CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 février 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 104 FS-B
Pourvoi n° W 20-22.938
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 FÉVRIER 2022
La Société générale, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 20-22.938 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2020 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [G] [K],
2°/ à Mme [O] [K], épouse [P],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. et Mme [K], et l'avis de M. Aa, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, M. Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes A Ab, Ac, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Aa, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'
article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 23 octobre 2020), le 6 mai 2008, la Société générale (la banque) a consenti à la société [K] finance (la société) un prêt de 300 000 euros. Le 26 avril 2008, par actes séparés, M. et Mme [K] (les cautions), mariés sous le régime de la communauté légale, se sont portés chacun caution solidaire des engagements de la société à l'égard de la banque, à concurrence respectivement de 273 000 euros et 117 000 euros.
2. Le 12 février 2014, à la suite de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société, convertie en liquidation judiciaire, la banque a assigné les cautions en paiement. Celles-ci lui ont opposé la disproportion de leur engagement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne peut se prévaloir des cautionnements conclus le 26 avril 2008 et de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/ que lorsque des époux communs en biens se sont portés cautions solidaires d'une même dette à hauteur de montants différents, la disproportion manifeste de leurs cautionnements s'apprécie au regard du montant de l'engagement le plus élevé des deux, et non pas au regard du montant cumulé des deux engagements ; que, le 26 avril 2008, M. et Mme [K], mariés sous le régime légal, se sont portés cautions d'une même dette à hauteur de montants différents, à savoir à hauteur de 117 000 euros pour Mme [K] et de 273 000 euros pour M. [K], avec solidarité à hauteur de l'engagement de Mme [K] ; qu'en appréciant la disproportion manifeste des cautionnements de M. et Mme [K] (au jour de leur conclusion et au jour où ils ont été appelés) au regard du montant cumulé des deux engagements, soit 390 000 euros, au lieu du montant de l'engagement le plus élevé des deux, soit 273 000 euros, la cour d'appel a violé l'
article L. 341-4 du code de la consommation🏛, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
2°/ que lorsque des époux communs en biens se sont portés cautions solidaires d'une même dette à hauteur de montants différents, la disproportion manifeste de leurs cautionnements s'apprécie séparément pour chaque époux ; que la cour d'appel a jugé que les cautionnements de M. et Mme [K] étaient manifestement disproportionnés au jour de leur conclusion en comparant l'actif net de M. et Mme [K], composé de biens, revenus et charges communs et s'élevant à cette date à 207 319,07 euros, au montant cumulé de leurs engagements, soit 390 000 euros, quand elle aurait dû apprécier la disproportion manifeste du cautionnement de Mme [K] (au jour de sa conclusion) au regard du seul montant de l'engagement de celle-ci, soit 117 000 euros ; que, partant, la cour d'appel a violé l'
article L. 341-4 du code de la consommation🏛, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
3°/ que la disproportion manifeste de l'engagement de la caution commune en biens s'apprécie, à l'actif, par rapport à ses biens et revenus propres et aux biens communs, incluant les revenus de son conjoint, et, au passif, par rapport à ses charges propres et aux charges de la communauté ; que, partant, ne doivent pas être prises en compte les charges propres de son conjoint ; qu'en appréciant la disproportion manifeste du cautionnement de Mme [K] (au jour où il a été appelé) au regard du montant cumulé de son engagement et de celui de son époux, au lieu du seul montant de l'engagement de Mme [K], et en prenant en considération des charges propres de son mari – notamment la somme qu'il a été condamné à verser à la Société générale en exécution du cautionnement qu'il a souscrit le 17 mars 2009 –, au lieu des seules charges de la communauté et des charges propres de Mme [K], la cour d'appel a violé l'
article L. 341-4 du code de la consommation🏛, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel a, d'abord, retenu à bon droit que la disproportion des engagements de cautions mariées sous le régime légal doit s'apprécier au regard de l'ensemble de leurs biens et revenus propres et communs.
5. C'est, ensuite, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et au vu des revenus des cautions, de leurs charges et de leur patrimoine qu'elle a estimé que les cautionnements souscrits étaient manifestement disproportionnés et que la banque ne rapportait pas la preuve qu'à la date où elles avaient été appelées en paiement, leur patrimoine leur permettait de faire face à leurs obligations.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société générale aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société générale.
La Société Générale fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit qu'elle ne pouvait se prévaloir des cautionnements conclus le 26 avril 2008 par M. [G] [K] et Mme [O] [K] et de l'AVOIR déboutée de ses demandes à l'encontre de ceux-ci ;
1) ALORS QUE lorsque des époux communs en biens se sont portés cautions solidaires d'une même dette à hauteur de montants différents, la disproportion manifeste de leurs cautionnements s'apprécie au regard du montant de l'engagement le plus élevé des deux, et non pas au regard du montant cumulé des deux engagements ; que, le 26 avril 2008, les époux [K], mariés sous le régime légal, se sont portés cautions d'une même dette à hauteur de montants différents, à savoir à hauteur de 117.000 € pour Mme [K] et de 273.000 € pour M. [K], avec solidarité à hauteur de l'engagement de Mme [K] ; qu'en appréciant la disproportion manifeste des cautionnements de M. et Mme [K] (au jour de leur conclusion et au jour où ils ont été appelés) au regard du montant cumulé des deux engagements, soit 390.000 €, au lieu du montant de l'engagement le plus élevé des deux, soit 273.000 €, la cour d'appel a violé l'
article L. 341-4 du code de la consommation🏛, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
2) ALORS, subsidiairement, QUE lorsque des époux communs en biens se sont portés cautions solidaires d'une même dette à hauteur de montants différents, la disproportion manifeste de leurs cautionnements s'apprécie séparément pour chaque époux ; que la cour d'appel a jugé que les cautionnements des époux [K] étaient manifestement disproportionnés au jour de leur conclusion en comparant l'actif net des époux [K], composé de biens, revenus et charges communs et s'élevant à cette date à 207.319,07 €, au montant cumulé de leurs engagements, soit 390.000 €, quand elle aurait dû apprécier la disproportion manifeste du cautionnement de Mme [K] (au jour de sa conclusion) au regard du seul montant de l'engagement de celle-ci, soit 117.000 € ; que, partant, la cour d'appel a violé l'
article L. 341-4 du code de la consommation🏛, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
3) ALORS, infiniment subsidiairement, QUE la disproportion manifeste de l'engagement de la caution commune en biens s'apprécie, à l'actif, par rapport à ses biens et revenus propres et aux biens communs, incluant les revenus de son conjoint, et, au passif, par rapport à ses charges propres et aux charges de la communauté ; que, partant, ne doivent pas être prises en compte les charges propres de son conjoint ; qu'en appréciant la disproportion manifeste du cautionnement de Mme [K] (au jour où il a été appelé) au regard du montant cumulé de son engagement et de celui de son époux, au lieu du seul montant de l'engagement de Mme [K], et en prenant en considération des charges propres de son mari – notamment la somme qu'il a été condamné à verser à la Société Générale en exécution du cautionnement qu'il a souscrit le 17 mars 2009 –, au lieu des seules charges de la communauté et des charges propres de Mme [K], la cour d'appel a violé l'
article L. 341-4 du code de la consommation🏛, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.