COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 78F
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 DECEMBRE 2021
N° RG 21/03767 - N° Portalis DBV3-V-B7F-USFD
AFFAIRE :
Aa A Epouse B
Monsieur Ab B
C/
C. MCS & ASSOCIES
S.E.L.A.R.L. EVIDENCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juin 2021 par le Juge de l'exécution de VERSAILLES
N° RG : 20/03956
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 16.12.2021
a
Me Samba SIDIBE avocat au barreau de VERSAILLES
Me Julien SEMERIA de la SELARL 9 JANVIER, avocat au barreau de VAL D'OISE
Me Guillaume NICOLAS de la SCP PIRIOU METZ NICOLAS, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre
Madame Aa A Epouse B
Née le … … … à … (…)
… … …
… … … … …
… … … …
Né le … … … à … (…)
… … …
… … … … …
… … … …
Représentant : Me Samba SIDIBE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 695 - N° du dossier CAKIR/MC
APPELANTS
S.A.S. MCS & ASSOCIES
N° Siret : 334 537 206 (RCS de Paris)
256 bis rue des Pyrénées
75020 PARIS
Venant aux droits de la DSO CAPITAL Société par actions simplifiée à associé unique inscrite au Registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 821 693 918 et dont le siège social est sis 26, rue de Chambéry a PARIS CEDEX 15 (75724), aujourd'hui radiée au RCS en date du 24/01/2020, suite à la fusion-absorption intervenue en date du 31/12/2019, laqueile venait aux droits de la SA BNP PARIBAS suivant acte sous seing privé daté du 19 janvier 2018 portantcession de créances.
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Julien SEMERIA de la SELARL 9 JANVIER, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 211 - Représentant : Me Stéphanie ARFEUILLERE de la SELARL CREMER & ARFEUILLERE, Plaidant, avocat au barreau d'ESSONNE S.E.L.A.R.L. EVIDENCE
Huissiers de Justice
N° Siret : 840 000 426 (RCS de Meaux)
4850 Boulevard Chilpéric
77500 CHELLES
Prise en la personne de ses représentants HK5K légaux domiciliés dk Ke dk Ke dk en cette qualité audit siège
Représentant : Me Guillaume NICOLAS de la SCP PIRIOU METZ NICOLAS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 255 - N° du dossier 210476 - Représentant : Me Céline NETTHAVONGS de l'AARPI RABIER & NETHAVONGS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1075
INTIMÉES
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Novembre 2021 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne PAGES, Président,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudette DAULTIER,
Greffier, lors de la mise à disposition : Madame Mélanie RIBEIRO,
EXPOSÉ DU LITIGE
Se prévalant d'un jugement rendu par le tribunal d'instance d'Aubervilliers le 31 août 2005, la SAS Mcs et associés venant aux droits de la société DSO Capital, venant elle-même aux droits de la société Fortis Banque, a fait pratiquer entre les mains de la Caisse fédérale de Crédit mutuel au préjudice de Mme B, une saisie-attribution le 1er juillet 2020 pour avoir paiement de la somme totale de 27 703,38 euros.
Ladite saisie-attribution a été dénoncée à Mme B le 7 juillet 2020. Elle a permis d'appréhender les sommes de 4 857,59 € sur le compte n°21296901 et 1057,14 € sur un livret A.
Par actes en date des 6 et 7 août 2020, M. et Mme B ont fait citer la SAS Mcs et associés et la SELARL Evidence, huissier instrumentaire, devant le juge de l'exécution aux fins de contester ladite saisie-attribution.
Par jugement contradictoire rendu le 2 juin 2021, le juge de l'exécution de Versailles a :
- dit M. et Mme B irrecevables en leurs contestations ;
- débouté M. et Mme B de leur demande de dommages et intérêts ;
- condamné in solidum M. et Mme B aux dépens ;
- condamné in solidum M. et Mme B à verser la somme de 500 euros à la SAS Mcs et associés et la somme de 500 euros à la SELARL Evidence en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rappelé que les décisions du juge de l'exécution bénéficient de l'exécution provisoire de droit ;
- ordonné la notification du présent jugement aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception et par lettre simple, ainsi qu'à l'huissier de justice par lettre simple.
