COMM. MF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 29 novembre 2011
Rejet
Mme FAVRE, président
Arrêt no 1188 F-D
Pourvoi no C 10-27.757
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Jean-Claude Z, domicilié Marmande,
contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2010 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant
1o/ au trésorier représentant la Trésorerie de Villeneuve-sur-Lot, domicilié Villeneuve-sur-Lot,
2o/ au trésorier représentant la Trésorerie de Villeneuve-sur-Lot, domicilié Villeneuve-sur-Lot,
3o/ au trésorier général représentant la Trésorerie générale, domicilié Marmande,
4o/ au trésorier représentant la Trésorerie de Seyches, domicilié Seyches,
5o/ au receveur principal des finances publiques, domicilié Villeneuve-sur-Lot,
6o/ au receveur principal de Marmande, domicilié Marmande,
7o/ à M. Adrien Y, domicilié SCP Sainte-Bazeille,
8o/ à M. W, domicilié SCP Sainte-Bazeille,
9o/ au directeur général des finances publiques, domicilié Paris,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 2 novembre 2011, où étaient présents Mme Favre, président, Mme Bregeon, conseiller rapporteur, M. Petit, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bregeon, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. Z, de Me Foussard, avocat du chef du service des impôts des particuliers de Villeneuve-sur-Lot, du trésorier de Miramont de Guyenne, du chef du services des impôts des entreprises de Marmande et du directeur général des finances publiques, l'avis de Mme Batut, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 21 septembre 2010) et les pièces produites, que M. Z, rapatrié d'Algérie, a été placé en liquidation des biens le 20 mars 1979 ; que, le 5 février 2002, la cour d'appel de Bordeaux a ordonné l'arrêt des effets de cette procédure collective après que, le 26 avril 1982, M. Z eut saisi la commission départementale de remise et d'aménagement des prêts aux rapatriés puis obtenu, par arrêt de la cour d'appel d'Agen du 9 juillet 1984, la suspension des poursuites engagées contre lui jusqu'à la décision de la susdite commission et que, le 15 juillet 1999, il eut demandé son admission au bénéfice du dispositif de désendettement des rapatriés institué par le décret no 99-469 du 4 juin 1999 ; qu'en son ancienne qualité de marchand de biens, M. Z demeure débiteur de diverses impositions ; que M. Z a saisi le tribunal de grande instance afin de faire constater la prescription des créances fiscales et d'obtenir la mainlevée d'inscriptions d'hypothèques prises sur des biens immobiliers lui appartenant ;
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à la constatation de la prescription des créances du comptable des impôts alors, selon le moyen
1o/ qu'aux termes de l'article 100 de la loi no 97-1269 du 30 décembre 1997, les personnes qui ont déposé un dossier avant le 18 novembre 1997 auprès des Commissions départementales d'aide aux rapatriés réinstallés dans une profession non salariée (dites Codair) bénéficient d'une suspension provisoire des poursuites engagées à leur encontre jusqu'à la décision de l'autorité administrative compétente ; que ces dispositions s'appliquent également aux procédures collectives et aux mesures conservatoires à l'exclusion des dettes fiscales ; que le bénéfice de ces dispositions implique l'arrêt total des effets et du déroulement de la procédure collective, seul le recouvrement des dettes fiscales pouvant être poursuivi en dehors de cette procédure ; qu'ainsi, entre le 26 avril 1982, date de la saisine par M. Scotti Z Z Z départementale en application de la loi du 6 janvier 1982, et l'entrée en vigueur de l'article 21 de la loi du 30 décembre 1999 étendant la protection légale aux dettes fiscales, la procédure collective ouverte le 20 mars 1979 à l'encontre de M. Z avait cessé tout effet, et l'administration fiscale, à qui n'était pas opposable la protection propre aux rapatriés, avait recouvré son droit de poursuite pour les dettes fiscales ; qu'il en résulte qu'en l'état de la carence non contestée de l'administration fiscale à poursuivre le recouvrement des dettes fiscales déclarées dans le cadre de la liquidation de biens de M. Z jusqu'au 30 décembre 1999, date à laquelle la protection propre aux rapatriés a été étendue aux dettes fiscales, la prescription était acquise, si bien que la cour d'appel a violé les articles L. 274 et L. 275 du livre des procédures fiscales ;
2o/ qu'à supposer que les effets de la procédure collective n'aient cessé qu'en suite de l'arrêt du 5 février 2002, le cours de la prescription aurait repris pour les dettes fiscales à la date de cette décision déclarative de droits, et non de sa notification, si bien qu'elle serait acquise au 14 avril 2006, et que la cour d'appel aurait méconnu les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 100 de la loi du 30 décembre 1997, ensemble les articles L. 274 et L. 275 du livre des procédures fiscales ;
