N°2006874
FRANCEACTIVE-FNEAPL et autres
M. Jean-Marc Guyau
Juge des référés
Ordonnance du 30 septembre 2020
**RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS **
Le juge des référés
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 28 septembre
2020 et le 30 septembre 2020, le syndicat professionnel Franceactive - FNEAPL
et les sociétés OB réseaux - l'Orange bleue, Basic-Fit II, Fitness-Park,
Fitnessea Group - l'appart fitness, et DG finance - Aa Ab, représentés par
la société d'avocats LLC et associés, demandent au juge des référés :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice
administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 25 septembre 2020
du préfet du Nord en tant qu'il décide l'interdiction des activités physiques
et sportives dans les établissements clos et couverts à compter du 26
septembre 2020 pour une durée de quinze jours ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de
l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'urgence est établie dès lors que la mesure d'interdiction va avoir des
impacts économiques importants pour les salles de remise en forme et de
fitness, lesquelles ont déjà connu une baisse significative de leur chiffre
d'affaires pendant la période de confinement et que cette mesure va avoir des
répercussions durables sur leur image de marque ;
- la mesure d'interdiction porte une atteinte grave et manifestement illégale
à une liberté fondamentale dès lors que :
- l'arrêté porte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et à la
liberté d'entreprendre ;
- l'arrêté porte atteinte au principe d'égalité dès lors que la mesure de
fermeture présente un caractère disproportionné alors que d'autres
établissements recevant du public où la pratique d'activité physiques et
sportives est possible ne sont pas concernés ;
- cette interdiction générale et absolue, qui a des effets particulièrement
néfastes vis-à-vis de la population et qui stigmatise tout un secteur
d'activité, est manifestement disproportionnée et illégale dans la mesure où
les établissements sportifs ne peuvent pas être considérés comme des lieux de
propagation du virus, qu'aucun cluster n'a été identifié dans les
établissements sportifs, que des mesures de distanciation physique et un
protocole sanitaire strict, contrôlés par les services de l'Etat, ont été mis
en uvre selon l'avis du Haut Conseil de la Santé Publique et que la pratique
d'une activité sportive a un rôle protecteur face au coronavirus.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2020, le préfet du Nord
conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la condition d'urgence n'est pas remplie ;
- aucun des moyens invoqués n'est de nature à créer un doute sérieux quant à
la légalité de la décision contestée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ;
- le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 dans sa rédaction issue du décret
n° 2020-1153 du 19 septembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Guyau, premier conseiller, pour statuer
sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 30 septembre 2020 à 14h00
:
- le rapport de M. Guyau, juge des référés ;
- les observations de Me Flores, substituant Me Bracq, avocate des
requérants, et de MM. Parent et Ac et Mme Ad, représentants le
préfet du Nord.
Me Flores, qui reprend les éléments invoqués à l'appui de ses écritures quant
à l'urgence et l'atteinte à la liberté d'entreprendre et du commerce et de
l'industrie, insiste plus particulièrement sur l'absence de cluster dans les
salles de sport grâce au protocole sanitaire très rigoureux mis en place, le
sport étant au surplus un élément de lutte contre le Covid-19, s'interroge sur
la pertinence du choix opéré par le préfet de fermer les clubs de sport alors
que les établissements scolaires et les restaurants sont des lieux de
propagation du virus et attire l'attention du juge des référés sur les
conséquences économiques de l'arrêté pendant cette période où les adhérents
souscrivent l'essentiel des abonnements annuels et indique que la mesure en
litige, qui risque d'être prorogée, est disproportionnée.
M. Parent, représentant du préfet du Nord, rappelle les circonstances et les
objectifs de l'arrêté, c'est-à-dire casser la chaîne de propagation du virus
dans l'agglomération lilloise. La mesure limitée à 15 jours est proportionnée
aux enjeux sanitaires et à l'intérêt général et ne concerne que les activités
physiques et sportives des adultes en lieux clos.
