Jurisprudence : CA Versailles, 04-10-2011, n° 09/02883, Infirmation



COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac 80A 6ème chambre
Renvoi après cassation
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 04 OCTOBRE 2011
R.G. N° 09/02883
AFFAIRE
Laurent Z
C/
SA NOUVELLES FRONTIERES TOURAVENTURE
Décision déférée à la cour Jugement rendu le 07 Novembre 2005 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS
Section Encadrement N° RG 03/8161
Copies exécutoires délivrées à
Me Pierre ...
Me Catherine ... ...
Copies certifiées conformes délivrées à
Laurent Z
SA NOUVELLES FRONTIERES TOURAVENTURE
le
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LE QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE ONZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre
Monsieur Laurent Z
né le ..... à PARIS (75014)

FOUR
Comparant
Assisté de Me Pierre LAMY, avocat au barreau de LYON
DEMANDEUR ayant saisi la cour d'appel de Versailles en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 24 juin 2009 cassant et annulant l'arrêt rendu le 26 novembre 2007 par la cour d'appel de PARIS (22ème chambre section B)
****************
SA NOUVELLES FRONTIERES TOURAVENTURE

MONTREUIL CEDEX
Représentée par Me Catherine BRUN LORENZI, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
****************

Composition de la cour
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Juin 2011, devant la cour composée de
Monsieur Jean-Marc DAUGE, président
Madame Claude FOURNIER, conseiller
Madame Mariella LUXARDO, conseiller
et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi, dans l'affaire,
Greffier, lors des débats Madame Sabine MARÉVILLE

FAITS ET PROCÉDURE

Par jugement contradictoire du 7 novembre 2005 rendu dans un litige opposant Monsieur Z et la société NOUVELLES FRONTIERES TOURAVENTURE, ci-après 'NOUVELLES FRONTIERES', le conseil de prud'hommes de Paris, saisi le 18juin 2003, a
- condamné la société NOUVELLES FRONTIERES à verser à Monsieur Z les sommes de
* 4 712,13 euros à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts aux taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation en rappelant qu'en vertu de l'article R. 516.37 du code du travail, cette condamnation est exécutoire de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaires, fixée à 2.389,00 euros,
* 17 950 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
* 500 euros au titre de l'article 7000 du code de procédure civile,
- débouté Monsieur Z du surplus de ses demandes,
- condamné Monsieur Z à rembourser à la société NOUVELLES FRONTIERES la somme de 17 920,78 euros en remboursement de la dette reconnue, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
- débouté la société NOUVELLES FRONTIERES du surplus de ses demandes reconventionnelles.
Par arrêt du 26 novembre 2007, la cour d'appel de Paris a
- infirmé le jugement,
- dit le licenciement justifié par une faute lourde,
- débouté Monsieur Z de toutes ses demandes,
- condamné Monsieur Z à payer à la société NOUVELLES FRONTIERES
* la contre-valeur en euros de la somme de 98 269,2 DM, avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 1993, date de la première lettre recommandée avec accusé de réception, et capitalisation des intérêts dans les conditions posées par l'article 1154 du code civil dont l'application a été sollicitée dès la première instance,
* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - mis les dépens à la charge de Monsieur Z.
Par arrêt du 24 juin 2009, la Cour de cassation a cassé cet arrêt au visa de l'article L.3141-26 du code du travail, pour avoir débouté Monsieur Z de toutes ses demandes ; elle a condamné la société NOUVELLES FRONTIERES à payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de l'articles L. 3141-26 du code du travail "Lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les dispositions des articles L. 3141-22 à L. 3141-25.
L'indemnité est due dès lors que la rupture du contrat de travail n'a pas été provoquée par la faute lourde du salarié, que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur [...]".
La Cour de cassation retient qu'en disant que licenciement reposait sur une faute lourde et en retenant que le salarié utilisait des fonds sociaux dans son intérêt personnel "sans relever aucun fait caractérisant l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".
Elle rejette en revanche le quatrième moyen du pourvoi du salarié, portant sur la critique du rejet par la cour d'appel de Paris de sa demande de dommages-intérêts pour perte d'allocations ASSEDIC.
