SOC. PRUD'HOMMES AM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 7 décembre 2011
Cassation partielle
Mme MAZARS, conseiller doyen faisant fonction de
président
Arrêt no 2601 FS-P+B
Pourvoi no R 10-15.119
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Francis Z, domicilié Morbecque,
contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2010 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Transports Coeur, société par actions simplifiée, dont le siège est Merville,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 9 novembre 2011, où étaient présents Mme Mazars, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gosselin, conseiller rapporteur, M. Trédez, conseiller faisant fonction de doyen, MM. Blatman, Chollet, Linden, Ballouhey, Mmes Goasguen, Vallée, conseillers, Mmes Mariette, Sommé, M. Flores, Mme Wurtz, M. Becuwe, Mme Ducloz, M. Hénon, Mme Brinet, conseillers référendaires, M. Cavarroc, avocat général, Mme Bringard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Gosselin, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. Z, l'avis de M. Cavarroc, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu selon l'arrêt attaqué que M. Z a été engagé en mai 1990 par la société Transports Coeur en qualité de conducteur routier longue distance ; qu'ayant été licencié le 7 mars 2006 pour inaptitude définitive à son poste de travail et impossibilité de reclassement, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappels de salaire à titre d'heures supplémentaires incluant les primes de nuit versées au titre de l'article 3-1 de l'accord du 14 novembre 2001 relatif au travail de nuit dans les transports routiers de marchandises et de paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue par l'article 11 ter de l'annexe I de la convention collective nationale des transports routiers en cas d'incapacité définitive à la conduite ;
Sur le premier moyen
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de rappel de salaire au titre de l'intégration de la prime de 20% du taux horaire, due en contrepartie du travail de nuit, dans l'assiette de calcul des heures supplémentaires, alors, selon le moyen
1o/ que l'article 3.1 de l'accord de branche du 14 novembre 2001 relatif au travail de nuit dans les transports routiers de marchandises stipule que le personnel perçoit en contrepartie du travail de nuit une prime horaire égale à 20% du taux horaire conventionnel à l'embauche du coefficient 150 M, quelles que soient la catégorie et la classification du salarié concerné, et que cette prime horaire doit être prise en compte dans l'assiette de calcul des majorations pour heures supplémentaires ; qu'en l'espèce, M. Z sollicitait un rappel de salaire en faisant valoir que les primes de nuit n'avaient pas été incluses dans l'assiette de son salaire servant au calcul des heures majorées de 25% ou de 50% qui lui avaient été rémunérées ; qu'en le déboutant de sa demande au motif erroné que l'article 3.1 ne s'appliquait qu'aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la 43ème heure par semaine ou de la 186ème heure par mois et non aux heures effectuées de la 36ème heure à la 43ème heure incluse ou de la 153ème heure à la 186ème heure incluse, qui étaient sujettes à une majoration de 25% et devaient donc ouvrir droit à la prise en compte de la prime pour travail de nuit au sens de l'article 3-1 de l'accord de branche du 14 novembre 2001 relatif au travail de nuit dans les transports routiers de marchandises la cour d'appel a violé ce texte ;
2o/ que, en toute hypothèse, la cour d'appel a constaté qu'en application de l'article 3.1 de l'accord de branche du 14 novembre 2001 relatif au travail de nuit dans les transports routiers de marchandises, les primes de nuit devaient être intégrées dans l'assiette servant de base au calcul des heures effectuées au-delà de la 43ème heure par semaine ou de la 186ème heure par mois ; qu'elle a par ailleurs constaté que M. Z avait effectué de telles heures supplémentaires ; qu'en déboutant néanmoins M. Z de l'intégralité de sa demande, quand il ressortait pourtant de ses constatations que sa demande était fondée en tant qu'elle portait sur l'intégration des primes de nuit dans l'assiette servant de base au calcul des heures supplémentaires effectuées au-delà de la 43ème heure, la cour d'appel a violé l'article 3.1 de l'accord susvisé ;
Mais attendu, d'une part, que, selon l'article 3.1 de l'accord de branche relatif au travail de nuit dans les transports routiers de marchandises, la prime horaire de 20% au titre du travail de nuit doit être prise en compte dans l'assiette de calcul des majorations pour heure supplémentaire ;
Attendu, d'autre part, qu'il résulte de l'article 2 du décret no 2002-622 du 25 avril 2002 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises que ne sont considérées comme heures supplémentaires pour les personnels roulants marchandises que celles effectuées au-delà de 43 heures par semaine ou 186 heures par mois ;
Et attendu que la cour d'appel a exactement décidé que la prime de nuit ne pouvait être prise en compte dans l'assiette de calcul de la majoration de 25%, prévue par l'accord de branche du 23 avril 2002, applicable aux heures de service effectuées entre la 36ème et la 43ème heure, qui ne peuvent être considérées comme des heures supplémentaires ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen
Vu l'article 11 ter de l'annexe I à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport Attendu qu'il résulte de ce texte qu'en cas d'incapacité définitive à la conduite entraînant le retrait du permis de conduire de la catégorie attachée à son emploi pour inaptitude physique constatée par une commission médicale départementale, en l'absence de reclassement et à condition que le salarié justifie de trois ans d'exercice du métier de conducteur dans l'entreprise, le conducteur bénéficie d'une indemnité conventionnelle particulière dont le montant varie en fonction de son ancienneté ; que ce texte a vocation à s'appliquer en cas d'inaptitude définitive au poste de conducteur routier prononcée par le médecin du travail dès lors que le salarié est resté dans l'incapacité physique de reprendre son ancienne profession ;
