Jurisprudence : TA Lille, du 30-09-2020, n° 2006873

TA Lille, du 30-09-2020, n° 2006873

A49433WY

Référence

TA Lille, du 30-09-2020, n° 2006873. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/60762822-ta-lille-du-30092020-n-2006873
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Abstract

► Un arrêté préfectoral interdisant l'accueil du public dans les salles de sport fait l'objet d'une censure par le juge administratif, qui en prononce la suspension (TA Rennes, 30 septembre 2020, n° 2004134,2004141,2004160) ; en revanche, d'autres décisions ordonnant la fermeture de salles sont validées (TA Lille, 30 septembre 2020, n° 2006873 et n° 2006874).





N°2006873

KC EURALILLE et autres

M. Jean-Marc Guyau

Juge des référés

Ordonnance du 30 septembre 2020

**RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS **
Le juge des référés



Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2020, les sociétés KC Euralille,
KC Lille Centre, KC Lille Solférino et KC Lambersart, représentées par Me
Jourdan, demandent au juge des référés :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice
administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 25 septembre 2020
du préfet du Nord en tant qu'il décide l'interdiction des activités physiques
et sportives dans les établissements clos et couverts à compter du 26
septembre 2020 pour une durée de quinze jours ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'urgence est établie dès lors que la mesure a comme effet d'interdire
toute activité, lui porte gravement préjudice, au demeurant, la fermeture des
salles franchisées « Keep cool » pendant le confinement a conduit à une perte
de 25 % de leur chiffre d'affaires et les abonnements au cours du mois de
septembre sont inférieurs de 50 % par rapport à l'année précédente alors que
la masse salariale a été maintenue ;

- la mesure d'interdiction porte une atteinte grave et manifestement illégale
à une liberté fondamentale dès lors que :

- l'arrêté porte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et à la
liberté d'entreprendre dès lors qu'elles ne peuvent plus exercer leur activité
et que cette fermeture est de nature à compromettre la survie des entreprises
;

- l'arrêté porte atteinte au principe d'égalité dès lors que la mesure de
fermeture ne s'applique pas aux autres établissements recevant du public et
notamment aux bars, restaurants et lieux culturels ;

- cette interdiction générale et absolue, qui a des effets particulièrement
néfastes après la fermeture pendant la période de confinement, va conduire à
compromettre définitivement la survie de leur activité et n'est pas
proportionnée pour atteindre le but poursuivi, aucun cluster n'a été identifié
en France dans les établissements sportifs qui ont, d'ailleurs, mis en place
un protocole sanitaire strict, les pratiquants ont majoritairement mois de 65
ans, sont très rarement en situation de comorbidité et l'activité physique est
favorable à la lutte contre le covid-19. Par un mémoire en défense, enregistré
le 30 septembre 2020, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas remplie ;

- aucun des moyens invoqués n'est de nature à créer un doute sérieux quant à
la légalité de la décision contestée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ;

- le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 dans sa rédaction issue du décret
n° 2020-1153 du 19 septembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Guyau, premier conseiller, pour statuer
sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 30 septembre 2020 à 14h00
:

- le rapport de M. Guyau, juge des référés ;

- les observations de MM. Parent et Aa et Mme Ab, représentants le
préfet du Nord.

Les sociétés requérantes n'étant ni présentes ni représentées.

M. Parent, représentant du préfet du Nord, rappelle les circonstances et les
objectifs de l'arrêté, c'est-à-dire casser la chaîne de propagation du virus
dans l'agglomération lilloise. La mesure limitée à 15 jours est proportionnée
aux enjeux sanitaires et à l'intérêt général et ne concerne que les activités
physiques et sportives des adultes en lieux clos.

M. Aa représentant du préfet du Nord, précise que le sérieux des
exploitants dans la gestion des gestes barrières n'est pas mis en cause mais
que celle-ci repose sur la bonne application des protocoles sanitaires par les
adhérents des salles de sport. Il rappelle le phénomène d'aérosolisation, la
réponse graduée, concertée et fondée de la mesure tout comme les aides
gouvernementales sur les exonérations de charge.