Le 14 juin 2021, M. et Mme B ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises au greffe le 18 octobre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les appelants demandent à la cour de :
* les déclarer recevables et bien fondés en leur appel ;
* infirmer le jugement du 2 juin 2021 du juge de l'exécution de Versailles en toutes ses
dispositions.
Statuant à nouveau,
* dire caduque, nulle et de nul effet la saisie attribution du 1er juillet 2020 effectuée sur les
comptes bancaires de M. et Mme B, ainsi que tous les actes subséquents, faute d'avoir été notifiée régulièrement dans les huit jours à M. Ab B;
* déclarer M. B recevable et bien fondé à soulever la prescription de l'action en
recouvrement du jugement rendu le 31 août 2005 depuis le 19 juin 2018 ;
* dire prescrite définitivement l'exécution du jugement rendu le 31 août 2005 à l'encontre de
Mme B depuis le 19 juin 2018 ;
* dire nulle et de nul effet la saisie attribution du 1er juillet 2020 effectuée sur les comptes
bancaires joints de M. et Mme B, ainsi que tous les actes subséquents, faute de titre dont l'exécution pouvait être poursuivie;
* dire nulle et non avenue la saisie attribution du 1er juillet 2020 effectuée sur les comptes
bancaires de M. et Mme B, ainsi que tous les actes subséquents, faute pour la SAS Mcs et associés d'avoir qualité et intérêt à agir à l'encontre de Mme B ;
* dire que les sommes déposées sur les comptes bancaires des époux B mariés sous le
régime de la communauté légale sont présumées communes ;
* dire nulle et non avenue la saisie attribution du 1er juillet 2020 effectuée sur les comptes
bancaires joints et communs des époux B, ainsi que tous les actes subséquents, faute pour la SAS Mcs et associés de rapporter la preuve que les sommes saisies étaient des sommes
personnelles à Mme B ;
* dire que l'acte signé le 2 juillet 2020 par Mme B ne vaut pas acquiescement ;
* dire que l'acte signé le 2 juillet 2020 par Mme B ne peut être opposé à M. B qui a un intérêt personnel à contester la saisie-attribution du 1er juillet 2020 ;
* ordonner en conséquence la mainlevée de la saisie attribution du 1er juillet 2020 effectuée à la demande de la SAS Mcs et associés sur les comptes bancaires de M. et Mme B ouverts auprès de la Caisse fédérale de Crédit mutuel AG Versailles ;
* ordonner en conséquence à la SAS Mcs et associés et à la SELARL Evidence de restituer à
M. et Mme B les sommes illégalement attribuées, soit 4292,81 euros et 1057,14 euros, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à
intervenir ;
* dire que la SAS Mcs associés et la SELARL Evidence ont procédé à une saisie abusive
démunies de tout titre exécutoire, dépourvues de qualité et d'intérêt à agir, sur les biens des
époux B, ce qu'ils ont pu aisément vérifier avant leur action et leur ont derechef fait subir un préjudice moral et matériel certain ;
* ordonner en conséquence en tant que de besoin la levée de tous les actes et condamner la
SAS Mcs et associés et la SELARL Evidence à payer à M. et Mme B la somme de 10
000 euros à titre de dommages et intérêts ;
* débouter la SELARL Evidence de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
* débouter la SAS Mcs et associés de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
* condamner la SAS Mcs et associés et la SELARL Evidence aux entiers dépens en ce compris tous les frais de la saisie attribution du 1er juillet 2020 ;
* condamner la SAS Mcs et associés à payer à M. et Mme B la somme de 2000 euros au
titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs demandes, M. et Mme B font valoir :
Sur la caducité et l'inopposabilité de la saisie-attribution à l'égard de M B:
- que la saisie du 1er juillet 2020 a été effectuée sur le compte joint n°21296901 et le livret A de M. et Mme B ; que pourtant, M. B n'a été destinataire d'aucun acte de dénonciation de la saisie en violation des articles R.211-22 et R.211- 3 du code des procédures civiles d'exécution ; que la saisie est donc caduque et il ne peut être opposé à M. B aucun délai quant à la saisine du juge de l'exécution, ni aucun acte d'acquiescement qu'il n'a pas signé et qui ne lui a pas été dénoncé ; que c'est donc à tort que le juge de l'exécution a déclaré M. B irrecevable;
- que M. et Mme B se sont mariés le 27 octobre 2012, sous le régime légal de la communauté de sorte que les sommes provisionnant leurs comptes joints sont présumées communes en application de l'article 1402 du code civil alors que conformément à l'article 1411 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier de l'un ou de l'autre époux ne peut poursuivre leur paiement que sur les biens propres et les revenus de leur débiteur .