La saisine de la cour de céans, régulière, résulte d'une déclaration faite par Monsieur Z, reçue au greffe le 3 août 2009.
Initialement appelée à l'audience du 13 avril 2010, l'affaire a fait l'objet de renvois contradictoires aux audiences des 8 février 2011 et 7 juin 2011.
Monsieur Laurent Z a été engagé par la société NOUVELLES FRONTIERES, qui emploie au moins onze salariés, le 6 juin 1988 en qualité de téléacteur vacataire ; il exerçait depuis le 1er avril 1992 les fonctions de directeur de la filiale allemande.
Le 4 octobre 1993, il a reçu une lettre de convocation, avec mise à pied conservatoire, à un entretien préalable tenu le 6 octobre 1993.
Par lettre du 8 octobre 1993, il a été licencié pour faute lourde à effet du 11 octobre 1993.
Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'établissait alors à 3.536,31 euros, indemnité de prise en charge du logement comprise.
Agé de 28 ans lors de la rupture, il déclare avoir perçu des allocations chômage pendant un an en France, puis avoir effectué de nombreuses missions successives, pour retrouver finalement un emploi permanent en 2007.
Monsieur Z par conclusions visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de
- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- condamner la société NOUVELLES FRONTIERES à lui payer les sommes
de
* 84.871,44 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 4 712,13 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 18 000,00 euros à titre de dommages intérêts pour 'préjudice résultant de l'absence de retenue à la source',
* 12 000,00 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice lié à l'absence de déclaration auprès des organismes sociaux (ayant entraîné une réduction de ses indemnités de chômage)
- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,
- débouter la société NOUVELLES FRONTIERES de l'intégralité de ses demandes à son encontre,
- la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
en exposant essentiellement que
- Sur l'incidence de la procédure pénale les termes de la lettre de licenciement étaient identiques à ceux de la plainte pénale ; les poursuites engagées par l'employeur n'ont pas permis de caractériser un manquement quelconque de sa part et il a été relaxé après six années d'information judiciaire ; la société NOUVELLES FRONTIERES a elle-même choisi d'y mettre un terme en se désistant devant la cour d'appel de Lyon,
- Sur la qualification de faute lourde il incombe à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave ou lourde qu'il invoque ; la Cour de cassation a sanctionné le défaut de recherche d'une intention de nuire ; la société NOUVELLES FRONTIERES ne fournit pas d'explication au cours de la procédure,
- Sur les faits reprochés
* il a été placé dans une situation professionnelle qui a permis à l'employeur de procéder in fine à la fermeture de sa filiale en lui en imputant la responsabilité sans avoir justifié par la suite les nombreux désordres comptables allégués,
* pour établir le détournement qu'il aurait commis, la société se fonde sur deux décomptes intitulés "suivi du compte d'avances à Laurent Fridmann", établis au mois d'octobre 1993 dans le cadre d'une mission sur place ; l'analyse des documents prétendument justificatifs ne permet pas de révéler un quelconque détournement ; la décision prise à son encontre, exclusivement fondée sur l'utilisation de fonds sociaux à des fins personnelles, est nécessairement dépourvue de cause,
- Sur les demandes indemnitaires
* il y a lieu à réparation du préjudice subi du fait de l'absence de cause réelle et sérieuse, et de l'atteinte morale résultant des condamnations prononcées à tort à son encontre dans le cadre de la présente procédure, comme des poursuites subies pendant presque dix ans,
* la société NOUVELLES FRONTIERES n'a jamais régularisé sa situation au regard des obligations fiscales allemandes, notamment quant à l'obligation d'inscription pour la retenue de l'impôt à la source ; suite à un contrôle des comptes sociaux de NOUVELLES FRONTIERES DEUTSCHLAND GMBH, l'administration fiscale allemande a établi le montant de son impôt personnel sur la base des seules déclarations faites par la société NOUVELLES FRONTIERES ; en ne communiquant pas l'adresse de son salarié, elle l'a empêché de contester la réclamation ; il est bien fondé 'en application de l'article 1382 du code civil' à réclamer la réparation d'un préjudice global
*la société NOUVELLES FRONTIERES n'a pas procédé à la déclaration des sommes versées au salarié, ce qu'elle ne conteste pas ; il n'a donc pas pu bénéficier des allocations chômage sur la base de l'intégralité de sa rémunération et est fondé à solliciter l'allocation d'une somme à titre de dommages-intérêts.
