Jurisprudence : CA Bourges, 25-11-2011, n° 11/00210, Infirmation

CA Bourges, 25-11-2011, n° 11/00210, Infirmation

A7716H4K

Référence

CA Bourges, 25-11-2011, n° 11/00210, Infirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/5660914-ca-bourges-25112011-n-1100210-infirmation
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SD/AC
R.G 11/00210
Décision attaquée
du 13 décembre 2010
Origine conseil de prud'hommes - formation de départage de Bourges
Mme Marie Z épouse Z
C/
SA THOMAS COOK VOYAGES
Expéditions aux parties le 25.11.11
Copie - Grosse
Me ... 25.11.11(CE)
Me ... 25.11.11
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2011
N° 298 - 8 Pages

APPELANTE
Madame Marie Z épouse Z

LE PERREUX SUR MARNE
Représentée par Me Marie-Pierre CHAZAT-RATEAU (avocate au barreau de BOURGES)
INTIMÉE
SA THOMAS COOK VOYAGES
92/98 Boulevard Victor Hugo
92115 CLICHY CEDEX
Représentée par Me Olivier ..., substitué par son collaborateur, Me Sylvain LEGRAND (avocats au barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré
PRÉSIDENT M. ...
CONSEILLERS Mme ...
M. ...
25 novembre 2011
GREFFIER LORS DES DÉBATS Mme DELPLACE
DÉBATS A l'audience publique du 14 octobre 2011, le président ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 25 novembre 2011 par mise à disposition au greffe.
ARRÊT Contradictoire - Prononcé publiquement le 25 novembre 2011 par mise à disposition au greffe.
* * * * *

Marie Z a été embauchée à compter du 3 octobre 2000 par la société HAWAS VOYAGES, devenue la SAS THOMAS COOK VOYAGES, en qualité d'agent de vente. Le 20 juin 2005, elle a été mutée à l'agence de Bourges en qualité de chef de section.
Elle a bénéficié d'un congé de maternité à compter du 19 septembre 2006, suivi d'un congé parental jusqu'au 21 février 2008. Suite à un échange de courriels et de courriers à compter de début décembre 2007, l'employeur a indiqué à Marie Z par courrier daté du 20 janvier 2008 qu' elle ne reprendrait pas son poste à l'agence de Bourges mais qu'elle devrait choisir entre les agences de Montargis ( 45 ) et de Vincennes ( 94 ).
Par courrier daté du 7 février 2008, elle a fait savoir à son employeur qu'elle refusait la proposition de mutation en raison de la communication d'éléments qu'elle jugeait insuffisants quant à l'activité de ces agences et à son futur statut.
La société THOMAS COOK VOYAGES lui faisait parvenir le 12 février 2008 une lettre recommandée avec demande d'avis de réception au terme de laquelle il lui était confirmée son affectation à l'agence de Montargis à compter du 22 février 2008. Le 18 février 2008, l'employeur assurait sa salariée que sa rémunération contractuelle serait maintenue.
Considérant qu'elle était victime d' une rétrogradation et d'une modification de son contrat de travail, Marie Z prenait acte de la rupture de son contrat de travail qu'elle imputait à son employeur par courrier du 21 février 2008. Elle a saisi le conseil de prud'hommes de Bourges le 25 mars 2008, demandant d'une part des rappels de salaires correspondant à la classification
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du poste qu'elle occupait et d'autre part des indemnités résultant de l'assimilation de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement partiel en date du 19 mars 2009, le conseil de prud'hommes a condamné la société THOMAS COOK VOYAGES au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, considérant que la qualification de chef d'agence devrait être reconnue à la salariée. Sur les autres demandes, le conseil s'est déclaré en partage de voix et a renvoyé l'affaire à une prochaine audience présidée par le juge départiteur.
La société THOMAS COOK VOYAGES a interjeté appel de cette décision. Par arrêt du 8 janvier 2010, la cour d'appel de Bourges a infirmé le jugement et rejeté la demande de Marie Z tendant à se voir reconnaître la qualification de chef d'agence, ainsi que les demandes de rappels de salaire subséquents. L'appel avait été expressément limité à ces seules questions.
L'affaire est revenue à l'audience du conseil de prud'hommes du 21 octobre 2011 pour le surplus des demandes.

Par jugement du 13 décembre 2010 le conseil de prud'hommes de Bourges a - débouté Marie Z de l'intégralité de ses demandes ;
- débouté la SAS THOMAS COOK VOYAGES de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Marie Z aux dépens.