Sur la prescription soulevée par Mme B :
- que le jugement du 31 août 2005 invoqué comme titre exécutoire, en vertu du nouvel article L.111-4 du code des procédures civiles d'exécution entré en vigueur le 19 juin 2008, qui permet l'exécution des jugements pendant un délai de 10 ans, et qui est applicable immédiatement aux jugements prononcés antérieurement, est prescrit ;
- que l'acquiescement que l'huissier a fait signer à Mme B le 2 juillet 2020, est nul de sorte que Mme B est recevable à se prévaloir de la prescription du jugement de 2005 ; qu'en, effet, à cette date, la saisie ne lui avait pas été dénoncée, pas plus que ses droits, et le document du 2 juillet 2020 est incomplet, imprécis et ambivalent puisqu'il ne précise pas les droits auxquels elle a prétendument renoncé; que c'est donc à tort que le juge de l'exécution a déclaré Mme B irrecevable en sa contestation ;
Sur la prescription soulevée par M B :
- qu'en sa qualité de cotitulaire du compte joint alimenté par ses revenus, la saisie porte préjudice à M. B qui est donc recevable à saisir le juge de l'exécution et à lui demander notamment de voir déclarer prescrite depuis le 19 juin 2018 l'exécution du jugement rendu le 31 août 2005 et voir ainsi annuler la saisie et ordonner la mainlevée de la saisie du 1er juillet 2020 et la restitution des sommes saisies sans qu'il puisse lui être opposé un quelconque acquiescement qu'il n'a pas souscrit, et alors que la saisie ne lui a pas été dénoncée par l'huissier de justice ;
- que subsidiairement, c'est au créancier qu'il appartenait d'identifier sur le compte saisi, les revenus de Mme B, les seuls qui sont susceptibles d'être saisis en règlement d'une dette contractée avant le mariage( civ 1, 15 juin 2017, n°16-20.739) ;
Sur le défaut de qualité et d'intérêt à agir du créancier saisissant :
- que le jugement du 2 juin 2021 a dit qu'il ressortirait des pièces produites par la SAS Mcs et associés qu'elle « démontre sa qualité à agir à l'encontre de M. et Mme B » ;
- que pourtant, il ne ressort d'aucun document versé aux débats qu'elle détiendrait la moindre créance à l'égard de_M. B ; ni qu'elle détiendrait la moindre créance à l'égard de la communauté formée par M. et Mme B ; qu'enfin, il ne ressort pas non plus des pièces versées aux débats que M. B aurait reçu notification de la cession de créance au profit de la SAS Mcs et associés ; que c'est donc à tort que le juge de l'exécution a dit que la SAS Mcs et associés démontrait sa qualité à agir à l'encontre de M. B ;
- que par ailleurs, la signification n'a pas eu lieu non plus à l'égard de Mme B ;
- qu'il importe peu que la signification de la cession de créance résulte de l'acte de dénonciation de saisie du 7 juillet 2020 ou des conclusions ultérieures de la SAS Mcs et associés, dans la mesure où cette signification est intervenue alors que la créance était prescrite ;
Sur la responsabilité de l'huissier et du créancier saisissant :
- que la responsabilité de l'huissier ayant procédé aux actes litigieux peut être recherchée par le débiteur pour les fautes personnelles qu'il a commises dans l'accomplissement de sa mission (voir : 2ème Civ., 2 décembre 2010, n°09-65.951) ; qu'en l'espèce, il est constant que la SELARL Evidence et son mandant la SAS Mcs et associés ont procédé à une saisie sur les biens des époux B, tout en sachant qu'ils ne détenaient aucun titre exécutoire pour y procéder, et qu'ils se trouvaient donc sans qualité et sans titre pour y procéder ; or il appartient à tout huissier instrumentaire, auxiliaire de justice et garant de la légalité des poursuites, de s'assurer au préalable que le titre fondant son action lui permet de procéder auxdites mesures (voir : 1ère Civ., 22 mars 2012, n°10-25.811 ; 28 septembre 2016, n°14-29.776) ; qu'après interrogation du fichier Ficoba, son mandant et lui savaient qu'il s'agissait de comptes joints insaisissables et ont indubitablement engagé leur responsabilité à l'égard des époux B ;