A l'audience, par son conseil, sur interrogation de la cour, il précise que l'absence de demandes au titre du préavis et des congés payés tient au fait qu'elles se heurteraient à la prescription extinctive, compte tenu de la date de la saisine de la juridiction prud'homale.
La société NOUVELLES FRONTIERES TOURAVENTURE, par conclusions visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de
1) Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement de Monsieur Z dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- dire qu'il n'y a pas identité entre les faits visés dans la lettre de licenciement et les faits dont le juge pénal a été saisi,
- dire que les faits reprochés à Monsieur Z sont établis et caractérisent son intention de lui nuire,
- dire le licenciement pour faute lourde prononcé justifié et bien fondé, A titre subsidiaire,
- dire que les faits reprochés à Monsieur Z sont établis et ont rendu impossible le maintien de son contrat de travail pendant la période limitée du préavis,
- en conséquence, requalifier le licenciement pour faute lourde en licenciement pour faute grave dûment justifié et bien fondé,
2) Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur Z de ses demandes de dommages-intérêts pour préjudice fiscal résultant de l'absence de retenue à la source et de dommages et intérêts pour préjudice lié à la perte d'allocations ASSEDIC,
3) Infirmer le jugement en ce qu'il a réduit à 17 920,78 euros le montant de la somme que Monsieur Z a été condamné à lui rembourser,
- le condamner à lui rembourser la somme de 50 244,24 euros avec intérêts au taux légal à compter du '6" octobre 1993 et capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil, 'sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir',
A titre subsidiaire,
- condamner Monsieur Z à lui rembourser la somme de 33 285,10 euros selon reconnaissance de dettes par actes notariés du 17 juillet 1993 et du 16 août 1993, avec intérêts au taux légal à compter du '6' octobre 1993 et capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil, 'sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir',
4) Ordonner à Monsieur Z de lui rembourser la somme de 5 020,50 euros réglée en vertu de l'exécution provisoire de droit attachée au jugement de première instance,
5) Le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
en soutenant essentiellement que
- Sur la procédure pénale le juge pénal a constaté le caractère limité de sa saisine et n'a donc pu se prononcer sur les faits qui étaient reprochés à Monsieur Z, commis antérieurement ; le juge prud'homal a donc estimé à tort qu'il y avait identité entre les faits objet du licenciement et les faits examinés par le juge pénal,
- Sur les faits reprochés
* les reconnaissances de dettes notariées, dont Monsieur Z ne conteste pas l'existence, établissent que celui-ci s'est autorisé à prélever des fonds sur la société, fonds qu'il a prétendu ensuite avoir eu l'intention de rembourser, remboursement jamais concrétisé,
* Monsieur Z a en outre établi un acte de prêt de 15.000 DM qu'il s'était consenti à lui-même, et le simple fait d'utiliser sa qualité de directeur pour signer à son profit personnel un acte de prêt sur les fonds de la société constitue une faute justifiant le licenciement,
- Sur l'intention de nuire et la faute lourde la faute commise par Monsieur Z est sans rapport avec un quelconque risque d'exploitation ; elle révèle une malhonnêteté manifeste et des manquements sciemment commis, compte tenu du niveau de qualification et de la nature des responsabilités confiées à l'intéressé ; les détournements de fonds au détriment de la société sont avérés et l'intention de nuire caractérisée,
- Sur la demande de dommages-intérêts pour un prétendu préjudice fiscal Monsieur Z ne rapporte nullement la preuve de ses allégations,
- Sur les dommages-intérêts pour prétendue perte d'allocations ASSEDIC la prise en charge de tout ou partie des échanges résultant d'un changement de résidence lié à un détachement peut être exclue de l'assiette de cotisations.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience du 7 juin 2011, ainsi qu'aux précisions orales complémentaires soit rappelées ci-dessus, soit encore consignées par le greffier à cette date.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'objet de la saisine de la cour de céans
