CE 1/4 ch.-r., 08-12-2021, n° 435919, mentionné aux tables du recueil Lebon
A95907EW
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2021:435919.20211208
Référence
01-03-01-02-01-02 En vertu de l'article L. 1233-57-4 du code du travail, la décision expresse par laquelle l'administration homologue un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles cette décision est notifiée puissent à sa seule lecture en connaître les motifs. Si le respect de cette règle de motivation n'implique ni que l'administration prenne explicitement parti sur tous les éléments qu'il lui incombe de contrôler, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction, il lui appartient, toutefois, d'y faire apparaître les éléments essentiels de son examen. Doivent ainsi notamment y figurer ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel. ......En outre, il appartient, le cas échéant, à l'administration, d'indiquer dans la motivation de sa décision tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l'espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation. Tel est notamment le cas lorsqu'en application du troisième alinéa du II de l'article L. 1233-58 du code du travail, applicable aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, l'administration prend, à titre exceptionnel, une décision d'homologation, malgré l'absence de mise en place du comité social et économique (CSE) et alors qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi.
1° Sous le numéro 435919, M. X F a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 novembre 2018 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Gilibert. Par un jugement n° 1900393 du 15 avril 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19LY02277 du 12 septembre 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. F contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 novembre 2019 et 14 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. F demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le numéro 435923, M. BY P , M. BX AK , M. BL H , M. BK I , M. Y BD , M. K BP , M. D BF , M. AQ AN , M. BL T , M. BZ AO , M. CF AP , M. AT U , M. O BT , M. AS A, M. AZ BJ , M. G L , M. AT AB , M. CA CB R , M. BB M , M. AT AU , M. AR AD , M. CC AF , Mme AJ BM , M. CE AX , M. J BN , M. AL AH , M. CE CD et M. BH BC ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 novembre 2018 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Gilibert. Par un jugement n° 1900399 du 15 avril 2019, le tribunal.
Par un arrêt n° 19LY02250 du 12 septembre 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. P et autres contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 novembre 2019 et 14 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. P et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
3° Sous le numéro 435924, M. AA AY a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 novembre 2018 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Gilibert. Par un jugement n° 1900350 du 15 avril 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19LY02258 du 12 septembre 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. AY contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 novembre 2019 et 14 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. AY demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
4° Sous le numéro 435925, M. BA BU a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 novembre 2018 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Gilibert. Par un jugement n° 1900387 du 15 avril 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19LY02249 du 12 septembre 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. BU contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 novembre 2019 et 14 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. BU demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
5° Sous le numéro 435926, M. BE BO a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 novembre 2018 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Gilibert. Par un jugement n° 1900388 du 15 avril 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19LY02253 du 12 septembre 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. BO contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 novembre 2019 et 14 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. BO demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
6° Sous le numéro 435927, M. C BW a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 novembre 2018 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Gilibert. Par un jugement n° 1900394 du 15 avril 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19LY02274 du 12 septembre 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. BW contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 novembre 2019 et 14 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. BW demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
7° Sous le numéro 435929, M. Z J a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 novembre 2018 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Gilibert. Par un jugement n° 1900390 du 15 avril 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19LY02278 du 12 septembre 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. J contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 novembre 2019 et 14 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. J demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
8° Sous le numéro 435930, M. AW AM a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 novembre 2018 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Gilibert. Par un jugement n° 1900392 du 15 avril 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19LY02257 du 12 septembre 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. AM contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 novembre 2019 et 14 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. AM demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
- l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 ;
- l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Thalia Breton, auditrice,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Haas, avocat de M. F , de M. P , de M. AK , de M. H , de M. I , de M. BD , de M. BP , de M. BF , de M. AN , de M. T , de M. AO , de M. AP , de M. U , de M. BT , de M. A, de M. BJ , de M. AB , de M. CB R , de M. M , de M. AU , de M. AD , de M. AF , de Mme BM , de M. AX , de M. BN , de M. AH , de M. CD, de M. BC et de M. L , de M. AY , de M. BU , de M. BO de M. BW , de M. Q et de M. AM à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la société Ep et associes et de la société David-goic et associes;
1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que le tribunal de commerce de Rennes a prononcé le 7 novembre 2018 la liquidation judiciaire sans poursuite d'activité de la société Gilibert, qui fait partie du groupe AE. Cette société compte cinquante-sept salariés et a pour activités la fabrication de machines agricoles et la carrosserie industrielle. Ce jugement a en outre désigné la société EP et Associés et la société David-Goic et Associés en qualité de mandataires liquidateurs de la société Gilibert. Par une décision du 19 novembre 2018, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Gilibert. Par huit jugements du 15 avril 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les demandes d'annulation pour excès de pouvoir de cette décision d'homologation formées par des salariés de la société Gilibert. Par huit pourvois qu'il y a lieu de joindre, ces mêmes salariés se pourvoient en cassation contre les huit arrêts du 12 septembre 2019 par lesquels la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leurs appels contre ces jugements.
