Jurisprudence : CA Dijon, 22-09-2020, n° 19/00471, Confirmation

CA Dijon, 22-09-2020, n° 19/00471, Confirmation

A60323UX

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CA Dijon, 22-09-2020, n° 19/00471, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/60521501-ca-dijon-22-09-2020-n-19-00471-confirmation
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MW/LL

Aa A

Ab Ac veuve B

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2020

N° RG 19/00471 - N° Portalis DBVF-V-B7D-FHDD

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 07 février 2019,

rendu par le tribunal de grande instance de Chaumont - RG : 17/01103


APPELANT :

Monsieur Aa A

domicilié :

… … … … …

… … … LA COTE

représenté par Me Jean-Marie CHARLOT, membre de la SELARL CHARLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de la HAUTE-MARNE

INTIMÉE :

Madame Ab Ac veuve B

née le … … … à … … … (…)

… :

… … … … …

… … … LA COTE

représentée par Me Roland AIDAN, avocat au barreau de la HAUTE-MARNE


COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 juin 2020 en audience publique devant la cour composée de :

Michel PETIT, Président de Chambre, Président,

Michel WACHTER, Conseiller, ayant fait le rapport sur désignation du Président,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 22 Septembre 2020,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Michel PETIT, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


M. Aa A est propriétaire d'une maison située 15 rue de la Roche, à Rochefort sur la Côte (52).

Mme Ab Ac, épouse B, est quant à elle propriétaire d'une maison contiguë, dont les fenêtres des chambres donnent sur la cour de la propriété de M. A.

Par exploit du 9 novembre 2017, faisant valoir que M. A entretenait dans sa cour la présence d'un cheval à l'origine de nuisances sonores et olfactives, Mme B a fait assigner son voisin devant le tribunal de grande instance de Chaumont sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage, afin qu'il soit condamné sous astreinte à retirer son cheval de la cour et à procéder au nettoyage de celle-ci, ainsi qu'en allocation d'une somme de 10 000 € en réparation du préjudice de jouissance enduré.

Elle a fait valoir en réplique à l'argumentation adverse que M. A ne pouvait se prévaloir de l'exonération de responsabilité pour trouble anormal du voisinage prévue à l'article L 112-16 du code de la construction et de l'habitation, dans la mesure où il n'exerçait pas son activité conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, et qu'au demeurant il n'avait commencé cette activité bien après qu'elle soit elle-même devenuepropriétaire de sa maison. Elle a par ailleurs exposé qu'il résultait clairement des photos, attestations, ainsi que du constat d'huissier qu'elle produisait qu'elle subissait depuis des années des nuisances, notamment olfactives et sonores, excédant les inconvénients normaux du voisinage, et justifiant, outre qu'il y soit mis fin, qu'elle soit indemnisée du trouble de jouissance l'empêchant de profiter pleinement de sa maison.

M. A a conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet des demandes formées à son encontre, indiquant qu'il devait bénéficiait des dispositions exonératoires de l'article L 112-16 du code de la construction et de l'habitation, dans la mesure où il était titulaire d'une déclaration de travaux en bonne et due forme pour l'édification du box, et où le règlement sanitaire départemental n'interdisait pas la présence d'équidés dans un village rural. Il a soutenu par ailleurs que la demanderesse échouait à rapporter la preuve d'un trouble du voisinage dépassant les désagréments habituels en milieu rural, s'agissant notamment du bruit ou de la présence de fumier.

Le cheval litigieux est décédé postérieurement à l'ordonnance de clôture.


Par jugement du 7 février 2019, le tribunal a révoqué l'ordonnance de clôture au motif que le décès du cheval litigieux constituait une cause grave de révocation comme ayant une incidence directe sur la persistance du trouble allégué, et a fixé la clôture au jour de l'audience.

Relevant qu'il résultait des pièces versées aux débats que Mme B était devenue propriétaire de sa maison le 7 juillet 1980, alors que M. A n'avait acquis sa propriété que le 15 février 1999, et n'avait déposé sa déclaration de travaux en vue de l'édification de l'auvent destiné à abriter son cheval que le 24 octobre 2000, il a ensuite retenu que le défendeur ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L 112-16 du code de la construction et de l'habitation, de telle sorte que le droit commun des troubles anormaux du voisinage s'appliquait au litige. Au vu des photographies, des attestations, ainsi que d'un procès-verbal de constat d'huissier du 13 juin 2017, le tribunal a considéré que Mme B avait souffert d'inconvénients qui, de par leur caractère répété et durable, dépassaient de simples troubles du voisinage, dans la mesure où les nuisances étaient à la fois sonores et olfactives et l'avaient empêché d'ouvrir les fenêtres de son habitation en contact direct avec le cheval de M. A, les mesures prises par celui-ci pour empêcher l'animal d'approcher l'habitation de la demanderesse s'étant avérées insuffisantes, comme en témoignaient notamment le constat d'huissier et les attestations qui leur étaient postérieures. Au regard du décès du cheval, il a décidé que la cessation des troubles passait par un nettoyage sous astreinte de la cour, et a par ailleurs évalué à 2 000 € le préjudice subi par Mme B. Le tribunal a en conséquence :

Vu les articles 783 et 784 du code de procédure civile,

- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et prononcé la clôture de l'instruction à l'audience