La Cour de cassation a expressément rejeté le moyen du pourvoi du salarié, portant sur la critique du rejet par la cour d'appel de Paris de sa demande de dommages-intérêts pour perte d'allocations ASSEDIC ;
Par erreur matérielle, le dispositif de l'arrêt du 24 juin 2009 vise une cassation 'dans toutes ses dispositions' de l'arrêt rendu le 26 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; il est manifeste pourtant, au vu des motifs, que la disposition relative aux dommages intérêts ci-dessus n'a pas été cassée ;
Il s'ensuit, au regard de cette cassation en pratique seulement partielle, que Monsieur Z ne peut de nouveau formuler cette demande, que la cour de céans n'a plus à apprécier ; il n'y a pas lieu de statuer ;
Sur le licenciement
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation délibérée des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise; l'employeur doit rapporter la preuve de l'existence de cette faute grave, après l'avoir énoncée dans la lettre de licenciement, dont les termes fixent les limites du litige ;
En application des dispositions de l'article L1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à l'engagement de poursuite disciplinaire au delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter lui-même la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire ;
Mais l'existence de faits commis dans cette période permet l'examen de faits plus anciens relevant du même comportement, reproduits dans la période, s'ils n'ont jamais été sanctionnés ;
Seuls les faits dénoncés dans la lettre de licenciement doivent donc être pris en compte à condition en principe qu'ils ne soient pas antérieurs de plus de deux mois à l'engagement de la procédure, exclusion faite de faits relevant éventuellement du même comportement s'ils n'ont pas été invoqués, exclusion faite par ailleurs de faits relevant d'un autre comportement, spécialement s'ils sont antérieurs de plus de deux mois ;
La faute lourde résulte de l'intention caractérisée de nuire à l'employeur à l'origine des faits fautifs retenus dans les conditions précédentes ;
En l'espèce, la lettre de licenciement du 8 octobre 1993, qui fixe les limites du litige, est retranscrite dans les écritures respectives des parties, auxquelles il a été renvoyé ; elle vise, au delà de la faute grave, la faute lourde ; elle ne vise cependant en rien une intention de nuire du salarié, évoquant des 'anomalies détectées dans la comptabilité de la filiale allemande dont vous êtes le directeur', des 'fonds sociaux manquants' devant dès lors être 'considérés comme utilisés à des fins personnelles' ;
Les premiers juges ont retenu que les faits reprochés au titre du licenciement étaient identiques à ceux objets de la plainte pénale, sous l'intitulé 'faux, usage de faux, abus de confiance', et qu'en l'absence de toute déclaration de culpabilité, comme de condamnation pénale de Monsieur Z, le motif du licenciement était nécessairement inexistant ;
Toutefois le tribunal correctionnel de Lyon, dans sa décision du 12 octobre 2000, n'a expressément statué que sur des faits du 6 octobre 1993, constitutifs selon la poursuite de détournement de fonds à hauteur de 63.000 DM ; s'agissant à cette date, jour de l'entretien préalable à licenciement, de la signature par Monsieur Z d'une reconnaissance de dette sous seings privés, celle-ci ne caractérisait pas une infraction pénale ; il a en conséquence été renvoyé des fins de la poursuite, sans peine ni dépens ;
Dès lors, tous autres faits antérieurs, même non visés exactement dans la lettre de licenciement quant à leurs dates, mais qui résultent d'un contrôle de la société en septembre et octobre 1993, sont distincts ; le jugement du 12 octobre 2000 n'a ainsi aucune autorité de chose jugée et l'instance prud'homale doit suivre son cours ;
Le premier moyen du pourvoi en cassation de Monsieur Z critiquait au demeurant l'arrêt de la cour d'appel de Paris, pour violation de l'article 1351 du code civil et du principe de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal ; la Cour de cassation l'a écarté comme n'étant pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a appliqué le principe ;
Monsieur Z conteste les décomptes de la société NOUVELLES FRONTIERES, leur présentation et leur caractère incomplet en matière de justificatifs ; sa contestation est en partie corroborée par les termes de la lettre de licenciement précités, 'fonds sociaux manquants considérés comme utilisés à des fins personnelles', qui sous-tendent qu'il y a déduction, mais non démonstration pour le tout ;