Mais attendu, d'une part, qu'il résulte des dispositions des articles 6, 7 et 9 de la loi no 82-4 du 6 janvier 1982 que seules les poursuites engagées pour les prêts de réinstallation des rapatriés, ou les prêts complémentaires, étaient suspendues de plein droit à compter de la saisine de la commission départementale et que la suspension accordée par le président de la commission, ou le juge saisi d'une poursuite, devait concerner les poursuites engagées à raison de dettes directement liées à l'exploitation ; qu'il est constant que les impositions litigieuses étaient directement liées à l'activité de marchand de biens du demandeur qui avait obtenu de la cour d'appel d'Agen, le 9 juillet 1984, la suspension des poursuites engagées contre lui ; que l'exclusion des dettes fiscales de la suspension provisoire des poursuites résulte d'un texte postérieur, lequel ne pouvait avoir d'effet rétroactif sur cette suspension ;
Et attendu, d'autre part, qu'après avoir constaté que M. Z avait déposé, le 15 juillet 1999, une demande afin de bénéficier de mesures prises en faveur des rapatriés, sur laquelle la commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée avait statué par décision du 27 septembre 2005 notifiée le 17 novembre suivant, la cour d'appel retient, par un motif non critiqué, que le comptable des impôts n'avait été en droit de reprendre les poursuites en recouvrement qu'à compter du 18 novembre 2005 et qu'il n'était pas déchu de son droit d'agir lorsqu'il a fait délivrer le commandement de payer du 14 avril 2006 ; que l'arrêt se trouve ainsi justifié ;
D'où il suit que le moyen, qui est inopérant en ce qu'il fixe au 26 avril 1982 le commencement de la période d'exclusion des dettes fiscales du régime de protection des rapatriés, ne peut être accueilli pour le surplus ;
Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour M. Z
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Z de sa demande tendant à voir juger prescrites des dettes fiscales, et à voir ordonner la mainlevée des hypothèques inscrites sur les biens immobiliers en cause ;
AUX MOTIFS QU'il n'est point contesté que le Comptable des impôts de MARMANDE a effectué des productions de créances au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de Monsieur Z les 2 avril 1979, 17 mai 1979, 26 février 1980, 17 juin 1980 et 24 octobre 1980 ; que c'est à bon droit que le premier juge a considéré que la déclaration de créance à la procédure collective du débiteur constitue une demande en justice qui interrompt la prescription ; qu'il faut souligner qu'il est de jurisprudence constante que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective, et qu'en l'espèce, il s'est prolongé jusqu'au 5 février 2002, date à laquelle l'arrêt de la Cour d'appel de BORDEAUX a mis fin à la procédure collective ; qu'en outre, il convient de relever que les articles 35 et 80 de la loi du 13 juillet 1967, invoqués par Monsieur Z à l'appui de ses prétentions, ne font qu'ouvrir, pour les comptables publics, une simple possibilité et non une obligation de recourir, pour les créances privilégiées, aux mesures d'exécution, et ce sous diverses modalités ; qu'en l'espèce, le Comptable des impôts de MARMANDE n'a retrouvé l'exercice individuel de ses actions qu'à compter de la notification de l'arrêt de la Cour d'appel de BORDEAUX en date du 5 février 2002 qui a mis fin à la procédure collective ouverte à l'encontre de Monsieur Z par jugement du Tribunal de commerce de MARMANDE en date du 20 mars 1979 ; que contrairement aux prétentions de Monsieur Z, l'arrêt de la Cour d'appel de BORDEAUX en date du 5 février 2002 n'a pas produit un effet rétroactif et n'a pas rendu les créances prescrites, mais il a fait recommencer à courir, à compter de sa notification aux créanciers inscrits, le délai de prescription édicté par l'article L. 274 du Livre des procédures fiscales ; qu'il s'ensuit que la prescription de l'action en recouvrement édictée par l'article L. 274 du Livre des procédures fiscales n'a pas couru jusqu'à la notification de l'arrêt susvisé, le 17 janvier 2003, à la Recette principale des impôts de MARMANDE ; que Monsieur Z ayant déposé, le 15 juillet 1999, une demande à l'effet de bénéficier des mesures prises en faveur des rapatriés, le Comptable des impôts de MARMANDE n'a pas été en droit de reprendre les poursuites en recouvrement tant que la Commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée n'avait pas statué sur sa demande ; que celle-ci a rejeté la demande de Monsieur Z par une décision du 27 septembre 2005 notifiée le 17 novembre 2005 ; qu'en conséquence, le Comptable des impôts de MARMANDE n'a été en droit de reprendre les poursuites en recouvrement à l'encontre de Monsieur Z qu'à compter du 18 novembre 2005 ; qu'il n'est point contesté que le Comptable des impôts de MARMANDE a repris les poursuites en recouvrement en faisant signifier à Monsieur Z, par acte d'huissier en date du 14 avril 2006, une mise en demeure valant commandement de payer qui énumère tous les avis de mise en recouvrement pour un montant total de 117 747,01 euros ; que cette mise en demeure a été suivie d'un acte de poursuite sous forme d'un avis à tiers détenteur en date du 20 juillet 2007 dont Monsieur Z a accusé réception le 26 juillet 2007 ; que force est de constater que le moyen de droit soulevé par Monsieur Z, tenant à la prescription des créances fiscales, est mal fondé et que le Comptable des impôts de MARMANDE n'est pas déchu de tous droits et de toute action contre Monsieur Z au sens des dispositions de l'article L. 274 du Livre des procédures fiscales ;