Attendu que pour rejeter la demande de paiement de cette indemnité l'arrêt retient, d'une part, que le salarié ne démontre pas qu'il remplit les conditions d'octroi de l'indemnité visée par l'article 11 ter de la convention collective, d'autre part, qu'au-delà de la question sur la réalité d'une proposition d'un nouvel emploi par l'employeur et de sa rémunération, il convient de constater que le salarié ne justifie pas d'une incapacité définitive à la conduite ayant entraîné le retrait du permis de conduire de la catégorie attachée à son emploi pour inaptitude physique constatée par une commission médicale départementale ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser si le salarié était dans l'incapacité définitive de reprendre son ancienne profession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de paiement d'une indemnité au titre de l'article 11 ter de l'annexe I de la convention collective des transports routiers, l'arrêt rendu le 29 janvier 2010 entre les parties par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Transports Coeur aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. Z la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour M. Z.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Z de sa demande tendant à ce que la société Transports Coeur soit condamnée à lui verser la somme de 487,77 euros sur le fondement de l'article 3-1 du protocole d'accord relatif au travail de nuit dans les transports routiers de marchandises ;
AUX MOTIFS QU'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Z de sa demande dès lors que le protocole d'accord du 14 novembre 2001 ne prévoit la prise en compte de la prime de nuit que dans l'assiette de calcul de la majoration due au titre des heures supplémentaires et non au titre des autres heures de service ; qu'en effet, les heures de service au-delà de la 43ème heure par semaine ou 186 heures par mois ont la nature d'heures supplémentaires ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE M. Z ne fournit aucun élément probant pouvant justifier son mode de calcul ; que le conseil le déboute en conséquence de sa demande ;
1o) ALORS QUE l'article 3.1 de l'accord de branche du 14 novembre 2001 relatif au travail de nuit dans les transports routiers de marchandises stipule que le personnel perçoit en contrepartie du travail de nuit une prime horaire égale à 20% du taux horaire conventionnel à l'embauche du coefficient 150 M, quelles que soient la catégorie et la classification du salarié concerné, et que cette prime horaire doit être prise en compte dans l'assiette de calcul des majorations pour heures supplémentaires ; qu'en l'espèce, M. Z sollicitait un rappel de salaire en faisant valoir que les primes de nuit n'avaient pas été incluses dans l'assiette de son salaire servant au calcul des heures majorées de 25% ou de 50% qui lui avaient été rémunérées ; qu'en le déboutant de sa demande au motif erroné que l'article 3.1 ne s'appliquait qu'aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la 43ème heure par semaine ou de la 186ème heure par mois et non aux heures effectuées de la 36ème heure à la 43ème heure incluse ou de la 153ème heure à la 186ème heure incluse, qui étaient sujettes à une majoration de 25% et devaient donc ouvrir droit à la prise en compte de la prime pour travail de nuit au sens de l'article 3-1 de l'accord de branche du 14 novembre 2001 relatif au travail de nuit dans les transports routiers de marchandises la cour d'appel a violé ce texte ;
2o) ALORS QUE, en toute hypothèse, la cour d'appel a constaté qu'en application de l'article 3.1 de l'accord de branche du 14 novembre 2001 relatif au travail de nuit dans les transports routiers de marchandises, les primes de nuit devaient être intégrées dans l'assiette servant de base au calcul des heures effectuées au-delà de la 43ème heure par semaine ou de la 186ème heure par mois ; qu'elle a par ailleurs constaté que M. Z avait effectué de telles heures supplémentaires (page 5 de l'arrêt) ; qu'en déboutant néanmoins M. Z de l'intégralité de sa demande, quand il ressortait pourtant de ses constatations que sa demande était fondée en tant qu'elle portait sur l'intégration des primes de nuit dans l'assiette servant de base au calcul des heures supplémentaires effectuées au-delà de la 43ème heure, la cour d'appel a violé l'article 3.1 de l'accord susvisé.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR débouté M. Z de sa demande d'indemnité de licenciement calculée en application de l'article 11 ter de l'annexe I de la convention collective nationale des transports routiers ;
AUX MOTIFS QUE M. Z doit être débouté de sa demande dès lors qu'il ne démontre pas qu'il remplit les conditions d'octroi de l'indemnité visée par l'article 11 ter de la convention collective des transports routiers, qui peut se substituer à l'indemnité conventionnelle de licenciement que M. Z a perçue ; qu'en effet, au-delà de la question sur la réalité d'une proposition d'un nouvel emploi par l'employeur et de sa rémunération, il convient de constater que M. Z ne justifie pas d'une incapacité définitive à la conduite ayant entraîné le retrait au permis de conduire de la catégorie attachée à son emploi pour inaptitude physique constatée par une commission départementale ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris sur ce point ;
ALORS QU'il résulte de l'article 11 ter de l'annexe I de la convention collective nationale des transports routiers qu'en cas d'incapacité définitive à la conduite, tout conducteur bénéficiant dans l'entreprise d'au moins trois ans d'exercice du métier de conducteur bénéficie d'une indemnité spéciale de licenciement ; qu'en l'espèce, M. Z a été déclaré définitivement inapte à son poste de conducteur routier par le médecin du travail le 14 février 2006 et a été licencié le 7 mars 2006 pour inaptitude à son poste de travail ; qu'en jugeant que M. Z n'était pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 11 ter de la convention collective pour le calcul de son indemnité de licenciement, la cour d'appel a violé cette disposition.