Par dernières conclusions transmises au greffe le 5 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SAS Mcs et Associés intimée, demande à la cour de :
* la recevoir en ses demandes, fins et conclusions et les déclarer bien fondées ;
* déclarer M. et Mme B irrecevables en leurs contestations portant sur la saisie-attribution
pratiquée le 1er juillet 2020.
En conséquence :
* confirmer le jugement rendu le 2 juin 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles en toutes ses dispositions ;
* débouter M. et Mme B de l'ensemble de leurs prétentions plus amples et contraires.
Y ajoutant :
* condamner in solidum M. et Mme B au paiement de la somme de 3000 euros sur le
fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamner in solidum M. et Mme B aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Semeria, avocat au barreau de Pontoise, par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la SAS Mcs et associés fait valoir :
Sur l'irrecevabilité de la contestation des époux B :
- que l'acte d'acquiescement n'encourt aucune nullité ; que Mme B, a, d'une part, reconnu avoir pris connaissance de la saisie-attribution, et d'autre part, déclaré ne pas contester cette saisie-attribution et y acquiescer ; qu'en outre, l'acte d'acquiescement n'est assujetti à aucune forme particulière; et qu'il importe peu qu'il ait été régularisé antérieurement à la dénonciation du procès-verbal de saisie-attribution à l'encontre de Mme B ;
- que l'échange de courriels entre Mme B et l'huissier de justice, et sa demande d'échéancier confirment qu'elle n'entendait pas contester la saisie et partant la dette dont elle sait être redevable depuis plusieurs années ; qu'en outre, à supposer que l'huissier ait indiqué à Mme B que l'acquiescement à la saisie-attribution litigieuse aurait pour effet de débloquer ses comptes et d'obtenir la mainlevée de la saisie, il s'agit des conséquences légales de l'acquiescement sans démonstration de l'existence d'un vice du consentement, ni d'une faute commise par l'huissier ;
Sur la qualité et l'intérêt à agir de la SAS Mcs et associés :
- qu'elle a justifié en première instance de sa qualité à agir en produisant la convention de cession de créance entre les sociétés BNP Paribas et DSO Capital en date du 19 janvier 2018, identifiant bien la créance détenue contre Mme B, l'absorption de la société Fortis banque créancier d'origine par la SA BNB Paribas le 12 mai 2010, la justification de ce qu'elle-même vient aux droits de la société DSO suite à la fusion-absorption intervenue le 31 décembre 2019, et la signification du transport de la créance a valablement été faite par l'acte de saisie lui-même ;
Sur la régularité de la saisie-attribution :
- que la Cour de cassation a rappelé que le défaut de dénonciation au co-titulaire du compte joint n'est pas susceptible d'entraîner la caducité de la saisie (voir : 2ème Civ., 7 juillet 2011, n°10-20.923), cette sanction n'étant pas prévue par l'article R211-22 du code des procédures civiles d'exécution ; le défaut d'observation de cette formalité ne fait selon elle l'objet d'aucune sanction spécifique telle que nullité, caducité, inopposabilité ;