La clôture a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : «
Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés
peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté
fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de
droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans
l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.
Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ». Il
appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de
l'article L. 521-2 et qu'il constate une atteinte grave et manifestement
illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté
fondamentale, résultant de l'action ou de la carence de cette personne
publique, de prescrire les mesures qui sont de nature à faire disparaître les
effets de cette atteinte, dès lors qu'existe une situation d'urgence
caractérisée justifiant le prononcé de mesures de sauvegarde à très bref délai
et qu'il est possible de prendre utilement de telles mesures. Celles-ci
doivent, en principe, présenter un caractère provisoire, sauf lorsque aucune
mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de
la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte.

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 9 juillet 2020 : « I. - A compter
du 11 juillet 2020, et jusqu'au 30 octobre 2020 inclus, hors des territoires
mentionnés à l'article 2, le Premier ministre peut, par décret pris sur le
rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et
aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 : /
(...) 2° Réglementer l'ouverture au public, y compris les conditions d'accès
et de présence, d'une ou de plusieurs catégories d'établissements recevant du
public ainsi que des lieux de réunion, à l'exception des locaux à usage
d'habitation, en garantissant l'accès des personnes aux biens et services de
première nécessité. / La fermeture provisoire d'une ou de plusieurs catégories
d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunions peut, dans
ce cadre, être ordonnée lorsqu'ils accueillent des activités qui, par leur
nature même, ne permettent pas de garantir la mise en œuvre des mesures de
nature à prévenir les risques de propagation du virus ou lorsqu'ils se situent
dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une
circulation active du virus (...) / II. - Lorsque le Premier ministre prend
des mesures mentionnées au I, il peut habiliter le représentant de l'Etat
territorialement compétent à prendre toutes les mesures générales ou
individuelles d'application de ces dispositions. / Lorsque les mesures prévues
au même I doivent s'appliquer dans un champ géographique qui n'excède pas le
territoire d'un département, le Premier ministre peut habiliter le
représentant de l'Etat dans le département à les décider lui-même. Les
décisions sont prises par ce dernier après avis du directeur général de
l'agence régionale de santé. Cet avis est rendu public (...) / III. - Les
mesures prescrites en application du présent article sont strictement
proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux
circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne
sont plus nécessaires (...) / IV. - Les mesures prises en application du
présent article peuvent faire l'objet, devant le juge administratif, des
recours présentés, instruits et jugés selon les procédures prévues aux
articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative (...) ».

3. Aux termes de l'article 29 du décret du 10 juillet 2020 : « Le préfet de
département est habilité à interdire, à restreindre ou à réglementer, par des
mesures réglementaires ou individuelles, les activités qui ne sont pas
interdites en vertu du présent titre. Dans les parties du territoire dans
lesquelles est constatée une circulation active du virus mentionnées à
l'article 4, le préfet de département peut en outre fermer provisoirement une
ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des
lieux de réunions, ou y réglementer l'accueil du public. Le préfet de
département peut, par arrêté pris après mise en demeure restée sans suite,
ordonner la fermeture des établissements recevant du public qui ne mettent pas
en œuvre les obligations qui leur sont applicables en application du présent
décret. ». Aux termes de l'article 50 du décret du 10 juillet 2020 : « Le
préfet de département peut, dans les zones de circulation active du virus
mentionnée à l'article 4 et aux seules fins de lutter contre la propagation du
virus, prendre les mesures définies par les dispositions suivantes : (...) II.
- A. - Interdire ou réglementer l'accueil du public dans les établissements
recevant du public relevant des types d'établissements définis par le
règlement pris en application de l'article R. 123-12 du code de la
construction et de l'habitation figurant ci-après : (...) - établissements de
type X : Etablissements sportifs couverts ; (...) Les établissements relevant
du présent A peuvent toutefois continuer à recevoir du public pour les
activités figurant en annexe 5. (...) ».

