R.G 12/02809
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 20 MARS 2013
DÉCISION DÉFÉRÉE
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 30 Mars 2012
APPELANTE
Madame Armelle Z Z
née le ..... à AMIENS
AMFREVILLE LA MIVOIE
représentée et assistée par Me VERVISCH, avocat au barreau de ROUEN
INTIMÉ
Monsieur Arnaud Y
né le ..... à ELBEUF
ELBEUF
représenté et assisté par Me VIRELIZIER, avocat au barreau du HAVRE
( SELARL KREIZEL VIRELIZIER)
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 05 Février 2013 sans opposition des avocats devant Monsieur GALLAIS, Conseiller, rapporteur, en présence de Madame BOISSELET, Conseiller,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de
Madame DOS REIS, Présidente de Chambre
Monsieur GALLAIS, Conseiller
Madame BOISSELET, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS
Melle VERBEKE, Greffier
DÉBATS
A l'audience publique du 05 Février 2013, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 Mars 2013
ARRÊT CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 20 Mars 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame DOS REIS, Présidente, et par Melle VERBEKE, Greffier présent à cette audience.
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Par acte notarié du 27 février 2003, M. Arnaud Y et Mme Armelle Z Z ont acquis, chacun pour moitié indivise, pour le prix de 138'728 euros, un immeuble situé aux Authieux - sur - le - Port - Saint - Ouen.
Un emprunt d'un montant de 150'000 euros a été contracté par les deux concubins auprès du CIN. Il a été renégocié le 24 janvier 2005 pour un montant total de 144'455 euros, les trois premières échéances, de 634,11 euros, étant suivies de 226 échéances de 1041,37 euros.
M. Y et Mme Z Z se sont mariés le 21 juin 2003, mais leur mariage a été annulé par jugement du tribunal de grande instance de Rouen du 20 octobre 2006 confirmé par arrêt de la cour d'appel de Rouen du 19 juin 2008.
L'immeuble a finalement été revendu le 15 juin 2005 pour le prix de 179'890 euros et, après remboursement des prêts immobiliers et frais, il est resté une somme de 30'283,34 euros consignée entre les mains de Me ..., notaire, lequel, en raison d'un désaccord entre les indivisaires sur sa répartition, a dressé un procès-verbal de difficultés le 4 mai 2010.
Le 30 novembre 2010, Mme Z Z a assigné M. Y devant le tribunal de grande instance de Rouen afin qu'il soit jugé qu'elle peut prétendre à la remise de la totalité de cette somme.
Par jugement du 30 mars 2012, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a dit que, pour sortir de l'indivision, M. Y recevra la somme de 19'064,84 euros et Mme Z Z celle de 12'589,16 euros, outre, pour chacun d'eux, les intérêts courus sur la somme, les frais de partage étant supportés par moitié par chacune des parties.
Mme Armelle Z Z a, le 9 juin 2012, interjeté appel de cette décision.
Dans ses conclusions du 23 août 2012, soutenant que, compte tenu des dispositions de l'article 201 du Code civil relatif aux effets du mariage annulé, les sommes que M. Y lui a versées sur son compte personnel entre juillet 2003 et mai 2005 relèvent de la contribution aux charges du mariage et que seules certaines factures invoquées par lui peuvent être prises en considération, sollicite la réformation du jugement et l'attribution de l'intégralité du prix sous déduction de la somme de 1548,75 euros devant être allouée à M. Y ainsi que la condamnation de celui-ci à lui verser une indemnité de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Par conclusions du 18 septembre 2012, M. Arnaud Y, faisant observer qu'il faut lier l'obligation de contribution aux charges du mariage à la durée de vie commune effective des époux qui a été extrêmement brève, que, de surcroît, Mme Z Z, dont les facultés étaient au moins équivalentes aux siennes, ne justifie pas s'être elle-même acquittée de ses propres obligations ni avoir préalablement exercé une action en contribution prétendue aux charges du mariage, sollicite la confirmation du jugement et l'exécution provisoire de celui-ci (sic).
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 janvier 2013.
Sur ce, la Cour,
Attendu que pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a énoncé que Mme Z Z justifie, sur son compte, de prélèvements d'emprunt immobilier, pour le compte de l'indivision, à hauteur de 17'774 euros, mais que M. Y démontre lui avoir remboursé la somme de 9504,85 euros entre juillet 2003 et mai 2005, ce qui dépasse de 617,85 euros la part lui incombant, et qu'il a par ailleurs réglé des factures de travaux pour un montant de 1709,51 euros auquel il convient d'ajouter une somme de 4148,31 euros au titre de frais divers
réglés pour le compte de l'indivision, de sorte qu'il peut prétendre à une créance sur l'indivision égale à la moitié de 6475,67 euros, soit 3237,84 euros; que c'est dans ces conditions que le premier juge a décidé que M. Y devait recevoir la moitié du prix 15'827 euros + 3237,84 euros, soit 19'064,84 euros et Mme Z Z le solde, soit 12'589,16 euros;
Attendu que M. Y ne conteste pas cette analyse dans la mesure où, intimé, il sollicite la confirmation du jugement ;
Que Mme Z Z ne conteste pas, pour l'essentiel, les sommes retenues, hormis ce qui concerne les travaux et les frais divers invoqués par l'intimé qu'elle n'admet qu'à hauteur de 1798,80 euros, mais, avant tout, soutient que c'est à tort qu'il a été considéré que la somme de 9504,85 euros a représenté la participation de M. Y au remboursement de l'emprunt ; qu'elle prétend qu'elle doit s'analyser en une contribution aux charges du mariage, puisque, en application de l'article 201 du Code civil, le mariage a produit ses effets au moins envers elle du 21 juin 2003 au 19 juin 2008 ;
Attendu que l'article 201 du Code civil dispose
" Le mariage qui a été déclaré nul produit, néanmoins, ses effets à l'égard des époux, lorsqu'il a été contracté de bonne foi.