Sur les pourvois :
2. De première part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2311-2 du code du travail : " Un comité social et économique est mis en place dans les entreprises d'au moins onze salariés ". Aux termes de l'article L. 2314-8 de ce code: " En l'absence de comité social et économique, l'employeur engage la procédure définie à l'article L. 2314-5 à la demande d'un salarié ou d'une organisation syndicale dans le mois suivant la réception de cette demande. / Lorsque l'employeur a engagé le processus électoral et qu'un procès-verbal de carence a été établi, la demande ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de six mois après l'établissement de ce procès-verbal ". Aux termes de l'article L. 2314-9 du code du travail : " Lorsque le comité social et économique n'a pas été mis en place ou renouvelé, un procès-verbal de carence est établi par l'employeur. () ".
3. De deuxième part, aux termes de l'article L. 1233-28 du code du travail : " L'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues par le présent paragraphe ". Aux termes du I l'article L. 1233-58 du même code : " En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en œuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. / L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, réunit et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues à l'article L. 2323-31 ainsi qu'aux articles : / () / 6° L. 1233-49, L. 1233-61 et L. 1233-62, relatifs au plan de sauvegarde de l'emploi ". Aux termes du premier alinéa du II de l'article L. 1233-58 du code du travail : " Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233--57-7 () ".
4. De troisième part, aux termes de l'article L. 1235-15 de ce code : " Est irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité social et économique n'a pas été mis en place alors qu'elle est assujettie cette obligation et qu'aucun constat de carence n'a été établi. () ". Aux termes de l'article L. 1233-49 du même code : " Lorsque l'entreprise est dépourvue de comité social et économique et est soumise à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi, ce plan ainsi que les informations destinées aux représentants du personnel mentionnées à l'article L. 1233-31 sont communiqués à l'autorité administrative en même temps que la notification du projet de licenciement. En outre, le plan est porté à la connaissance des salariés par tout moyen sur les lieux de travail ". Aux termes du 3ème alinéa du II de l'article L. 1233-58 du code du travail, introduit par l'ordonnance du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives : " A titre exceptionnel, au vu des circonstances et des motifs justifiant le défaut d'établissement du procès-verbal de carence mentionné à l'article L. 2324-8, l'autorité administrative peut prendre une décision d'homologation ". Le renvoi à l'article L. 2324-8, abrogé au 1er janvier 2018 par l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, doit depuis cette date s'entendre comme un renvoi à l'article L. 2314-9, dont les dispositions, dans leur rédaction issue de la même ordonnance, reprennent en substance celles de l'ancien article L. 2324-8.
5. De quatrième part, aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur () la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours (). / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité d'entreprise (). La décision prise par l'autorité administrative est motivée ". Aux termes du quatrième alinéa du II de l'article L. 1222-58 du même code : " Les délais prévus au premier alinéa de l'article L. 1233-57-4 sont ramenés, à compter de la dernière réunion du comité social et économique, à huit jours en cas de redressement judiciaire et à quatre jours en cas de liquidation judiciaire ".
