le COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 27 MAI 2021
N° 2021/ 268
Rôle N° RG 19/15198 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE6NS
Aa A
Société civile DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE
Copie exécutoire délivrée
:
a
SCP BUVAT-TEBIEL
Me Nathalie MARCHESSEAU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de FREJUS en date du 06 Septembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-19-496.
APPELANTE
Madame Aa A
de … …, … …, … … … … … … …
représentée par Me Layla TEBIEL de la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Grégory KERKERIAN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant
INTIMEE
Société civile DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE, demeurant … … … … … … … … …
représentée par Me Nathalie MARCHESSEAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Bérengère BERNART, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Mars 2021 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Yves BENHAMOU, Président de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère
Madame Laurence DEPARIS, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2021.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2021,
Signé par Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
- FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Selon acte sous seing privé en date du 8 septembre 1998 avec prise d'effet au 1er septembre 2018, M. et Mme B ont consenti à Mme Aa A un bail non meublé d'habitation d'une durée de trois ans renouvelable afférent à un appartement situé au 1er étage d'une villa située 105261 route de la terrasse lot 5 à Ramatuelle (Var).
Dans le courant de l'année 2012, la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE a fait l'acquisition de ce bien immobilier.
Le ler février 2019, la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE a fait délivrer à Mme Aa A un congé pour vendre concernant l'appartement loué avec effet au 31 août 2019 au prix de 1.420.000 euros.
La locataire contestant le bien fondé de ce congé par acte d'huissier en date du 9 mai 2019 a fait assigner en justice la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE afin notamment de voir prononcer la nullité de ce congé.
Par jugement en date du 6 septembre 2019, le tribunal d'instance de Fréjus, a :
- déclaré valide le congé pour vendre signifié le 1er février 2019 par la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE à Mme A Aa pour le 31 août 2019,
- rejeté toutes les prétentions de la demanderesse,
- condamné Mme A Aa à verser à la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 1er octobre 2019, Mme Aa A a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :
! déclaré valide le congé pour vendre signifié le 1er février 2019 par la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE à Mme A Aa pour le 31 août 2019,
"rejeté toutes les prétentions de la demanderesse,
* condamné Mme A Aa à verser à la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions de Mme Aa A en date du 4 mars 2019, et tendant à voir :
- ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture du 3 mars 2021,
- déclarer recevables les conclusions n°2 et pièces produites par Mme Aa A,
En tout état de cause,
- prononcer la clôture au jour de l'audience le 17 mars 2021,
- réformer le jugement querellé en ce qu'il a déclaré valide le congé pour vendre signifié le 1er février 2019 par la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE à Mme A Aa pour le 31 août 2019, en ce qu'il a condamné Mme A Aa à verser à la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a débouté Mme Aa A de toutes ses demandes,
Statuant à nouveau,
- dire que le prix fixé par la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE est volontairement dissuasif afin d'évincer Mme A de son droit de préemption,
- dire que la SCEA n'a jamais démontré une intention réelle et sérieuse de procéder à la vente de l'appartement litigieux,
- dire que le congé délivré par la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE est entachée d'une fraude,
Par conséquent,
- prononcé la nullité du congé pour vendre délivré à Mme Aa A le 1er février 2019,
- ordonné le renouvellement du bail à son terme,
- condamné la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE à payer à Mme Aa A la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions de la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE en date du 12 mars 2021, et tendant à voir :
- débouter Mme A de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- condamner Mme A à verser à la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue initialement le 3 mars 2021.
Le président de la Chambre 1-7 de cette cour d'appel par ordonnance en date du 17 mars 2021 a prononcé la révocation de cette ordonnance de clôture et prononcé une nouvelle clôture le jour de l'audience, soit le 17 mars 2021.
