D'une part,
1°/ la société Hpb, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5] (Luxembourg),
2°/ la société [O] services, société anonyme, dont le siège est r[Adresse 7] (Suisse),
3°/ la société [O], société anonyme,
4°/ la société Marguerite, société par actions simplifiées,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 4],
5°/ la société Bpbo, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],
6°/ la société Biboupadoue,
7°/ la société Piff, société à responsabilité limitée,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],
8°/ la société Boccagence, société par actions simplifiées, dont le siège est [Adresse 4],
9°/ la société Dyade, dont le siège est [Adresse 1],
10°/ la société les Grandes Vercheres, société civile immobilière,
11°/ la société la Feuillane, société civile immobilière,
12°/ la société Aralo, société civile immobilière,
13°/ la société Rhm, société civile immobilière,
ayant toutes quatre leur siège [Adresse 4],
14°/ la société Betsi, société par actions simplifiées,
15°/ la société Acier alu échafaudage Lovemi,
16°/ la société Groupe Stecmi, société par actions simplifiées,
ayant toutes trois leur siège [Adresse 3],
17°/ M. [H] [O], domicilié est [Adresse 2],
18°/ M. [U] [O], domicilié [… …],
19°/ la société Prism international, société par actions simplifiées, dont le siège est [Adresse 4],
D'autre part,
le directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, domicilié [… …],
Vu la communication faite au procureur général ;
Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat des sociétés Hpb, [O] services, [O], Marguerite, Bpbo, Biboupadoue, Piff, Dyade, Boccagence, les Grandes Vercheres, la Feuillane, Aralo, Rhm, Betsi, Acier alu échafaudage Lovemi, Groupe Stecmi, M. [H] [O], M. [U] [O] et la société Prism international, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, et l'avis de Mme Aa, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fèvre, Ducloz, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes de Cabarrus, Ab, Tostain, MM. Boutié, Gillis, conseillers référendaires, Mme Aa, premier avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'
article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité
1. Par ordonnance du 6 octobre 2021, le premier président de la cour d'appel de Lyon a transmis deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :
« 1°/ Les dispositions de l'
article L. 16-B du livre des procédures fiscales🏛 dans leur rédaction issue de la
loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012🏛 portent-elles atteinte aux principes de liberté individuelle, de respect des droits de la défense, de droit au respect de la vie privée et de l'inviolabilité du domicile, en ce qu'elles permettent en l'absence d'autorisation judiciaire spéciale et de recours effectif la saisie de données stockées en dehors des lieux autorisés par le juge et appartenant à des tiers à la procédure ?
2°/ Les dispositions de l'
article L. 16-B du livre des procédures fiscales🏛 dans leur rédaction issue de la
loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012🏛 portent-elles atteinte à la garantie des droits (
article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789), au droit au respect de la vie privée et à l'inviolabilité du domicile, à la protection des données à caractère personnel (
article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789) en ce qu'elles permettent la saisie de données stockées sur un serveur localisé à l'étranger sans respect des engagements internationaux ? »
Examen des questions prioritaires de constitutionnalité
2. L'
article L. 16-B du livre des procédures fiscales🏛 est applicable au litige, qui concerne l'appel formé contre l'ordonnance d'un juge des libertés et de la détention ayant autorisé les agents de l'administration fiscale à effectuer des visites et saisies sur ce fondement, et le recours formé contre le déroulement des opérations de visite et de saisies.
3. Cet article, dans sa rédaction issue de la
loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016🏛, en vigueur à la date de l'autorisation donnée par le premier juge et donc applicable au litige, n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
4. La seconde question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle. Elle ne présente pas en outre un caractère sérieux, dès lors que le
Conseil constitutionnel s'estime incompétent pour se prononcer sur la violation de règles de droit international (décision n° 80-116 DC du 17 juillet 1980) et juge que le moyen tiré du défaut de compatibilité d'une disposition législative aux engagements internationaux et européens de la France ne saurait être regardé comme un grief d'inconstitutionnalité (décision n° 2010-605 QPC du 12 mai 2010). Il n'y a donc pas lieu de renvoyer cette question au Conseil constitutionnel.
5. En revanche, la première question posée présente un caractère sérieux, au regard du droit au respect de la vie privée, en ce que les dispositions contestées, qui permettent à l'autorité judiciaire d'autoriser les agents de l'administration fiscale à procéder à des visites en tous lieux, même privés, où des pièces et documents se rapportant aux agissements de fraude présumés sont susceptibles d'être matériellement détenus, prévoient aussi la possibilité de visiter les lieux depuis lesquels de tels éléments sont susceptibles d'être accessibles ou disponibles et de procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support, ce qui permet notamment la saisie de données informatiques stockées à l'extérieur des lieux où la visite a été autorisée, appartenant à des tiers. En conséquence, il y a lieu de renvoyer cette question au Conseil constitutionnel.