Il ne disconvient pourtant pas s'être personnellement consenti un prêt de 15.000 DM sur les fonds de la filiale allemande ; il fait état d'une absence de mise en oeuvre effective de son projet ;
Les montants des détournements tels que chiffrés par la société NOUVELLES FRONTIERES incluent toutefois la somme de 15.000 DM, laquelle a bien été concrétisée par un chèque du 8 janvier 1993 ;
Si les décomptes apparaissent à certains égards confus, et les débits non incontestablement imputables à Monsieur Z en ce qui concerne un solde négatif au 1er avril 1992, date à laquelle il est seulement rentré en fonctions, il n'en demeure pas moins qu'après avoir relevé utilement certaines sommes non créditées ou inexactement débitées, à savoir
- 6.000 DM d'indemnité d'expatriation,
- 4.729 DM de note de frais du 8 février 1993,
- 10.651 DM de remboursements de frais contrôlés comme rédigés par les comptables de l'entreprise,
- 5.523 DM représentant des sommes remises par la direction lors des passages à Paris,
- 12.302 DM ressortant de chèques non établis à son ordre ou sans indication de bénéficiaires,
il précise expressément (page 18 de ses écritures) contester une somme totale de 95.356 DM, ce qui conduit à retenir, au regard de la réclamation pour 119.649 DM, un solde négatif à son débit de 24.293 DM ;
Peu importe que les reconnaissances de dette successives des 17 juillet, 16 août et 6 octobre 1993 comportent des montants différents, dont le total n'est d'ailleurs pas compatible avec celui de la réclamation ; Monsieur Z met en avant, selon explications plausibles, comme seule pertinente la deuxième pour une somme de 35.050 DM, ce qui est ainsi à son détriment ;
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il y a eu prise en charge sur les comptes de l'entreprise d'un ensemble de dépenses de Monsieur Z, qui présentaient un caractère personnel et non professionnel, comme celle d'un 'Avocat pour ses besoins personnels', observation qu'il n'a jamais contestée formellement ; la faute est établie, sans qu'elle caractérise exactement un détournement de fonds ;
Au regard des démarches spontanées de l'intéressé, qui n'est en particulier pas contredit lorsqu'il précise (page 11 de ses écritures) avoir lui-même sollicité en septembre 1993 l'intervention d'un auditeur, de son souci dès lors d'établir un compte de sa dette, enfin des reconnaissances de dette régularisées de sa propre initiative, avec omission de réserves de substitution, l'intention de nuire à l'employeur n'est en aucun cas caractérisée ; il n'y a pas faute lourde ;
En revanche, compte tenu de son niveau de responsabilité, Monsieur Z a, largement à tort, négligé de façon répétée le contrôle de ses dépenses réellement imputables (part de loyer non prise en charge), et dans un contexte de mauvaise tenue des comptes de la société, qu'il fait précisément valoir ; la société NOUVELLES FRONTIERES évoque au demeurant expressément (page 16 de ses écritures) un défaut de gestion rigoureuse de la comptabilité concernant ses propres frais ;
Cette situation ne permettait pas dans l'immédiat son maintien dans l'entreprise et il a commis une faute grave ;
En conséquence, il doit être, par infirmation du jugement, débouté de ses demandes en paiement au titre d'une indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur la prétention à indemnisation pour 'préjudice résultant de l'absence de retenue à la source'
Le troisième moyen du pourvoi en cassation de Monsieur Z critiquait l'arrêt de la cour d'appel de Paris, pour violation de l'article 455 du code de procédure civile, faute de réponse par la juridiction à divers moyens des conclusions sur ce litige ; la Cour de cassation l'a écarté comme n'étant pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Devant la cour de céans, Monsieur Z soutient longuement sa réclamation, en énonçant l'historique, les montants établis par l'administration fiscale allemande, initialement en février 1998, puis en 2010, après clôture de la dette en avril 2008 ; il fait en définitive état d'une perte financière de 17.389 euros ;
Il impute à la société NOUVELLES FRONTIERES non seulement un manquement à l'obligation de retenue à la source, mais encore une transmission ultérieure, après contrôle fiscal, d'éléments erronés le concernant, notamment en majorant le montant de ses revenus des sommes qu'elle estimait détournées ;
