SOC. PRUD'HOMMES CF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 13 mars 2013
Cassation
M. GOSSELIN, conseiller le plus ancien faisant fonction de
président
Arrêt no 470 F-D
Pourvoi no S 11-21.909
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Maxime Z, domicilié Blamont,
contre l'arrêt rendu le 25 mars 2011 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Fabrication française de fermetures (FFF), société par actions simplifiée, dont le siège est Beaucourt,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 février 2013, où étaient présents M. Gosselin, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, M. Ballouhey, Mme Goasguen, conseillers, Mme Taffaleau, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Gosselin, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. Z, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Fabrication française de fermetures, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que M. Z a été engagé en qualité de vendeur par la société française de fermetures (FFF) le 1er avril 1996 ; que par courrier du 23 octobre 2007, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant notamment à son employeur de refuser de maintenir ses conditions de rémunération initiales ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale afin de faire juger que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement d'un rappel de commissions ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement d'un rappel de commissions ainsi que l'ensemble des demandes relatives à la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient que la modification du taux des commissions a été librement négociée dans l'entreprise entre l'employeur et les commerciaux et que le salarié a accepté cette modification dès lors qu'il a participé aux réunions d'information organisées par l'employeur lors de la mise en place du nouveau mode de rémunération, qu'il n'a jamais manifesté le moindre désaccord avec la modification litigieuse et enfin que cette modification était avantageuse pour les salariés ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'accord exprès du salarié quant à la modification de son mode de rémunération, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société Fabrication française de fermetures aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Fabrication française de fermetures à payer à M. Z la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. Z
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. Z de sa demande en paiement d'un rappel de commissions et de toutes ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE, sur la rappel de commissions, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose qu'une modification du contrat de travail soit finalisée dans un écrit dûment signé par les parties ; qu'il y a lieu en l'espèce, d'écarter les exigences formelles imposées par l'article L. 1222-6 du code du travail dès lors que la rupture du contrat ne s'inscrivait pas dans le cadre d'un licenciement économique ; que, pour établir l'acceptation non équivoque par M. Z des nouvelles modalités de calcul des commissions, la société FFF verse aux débats une attestation circonstanciée d'un ancien commercial de l'entreprise, qui déclare " je vous confirme que ce changement (de rémunération) avec un fixe plus élevé, un pourcentage dégressif de 1,5 à 0,5 % du chiffre d'affaires par tranche, la prise en compte de tous les clients de la zone de notre chiffre, une prime de fin d'année liée à des objectifs de croissance et de niveau d'impayés ainsi qu'une entière transparence du chiffre d'affaires pour les commerciaux s'est déroulé de façon consensuelle et sans contestation d'aucun des commerciaux, lors des réunions commerciales au cours desquelles il a été mis en place " ; qu'il s'évince du jugement critiqué que M. Z a reconnu devant les premiers juges avoir participé à ces réunions d'information ; que le témoin ajoute " ces accords ont été mis en place et à ma connaissance, il n'y a pas eu de rediscussion ou contestation au moins jusqu'à mon départ de la société FFF " ; qu'il résulte ensuite des déclarations de plusieurs salariés de l'entreprise et celles de la personne chargée de l'établissement de la paie, consignées sur sommation interpellative délivrée par la société FFF, que M. Z n'a jamais manifesté le moindre désaccord avec la modification litigieuse ; qu'il a lui-même admis ce fait devant le conseil de prud'hommes en ces termes " Non, je n'ai pas contesté cette modification entre 2002 et 2007 " ; qu'il s'évince également de l'attestation susmentionnée que la modification comportait une autre contrepartie avantageuse pour les salariés ; qu'en effet, chacun des commerciaux s'est vu attribuer une voiture particulière, M. Z disposant d'un véhicule de type 307 break qu'il pouvait utiliser pour ses besoins personnels ; qu'il s'en déduit, d'une part, que la modification du taux des commissions a été librement négociée dans l'entreprise entre l'employeur et les commerciaux et, d'autre part, que M. Z a accepté cette modification ; que le contrat de travail ainsi nové s'étant poursuivi aux nouvelles conditions, le salarié n'est pas fondé à réclamer un rappel de commissions calculé sur la base de l'ancien taux ; que, sur la rupture du contrat de travail, la modification du taux des commissions versées au salarié ayant été librement acceptée par celui-ci, les motifs du départ du salarié ont été étrangers à la modification du calcul de ses salaires ;
ALORS, 1o), QUE la novation du contrat de travail, qui ne se présume pas, doit résulter de la volonté claire et non équivoque des parties ; que, par ailleurs, le silence ne vaut pas, à lui seul, acceptation ; qu'en déduisant l'accord de M. Z à la modification des modalités de calcul de la part variable de sa rémunération de la seule circonstance qu'informé de la volonté de l'employeur, il ne s'y était pas opposé et avait poursuivi le travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1273 du code civil ;
ALORS, 2o), QUE lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour un motif économique, il en fait la proposition au salarié par une lettre recommandée avec accusé de réception l'informant qu'il dispose d'un délai d'un mois pour faire connaître son refus ; qu'à défaut d'avoir respecté ces formalités, l'employeur ne peut se prévaloir ni d'un refus ni d'une acceptation de la modification du contrat de travail par le salarié ; qu'en écartant l'application de ces règles, dont le salarié se prévalait, sans avoir recherché si la modification du taux de commissionnement intervenue en 2002 n'avait pas été dictée par un motif économique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1222-6 du code du travail.