6. Il résulte de ces dispositions que la décision expresse par laquelle l'administration homologue un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles cette décision est notifiée puissent à sa seule lecture en connaître les motifs. Si le respect de cette règle de motivation n'implique ni que l'administration prenne explicitement parti sur tous les éléments qu'il lui incombe de contrôler, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction, il lui appartient, toutefois, d'y faire apparaître les éléments essentiels de son examen. Doivent ainsi notamment y figurer ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel. En outre, il appartient, le cas échéant, à l'administration, d'indiquer dans la motivation de sa décision tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l'espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation. Tel est notamment le cas lorsqu'en application des dispositions du troisième alinéa du II de l'article L. 1233-58 du code du travail, citées au point 4, applicables aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, l'administration prend, à titre exceptionnel, une décision d'homologation, malgré l'absence de mise en place du comité social et économique et alors qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi.
7. Il ressort des énonciations des arrêts attaqués qu'après avoir relevé qu'à l'expiration, en 2017, du mandat des institutions représentatives du personnel de la société Gilibert, aucune élection n'avait été organisée, que le comité social et économique n'avait ainsi pas été mis en place, en dépit des dispositions de l'article L. 2311-2 du code du travail citées au point 2, et qu'aucun procès-verbal de carence n'avait été établi par l'employeur, la cour administrative d'appel de Lyon a jugé que la décision d'homologation du document unilatéral était suffisamment motivée, alors même qu'elle ne comportait aucune mention relative à ces circonstances, et notamment aux motifs de nature à justifier l'absence de procès-verbal de carence et aux considérations ayant conduit l'administration à retenir qu'elles ne faisaient pas, en l'espèce, obstacle à l'homologation demandée. Il découle de ce qui a été dit au point précédent que la cour a, ce faisant, commis une erreur de droit.
8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen des pourvois, les arrêts du 12 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Lyon doivent être annulés.
Sur les requêtes d'appel :
9. Le délai de trois mois imparti à la cour administrative d'appel pour statuer par les dispositions de l'article L. 1235-7-1 du code du travail étant expiré, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application des mêmes dispositions, de statuer immédiatement sur les appels formés par les requérants contre les jugements du 15 avril 2019 du tribunal administratif de Grenoble.
En ce qui concerne l'ordre d'examen des moyens des requêtes :
10. Aux termes des septième, huitième et neuvième alinéas du II de l'article L. 1233-58 du code du travail, applicables aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, dans leur rédaction issue de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques : " En cas de licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. L'article L. 1235-16 ne s'applique pas. / En cas d'annulation d'une décision de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-2 ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-3 en raison d'une insuffisance de motivation, l'autorité administrative prend une nouvelle décision suffisamment motivée, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à l'administration. Cette décision est portée par l'employeur à la connaissance des salariés licenciés à la suite de la première décision de validation ou d'homologation, par tout moyen permettant de conférer une date certaine à cette information. / Dès lors que l'autorité administrative a édicté cette nouvelle décision, l'annulation pour le seul motif d'insuffisance de motivation de la première décision de l'autorité administrative est sans incidence sur la validité du licenciement et ne donne pas lieu au versement d'une indemnité à la charge de l'employeur ".
11. Il résulte des dispositions qui viennent d'être citées que, pour les entreprises qui sont en redressement ou en liquidation judiciaire, le législateur a attaché à l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision d'homologation ou de validation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, des effets qui diffèrent selon que cette annulation est fondée sur un moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision en cause ou sur un autre moyen. Par suite, lorsque le juge administratif est saisi d'une requête dirigée contre une décision d'homologation ou de validation d'un plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise qui est en redressement ou en liquidation judiciaire, il doit, si cette requête soulève plusieurs moyens, toujours commencer par se prononcer sur les moyens autres que celui tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative, en réservant, à ce stade, un tel moyen. Lorsqu'aucun de ces moyens n'est fondé, le juge administratif doit ensuite se prononcer sur le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative, lorsqu'il est soulevé.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel :
12. D'une part, les dispositions de l'article L. 1233-58 du code du travail citées aux points 3 et 4, lesquelles renvoient notamment à celles de l'article L. 1233-49 de ce code, qui sont reprises au point 4, prévoient que lorsque l'entreprise en redressement ou liquidation judiciaire soumise à l'obligation d'un plan de sauvegarde de l'emploi est dépourvue de comité social et économique, des modalités particulières d'information de l'administration et des salariés s'appliquent à défaut de pouvoir procéder à l'information et à la consultation de ce comité. Lorsqu'aucun procès-verbal de carence n'a en outre été établi, ce n'est qu'à titre exceptionnel que l'administration peut, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, homologuer le document fixant le plan de sauvegarde de l'emploi.