Si la bonne foi n'existe que de la part de l'un des époux, le mariage ne produit ses effets qu'en faveur de cet époux. " ;
Attendu que ni le jugement du 20 octobre 2006 ni l'arrêt confirmatif du 19 juin 2008 en vertu desquels le mariage des époux Y - de Rouge a été annulé ne se sont prononcés sur son caractère putatif, ce qui n'empêche pas que ce caractère soit retenu par une décision ultérieure, étant observé que l'intimé n'élève aucune objection à cet égard ; que le mariage a été annulé dans la mesure où il a été constaté, chez Mme Z Z, des troubles de santé psychique dans les semaines qui ont précédé et suivi la célébration de celui-ci qui l'ont empêchée d'apprécier la portée de ses engagements et M. Y a été condamné à lui verser, en raison de ses agissements fautifs dans le but d'obtenir le mariage, la somme de 1500 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ; que Mme Z Z peut donc effectivement invoquer le bénéfice du mariage putatif ;
Qu'il s'ensuit qu'elle peut se prévaloir de la contribution aux charges du mariage, telle qu'elle est fixée par l'article 214 du Code civil ;
Que même si, comme le fait valoir l'intimé, la vie commune a cessé dans le cours de l'année 2004, cette considération ne fait pas disparaître pour autant la contribution aux charges du mariage, mais constitue une circonstance devant être prise en considération ; qu'il importe peu que Mme Z Z n'ait pas exercé antérieurement d'action fondée sur l'article 214 du Code civil ;
Attendu que les parties ne s'expliquent pas sur leurs revenus, mais le rapprochement entre les relevés de leurs comptes bancaires respectifs conduit à considérer qu'ils étaient à peu près équivalents (soit, en moyenne, de l'ordre de 1000 euros par mois) ; que chacun des époux devait donc contribuer, de façon équivalente, aux charges du mariage ;
Attendu que les relevés du compte bancaire de Mme Z Z font apparaître qu'outre les remboursements de l'emprunt immobilier, elle faisait face à un certain nombre de dépenses telles que l'électricité, le téléphone ou l' assurance ; que les relevés du compte bancaire de M. Y ne font pas apparaître de dépenses équivalentes ; que, dans ces conditions, il sera considéré que sur la somme, non discutée, de 9584,85 euros versée par lui à Mme Z Z entre juillet 2003 et mai 2005, la moitié, soit 4752,42 euros, a constitué sa contribution aux charges du mariage et l'autre moitié sa participation au remboursement du prêt immobilier ;
Attendu que l'appelante conteste en vain les autres sommes qui ont été admises par le tribunal comme étant afférentes à l'immeuble et prises en charge par l'intimé qui en justifie au moyen des pièces produites ; qu'elles s'élèvent à 1709,51 euros au titre des travaux et à 4148,31 euros au titre des frais divers, soit, en ce qui le concerne, un total de 5857,82 euros;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la contribution de M. Y aux dépenses relatives à l'immeuble indivis s'est donc élevée à 4752,42 euros + 5857,82 euros = 10'610,24 euros; que celle de Mme Z Z s'est élevée à 17'774 euros auxquels seront ajoutés 250,05 euros au titre de la facture Thoumyre relative aux travaux de serrurerie, soit, pour ce qui la concerne, un total de 18'024,05 euros;
Que l'ensemble de ces dépenses relatives au bien immobilier indivis représente ainsi un total de 28'634,29 euros; que les développements qui précèdent révèlent que M. Y y a participé à hauteur de 37 % et Mme Z Z à hauteur de 63 % ; que la transposition de ces pourcentages au solde du prix de 30'283,34 euros séquestré chez le notaire conduit à dire qu'il devra être réparti à hauteur de 19'078, 50 euros à Mme Z Z et de 11'204,84 euros à M. Y, le jugement étant réformé en ce sens ;
Attendu que, compte tenu de la nature du litige, chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel sans que l'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par ces motifs,
Réforme le jugement entrepris,
Dit que le solde du prix de vente de l'immeuble indivis, d'un montant de 30'283,34 euros, sera réparti à hauteur de 19'078,50 euros au profit de Mme Armelle Z Z et de 11'204,84 euros au profit de M. Arnaud Y,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier La Présidente