M. Ac représentant du préfet du Nord, précise que le sérieux des
exploitants dans la gestion des gestes barrières n'est pas mis en cause mais
que celle-ci repose sur la bonne application des protocoles sanitaires par les
adhérents des salles de sport. Il rappelle le phénomène d'aérosolisation, la
réponse graduée, concertée et fondée de la mesure tout comme les aides
gouvernementales sur les exonérations de charge.
La clôture a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : «
Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés
peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté
fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de
droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans
l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.
Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ». Il
appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de
l'article L. 521-2 et qu'il constate une atteinte grave et manifestement
illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté
fondamentale, résultant de l'action ou de la carence de cette personne
publique, de prescrire les mesures qui sont de nature à faire disparaître les
effets de cette atteinte, dès lors qu'existe une situation d'urgence
caractérisée justifiant le prononcé de mesures de sauvegarde à très bref délai
et qu'il est possible de prendre utilement de telles mesures. Celles-ci
doivent, en principe, présenter un caractère provisoire, sauf lorsque aucune
mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de
la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte.
2. Aux termes de l'article 1 er de la loi du 9 juillet 2020 : « I. - A
compter du 11 juillet 2020, et jusqu'au 30 octobre 2020 inclus, hors des
territoires mentionnés à l'article 2, le Premier ministre peut, par décret
pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé
publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de
covid-19 : / (...) 2° Réglementer l'ouverture au public, y compris les
conditions d'accès et de présence, d'une ou de plusieurs catégories
d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à
l'exception des locaux à usage d'habitation, en garantissant l'accès des
personnes aux biens et services de première nécessité. / La fermeture
provisoire d'une ou de plusieurs catégories d'établissements recevant du
public ainsi que des lieux de réunions peut, dans ce cadre, être ordonnée
lorsqu'ils accueillent des activités qui, par leur nature même, ne permettent
pas de garantir la mise en uvre des mesures de nature à prévenir les risques
de propagation du virus ou lorsqu'ils se situent dans certaines parties du
territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus (...)
/ II. - Lorsque le Premier ministre prend des mesures mentionnées au I, il
peut habiliter le représentant de l'Etat territorialement compétent à prendre
toutes les mesures générales ou individuelles d'application de ces
dispositions. / Lorsque les mesures prévues au même I doivent s'appliquer dans
un champ géographique qui n'excède pas le territoire d'un département, le
Premier ministre peut habiliter le représentant de l'Etat dans le département
à les décider lui-même. Les décisions sont prises par ce dernier après avis du
directeur général de l'agence régionale de santé. Cet avis est rendu public
(...) / III. - Les mesures prescrites en application du présent article sont
strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux
circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne
sont plus nécessaires (...) / IV. - Les mesures prises en application du
présent article peuvent faire l'objet, devant le juge administratif, des
recours présentés, instruits et jugés selon les procédures prévues aux
articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative (...) ».
3. Aux termes de l'article 29 du décret du 10 juillet 2020 : « Le préfet de
département est habilité à interdire, à restreindre ou à réglementer, par des
mesures réglementaires ou individuelles, les activités qui ne sont pas
interdites en vertu du présent titre. Dans les parties du territoire dans
lesquelles est constatée une circulation active du virus mentionnées à
l'article 4, le préfet de département peut en outre fermer provisoirement une
ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des
lieux de réunions, ou y réglementer l'accueil du public. Le préfet de
département peut, par arrêté pris après mise en demeure restée sans suite,
ordonner la fermeture des établissements recevant du public qui ne mettent pas
en uvre les obligations qui leur sont applicables en application du présent
décret. ». Aux termes de l'article 50 du décret du 10 juillet 2020 : « Le
préfet de département peut, dans les zones de circulation active du virus
mentionnée à l'article 4 et aux seules fins de lutter contre la propagation du
virus, prendre les mesures définies par les dispositions suivantes : (...) II.
- A. - Interdire ou réglementer l'accueil du public dans les établissements
recevant du public relevant des types d'établissements définis par le
règlement pris en application de l'article R. 123-12 du code de la
construction et de l'habitation figurant ci-après : (...) - établissements de
type X : Etablissements sportifs couverts ; (...) Les établissements relevant
du présent A peuvent toutefois continuer à recevoir du public pour les
activités figurant en annexe 5.(...) ».