ALORS QUE, D'UNE PART, aux termes de l'article 100 de la loi no 97-1269 du 30 décembre 1997, les personnes qui ont déposé un dossier avant le 18 novembre 1997 auprès des Commissions départementales d'aide aux rapatriés réinstallés dans une profession non salariée (dites CODAIR) bénéficient d'une suspension provisoire des poursuites engagées à leur encontre jusqu'à la décision de l'autorité administrative compétente ; que ces dispositions s'appliquent également aux procédures collectives et aux mesures conservatoires à l'exclusion des dettes fiscales ; que le bénéfice de ces dispositions implique l'arrêt total des effets et du déroulement de la procédure collective, seul le recouvrement des dettes fiscales pouvant être poursuivi en dehors de cette procédure ; qu'ainsi, entre le 26 avril 1982, date de la saisine par Monsieur Z de la Commission départementale en application de la loi du 6 janvier 1982, et l'entrée en vigueur de l'article 21 de la loi du 30 décembre 1999 étendant la protection légale aux dettes fiscales, la procédure collective ouverte le 20 mars 1979 à l'encontre de Monsieur Z avait cessé tout effet, et l'administration fiscale, à qui n'était pas opposable la protection propre aux rapatriés, avait recouvré son droit de poursuite pour les dettes fiscales ; qu'il en résulte qu'en l'état de la carence non contestée de l'administration fiscale à poursuivre le recouvrement des dettes fiscales déclarées dans le cadre de la liquidation de biens de Monsieur Z jusqu'au 30 décembre 1999, date à laquelle la protection propre aux rapatriés a été étendue aux dettes fiscales, la prescription était acquise, si bien que la Cour d'appel a violé les articles L. 274 et L. 275 du Livre des procédures fiscales ;
ALORS AU SURPLUS QU'à supposer que les effets de la procédure collective n'aient cessé qu'en suite de l'arrêt du 5 février 2002, le cours de la prescription aurait repris pour les dettes fiscales à la date de cette décision déclarative de droits, et non de sa notification, si bien qu'elle serait acquise au 14 avril 2006, et que la Cour d'appel aurait méconnu les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 100 de la loi du 30 décembre 1997, ensemble les articles L. 274 et L. 275 du Livre des procédures fiscales.
SECOND MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Z de sa demande de suspension des poursuites, et de mainlevée des hypothèques inscrites sur ses biens immobiliers ;
AUX MOTIFS QUE le moyen de droit soulevé par Monsieur Z tenant à la prescription des créances fiscales est mal fondé ;
ALORS QUE, comme l'avait montré Monsieur Z dans ses conclusions (no 5, p. 6 et p. 11 à 14), il résulte de l'application combinée des dispositions de l'article 100 de la loi du 30 décembre 1997, modifiées par l'article 25 de la loi no 98-1267 du 30 décembre 1998 et complétées par l'article 5 du décret no 99-469 du 4 juin 1999, de l'article 21 de la loi de finances rectificative no 99-1173 du 30 décembre 1999, modifié par l'article 62-4 de la loi de finances no 2000-1353 du 30 décembre 2000 que "les personnes qui ont déposé un dossier auprès d'une commission d'aide aux rapatriés réinstallés dans une profession non salariée ou auprès de la Commission nationale de désendettement des rapatriés bénéficient de plein droit d'une suspension provisoire de poursuites engagées à leur encontre jusqu'à la décision définitive de l'autorité administrative compétente, jusqu'à la décision de l'autorité administrative ayant eu à connaître des recours gracieux contre celle-ci le cas échéant, ou, en cas de recours contentieux, jusqu'à la décision définitive de l'instance juridictionnelle compétente ; que ces dispositions s'imposent à toutes les juridictions, même sur recours en cassation, et s'appliquent aux procédures collectives et aux mesures conservatoires ainsi qu'aux dettes fiscales " ; qu'ainsi,la Cour d'appel qui a rejeté la demande de suspension des poursuites présentée par Monsieur Z sans rechercher, en réfutation des conclusions de l'exposant faisant valoir que son recours devant les juridictions administratives contre la décision de la CONAIR du 27 septembre 2005, notifiée par lettre datée du 10 novembre 2005, était toujours pendant, si l'autorité juridictionnelle compétente saisie avait définitivement statué sur le recours de Monsieur Z, a entaché sa décision d'un défaut de réponse aux conclusions, violant l'article 455 du Code de procédure civile.