Il ne rapporte pas la preuve des ces dernières affirmations ; par ailleurs la société NOUVELLES FRONTIERES réplique utilement que l'obligation de retenue à la source pesant sur l'employeur ne dispense pas le salarié de se soumettre à sa propre obligation déclarative annuelle ; au demeurant, en l'absence de retenue à la source, Monsieur Z a bénéficié d'une trésorerie plus avantageuse ; il ne soutient pas n'avoir pas été intégralement réglé de ses salaires et accessoires ;
Demeurent inexpliquées les raisons pour lesquelles sa dette, réduite de 7.497 euros au 27 septembre 2000, soit en deux ans, a fait l'objet ensuite, selon lui, de versements qui ont duré près de huit années, l'aggravant de 20.952 euros à 25.553 euros ; enfin, il affirme que son imposition était à calculer sur son salaire net, mais rien ne permet de retenir définitivement que les avantages tenant à l'indemnité d'expatriation et à l'indemnité de logement devaient être exclus de la base de calcul, alors en outre que ces avantages sont par lui intégrés lorsqu'il formule sa réclamation pour indemnité conventionnelle de licenciement ;
Dès lors le jugement qui a rejeté la prétention de ce chef doit être confirmé ;
Sur les prétentions de la société NOUVELLES FRONTIERES à obtenir remboursement
' du chef des sommes 'détournées'
La Cour de cassation, en énonçant que la cassation du chef de l'arrêt ayant dit que le licenciement reposait sur une faute lourde entraîne par voie de conséquence celle du chef de l'arrêt ayant condamné le salarié à payer des dommages-intérêts à son employeur, a nécessairement rappelé que seule la faute lourde est susceptible d'engager la responsabilité pécuniaire du salarié ;
L'objet de la demande de remboursement est bien l'objet même du licenciement en ce que l'employeur subit une perte de trésorerie ; il n'y a pas distinction entre les motifs du licenciement et un autre comportement du salarié ; à supposer même, sur la question du prêt par l'entreprise, qu'il soit retenu qu'à ce titre, il y ait eu sortie de l'exécution stricte du contrat de travail, la société NOUVELLES FRONTIERES devrait, comme elle l'indique elle-même (page 20 de ses écritures) prouver une faute intentionnelle, ce qu'elle ne fait pas ;
Il convient donc d'infirmer encore le jugement qui a prononcé à l'encontre de Monsieur Z une condamnation pour ce motif, et de rejeter les demandes, principale et subsidiaire, de majoration de condamnation réitérées par la société NOUVELLES FRONTIERES en cause d'appel ;
' du chef des sommes versées en exécution de la décision infirmée
Le présent arrêt, en ce qu'il infirme diverses condamnations, est à lui seul constitutif du titre ouvrant droit à remboursement ; la demande est sans objet ;
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Monsieur Z succombe en totalité et le jugement qui lui a alloué une indemnité de procédure doit être infirmé sur ce point ; s'agissant des demandes en cause d'appel, la sienne sera rejetée pour le même motif mais aucune considération d'équité ne commande de faire bénéficier la société NOUVELLES FRONTIERES des dispositions de ce texte ;

PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT par arrêt contradictoire mis à disposition et en dernier ressort,
DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de dommages-intérêts pour perte d'allocations ASSEDIC,
INFIRME le jugement du 7 novembre 2005, EXCEPTE en ce qui concerne le rejet de la demande de dommages intérêts pour préjudice fiscal ;
Statuant à nouveau,
DIT que Monsieur Z a commis une faute grave justifiant son licenciement du 8 octobre 1993 ;
REJETTE ses demandes en paiement d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
REJETTE la demande de la société NOUVELLES FRONTIERES TOURAVENTURE en remboursement de sommes 'détournées' ;
DÉCLARE sans objet sa demande de remboursement de sommes versées au titre de l'exécution provisoire ;
REJETTE toutes demandes respectives formées en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE à la charge de Monsieur Z les dépens.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Monsieur Jean-Marc ..., Président, et par Madame Sabine ..., greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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