui ne peut plus être remise en question, et que, d'autre part, la juridiction prononçant une nouvelle condamnation est seule habilitée à dispenser le condamné de la révocation de plein droit du sursis antérieurement accordé, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Orléans, en date du 5 octobre 2010, en ses seules dispositions ayant dit que le sursis assortissant, à hauteur de deux ans, la peine de six ans d'emprisonnement prononcée par arrêt, en date du 1er février 2010, ne pourrait être révoqué, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT que ledit sursis produira, jusqu'à son terme légal, les effets prévus par les articles 132-35 à 132-39 du code pénal ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Orléans et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre avril deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;