4. Il est constant que par décret du 19 septembre 2020 modifiant le décret du
10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face
à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence
sanitaire et dans ceux où il a été prorogé, le département du Nord a été
classé en zone de vulnérabilité élevée. Aux termes des I et II de l'article 3
de son arrêté du 25 septembre 2020, pris sur le fondement des dispositions
précitées, le préfet du Nord a notamment décidé qu'à compter du 26 septembre
2020 et pour une période de quinze jours, les établissements sportifs clos et
couverts de la Métropole européenne de Lille sont fermés excepté pour l'usage
dans le cadre scolaire, périscolaire, universitaire, mais également lorsque
des activités sportives sont exercées au profit de mineurs, de sportifs
professionnels, de haut-niveau ou dans le cadre d'une formation continue.

5. Les sociétés requérantes qui exploitent quatre salles de Fitness dans
l'agglomération lilloise soutiennent, en premier lieu, que cette mesure de
fermeture porte une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté
d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie. Elles font ainsi
valoir, d'une part, que les établissements sportifs ne sont pas des lieux de
propagation du covid-19 dès lors qu'a été mis en place un protocole sanitaire
strict, que les pratiquants ont majoritairement moins de 65 ans et qu'ils sont
très rarement en situation de comorbidité et, d'autre part, que l'activité
physique a un rôle protecteur face à ce virus.

6. Toutefois, il résulte de l'instruction que, sur le territoire de la
Métropole européenne de Lille, les taux d'incidence du virus, en hausse
rapide, sont de 302,4 cas pour 100 000 habitants, que le taux de positivité de
10,6 % est très supérieur à la moyenne nationale, que de nombreux clusters
continuent à être recensés tant dans le département que dans la métropole et
que 171 personnes sont hospitalisées dont 61 en réanimation dans le
département du Nord. Si les risques d'engorgement des infrastructures
hospitalières de réanimation, dont le taux dédié aux patients atteints du
covid-19 atteint d'ores et déjà 13,5 %, sont établis, les requérantes ne
produisent, pour leur part, aucun élément vérifiable démontrant, comme elles
l'allèguent, que les établissements sportifs visés par l'arrêté préfectoral ne
seraient pas des espaces propices à la propagation du covid-19 notamment eu
égard au risque d'aérosolisation liée à l'activité sportive accru en espaces
clos. Dans ces conditions, la mesure de fermeture en litige, qui ne remet pas
en cause la possibilité de pratiquer des activités sportives et qui vise
seulement à interdire, pour une période limitée dans le temps à quinze jours,
des activités physiques qui, parce qu'elles s'exercent dans des lieux clos
couverts, favorisent une contamination et une circulation accélérée du virus
auprès d'un nombre important d'individus, n'apparaît pas disproportionnée au
regard de l'objectif de protection de la santé publique poursuivi.

7. Les requérantes soutiennent, en second lieu, que cette mesure de fermeture
porte atteinte au principe d'égalité dès lors qu'elle ne s'applique pas aux
autres établissements recevant du public et notamment aux bars, restaurants et
lieux culturels. Elles ne sauraient cependant se prévaloir du traitement dont
font l'objet ces établissements recevant du public qui se trouvent dans une
situation différente de celle des salles de fitness.

8. Il résulte de ce qui précède que l'atteinte portée par la mesure contestée
à la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre, ne
revêt pas un caractère manifestement illégal. Par suite, il y a lieu, sans
qu'il soit besoin d'apprécier l'existence d'une situation d'urgence de rejeter
les conclusions à fin de suspension.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante,
verse aux requérantes la somme qu'elles réclament au titre des frais exposés
et non compris dans les dépens.


ORDONNE :

Article 1er : La requête des sociétés KC Euralille et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée aux sociétés KC Euralille, KC
Lille Centre, KC Ac Ad et KC Lambersart et au préfet du Nord.




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