CE 3/8 ch.-r., 20-10-2021, n° 450268, mentionné aux tables du recueil Lebon
A652049D
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2021:450268.20211020
Référence
19-03-045-03-02 Le I de l'article 1586 sexies du CGI fixe la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et au plafonnement de la contribution économique territoriale (CET).......La fraction non remboursée d'une avance remboursable qui fait l'objet d'un abandon de créance et qui a eu pour contrepartie la création ou l'acquisition d'éléments d'actif immobilisé ou le financement d'activités de long terme a par suite le caractère d'une subvention d'investissement, qui ne fait pas partie de cette liste.
La société Airbus Opérations a demandé au tribunal administratif de Montreuil, de prononcer la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle et de frais de gestion auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2011 pour un montant de 3 598 914 euros et des intérêts de retard correspondants pour un montant de 441 847 euros ainsi que la restitution de la contribution économique territoriale en résultant, au titre du plafonnement pour l'année 2011 à hauteur de 3 314 435 euros. Par un jugement n° 1710295 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Montreuil⚖️ a prononcé la décharge des suppléments de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de la taxe additionnelle et de frais de gestion auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2011 à hauteur de 43 866 euros ainsi que de la contribution économique territoriale correspondante au titre de l'année 2011 pour un montant de 35 981 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Par un arrêt n° 19VE00952 du 28 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Versailles⚖️ a rejeté l'appel formé par la société Airbus Opérations contre ce jugement ainsi que l'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er mars, 31 mai et 4 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Airbus Opérations demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a statué sur l'appel qu'elle a formé contre le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 31 janvier 2019 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Colin - Stoclet, avocat de la société Airbus Opérations ;
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société Airbus Opérations, l'administration fiscale a, d'une part, réintégré dans le calcul de la valeur ajoutée de la société retenue au titre de l'année 2011 pour l'établissement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises les sommes correspondant à l'abandon par l'Etat du solde de l'avance remboursable perçue par la société pour le développement des programmes d'avions A340-500 et A340-600 et, d'autre part, exclu de ce calcul des dépenses de mécénat. Elle a, en conséquence procédé à des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation d'un montant de 4 040 761 euros au titre de l'année 2011 et remis en cause le bénéfice du plafonnement de la contribution économique territoriale de la société en fonction de la valeur ajoutée au titre de l'année 2012 à hauteur d'un montant de 3 314 435 euros. Après rejet de sa réclamation, la société a porté le litige devant le tribunal administratif de Montreuil, lequel a, par un jugement du 31 janvier 2019, fait droit aux conclusions de la demande relatives aux dépenses de mécénat et rejeté le surplus de ces conclusions. Par un arrêt du 28 décembre 2020, contre lequel la société se pourvoit, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel formé contre ce jugement.
2. Aux termes des dispositions du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts🏛, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Pour la généralité des entreprises, à l'exception des entreprises visées aux II à VI : / () 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré : / - des autres produits de gestion courante () ; / - de la production immobilisée, à hauteur des seules charges qui ont concouru à sa formation et qui figurent parmi les charges déductibles de la valeur ajoutée ; () / - des subventions d'exploitation et des abandons de créances à caractère financier () ; / - de la variation positive des stocks ; / - des transferts de charges déductibles de la valeur ajoutée, autres que ceux pris en compte dans le chiffre d'affaires ; / b) Et, d'autre part : / - les achats stockés de matières premières et autres approvisionnements, les achats d'études et prestations de services, les achats de matériel, équipements et travaux, les achats non stockés de matières et fournitures, les achats de marchandises et les frais accessoires d'achat ; / - diminués des rabais, remises et ristournes obtenus sur achats ; / - la variation négative des stocks ; / - les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus () ; / - les taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées, les contributions indirectes, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ; () ". Les dispositions de cet article fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et au plafonnement de la contribution économique territoriale. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à 1'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt.
3. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un protocole d'accord conclu le 29 décembre 1998, l'Etat a apporté un soutien financier à la société Airbus Opération sous la forme d'une avance remboursable de 2,11 milliards de francs, soit 321 667 426 euros, destinée à financer, selon l'article 2.1 de ce protocole, " le développement, l'étude de l'industrialisation et l'outillage pour la réalisation des prototypes des programmes d'avions Airbus A340-500 et A340-600 ". Le remboursement de cette avance était prévu, selon les stipulations de l'article 3 de ce protocole, sous forme de reversements exigibles à la livraison de chaque appareil de cette gamme. Lors de l'arrêt de ce programme, décidé de manière anticipée le 10 novembre 2011 alors que seuls 133 appareils avaient été livrés pour un objectif initial de 404 appareils, le solde de l'avance remboursable consentie par l'Etat, s'élevant à 215 563 564 euros a fait l'objet d'un abandon de créance de la part de l'Etat, que la société Airbus Opérations a comptabilisé en produit exceptionnel.
4. Pour juger que l'administration avait pu à bon droit regarder l'abandon de créances consenti par l'Etat en 2011 comme constituant une subvention d'exploitation, devant être prise en compte pour le calcul de la valeur ajoutée en vue de l'établissement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la cour s'est fondée sur les circonstances que la réalisation de travaux de développement et de recherche en matière aéronautique, que l'avance prévue par le protocole du 29 décembre 1998 avait pour objet de financer, constituait une activité courante et ordinaire de la société Airbus Opérations, que cette avance était remboursable sur les produits d'exploitation tirés de la vente des appareils de la gamme A340-500 et A340-600 et que l'abandon au profit de la société de son solde non encore remboursé en cas d'échec du programme était corrélé aux dépenses réalisées pour le financement de celui-ci. En statuant ainsi sans rechercher si, comme il était soutenu devant elle, la fraction non remboursée de cette avance avait eu pour contrepartie la création ou l'acquisition d'éléments de son actif immobilisé ou le financement d'activités de long terme et avait par suite le caractère d'une " subvention d'investissement ", la cour a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Airbus Opérations est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a statué sur l'appel qu'elle a formé contre le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 31 janvier 2019.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Airbus Opérations au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
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Article 1er : L'arrêt du 28 décembre 2020 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il a statué sur l'appel formé par la société Airbus Opérations contre le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 31 janvier 2019.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans la mesure de la cassation ainsi prononcée devant la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la société Airbus Opérations au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Airbus Opérations et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 octobre 2021 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. J E, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. H K, M. B D, M. I G, M. A L, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. François-René Burnod, auditeur-rapporteur.
Rendu le 20 octobre 2021.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. François-René Burnod
La secrétaire :
Signé : Mme C F450268- 5 -
Arrêt, 19VE00952, 28-12-2020 Taxe additionnelle Intérêts de retard Vérification de comptabilité d'une société Établissement des cotisations Avance remboursable Charge déductible Subventions d'exploitation Transfert de la charge Matières premières Prestation de service Achats de matériels Taxes sur le chiffre d'affaires Contribution directe Assiette de l'impôt Soutien financier Avances consenties Travaux Produits de l'exploitation Actif immobilisé Subventions d'investissement