- que le fait pour les créanciers d'un époux commun en biens de saisir un compte joint n'est nullement interdit par les textes ou la jurisprudence ; que les sommes déposées sur un compte joint ne sont pas insaisissables ; qu'il appartient seulement au débiteur saisi ou au co-titulaire du compte de prouver que le solde saisi est constitué de fonds provenant du seul co-titulaire, afin de les exclure de la saisie (voir : 2ème Civ., 21 mars 2019, n°18-10.408) ; qu'en l'espèce, force est de constater que M. et Mme B se contentent de procéder par voie d'allégations sans rapporter la preuve que la somme a été saisie sur les revenus personnels de l'époux non concernée par la dette ;
- que l'envoi d'une mise en demeure préalable à la mise en œuvre d'une mesure d'exécution forcée n'est pas prévue par le code des procédures civiles d'exécution ;
- qu'enfin le titre exécutoire n'est pas prescrit car le créancier d'origine avait obtenu la mise en place d'une saisie des rémunérations suivant requête du 1er avril 2009.
Par dernières conclusions transmises au greffe le 3 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SELARL Evidence intimée, demande à la cour de :
* dire et juger l'appel interjeté par M. et Mme B recevable mais mal fondé.
En conséquence,
* confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal
judiciaire de Versailles le 2 juin 2021 ;
* débouter M. et Mme B de l'intégralité de leurs demandes.
Y ajoutant,
* condamner in solidum M. et Mme B à payer à la SELARL Evidence la somme de
3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamner in solidum M. et Mme B aux dépens tant de première instance que d'appel
dont distraction, pour ceux d'appel au profit de Maître Nicolas, avocat, conformément aux
dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la SELARL Evidence fait valoir :
Sur l'irrecevabilité des contestations et la validité de l'acquiescement signé par Mme B :
- que l'acquiescement formalisé par Mme B le 2 juillet 2020 est conforme à la possibilité offerte par les articles R.211-3 et R.211-6 du code des procédures civiles d'exécution;
- qu'il n'est nullement établi par les pièces produites par les époux B que la SELARL Evidence aurait obtenu le consentement de Mme B par violence ou contrainte ; que si Mme B allègue avoir signé l'acte d'acquiescement « dans la précipitation» en raison notamment de « l'urgence de sa situation économique », aucune « man'uvre » imputée de manière implicite à l'huissier n'est démontrée ;
- que la loi elle-même ne prévoit aucun formalisme particulier à l'acte d'acquiescement en matière de saisie-attribution donc aucune règle prescrite à peine de nullité ;
- qu'enfin, il importe peu que Mme B ait acquiescé à la saisie-attribution avant même que celle-ci ne lui ait été dénoncée par voie d'huissier ;
Sur la problématique de la saisie pratiquée sur un compte joint:
- qu'il a été jugé que le défaut de dénonciation de la saisie-attribution au co-titulaire d'un compte joint sur lequel porte la mesure d'exécution n'est pas susceptible d'entraîner la caducité de celle-ci ; qu'il en est de même en cas de compte joint entre époux, quel que soit leur régime matrimonial ;
- que par ailleurs, Mme B ne justifie pas davantage en cause d'appel de ce que les comptes bancaires sur lesquels a été pratiquée la saisie-attribution querellée seraient alimentés par les revenus de son époux ; que contrairement à ce que prétendent les époux B, le fait que ces derniers soient mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts antérieurement à la mesure de saisie-attribution querellée ne saurait suffire à rendre «insaisissable» le compte saisi;
- que subsidiairement, c'est bien au débiteur saisi, de rapporter la preuve que les fonds saisis ne lui appartiendraient pas ; or en l'espèce aucune pièce n'est versée en ce sens aux débats ;
- qu'enfin, il ne saurait être reproché, ni au créancier saisissant ni même à l'huissier instrumentaire, de ne pas avoir procédé avant la saisie-attribution à l'envoi d'une mise en demeure ou la signification d'un commandement de payer aux fins de saisie-vente, aucune disposition ne prévoyant une telle formalité;