4. Il est constant que par décret du 19 septembre 2020 modifiant le décret du
10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face
à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence
sanitaire et dans ceux où il a été prorogé, le département du Nord a été
classé en zone de vulnérabilité élevée. Aux termes des I et II de l'article 3
de son arrêté du 25 septembre 2020, pris sur le fondement des dispositions
précitées, le préfet du Nord a notamment décidé qu'à compter du 26 septembre
2020 et pour une période de quinze jours, les établissements sportifs clos et
couverts de la Métropole européenne de Lille sont fermés excepté pour l'usage
dans le cadre scolaire, périscolaire, universitaire, mais également lorsque
des activités sportives sont exercées au profit de mineurs, de sportifs
professionnels, de haut-niveau ou dans le cadre d'une formation continue.
5. Les requérants qui exploitent des salles de Fitness dans l'agglomération
lilloise et le syndicat Franceactive-FNEAPL soutiennent, en premier lieu, que
cette mesure de fermeture porte une atteinte injustifiée et disproportionnée à
la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie. Ils
font ainsi valoir, d'une part, que les établissements sportifs ne sont pas des
lieux de propagation du covid-19 dès lors qu'a été mis en place un protocole
sanitaire strict et, d'autre part, que l'activité physique a un rôle
protecteur face à ce virus.
6. Toutefois, il résulte de l'instruction que, sur le territoire de la
Métropole européenne de Lille, les taux d'incidence du virus, en hausse
rapide, sont de 302,4 cas pour 100 000 habitants, que le taux de positivité de
10,6 % est très supérieur à la moyenne nationale, que de nombreux clusters
continuent à être recensés tant dans le département que dans la métropole et
que 171 personnes sont hospitalisées dont 61 en réanimation dans le
département du Nord. Si les risques d'engorgement des infrastructures
hospitalières de réanimation, dont le taux dédié aux patients atteints du
covid-19 atteint d'ores et déjà 13,5 %, sont établis, les requérants ne
produisent, pour leur part, aucun élément vérifiable démontrant, comme ils
l'allèguent, que les établissements sportifs visés par l'arrêté préfectoral ne
seraient pas des espaces propices à la propagation du covid-19 notamment eu
égard au risque d'aérosolisation liée à l'activité sportive accru en espaces
clos. Dans ces conditions, la mesure de fermeture en litige, qui ne remet pas
en cause la possibilité de pratiquer des activités sportives et qui vise
seulement à interdire, pour une période limitée dans le temps à quinze jours,
des activités physiques qui, parce qu'elles s'exercent dans des lieux clos
couverts, favorisent une contamination et une circulation accélérée du virus
auprès d'un nombre important d'individus, n'apparaît pas disproportionnée au
regard de l'objectif de protection de la santé publique poursuivi.
7. Les requérants soutiennent, en second lieu, que cette mesure de fermeture
porte atteinte au principe d'égalité dès lors qu'elle ne s'applique pas aux
autres établissements recevant du public et notamment aux restaurants et
établissements scolaires. Elles ne sauraient cependant se prévaloir du
traitement dont font l'objet ces établissements recevant du public qui se
trouvent dans une situation différente de celle des salles de fitness.
8. Il résulte de ce qui précède que l'atteinte portée par la mesure contestée
à la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre, ne
revêt pas un caractère manifestement illégal. Par suite, il y a lieu, sans
qu'il soit besoin d'apprécier l'existence d'une situation d'urgence de rejeter
les conclusions à fin de suspension.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante,
verse aux requérants la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et
non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de Franceactive-FNEAPL et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au syndicat professionnel
Franceactive-FNEAPL, aux sociétés OB réseaux - l'Orange bleue, Basic-fit II,
Fitness-Park, Fitnessea Group - l'appart fitness, DG finance - Aa Ab et au
préfet du Nord.