13. D'autre part, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 621-1 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " () / II. Dans le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire, le tribunal () désigne, en qualité de liquidateur, un mandataire judiciaire (). / Lorsque la procédure est ouverte à l'égard d'un débiteur dont le nombre de salariés est au moins égal à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat, le tribunal sollicite les observations des institutions mentionnées à l'article L. 3253-14 du code de travail sur la désignation du liquidateur. / Un représentant des salariés est désigné dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 621-4 et à l'article L. 621-6. Il exerce la mission prévue à l'article L. 625-2. En l'absence de comité d'entreprise et de délégués du personnel, le représentant des salariés exerce les fonctions dévolues à ces institutions par les dispositions du présent titre ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 621-4 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " () En l'absence de comité d'entreprise et de délégués du personnel, les salariés élisent leur représentant, qui exerce les fonctions dévolues à ces institutions par les dispositions du présent titre. Les modalités de désignation ou d'élection du représentant des salariés sont précisées par décret en Conseil d'Etat. Lorsque aucun représentant des salariés ne peut être désigné ou élu, un procès-verbal de carence est établi par le débiteur ". Il résulte de ces dispositions que le représentant des salariés désigné ou élu en application de l'article L. 621-4 du code de commerce dispose d'attributions limitées aux seuls actes relatifs à la procédure collective ouverte à l'égard de l'entreprise et prévus par le code de commerce.
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 et 13 que le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel prévue par le code du travail est dépourvu de portée lorsqu'il est présenté à l'encontre d'une décision de l'administration homologuant le plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise en redressement ou liquidation judiciaire dépourvue de comité social et économique. Il s'ensuit qu'au cas d'espèce, dès lors qu'il est constant que l'entreprise Gilibert n'avait pas mis en place de comité social et économique, les requérants ne peuvent utilement soulever un tel moyen.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi :
15. D'une part, aux termes du deuxième alinéa du II de l'article L. 1233-58 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 : " Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3 [qui prévoit que l'administration vérifie le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe] () , sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise ".
16. D'autre part, aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. () ". Aux termes de l'article L. 1233-62 de ce code : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; () / 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; / 4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; / 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents , () ".
17. Il résulte des dispositions citées aux points 15 et 16 que, lorsque l'administration est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il lui appartient, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier, dans le cas des entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, d'une part, que l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur a recherché, pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, les moyens dont disposent l'unité économique et sociale et le groupe auquel l'entreprise appartient et, d'autre part, que le plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas insuffisant au regard des seuls moyens dont dispose l'entreprise. Dans ce cadre, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L'employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles sur le territoire national pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation.
18. En premier lieu, il ressort des pièces des dossiers que, par des courriers datés du 12 novembre 2018, les liquidateurs judiciaires de la société Gilibert ont demandé à l'ensemble des entreprises du groupe AE un abondement financier du plan de sauvegarde de l'emploi. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les liquidateurs n'ont pas recherché les moyens dont dispose le groupe pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi.