Marie Z a interjeté appel de cette décision par lettre recommandée portant cachet de la poste du 16 février 2011.
Marie Z demande à la cour, infirmant la décision entreprise, de
- condamner la SAS THOMAS COOK VOYAGES à lui payer les sommes suivantes
* 6507,24 euros au titre du préavis ;
* 650,72 euros au titre des congés payés afférents ;
* 4112, 22 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
* 30'000 euros à titre de dommages-intérêts ;
* 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
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- ordonner à la SAS THOMAS COOK VOYAGES de lui remettre les documents sociaux conformes dans les 15 jours de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
- condamner la SAS THOMAS COOK VOYAGES aux entiers dépens.
Elle soutient que la rupture de son contrat de travail est imputable à son employeur qui ne lui a pas restitué son poste disponible à l'issue de son congé parental alors qu'un salarié avait été détaché pour occuper celui-ci pendant son congé maternité et ne s'est vu attribuer ce poste définitivement que le lendemain de la prise d'acte de rupture de son contrat de travail, son employeur ayant ainsi violé les dispositions de l'article L 1225-55 du code du travail ainsi que l'article 18 de la convention collective des agences de voyages.
Subsidiairement elle soutient que les emplois proposés n'étaient pas similaires et avec une rémunération équivalente à celui de l'agence de Bourges qui réalise en moyenne un chiffre d'affaires de 2,5 millions d'euros avec trois collaborateurs en sus du chef d'agence alors que celle de Montargis avec deux collaborateurs réalise un chiffre d'affaires de 1,3 million d'euros et celle de Vincennes 1 million d'euros avec une seule personne étant par ailleurs appelée à disparaître.
Elle fait par ailleurs valoir qu'affectée à une agence réalisant un chiffre d'affaires inférieur à l'agence de Bourges, elle ne pourrait percevoir qu' une rémunération moindre sur la partie variable, son employeur ne lui ayant jamais confirmé qu'elle percevrait une rémunération équivalente.
Elle soutient par ailleurs que son employeur a mis en oeuvre de mauvaise foi la clause de mobilité eu égard à la date de son retour.
Elle fait valoir que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail justifiée produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La SAS THOMAS COOK VOYAGES demande à la cour de constater que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail par Marie Z doit produire les effets d'une démission et en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à condamner Marie Z à lui payer la somme de 5415, 30 euros au titre du préavis, outre celle de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et tous les dépens.
Elle rappelle que la prise d' acte de rupture implique un manquement grave de l'employeur à ses obligations empêchant la poursuite du contrat de travail.
Elle fait valoir que le législateur n'impose pas à l'employeur de replacer la salariée de retour d'un congé parental dans le poste qui
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était le sien au moment de son départ alors que celui-ci n'est plus disponible comme en l'espèce, mais dans un poste similaire.
Elle soutient que les postes proposés dans le périmètre de mobilité de Marie Z ne caractérisaient en rien une modification de son contrat de travail correspondant au même emploi (Montargis) et même à une promotion (Vincennes).
Elle fait valoir qu'elle avait assuré sa salariée du maintien de sa rémunération contractuelle. Elle ajoute que les modalités de calcul de la partie variable de la rémunération n'auraient pas davantage été modifiées alors que les conditions d'atteinte d'objectifs de chiffre d'affaires sont adaptées à la taille de chaque point de vente et qu'ainsi l'agent en poste à Montargis suite au refus de Marie Z de prendre celui-ci recevait jusqu'en juin 2008 une rémunération variable supérieure à celui de Bourges.
Elle souligne la rapidité dont a fait preuve Marie Z dans la prise d'acte de rupture de son contrat de travail sans avoir expérimenté le poste proposé ou refusé celui-ci pour permettre à son employeur de se positionner.
Elle soutient que la prise d' acte de rupture non justifiée s'analysant d'une démission, elle est fondée à demander la condamnation de la salariée au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, peu important à cet égard qu'elle lui ait remis immédiatement son solde de tout compte.

MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la prise d'acte de rupture du contrat de travail
Attendu qu'aux termes de l'article L 1225-55 du code du travail " à l'issue du congé parental d'éducation ou de la période de travail à temps partiel ou dans le mois qui suit la demande motivée de reprise de l'activité initiale mentionnée à l'article L 1225-52 le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire avec une rémunération au moins équivalente " ;
Attendu qu'il résulte de cette rédaction et de l'emploi du mot 'ou' que la salariée doit retrouver au retour de son congé parental son précédent emploi lorsqu'il est disponible et que ce n'est qu'à défaut que l'employeur doit lui donner un emploi similaire avec une rémunération au moins équivalente ;
Attendu par ailleurs que l'article 18 de la convention collective des agences de voyages relatif au remplacement d'une salariée en congé parental par l'affectation d'un autre salarié sur son poste précise dans quelles conditions cette affectation temporaire prend fin au retour du titulaire du poste ;
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Attendu que la SAS THOMAS COOK VOYAGES ne saurait soutenir que le poste de Marie Z n'était pas disponible au retour de son congé parental dès lors que Pierre ... a été muté sur celui-ci par avenant à son contrat de travail signé le 25 février 2008 avec effet au 22 février 2008, soit le lendemain de la prise d'acte de rupture de son contrat de travail par Marie Z, cet avenant précisant en son article deux
" suite à son détachement sur le poste de Bourges M. Pierre ... est muté définitivement au sein de l'agence THOMAS COOK basée au Bourges " ;
Attendu qu'ainsi Marie Z devait, au retour de son congé parental, retrouver son poste de responsable d'agence à Bourges ;
Attendu qu' il sera de surcroît observé, contrairement à l'analyse erronée des premiers juges, que le poste qui lui était donné à Montargis dans le cadre de sa mutation n'était en rien similaire avec une rémunération équivalente même si les fonctions restaient les mêmes ; que tout d'abord autour du responsable d'agence il y avait deux salariés à Bourges contre un seul à Montargis ; que par ailleurs alors que Marie Z avait manifesté des inquiétudes sur le maintien de sa rémunération l'employeur faisant valoir que la partie variable n'était pas contractuellement garantie et qu'elle avait fait observer par courrier du 15 février 2008 que celle-ci dépendait de l'importance de l'agence, son employeur ne lui a jamais donné d'assurance précise et chiffrée ; qu'à cet égard le comparatif qu'il a établi entre les responsables d'agences de Montargis et de Bourges faisant apparaître une perception de 1774,49 euros pour le premier et de1136,29 euros pour le second est inopérant en raison de son caractère limité aux six premiers mois de l'exercice 2008 ne comprenant pas les mois d'été où les activités des agences de voyages sont très fortes ;
Attendu qu'ainsi la prise d'acte de rupture par Marie Z étant fondée, le jugement entrepris sera infirmé ;
- Sur les conséquences de la prise d' acte de rupture
Attendu que la prise d'acte de rupture d' un contrat de travail imputable à l'employeur produit les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
Attendu que lors de ce licenciement dénué de cause réelle et sérieuse Marie Z avait une ancienneté de sept ans et sept
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mois dans l'entreprise et percevait une rémunération mensuelle moyenne de 2169,08 euros ; qu' il lui sera ainsi alloué les sommes suivantes
- préavis 2169,08 euros x 3 mois = 6507,24 euros ;
- congés payés afférents 650,72 euros ;
- indemnité conventionnelle de licenciement ( 1/4 de 2169,08 euros ) x 7 ans et 7 mois 4112,22 euros ;
- dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse 16'000 euros ;
Attendu alors qu'il résulte des propres écritures de l'appelante que consécutivement à sa prise d' acte de rupture de son contrat de travail son employeur lui a remis dès le 29 février 2008 son certificat de travail et l'attestation ASSEDIC qui figurent par ailleurs à son dossier, il ne saurait y avoir lieu à remise de ces documents sous astreinte comme elle le demande ;
- Sur les dépens et demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que succombant la SAS THOMAS COOK VOYAGES supportera les dépens et ne saurait voir accueillie sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, étant fait application de ce texte au profit de Marie Z en lui allouant la somme de 1500 euros ;

Par ces motifs, la cour,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bourges du 13 décembre 2010 et statuant à nouveau
Condamne la SAS THOMAS COOK VOYAGES à payer à Marie Z les sommes suivantes
- 6507,24 euros au titre du préavis ;
- 650,72 euros au titre des congés payés afférents ;
- 4112,22 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 16'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
25 novembre 2011
- 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toutes demandes plus amples ou contraires des parties.
Condamne la SAS THOMAS COOK VOYAGES aux entiers dépens d' instance et d'appel.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par M. ..., président, et M. ..., greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
J-N. ... A. ...

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