Sur la demande de dommages-intérêts des époux B à l'encontre de la SELARL Evidence :
- que les époux B ne sont pas fondés à contester ladite saisie-attribution dès lors qu'il a été acquiescé à celle-ci, raison d'ailleurs pour laquelle les premiers juges du fond les ont déboutés de leur demande indemnitaire ;
- que la SELARL Evidence n'étant pas le créancier des époux B, l'article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution n'a pas vocation à s'appliquer ;
- qu'à supposer que la responsabilité de l'huissier instrumentaire soit susceptible d'être engagée, il ne relève pas de la compétence de la cour d'appel, statuant ès qualité de juge de l'exécution, de statuer sur l'éventuelle responsabilité civile professionnelle de l'huissier.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 9 novembre 2021. L'audience de plaidoirie a été fixée au 17 novembre 2021 et le prononcé de l'arrêt au 16 décembre 2021 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger » et les 'constater' ne sont pas des prétentions, mais des rappels des moyens invoqués à l'appui des demandes, ne conférant pas -hormis les cas prévus par la loi- de droit à la partie qui les requiert, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces points.
Sur la recevabilité des contestations
Il résulte de l'article L211-11 du code des procédures civiles d'exécution que les contestations relatives à la saisie attribution sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Par ailleurs, l'article R211-19 précise que l'acte de saisie rend indisponible l'ensemble des comptes du débiteur qui représentent des créances de sommes d'argent. L'indisponibilité du compte se poursuit jusqu'à la présentation d'un certificat de non contestation, ou du jugement rejetant la contestation. Mais l'article L211-6 aliéna 2 autorise le tiers saisi à payer les sommes immobilisées entre ses mains avant l'expiration du délai si le débiteur déclare ne pas contester la saisie.
En l'espèce, Mme B expose très bien qu'elle s'est immédiatement aperçue du blocage de son compte, et qu'elle a sur les informations données par son établissement bancaire, immédiatement pris contact avec l'huissier saisissant, afin d'obtenir des explications et le déblocage de son compte en raison de prélèvements devant y être opérés de façon imminente. Elle reconnait que le clerc d'huissier l'a alors informée qu'elle devait 27 703,38 € selon le jugement prononcé à son encontre qui était définitif. C'est dans ces conditions qu'elle a signé cet acte du 2 juillet 2020, rédigé de la façon suivante : je reconnais avoir pris connaissance de la saisie attribution pratiquée à la demande de la SAS Mcs et Associés entre les mains de la caisse Fédérale de Crédit Mutuel de Versailles. Dès à présent, je déclare ne pas contester cette saisie attribution et y acquiescer, suivi de sa signature et de la mention « bon pour acquiescement ».
Si l'acquiescement était destiné à obtenir le déblocage immédiat du compte bancaire c'est à dire le libre pouvoir du titulaire d'y faire des opérations en débit ou crédit, telle est en effet sa conséquence en vertu des textes qui ont été rappelés ci-dessus, de sorte que Mme B n'a pas été induite en erreur. Elle ne démontre pas en revanche que des propos de l'huissier, il ressortait que les sommes saisies lui seraient restituées. En admettant qu'elle puisse méconnaître le sens des mots acquiescer et acquiescement ainsi que leurs conséquences juridiques, aucune confusion ne peut en revanche résister à la renonciation expresse à « contester la saisie ».