Vu l'article 544 du code civil,

Vu l'article L 112-16 du code de la construction et de l'habitation,

- dit qu' au regard de l'antériorité de l'acquisition de Mme B, M. A ne peut se prévaloir

des dispositions de l'article L 112-16 du code de la construction et de l'habitation ;

- ordonné à Aa A, sous astreinte de 50 € par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, de faire cesser le trouble anormal du voisinage occasionné à Mme Ab B, en nettoyant sa cour ;

- condamné M. Aa A à payer la somme de 2 000 € à Mme Ab B à titre de dommages et intérêts ;

- condamné M. Aa A à payer à Mme Ab B la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. Aa A de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné

M. Aa A aux entiers dépens de l'instance.

M. A a relevé appel de cette décision le 26 mars 2019.

Par conclusions notifiées le 19 avril 2019, l'appelant demande à la cour :

- de réformer la décision entreprise dans toutes ses dispositions ;

- de condamner Mme Ab B à payer la somme de 1 500 € au visa de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

Par conclusions notifiées le 28 juin 2019, Mme B demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- mais au surplus, de condamner M. Aa A à la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

- de le condamner également aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La clôture de la procédure a été prononcée le 16 avril 2020.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.


SUR CE, LA COUR

La disposition du jugement déféré ayant dit qu' au regard de l'antériorité de l'acquisition de Mme B, M. A ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L 112-16 du code de la construction et de l'habitation n'est pas remise en cause à hauteur d'appel. La confirmation s'impose donc de ce chef.

L'article 544 du code civil dispose que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Ce droit est limité par l'obligation qu'a le propriétaire de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage.

Si l'élevage et l'entretien d'équidés en milieu rural ne peuvent, en eux-mêmes, être considérés comme constituant des activités anormales, il appartient néanmoins au propriétaire des animaux de veiller à ce qu'il n'en résulte pas pour autrui des inconvénients excédant ceux qui peuvent être habituellement attendus d'une situation de voisinage.

En l'espèce, il est constant que le cheval litigieux était parqué dans une cour appartenant à M. A, sur laquelle ouvrent directement les fenêtres des chambres à coucher de l'immeuble appartenant à Mme B.

Celle-ci fait en premier lieu état d'un trouble anormal consistant pour le cheval à passer sa tête par l'embrasure des fenêtres lorsque celles-ci étaient ouvertes. Si M. A conteste cet état de fait, en soutenant qu'un tel comportement de son animal était impossible en raison de la présence d'un fil de clôture à 1,20 mètre des fenêtres, force est cependant de constater que l'intimée produit plusieurs photographies, dont deux montrent clairement la tête de l'animal à l'intérieur du logement de Mme B. Il est ainsi suffisamment établi que M. A n'a manifestement pas pris les mesures suffisantes pour tenir l'animal à l'écart, et éviter qu'il ne puisse passer sa tête par l'embrasure, ce qui lui permettait d'atteindre d'éventuels objets posés sur la banquette de fenêtre, et d'y laisser des résidus d'herbe de broutage.

Il résulte par ailleurs d'un procès-verbal de constat d'huissier établi le 13 juin 2017 par Me Pellez qu'à l'ouverture des fenêtres donnant sur la cour de M. A, les pièces desservies étaient immédiatement envahies par une nauséabonde odeur d'écurie ainsi que par de nombreuses mouches. C'est vainement que M. A prétend que ces constatations seraient dépourvues d'emport au motif qu'elles seraient 'marchandisées', alors que la qualité d'officier public de l'huissier de justice confère à ses constatations une valeur probante qui ne peut être remise en cause au seul motif qu'il est rémunéré pour les effectuer. En tout état de cause, les constatations de l'huissier sont corroborées par les photographies versées aux débats, qui montrent que la cour de M. A est constellée de déjections équines, le fait que, selon l'appelant, il évacuait celles-ci tous les deux jours, n'étant pas en lui-même de nature à remettre en cause la réalité du trouble olfactif résultant de leur présence à proximité immédiate des fenêtres de Mme B.

Mme B produit encore aux débats diverses attestations confirmant la réalité des troubles qu'elle invoque, et évoquant également un trouble sonore à type de résonance des coups de sabot dans le mur mitoyen entre la maison B et le box hébergeant le cheval.

Il est ainsi suffisamment établi que Mme B, qui ne peut pas ouvrir les fenêtres de ces chambres du fait de la présence du cheval de son voisin, est empêchée de jouir pleinement de son propre bien.

Ces troubles excèdent par leur permanence et leur intensité les inconvénients auxquels peut normalement être exposé un propriétaire du fait de son voisin.

Le fait que le cheval soit décédé en cours d'instance est sans emport à cet égard, le préjudice ayant été souffert, et étant au demeurant relevé que M. A indique lui-même pratiquer une activité de dressage de chevaux au saut d'obstacle, ce qui ne permet pas d'exclure que le cheval décédé soit à l'avenir remplacé par un autre.

C'est donc à juste titre que le tribunal a ordonné sous astreinte à M. A à procéder au nettoyage de la cour, seule mesure de nature à mettre fin aux troubles olfactifs, et l'a condamné à payer à sa voisine des dommages et intérêts qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, notamment la durée des troubles et leur intensité, il a pertinemment appréciés à hauteur de 2 000 €.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

M. A sera condamné, outre aux dépens d'appel, à payer à Mme B la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 février 2019 par le tribunal de grande instance de Chaumont ;

Y ajoutant :

Condamne M. Aa A à payer à Mme Ab Ac, épouse B, la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. Aa A aux dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,

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