19. En second lieu, par d'autres courriers, également datés du 12 novembre 2018, les liquidateurs judiciaires ont sollicité, auprès de toutes les entreprises du groupe, des offres de reclassement, en joignant à cette dernière demande la liste des salariés de la société mentionnant leur catégorie professionnelle et leur emploi. Par un nouveau courrier électronique du 26 novembre 2018, M. AE y a répondu par la négative, au nom de l'ensemble des sociétés du groupe qui, au demeurant, a été mis en redressement judiciaire en novembre 2018 après cessation des paiements. Il ressort également des pièces des dossiers que s'agissant du reclassement externe des salariés de la société Gilibert, les liquidateurs judiciaires ont adressé des demandes de reclassement à de nombreuses entreprises sur le territoire national, en y joignant la liste des postes. Enfin, eu égard à la situation financière de la société Gilibert qui ne permettait pas de mobiliser des fonds en faveur du plan, ils ont saisi, d'une part, les commissions paritaires de l'emploi de la branche professionnelle, d'autre part, la DIRECCTE en vue de la mise en place d'une cellule d'appui à la sécurisation professionnelle, enfin le régime de garantie des salaires pour le financement de certaines aides à la réinsertion professionnelle des salariés. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision d'homologation est illégale au motif que le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Gilibert est insuffisant au regard des moyens dont cette entreprise dispose.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 19 novembre 2018 :
20. Eu égard à ce qui a été dit au point 7, les requérants sont fondés à soutenir que la décision d'homologation qu'ils attaquent est insuffisamment motivée, faute de comporter des mentions relatives à l'absence de comité social et économique et au défaut d'établissement de procès-verbal de carence, ainsi qu'aux motifs de nature à justifier cette situation et aux considérations ayant conduit l'administration à retenir qu'elles ne faisaient pas, en l'espèce, obstacle à l'homologation demandée.
21. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision du 19 novembre 2018 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Gilibert.
22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à respectivement M. F , M. AY , M. BU , M. BO , M. BW , M. Q et M. AM ainsi qu'une somme globale de 2 000 euros à M. P et aux vingt-sept autres requérants sous le n° 435923, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme mise à ce titre à la charge des requérants qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.
--------------
Article 1er : Les arrêts n°s 19LY02277, 19LY02250, 19LY02258, 19LY02249, 19LY02253, 19LY02274, 19LY02278 et 19LY02257 du 12 septembre 2019 de la cour administrative d'appel de Lyon sont annulés.
Article 2 : Les jugements n°s 1900393, 1900399, 1900350, 1900387, 1900388, 1900394, 1900390 et 1900392 du 15 avril 2019 du tribunal administratif de Grenoble sont annulés.
Article 3 : La décision du 19 novembre 2018 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes est annulée.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à respectivement M. F , M. AY , M. BU , M. BO , M. BW , M. Q et M. AM ainsi qu'une somme globale de 2 000 euros à M. P et aux vingt-sept autres requérants sous le n° 435923, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 5 : Les conclusions présentées, en cassation et en appel, par la société EP et Associés et la société David-Goic et Associés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. X F , à M. BY P , premier dénommé pour l'ensemble des requérants sous le n° 435923, à M. AA AY , à M. BA BU , à M. BE BO , à M. C BW , à M. Z Q , à M. AW AM , à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la société EP et Associés, premier défenseur dénommé.
Délibéré à l'issue de la séance du 19 novembre 2021 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, Mme Fabienne Lambolez, Mme Carine Soulay, M. Damien Botteghi, conseillers d'Etat et Mme Thalia Breton, auditrice-rapporteure.
Rendu le 8 décembre 2021.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Thalia Breton
La secrétaire :
Signé : Mme Edwige Pluche435919- 12 -
Loi, 2015-990, 06-08-2015 Ordonnance, 2014-326, 12-03-2014 Article, L621-4, C. com. Article, L3253-14, C. trav. Ordonnance, 2017-1386, 22-09-2017 Arrêt, 19LY02277, 12-09-2019 Arrêt, 19LY02250, 12-09-2019 Arrêt, 19LY02258, 12-09-2019 Arrêt, 19LY02249, 12-09-2019 Arrêt, 19LY02253, 12-09-2019 Arrêt, 19LY02274, 12-09-2019 Arrêt, 19LY02278, 12-09-2019 Arrêt, 19LY02257, 12-09-2019 Directeur Liquidation judiciaire Décisions d'homologation Salarié d'une société Procès-verbal Licenciement pour motif économique Entreprise de salariés Procédure collective Dialogue social Notification d'une décision Décision expresse Procédure de consultation Procès-verbaux établis Décision de validation Insuffisance de motivation Prise d'une nouvelle décision Délai à compter de la notification du jugement Indemnité Mandataire judiciaire Seuil fixé Modalités de désignation Unité économique et sociale (ums) Catégories d'emploi Accord exprès Actions de soutien Obligation de reclassement Société d'un groupe Localisation Liquidateur d'une société Catégories professionnelles Courrier électronique Demande de reclassement Financement des aides Comité économique et social