Elle a reconnu qu'elle avait bien compris de quelle créance il s'agissait une fois informée par l'huissier. Par conséquent, le fait de n'avoir reçu physiquement les actes de saisie qu'au moment de la dénonciation signifiée le 7 juillet 2020 ne permet pas d'invalider son consentement au fait qu'elle s'engageait à ne pas contester cette saisie.
Son repentir postérieur, une fois avisée par son avocat qu'elle aurait eu des moyens à faire valoir pour s'opposer à la saisie est donc inopérant, et son recours a été à bon droit déclaré irrecevable par le juge de l'exécution.
En revanche concernant M B, il résulte de l'article R211-22 du code des procédures civiles d'exécution que lorsque la saisie est pratiquée sur un compte joint, elle est dénoncée à chacun des titulaires du compte. Les co-titulaires de comptes-joints non concernés par une saisie sont en effet recevables à demander la mainlevée de la saisie à hauteur des sommes leur appartenant, ce qui suppose qu'ils en soient informés.
Si cette formalité n'est pas sanctionnée par la caducité de la saisie, elle fait néanmoins courir à l'égard du co-titulaire du compte le délai d'un mois pour faire valoir ses intérêts devant le juge de l'exécution. Ainsi, à défaut de dénonciation, ce n'est pas la caducité de la saisie qui est encourue comme le demande M B, mais il demeure recevable à saisir le juge de l'exécution, sans que le délai de contestation ou l'interruption de ce délai par l'acquiescement du débiteur à la saisie ne puisse lui être opposés.
L'action de M B est donc recevable et le jugement qui en a décidé autrement doit être infirmé.
Sur les contestations de M B en sa qualité de co-titulaire du compte joint objet de la saisie
M B n'étant pas concerné par le jugement du 31 août 2005 servant de fondement à la saisie, ni codébiteur de la dette, il n'a pas qualité pour soulever l'exception de prescription du titre exécutoire, ni le défaut de qualité de la SAS Mcs et Associés à poursuivre l'exécution de ce jugement. Au demeurant, celle-ci a sur demande du premier juge apporté la justification du transport de la créance et du titre exécutoire à son profit à l'égard de Mme B.
M B est en revanche parfaitement recevable et bien-fondé à opposer au créancier saisissant l'insaisissabilité à raison de son régime matrimonial, des sommes appréhendées par l'effet de la saisie qui ne peut porter que sur les biens propres ou les revenus de son conjoint seul débiteur de la créance poursuivie.
En effet, il a apporté la preuve que son épouse et lui sont soumis au régime légal de communauté, en vertu duquel par application de l'article 1415 du code civil , les créanciers de l'un des époux ne peuvent poursuivre le paiement de leurs créances nées avant le mariage que sur les biens propres et les revenus de leur débiteur. Or, l'article 1402 du code civil présume acquêt de communauté tout bien dont on ne peut prouver qu'il est propre à l'un des époux.
Dans ces conditions, sauf dans l'hypothèse où le compte joint est exclusivement alimenté par les revenus du travail de l'époux débiteur ou par les revenus provenant de ses bien propres, le compte est réputé alimenté par les revenus de chacun des époux, et c'est sur le créancier saisissant que pèse la charge de renverser la présomption, en identifiant les revenus de l'époux débiteur.
En l'espèce, M B a au contraire conforté la présomption de communauté en produisant son bulletin de salaire de juin 2020, d'où il résulte que sa rémunération de 3455,72 € a été versée le 25 juin 2020 sur le compte 9800 0212 9690 124 sur lequel a été pratiquée la saisie litigieuse du 1er juillet 2020.
A défaut d'élément de preuve contraire apporté par la SAS Mcs et Associés en ce sens, la saisie ne peut pas produire effets, et la SAS Mcs et Associés devra en conserver les frais à sa charge. Par ailleurs, puisqu'il a déjà été procédé à la mainlevée de la saisie litigieuse, le saisissant sera condamné à restituer à M B la somme saisie de 5 157,47 € (suivant l'acte de mainlevée quittance) avec intérêts au taux légal à compter de leur paiement indû soit à compter de la mainlevée du 23 juillet 2020. Il n'y a pas lieu en l'état d'assortir cette obligation d'une astreinte.