- MOTIFS DE LA COUR :
- SUR LA VALIDITÉ DU CONGÉ POUR VENDRE :
L'article 15 - II de la loi du 6 juillet 1989 dispose en substance :
Lorsqu'il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire: l'offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis. Les dispositions de l'article 46 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ne sont pas applicables au congé fondé sur la décision de vendre le logement.
A l'expiration du délai de préavis, le locataire qui n'a pas accepté l'offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d'occupation sur le local."
Le locataire dispose ainsi dans ce cas de figure d'un droit de préemption qui est d'ordre public.
Par suite, un congé qui serait délivré en fraude des droits du locataire afin de l'évincer de la vente peut être contesté devant le juge du fond à condition que soit dûment établie l'intention frauduleuse du bailleur.
Le juge doit se fonder sur un faisceau d'éléments pour apprécier si me congé en cause est frauduleux.
1/ S'agissant du prix excessif du bien immobilier au regard du marché de l'immobilier:
Dans le cas présent le congé pour vendre afférent à l'appartement occupé par Mme Aa A a été donné pour le prix de 1.420.000 euros.
L'expert immobilier mandaté par Mme A pour évaluer ce bien immobilier, M. C en utilisant à méthode comparative a estimé la valeur de ce bien nu et libre à la somme de 790.000 euros (valeur haute) et à la somme de 750.000 euros quand le bien est occupé.
Il résulte d'une jurisprudence constante que le prix de vente ne doit pas être dissuasif. Or, dans le cas présent le prix proposé est nettement supérieur à la valeur objectivement estimée du bien immobilier en cause. Dès lors un tel prix proposé présente à l'évidence un caractère dissuasif.
2/ Une intention de vendre du bailleur sujette à caution:
Il est symptomatique de constater que le 27 mars 2018, la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE X ait déposé une déclaration préalable de travaux auprès de la commune de Ramatuelle. Or en page 15 du PLU (Plan local d'urbanisme) il est précisé que le projet consiste en la réhabilitation et l'agrandissement du domaine pour créer un véritable siège d'exploitation comprenant un chai, une cave ainsi qu'une surface de vente, de logement du personnel exploitant et de restauration' (pièce n° 16 de l'appelante). Du reste l'appartement de Mme Aa A se trouve dans le bâtiment intitulé dans le tableau des surfaces annexé à la déclaration préalable logements vendangeurs'. Il est incontestable au regard du PLU de la commune que ce bâtiment destiné au "logements des vendangeurs' composé de plusieurs appartements ne pourra faire l'objet d'une vente puisqu'il est nécessaire à l'exploitation du domaine viticole. Ainsi cela suggère l'absence d'intention de vendre ce bien immobilier de la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE.
Il résulte ainsi clairement du faisceau d'éléments objectifs qui viennent d'être évoqués, que le congé pour vendre a été délivré par le bailleur en fraude des droits du locataire afin de l'évincer de la vente.
Il convient dès lors après infirmation sur ce point du jugement querellé et de prononcer la nullité du congé pour vendre délivré à Mme Aa A le 1er février 2019 de telle manière que le bail se trouve renouvelé à son terme.
- SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE:
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme Aa A les frais irrépétibles exposés par elle et non compris dans les dépens.
Il convient dès lors après infirmation sur ce point du jugement querellé, de condamner la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE à payer à Mme Aa A la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE les frais irrépétibles exposés par elle et non compris dans les dépens.
Il y a lieu en conséquence après infirmation sur ce point de débouter la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- SUR LES DÉPENS :
I] convient de condamner la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE qui succombe, aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, et par mise à disposition au greffe,
- INFIRME en toutes ses dispositions le jugement querellé,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
- PRONONCE la nullité du congé pour vendre délivré à Mme Aa A le 1er février 2019,
En conséquence,
- DIT que le bail se trouve renouvelé à son terme,
- CONDAMNE la SCEA DOMAINE DE LA PLAINE DE PAMPELONNE à payer à Mme Aa A la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- LA DEBOUTE de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- LA CONDAMNE aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,