Sur la demande de dommages et intérêts pour saisie abusive
En application de l'article L121-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie. Par ailleurs, en vertu de l'article L213-6 alinéa 4 du code de l'organisation judiciaire, il connait des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée.
Sur ce fondement, il est parfaitement compétent, ainsi que la cour statuant avec les mêmes pouvoirs, pour connaître d'une action en responsabilité exercée par la partie qui a subi une saisie, contre l'huissier instrumentaire, à raison des fautes personnelles de ce dernier.
Il appartient à M B de prouver l'abus de saisie reprochée à la SAS Mcs et Associés et la faute personnelle de la SELARL Evidence.
Il reproche à la première, d'avoir engagé des poursuites en vertu d'un titre prescrit, et alors qu'elle n'avait pas qualité pour se prévaloir du jugement du 31 août 2005. Cependant, M B n'a pas lui-même qualité pour reprocher au saisissant ces fautes prétendues. Sa demande ne peut donc pas prospérer contre cette partie.
Il reproche à la seconde d'avoir bloqué en connaissance de cause un compte joint appartenant à des époux communs en biens, pour recouvrer une dette personnelle de Mme B.
En réalité, la seule faute qui peut être imputée à l'huissier instrumentaire dans cette problématique d'une saisie pratiquée sur un compte joint entre époux, est d'avoir omis de dénoncer la saisie à M B et d'avoir délivré au tiers saisi un certificat de non contestation au seul vu de l'acte d'acquiescement de Mme B, alors qu'il n'était pas opposable à M B qui pouvait avoir intérêt à contester la propriété des sommes saisies.
En effet, la saisie d'un compte joint n'est pas interdite en tant que telle, et elle aurait pu valablement produire tous ses effets, si aucun des époux n'avait fait valoir une contestation sur la propriété des sommes en compte. Elle n'est donc pas en soi fautive.
En revanche, les négligences commises par l'huissier instrumentaire à l'égard de M B ont eu pour effet de provoquer la réclamation du paiement des sommes bloquées et leur transfert avant l'expiration du délai de contestation qui lui était ouvert, alors qu'il avait des moyens pertinents à faire valoir sur la propriété des fonds.
Il en résulte un préjudice moral qui ne sera pas réparé par la seule restitution des sommes insaisissables. M B est fondé à en obtenir réparation à hauteur d'une somme de 2500 €.
La SAS Mcs et Associés et la SELARL Evidence supporteront les dépens de première instance et d'appel et l'équité commande d'allouer à M B la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, étant observé qu'il n'a dirigé cette demande que contre la société Mcs et associés.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
Statuant publiquement par décision contradictoire rendue en dernier ressort,
CONFIRME la décision entreprise en ce qu'elle a dit Mme Aa A B irrecevable en ses contestations ;
L'infirme en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déclare M Ab B recevable en ses demandes ;
Constate l'insaisissabilité des sommes inscrites sur les comptes joints des époux B objets de la saisie attribution pratiquée le 1er juillet 2020 au préjudice de M B ;
Constate que cette saisie ne peut produire aucun effet ;
Dit que les frais de saisie et de mainlevée resteront à la charge de la SAS Mcs et Associés ;
Condamne la SAS Mcs et Associés à restituer à M Ab B la somme de 5 157,47 € ;
Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de leur paiement indû soit à compter de la mainlevée du 23 juillet 2020 ;
Condamne la Selarl Evidence à payer à M Ab B la somme de 2 500 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne la SAS Mcs et Associés à payer à M Ab B la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette le surplus des demandes ;
Condamne la SAS Mcs et Associés aux dépens de première instance et d'appel.
- arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,